18 septembre 2020
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 18/08172

Chambre 4-8

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8



ARRÊT AU FOND

DU 18 SEPTEMBRE 2020



N°2020/.













Rôle N° RG 18/08172 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCN54







[V] [X]





C/



Organisme RSI



























Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Gisèle PORTOLANO

Me Jean-Marc

SOCRATE

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOUCHES-DU-RHONE en date du 05 Février 2018,enregistré au répertoire général sous le n° 21303542.





APPELANT



Monsieur [V] [X], demeurant [Adresse 1]



représenté par Me Gisèle PORTOLANO, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE





INTIMEE



Organisme RSI, demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Jean-Marc SOCRATE, avocat au barreau de MARSEILLE















COMPOSITION DE LA COUR





En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :





Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre

Madame Marie-Pierre SAINTE, Conseiller

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller







Greffier lors des débats : Madame Laura BAYOL.



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2020.







ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2020



Signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre et Madame Laura BAYOL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






















































Par requête du 13 juin 2013, M. [X] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône d'une opposition à la contrainte émise le 14 mai 2013 par la caisse nationale du régime social des indépendants pour un montant de 19.110 euros au titre des cotisations et majorations de retard afférentes aux 3ème et 4ème trimestre 2012, et signifiée le 29 mai 2013.



Par jugement du 5 février 2018, notifié le 16 avril 2018, le tribunal a donné acte au RSI de son désistement et constaté l'extinction de l'instance et le dessaisissement du tribunal.



Par déclaration reçue au greffe de la cour le 14 mai 2018, M. [X] a régulièrement relevé appel de ce jugement.



A l'audience du 25 juin, M. [X] reprend oralement son jeu de conclusions n°3. Il demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, d'annuler la mise en demeure du 6 décembre 2012, la contrainte du 14 mai 2013 et la signification de la contrainte du 29 mai 2013, de condamner l'Urssaf à lui rembourser la somme de 23.957 euros au titre d'un trop versé sur les cotisations 2014, de condamner l'Urssaf à lui payer la somme de 2.400€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la caisse déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants Provence-Alpes, sous astreinte de 100 euros par jour de retard 'à compter du mois suivant la notification qui sera faite de ce jugement' à réintégrer et comptabiliser la période correspondant aux 3ème et 4ème trimestre 2012 dans le calcul des retraites.



Au soutien de ses prétentions, M. [X] fait valoir :



sur la nullité de la mise en demeure, que faute de signature et d'identification possible de l'auteur, la mise en demeure est contraire aux prescriptions de l'article 4 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relatif aux actes administratifs.

Il réfute l'application d'arrêts de la Cour de cassation dont se prévaut le RSI, faute pour la mise en demeure de mentionnner la dénomination de l'autorité administrative concernée, soutenant que la dénomination 'RSI PROVENCE-ALPES', soit par sigle ou acronyme, figurant sur la mise en demeure ne correspond pas à la dénomination de l'autorité administrative chargée à l'époque du recouvrement des créances des salariés indépendants selon l'ordonnance 2005-1528 du 8 décembre 2005 qui visait le 'régime social des indépendants'.

En cas de doute sur l'interprétation de la jurisprudence, il sollicite la saisine de la Cour de cassation pour avis sur la question de savoir 'si la mise en demeure, décision unilatérale, prise pour l'exécution d'un service public administratif, qui met en oeuvre des prérogatives de puissance publique est un acte administratif', en application des articles L.441-1 et suivants, R.441-1 et suivants du code de l'organisation judiciaire et 1031-1 et suivants du code de procédure civile.



Sur la nullité de la contrainte décernée, M. [X] souligne que la contrainte du 14 mai 2013 a été signée par M. [W] en qualité de 'directeur de la caisse nationale RSI et par délégation' et que la délégation de pouvoir produite par le RSI doit lui être déclarée inopposable dés lors que qu'il n'est pas démontré que M. [W] avait toujours la qualité de 'directeur de contentieux dans la circonscription du service inter caisses du RSI secteur Sud-Est' visée dans la délégation de pouvoir du 7 juillet 2011, au jour de la contrainte le 14 mai 2013. Il argue de la mention, dans la délégation de pouvoir, selon laquelle elle serait caduque du seul fait du changement de fonction du déléguant ou du délégataire.



Sur la signification de contrainte en date du 29 mai 2013, M. [X] soutient qu'elle ne peut être réalisée sur requête de M. [W], faute pour lui de disposer d'une délégation de pouvoir valable.



Par ailleurs, M. [X] considère que dès lors qu'il s'est acquitté de son obligation de paiement des cotisations des 3ème et 4ème trimestres 2012, la contrainte est sans objet. En outre, il fait valoir que sur un appel de cotisations d'un montant de 30.621 euros pour l'année 2012, il a payé 26.184 euros et qu'au regard du chiffre d'affaires réel le RSI a sollicité une cotisation annuelle définitive de 2.227 euros de sorte qu'il a trop versé la somme de 23.957 euros (26.184 - 2.227).



Il justifie le remboursement des frais irrépétibles par l'obligation d'organiser sa défense, en recourant à un expert comptable et un avocat.



L'Urssaf reprend oralement ses 'conclusions additionnelles' et demande à la cour de confirmer le jugement dans toutes ses dispositions, de constater la validité de la délégation du signataire de la contrainte et en conséquence de débouter M. [X] de toutes ses demandes.



L'URSSAF fait valoir que l'article 4-1 de la loi 2000-321 du 12 avril 2000 invoqué par M. [X] a été créé par la loi 2014-1545 du 20 décembre 2014, postérieurement à l'émission de la mise en demeure du 18 février 2013, de sorte qu'il ne peut lui être opposé.

En outre, elle reprend l'avis de la Cour de cassation n° 0040002P du 22 mars 2004 pour faire valoir qu'il est constant que la mise en demeure délivrée par elle à M. [X] n'est pas un acte administratif auquel s'appliquent les dispositions de la loi invoquée.

Elle considère que la mise en demeure satisfait aux exigences de l'article R.244-1 du code de la sécurité sociale et l'usage de l'acronyme RSI en lieu et place de la dénomination 'régime social des indépendants, ne saurait entraîner la nullité de l'acte.



Par ailleurs, l'Urssaf rappelle qu'au 1er juillet 2006, le Régime Social des Indépendants s'est substitué aux différents régimes antérieurs (AVA CANCAVA, ORGANIC et AMPI) et que celui-ci, conformément à l'article R. 111-1 du code de la sécurité sociale, est constitué d'une caisse nationale et des caisses de base au nombre desquelles se trouve la caisse RSI PROVENCE ALPES et la caisse nationale assure sa mission de recouvrement jusqu'au 31 décembre 2015 par l'intermédiaire des 'services inter caisses du contentieux'. Elle explique qu'à compter du 1er janvier 2016, le recouvrement est assuré par les caisses régionales.



L'Urssaf se fonde sur les articles R. 133-4 , L. 122-1 et R. 611-16 du code de la sécurité sociale et la mention des nom et signature sur la contrainte de M. [P] [W], ayant reçu délégation de pouvoir de M. [D] [K] le 7 juillet 2011, pour conclure à la régularité de la contrainte.



S'agissant des cotisations appelées, l'URSSAF rappelle que les cotisations ont été calculées conformément aux textes en vigueur, les cotisations provisionnelles relatives à l'année 2012 ayant été calculées initialement sur les revenus déclarés en 2010 soit la somme de 84.013 euros puis lors de la déclaration de revenus de l'année 2012 ayant été régularisées sur le revenu ainsi déclaré soit la somme de 4.534 euros. Les cotisations définitives relatives à l'année 2012 ayant été ramenées à la somme de 2.277 euros, les règlements effectués en 2012 ont été crédités sur les cotisations débitrices du compte cotisant.Elle conclut que les cotisations définitives relatives à l'année 2012 ont été soldées.



S'agissant de la demande de versement d'une astreinte à hauteur de 100 euros par jour de retard l'Urssaf fait valoir que la demande est disproportionnée et infondée.



Enfin, elle considère que la multiplicité des procédures engagées par M. [X] pour des motifs toujours identiques démontre son intention de nuire et justifie une amende civile.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l'audience.






MOTIFS





Sur la nullité de la mise en demeure



L'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, applicable à la date de la mise en demeure du 6 décembre 2012, prévoit que toute décision prise par les autorités administratives doit comporter la signature de son auteur, la mention en caractères lisibles du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.



Mais il est constant que l'omission des mentions prévues par l'article 4, alinéa 2, de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 n'est pas de nature à justifier l'annulation par les juridictions statuant en matière de contentieux général de la sécurité sociale des mises en demeure délivrées par les URSSAF, dès lors que la dénomination de l'organisme qui les a émises est précisée.



En l'espèce, le défaut de signature, de mention des prénom, nom et qualité de l'auteur de la mise en demeure établie le 6 décembre 2012 par la caisse du RSI n'est pas de nature à entraîner sa nullité, dès lors qu'il est expressément indiqué qu'elle est 'délivrée par : RSI PROVENCE-ALPES'.



Contrairement à ce qui est indiqué par M. [X], l'usage de l'acronyme RSI plutôt que la dénomination légale de 'Régime Social des Indépendants', n'invalide pas la mise en demeure.

En conséquence, sans qu'il y ait besoin de solliciter un avis auprès de la Cour de cassation ayant déjà statué à plusieurs reprises sur l'interprétation des dispositions de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, il convient de ne pas retenir la nullité de la mise en demeure.



Sur la nullité de la contrainte et sa signification par huissier



Il résulte des dispositions des articles R.133-3, R.133-4 et R.611-16 du Code de la sécurité sociale, dans leur version applicable aux faits de l'espèce, que la contrainte doit être signée par le directeur de l'organisme de recouvrement ou son délégataire.



En l'espèce, la contrainte établie le 14 mai 2013 par la Caisse nationale du RSI à l'encontre de M. [X] pour un montant global de 19.110 euros au titre des 3ème et 4ème trimestres 2012 est signée par [P] [W] sous la mention 'Le Directeur de la caisse nationale du RSI ou par délégation'.



Or, selon délégation de pouvoir datée du 7 juillet 2011, le directeur général de la caisse du RSI a bien donné pouvoir à [P] [W], en qualité de directeur de contentieux, de 'réaliser les opérations suivantes dans la circonscription du service inter-caisses du contentieux du RSI Secteur Sud Est : délivrer, signer et notifier les contraintes des articles L.244-9, R.133-3 et 612-11 al.2 et D.633-15 du CSS(...)'.



Il importe peu que la délégation de pouvoir prévoit qu' 'elle cesse automatiquement en cas de changement de fonction du délégant ou du délégataire', dès lors qu'il n'est pas démontré un changement de fonction avant l'émission de la contrainte le 14 mai 2013.



La charge de la preuve du changement de fonction de M. [W] incombe à M. [X] qui l'invoque. Le seul fait que M. [W] figure au 30 décembre 2012 sur 'la liste d'aptitude aux emplois d'agent de direction des organismes de sécurité sociale du régime général, du régime social des indépendants et aux emplois de cadre supérieur des organismes de sécurité sociale dans les mines, valable pour l'année 2013", ne suffit pas à justifier un quelconque changement de fonction de M. [W] entre la date de la délégation de pouvoir le 7 juillet 2011 et l'émission de la contrainte le 14 mai 2013.



Ainsi, il n'est pas démontré que la délégation de pouvoir du signataire de la contrainte n'est pas valide et la nullité de la contrainte de ce chef ne sera pas retenue.



Pour les mêmes raisons, la signification de la contrainte visant la requête de 'la Caisse nationale du RSI Régime Social des Indépendants, prise en la personne de son représentant légal, le Directeur général agissant (...)par son délégataire, le Directeur du service inter-caisse du contentieux RSI' et la contrainte délivrée par 'le directeur de l'organisme requérant', est également valide et ne saurait emporter la nullité de la procédure de recouvrement, dés lors que la délégation de pouvoir donnée à [P] [W], signataire de la contrainte, est régulière.





Sur le bien-fondé de la créance réclamée par l'Urssaf et la demande reconventionnelle en restitution présentée par M. [X]



Il résulte de l'article R.133-26 du Code de la sécurité sociale, modifié par le décret n° 2008-1360 du 18 décembre 2008, et applicable au recouvrement des cotisations des 3ème et 4ème trimestres 2012, que les cotisations provisionnelles sont acquittées de janvier à octobre par versements égal à un dixième des cotisations définitives de l'année précédente et calculées sur le revenu professionnel de l'avant dernière année. En cas de trop-versé, celui-ci est remboursé à l'intéressé au plus tard le 30 novembre à moins qu'un prélèvement mensuel antérieur n'ait pas été effectué à sa date d'exigibilité, et que la somme soit recouvrée avec le prélèvement mensuel suivant.



En l'espèce, M. [X] ne discute pas les modalités de calcul des cotisations réclamées, détaillées dans les conclusions de l'Urssaf et les parties s'accordent sur le fait que les cotisations définitives, calculées après régularisation, pour l'année 2012 ont été soldées grâce aux paiements effectués en 2012.



Il s'en suit que la contrainte établie le 14 mai 2013 par la caisse du RSI pour réclamer des cotisations provisionnelles des 3ème et 4ème trimestres 2012, alors que les cotisations définitives sur cette même année, après régularisation étaient soldées, n'a pas lieu d'être et doit être annulée.



En outre, il ressort de la page du site web du RSI, dont la copie est produite par M. [X] qu'il a effectué des versements de montants différents de février à octobre 2012, pour une somme globale de 26.184 euros. Le montant des cotisations définitives pour l'année 2012 retenu par l'Urssaf est de 2.277 euros. Il s'en suit qu'un trop versé de 23.907 euros devait être remboursé à M. [X] au plus tard le 30 novembre 2012, à moins que cette somme soit imputée sur des échéances antérieures exigibles et impayées.



Selon le tableau des règlements effectués en 2012 qui ont été crédités sur les cotisations débitrices antérieures, établi par l'Urssaf dans ses conclusions, celle-ci a imputé la somme de globale de 10.212 euros sur les cotisations de février à avril 2009, sans que M. [X] ne conteste le caractère débiteur de son compte sur cette période.



Il s'en suit qu'il échoue à démontrer qu'il était créancier du RSI après paiement des cotisations 2012 et sa demande sera rejetée.



Sur la demande de comptabilisation de la période correspondant aux 3ème et 4ème trimestres 2012 dans le calcul des retraites, sous astreinte de 100 euros par jour de retard



La loi de financement pour la sécurité sociale 2018 réforme le régime social des travailleurs indépendants et à compter du 1er janvier 2020, l'Urssaf reste en charge du calcul et du recouvrement des cotisations et l'interlocuteur de M. [X] pour le calcul des prestations de retraite est sa caisse de retraite. Il s'en suit que la demande de condamnation de l'Urssaf pour le calcul des retraites est sans fondement et sera rejetée.



Sur la demande d'amende civile présentée par l'Urssaf



En vertu des dispositions de l'article 32-1 du Code de procédure civile, et à défaut pour l'Urssaf de justifier de l'abus du droit de former opposition à une contrainte par M. [X], en rapportant la preuve de la multiplicité des recours dans la seule intention de nuire comme elle l'énonce dans ses conclusions, elle sera déboutée de sa demande de condamnation au paiement d'une amende civile.



Sur les frais et dépens



M. [X], succombant, supportera les dépens de l'instance, étant précisé que l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale a été abrogé par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l'aide sociale, dont l'article 17 III prévoit que les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions sont applicables aux instances en cours.



Il sera également débouté de sa demande en frais irrépétibles en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.













PAR CES MOTIFS,





La cour statuant publiquement par décision contradictoire,





Confirme le jugement rendu le 5 février 2018 par le Tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône sous le n° 21303542, en toutes ses dispositions,





Déboute M. [X] de l'ensemble de ses prétentions,





Déboute l'Urssaf de sa demande d'amende civile,





Condamne M. [X] aux dépens de l'appel.







Le GreffierLe Président

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