21 mars 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-11.971

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2019:C200410

Titres et sommaires

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Mesures d'exécution forcée - Expulsion - Effets personnels - Restitution - Conditions - Biens disponibles

La personne expulsée n'est en droit d'obtenir la restitution de ses biens que dans la mesure où ils n'ont pas été rendus indisponibles par une mesure de saisie

Texte de la décision

CIV. 2

MF

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 21 mars 2019


Rejet


Mme FLISE, président


Arrêt n° 410 F-P+B


Pourvoi n° J 18-11.971





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. Y... W..., domicilié [...], contre l'arrêt rendu le 16 novembre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant à M. V... T..., domicilié [...], [...], défendeur à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 14 février 2019, où étaient présentes : Mme Flise, président, Mme Dumas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brouard-Gallet, conseiller doyen, Mme Mainardi, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Dumas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. W..., l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 novembre 2017), que sur le fondement d'un arrêt de cour d'appel du 8 décembre 2015 ayant prononcé l'expulsion de M. W... d'un local appartenant à M. T... et l'ayant condamné à payer diverses sommes, M. T... a fait procéder, le 24 mars 2016, à l'expulsion de celui-ci, puis à la saisie par immobilisation de trois véhicules appartenant à M. W... et se trouvant encore dans les lieux ;

Attendu que M. W... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de mainlevée de la saisie du 24 mars 2016, et dire n'y avoir lieu à appliquer aux trois véhicules saisis la procédure de sort des meubles prévue aux articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution alors, selon le moyen, que la personne expulsée est en droit d'obtenir la restitution de ses biens personnels pendant le délai d'un mois à compter de la signification du procès-verbal d'expulsion ; qu'en décidant en l'espèce que le délai d'un mois prévu par les textes à cet effet ne faisait pas obstacle à ce que soit pratiquée par le créancier poursuivant une saisie immobilisant les biens du débiteur dans les locaux objet de l'expulsion, les juges du fond ont violé les articles L. 433-1 et R. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Mais attendu que la personne expulsée n'est en droit d'obtenir la restitution de ses biens que dans la mesure où ils n'ont pas été rendus indisponibles par une mesure de saisie ; qu'ayant retenu à bon droit, par motifs propres et adoptés, que la procédure d'expulsion n'a pas pour effet de rendre insaisissables les biens qui se trouvaient dans les locaux, et que la saisie par voie d'immobilisation des trois véhicules appartenant à M. W..., régulièrement entreprise en exécution de l'arrêt du 8 décembre 2015 dont les causes n'étaient pas réglées lorsqu'elle est intervenue, à la suite des opérations d'expulsion, a eu pour conséquence de rendre ses véhicules indisponibles, la cour d'appel en a exactement déduit qu'ils ne pouvaient être restitués en application des dispositions des articles R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. W... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. W....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a débouté M. W... de sa demande de mainlevée de la saisie du 24 mars 2016, et a dit n'y avoir lieu à appliquer aux trois véhicules saisis la procédure de sort des meubles prévue aux articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur le non-respect allégué par l'appelant du délai d'un mois pour récupérer les biens laissés dans les lieux objets de l'expulsion et ainsi que l'ajustement rappelé le premier juge, la procédure relative au sort des meubles laissés dans les lieux n'entraîne pas l'indisponibilité desdits bien ; que la saisie par voie d'immobilisation des trois véhicules appartenant à M. W..., régulièrement entreprise en exécution de l'arrêt d'appel du 8 décembre 2015 dont les causes n'étaient pas réglées lorsqu'elle est intervenue, à la suite des opérations d'expulsion, a eu pour conséquence de rendre ses véhicules indisponibles, de sorte qu'il ne pouvait donner lieu à restitution en application des dispositions des articles R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ; que le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de mainlevée de la saisie de ces trois véhicules, qui ne sauraient dès lors être restitués ;

AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS D'ABORD QU' en vertu de l'article L. 433-1 du code des procédures civiles d'exécution, au cours d'une procédure d'expulsion, les meubles se trouvant sur les lieux sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne ; qu'à défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire ; que la procédure d'expulsion n'a pas pour effet de rendre insaisissables les biens qui se trouvaient dans les locaux objets de l'expulsion ; que si le procès-verbal d'expulsion mentionne que l'expulsé dispose d'un délai d'un mois pour récupérer ses biens, cela ne peut priver les créanciers de l'expulsé de saisir ses biens ; que les textes visés par M. Y... W... au soutien de sa demande ne prévoient rien en ce sens ;
qu'en conséquence, M. V... T... était en droit de saisir les véhicules automobiles appartenant à M. Y... W... qui se trouvaient dans les lieux dont il a été expulsé, et ce même pendant le délai d'un mois suivant le procès-verbal d'expulsion ; que M. Y... W... sera donc débouté de ses prétentions ;

AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS ENSUITE QU' il résulte de l'inventaire des biens dressé à l'occasion de l'expulsion que les seuls biens qui se trouvaient dans les lieux loués étaient les véhicules automobiles ; que ceux appartenant à M. W... et qui ont par la suite été saisis sont destinés à être vendus dans le cadre de cette procédure de saisie, par application des articles R 223-6 à R 223-13 du code des procédures civiles d'exécution. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'appliquer les concernant la procédure de sort de meubles des articles L 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ; qu'il y aurait en effet contradiction à saisir ces biens puis à leur appliquer la procédure de vente en matière de sort de meubles au motif que M. W... n'en a pas réclamé la restitution alors que précisément il ne pouvait prétendre à la restitution de ces biens en raison de la saisie ;

ALORS QUE la personne expulsée est en droit d'obtenir la restitution de ses biens personnels pendant le délai d'un mois à compter de la signification du procès-verbal d'expulsion ; qu'en décidant en l'espèce que le délai d'un mois prévu par les textes à cet effet ne faisait pas obstacle à ce que soit pratiquée par le créancier poursuivant une saisie immobilisant les biens du débiteur dans les locaux objet de l'expulsion, les juges du fond ont violé les articles L. 433-1 et R. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a autorisé M. T... à vendre aux enchères publiques le véhicule automobile Peugeot 309 immatriculé [...] , et ainsi rejeté la demande de M. W... tendant à obtenir la restitution de ce véhicule ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE s'agissant du quatrième véhicule Peugeot [...] dont il n'est pas contesté qu'il n'appartient pas à l'appelant, et n'ayant donc pas fait l'objet d'une saisie, M. W... soutient en avoir demandé en vain la restitution dans le délai légal d'un mois ; qu'il produit sur ce point une attestation du 27 avril 2017 rédigée par Mme A... G... se déclarant représentante de la société Gade, garde-meuble, et indiquant que l'appelant s'est présenté le 25 mars 2016 à 14 heures pour récupérer ce véhicule mais qu'elle n'a pu donner suite à cette demande du fait de l'opposition de l'huissier de justice instrumentaire ; qu'à cet égard, la cour relève que M. W... n'a pas fait état devant le premier juge du fait qu'il aurait demandé la restitution de ce véhicule dès le lendemain des opérations d'expulsion et il est pour le moins troublant que plus d'une année après les faits, Mme G... se souvienne précisément du jour et de l'heure à laquelle l'appelant serait venu demander la restitution du véhicule dont elle peut d'ailleurs donner sans difficulté l'immatriculation ; que par ailleurs, cette attestation du 27 avril 2017, outre qu'elle n'a pas été établie dans les formes prévues à l'article 202 du code de procédure civile, comporte des inexactitudes ou imprécisions ; qu'en effet, au vu de l'extrait K bis de cette société Gade, Mme G... n'en est pas la gérante alors qu'elle se présente comme représentante de ladite société ; que de plus, M. W... indique avoir demandé la restitution de ce véhicule en qualité de président de l'association « 309 Génération Club National », mais sans attester de cette qualité ; qu'il n'est donc pas établi à suffisance que M. W... aurait sollicité la restitution du quatrième véhicule Peugeot [...] dans le délai légal d'un mois, l'huissier instrumentaire rappelant sur ce point dans une lettre du 30 juin 2017 n'avoir jamais interdit la récupération de ce véhicule s'il avait été saisi d'une telle demande ; qu'il n'y a donc pas lieu d'ordonner la restitution de ce véhicule dont la vente aux enchères sera ordonnée, le jugement étant également confirmé de ce chef, la destruction des autres biens sans valeur marchande étant ordonnée ; que de même, M. W... sera débouté de sa demande de dommages-intérêts, en ce qu'elle est fondée sur le refus fautif de restitution de ce véhicule ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE s'agissant du dernier véhicule, le véhicule Peugeot [...] n'appartenant pas à M. W..., il y a lieu d'appliquer la procédure de sort de meubles puisqu'il n'a pas été saisi ; que M. V... T... sera dès lors autorisé à faire vendre ce véhicule aux enchères publiques, par application des articles L 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

ALORS QUE le juge qui se borne à reproduire, sur les points en litige, les conclusions d'une partie à laquelle il donne satisfaction, sans aucune autre motivation et à l'exception de quelques adaptations de style, statue par une apparence de motivation pouvant faire peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction ; qu'en se bornant en l'espèce, pour dénier toute valeur probante à l'attestation du 27 avril 2017 et rejeter ainsi la demande de restitution du véhicule Peugeot 309 immatriculé [...], à reproduire la page 11 des dernières conclusions de M. T..., la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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