20 mars 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-81.975

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2019:CR00280

Titres et sommaires

ATTEINTE A L'AUTORITE DE L'ETAT - Atteinte à l'administration publique commise par des personnes exerçant une fonction publique - Manquement au devoir de probité - Atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public - Eléments constitutifs - Elément légal - Définition

Les marchés conclus par les pouvoirs adjudicateurs de Nouvelle-Calédonie sont soumis au respect des règles édictées par la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics, qui met en oeuvre les principes de liberté d'accès, d'égalité des candidats, de transparence des procédures, d'efficacité de la commande publique et de bon emploi des deniers publics, rappelés par l'article 22, 17°, de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et applicable sur ce territoire. Encourt la cassation l'arrêt qui, pour relaxer les prévenus du chef d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, se fonde sur l'absence d'élément légal de l'infraction pouvant fonder des poursuites, l'article 22, 17°, précité n'étant pas une disposition législative ou réglementaire définissant le délit et aucune disposition de la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics ne faisant expressément référence aux principes de liberté d'accès et d'égalité des candidats

Texte de la décision

N° E 17-81.975 F-P+B+I

N° 280

VD1
20 MARS 2019


CASSATION PARTIELLE


M. SOULARD président,



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

REJET et cassation partielle sur les pourvois formés par M. le procureur général près la cour d'appel de Nouméa, M. S... C..., M. R... Q..., la société Calédonienne d'ingiénérie, M.F... U..., et l'office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, partie civile,

- par le second, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nouméa, en date du 8 mars 2012, qui a prononcé sur des demandes d'annulation d'actes de la procédure ;

- par l'ensemble des demandeurs, contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 28 février 2017, qui a condamné M. C..., pour prise illégale d'intérêt, à six mois d'emprisonnement avec sursis, à 7 000 000 FCFP d'amende et à deux ans d'interdiction d'exercer une fonction publique, M. Q..., pour complicité de prise illégale d'intérêt, à six mois d'emprisonnement avec sursis, 7 000 000 FCFP d'amende, la société Calédonienne d'ingénierie, pour complicité de prise illégale d'intérêt et recel de prise illégale d'intérêt, à 20 000 000 FCFP d'amende, M. U..., pour prise illégale d'intérêt, à 4 000 000 FCFP d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 30 janvier 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Planchon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Petitprez ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Planchon, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, de la société civile professionnelle POTIER DE LA VARDE, BUK-LAMENT et ROBILLOT, de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général Petitprez, les avocats ayant eu la parole en dernier ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 2 juillet 2010, le secrétaire général du syndicat SFAO-OPT a communiqué au procureur de la République de Nouméa une lettre datée du 23 juin 2010, adressée par trois administrateurs de l'office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie (OPT), au haut-commissaire, dans laquelle ils dénonçaient les conditions dans lesquelles la société Calédonienne d'ingénierie (CI) avait été désignée comme arrangeur pour le bénéfice de la défiscalisation métropolitaine du projet d'extension et de modernisation du réseau de téléphone mobile selon délibération n° 27/2010 et mettaient en cause la brièveté des délais de l'appel d'offres, les liens existant entre le candidat choisi et les experts désignés pour analyser les offres, ainsi que la partialité dont avaient fait preuve les experts lors de la présentation des offres devant la commission d'appel d'offres ; que le 4 mars 2011, à l'issue d'une enquête préliminaire, le procureur de la République a ouvert une information des chefs d'atteinte à la liberté et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, prise illégale d'intérêt et complicité et recel de ces délits au cours de laquelle M. C..., président du conseil d'administration de l'OPT au moment des faits, a été mis en examen des chefs d'atteinte à la la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et de prise illégale d'intérêt, M. U..., commissaire aux comptes intervenu en qualité d'expert pour analyser les offres reçues par l'OPT, et M. Q..., dirigeant de la société CI attributaire du marché litigieux, ont été mis en examen du chef de complicité de ces délits, la société CI ayant été mise en examen des mêmes chefs ainsi que de celui de recel du produit des délits de complicité d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et de prise illégale d'intérêt ; que les mis en examen ayant saisi la chambre de l'instruction d'une requête en annulation de pièces de la procédure, cette juridiction a dit n'y avoir lieu à annulation par arrêt du 8 mars 2012 à l'encontre duquel les prévenus ont formé un pourvoi dont l'examen immédiat a été refusé par le président de la chambre criminelle le 7 juin 2012 ;

Qu'à l'issue de l'information, le 15 décembre 2014, le juge d'instruction a ordonné le renvoi devant le tribunal correctionnel, d'une part, de M. C..., des chefs d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et de prise illégale d'intérêt, M. Q..., des chefs de complicité de ces délits, la société CI des chefs de complicité de ces délits et de recel de ces délits, M. U..., des chefs de complicité des délits d'atteintes à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et de complicité de prise illégale d'intérêt et de prise illégale d'intérêt ;

Que, par jugement du 9 novembre 2015, le tribunal correctionnel de Nouméa a déclaré l'ensemble des prévenus coupables des délits reprochés et les a condamnés de ces chefs tandis que, sur les intérêts civils, après avoir jugé que les fautes de M. C... sont détachables de ses fonctions, il a reçu, notamment, l'OPT en sa constitution de partie civile, a déclaré MM. C... et Q... et la société CI entièrement responsables et M. U..., responsable à hauteur de 10 % du préjudice subi par lui et les a condamnés, dans les mêmes proportions, solidairement à lui payer la somme 10 000 000 FCFP au titre du préjudice moral d'atteinte à l'image, et la somme de 36 779 153 FCFP au titre du préjudice financier, outre la somme de 1 500 000 FCFP au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; que les prévenus, le ministère public ainsi que l'OPT ont interjeté appel de cette décision ;

En cet état :

I - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 8 mars 2012 ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour M. C..., pris de la violation du principe de la séparation des pouvoirs et des articles 77 de la Constitution, 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, 80-1, 116, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de M. S... C... tendant à l'annulation de sa mise en examen ;

"aux motifs qu'en vertu de l'article 80-1, alinéa 1, du code de procédure pénale, à peine de nullité, le collège de l'instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle a pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi ; que s'agissant de M. C..., celui-CI a comparu assisté de son avocat, qui a pu faire toutes observations, demander toutes précisions, tant en ce qui concerne la nature que la qualification donnée aux faits ; que le mis en examen a été informé de manière détaillée de la nature des faits reprochés, énoncés ainsi en ce qui concerne le favoritisme : "avoir, entre mars et novembre 2010 à Nouméa et en France métropolitaine, au préjudice de l'office territorial des postes de Nouvelle-Calédonie, été auteur du délit d'atteinte à la liberté et à l'égalité d'accès aux marchés publics, en l'espèce notamment en rédigeant ou en faisant rédiger des rapports tendancieux et inexacts sur les deux offres présentées, en communiquant des éléments du dossier à l'un des soumissionnaires, la Calédonienne d'énergie, et en donnant à plusieurs reprises des avis erronés favorisant indûment l'un des soumissionnaires lors de la procédure d'appel d'offres destinée à mettre en place un réseau de téléphonie mobile 3ème génération par l'OPT en Nouvelle-Calédonie, faits prévus et réprimés par les articles 121-6, 121-7, 432-14 et 432-17 du code pénal" ; que les magistrats du collège de l'instruction ont explicité cette qualification juridique en faisant mention de la réglementation des marchés publics applicable en Nouvelle-Calédonie, à savoir la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 qui constitue le code des marchés publics de la Nouvelle-Calédonie garantissant la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics ; que la mise en examen de M. C... en ce qui concerne le délit de favoritisme répond aux exigences de clarté et de précision prévues par l'article 116 du code de procédure pénale, de même qu'elle respecte les exigences de l'article 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"1°) alors que la déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions de 134 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 en tant qu'elles s'abstiennent de prévoir que le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ne peut, durant son mandat, faire l'objet d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite privera l'arrêt attaqué de base légale et entraînera, par voie de conséquence, son annulation ;

"2°) alors que le juge d'instruction qui envisage de mettre en examen une personne qui n'a pas déjà été entendue comme témoin assisté doit, lors de la première comparution de celle-ci, lui faire connaître expressément, en précisant leur qualification juridique, chacun des faits font il est saisi ; qu'en retenant qu'en ce qui concerne le favoritisme, la qualification juridique des faits était suffisamment précise dès lors que les magistrats du collège de l'instruction avaient explicité cette qualification en faisant mention de la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 qui constitue le code des marchés publics de la Nouvelle-Calédonie quand, comme le faisait valoir M. C... dans son mémoire en nullité, cette délibération comportant 106 articles, il lui avait été impossible de savoir quelles dispositions de ladite délibération il lui était reproché d'avoir violées, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés ;

"3°) alors que le juge d'instruction ne peut mettre une personne en examen à raison de faits échappant à toute incrimination ; qu'en refusant d'annuler la mise en examen de M. C..., quand les faits des chefs desquels il était mis en examen sous la qualification de favoritisme échappaient à toute incrimination en l'absence de disposition mettant en oeuvre, en Nouvelle-Calédonie, les principes de liberté d'accès et d'égalité de traitement des candidats dont la violation caractérise le délit de favoritisme, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés" ;

Attendu que, pour rejeter le moyen de nullité de la mise en examen de M. C... prise du défaut d'information sur les faits imputés et sur l'élément légal des infractions, l'arrêt énonce que l'intéressé a comparu assisté de son avocat qui a pu faire toutes observations, demander toutes précisions, tant en ce qui concerne la nature que la qualification des faits, que le mis en examen a été informé de manière détaillée des faits reprochés, et notamment du délit de favoritisme, et que les magistrats du collège de l'instruction ont explicité cette qualification juridique en faisant mention de la réglementation des marchés publics applicable en Nouvelle-Calédonie, à savoir la délibération modifiée n° 136/CP du 1er mars 1967 qui constitue le code des marchés publics de ce territoire garantissant la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que le demandeur a été informé, lors de sa mise en examen, de chacun des faits reprochés et de leur qualification juridique en présence de son avocat, et dès lors que les marchés conclus par les pouvoirs adjudicateurs de Nouvelle-Calédonie sont soumis au respect des règles édictées par la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics qui met en oeuvre les principes de liberté d'accès, d'égalité des candidats, de transparence des procédures, d'efficacité de la commande publique et de bon emploi des deniers publics, rappelés par l'article 22, 17°, de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et applicable sur ce territoire, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, dont la première branche est devenue sans objet par suite de l'arrêt rendu le 20 décembre 2017 par la Cour de cassation ayant dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 134 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, ne peut qu'être écarté ;

II - Sur les pourvois formés contre l'arrêt de la cour d'appel du 28 février 2017 ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour M. C..., pris de la violation du principe de la séparation des pouvoirs et de l'article 77 de la Constitution ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de l'ordonnance de renvoi, l'a déclaré coupable de prise illégale d'intérêts, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de sept millions F CFP et a prononcé à son encontre, à titre de peine complémentaire, l'interdiction d'exercer une fonction publique durant deux ans ;

"alors que la déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions de 134 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 en tant qu'elles s'abstiennent de prévoir que le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ne peut, durant son mandat, faire l'objet d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite privera l'arrêt attaqué de base légale et entraînera, par voie de conséquence, son annulation" ;

Attendu que le moyen est devenu sans objet par suite de l'arrêt rendu le 20 décembre 2017 par la Cour de cassation ayant dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 134 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour M. C..., pris de la violation des articles 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, 184, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception tirée de la nullité de l'ordonnance de renvoi ;

"aux motifs que l'article 184 du code de procédure pénale édicte que l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel indique la qualification légale du fait imputé à la personne mise en examen ; que dans leur ordonnance du 15 décembre 2014, les juges d'instruction co-saisis spécifient de façon précise les faits imputés à chacun des mis en examen et les qualifications légales retenues ; que l'ordonnance indique pour chacune des qualifications retenues les textes qui incrimineraient et sanctionneraient les faits ; que les éventuelles insuffisances ou erreurs commises par les juges d'instruction dans la désignation de ces textes n'affectent pas la régularité de l'ordonnance et ne sont pas de nature à rendre nécessaire le renvoi de la procédure au ministère public ;

"alors que l'ordonnance de renvoi doit indiquer de façon précise la qualification légale des faits imputés sous peine de nullité ; qu'en l'espèce où l'ordonnance de renvoi se bornait, s'agissant du délit de favoritisme, qui suppose, pour être constitué, l'existence d'un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics, à viser, outre les articles 432-14 et 432-17 du code pénal, la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 en son entier, qui comporte 106 articles, et l'article 22, 17°, de la loi organique n° 99-209 du 19 mars, qui se borne à énoncer que la Nouvelle-Calédonie est compétente pour définir les règles relatives à la commande publique dans le respect des principes de liberté d'accès, d'égalité de traitement des candidats, de transparence des procédures, d'efficacité de la commande publique et de bon emploi des deniers publics, ce dont il résultait que M. C... n'avait pas été informé, de manière détaillée, de l'accusation portée contre lui, la cour d'appel, en refusant néanmoins d'annuler l'ordonnance de renvoi, a méconnu les textes et le principe ci-dessus mentionnés" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi, prise du défaut de précision des faits pour lesquels M. C... a été renvoyé, l'arrêt énonce que l'article 184 du code de procédure pénale édicte que l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel indique la qualification légale du fait imputé à la personne mise en examen, et de façon précise, les motifs pour lesquels il existe des charges suffisantes à son encontre ; que les juges ajoutent que, dans leur ordonnance du 15 décembre 2014, les juges d'instruction co-saisis spécifient de façon précise les faits imputés à chacun des mis en examen et les qualifications légales retenues, que l'ordonnance indique, pour chacune des qualifications retenues, les textes qui incrimineraient et sanctionneraient les faits et que les éventuelles insuffisances ou erreurs commises par les juges d'instruction n'affectent pas la régularité de l'ordonnance et ne sont pas de nature à rendre nécessaire le renvoi de la procédure au ministère public et qu'il en est de même s'agissant de la violation alléguée du principe "non bis in idem" tenant à un cumul de qualifications, dans la mesure où l'examen de cette difficulté relève du fond du litige ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que l'ordonnance de renvoi, qui ne présente aucune disposition que le tribunal saisi de la poursuite n'aurait pas le pouvoir de modifier, développait la qualification juridique des faits imputés de sorte que le prévenu était précisément informé des poursuites, et dès lors que les marchés conclus par les pouvoirs adjudicateurs de Nouvelle-Calédonie sont soumis au respect des règles édictées par la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics qui met en oeuvre les principes de liberté d'accès, d'égalité des candidats, de transparence des procédures, d'efficacité de la commande publique et de bon emploi des deniers publics, rappelés par l'article 22, 17°, de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et applicable sur ce territoire, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par le procureur général ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. R... Q... et la société CI, pris de la violation du principe de la séparation des pouvoirs et de l'article 77 de la Constitution ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de l'ordonnance de renvoi, l'a déclaré coupable de prise illégale d'intérêts, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de sept millions F CFP et a prononcé à son encontre, à titre de peine complémentaire, l'interdiction d'exercer une fonction publique durant deux ans ;

"alors que la déclaration d'inconstitutionnalité des dispositions de 134 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 en tant qu'elles s'abstiennent de prévoir que le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ne peut, durant son mandat, faire l'objet d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite privera l'arrêt attaqué de base légale et entraînera, par voie de conséquence, son annulation" ;

Attendu que les moyens de cassation, en ce qu'ils portent sur des motifs de l'arrêt attaqué qui sont sans influence sur le dispositif, ne pourraient relever que d'un pourvoi formé sur ordre du garde des sceaux, dans les termes de l'article 620 du code de procédure pénale et sont donc inopérants ;

Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour M. C..., pris de la violation des articles 432-12 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, motifs hypothétiques, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. C... coupable de prise illégale d'intérêts ;

"aux motifs que M. C... ne disconvient pas qu'il était, en sa qualité de président du conseil d'administration de l'OPT, chargé d'une mission de service public ; qu'appelé à désigner le titulaire du marché de défiscalisation, M. C... avait la charge d'assurer la surveillance ou l'administration de l'opération au sens de l'article 432-12 du code pénal ; que, certes, il n'est pas démontré que M. C... a tiré un profit pécuniaire ou un avantage patrimonial personnel de sa fonction lors de la désignation de l'arrangeur ; que, cependant, selon l'article 432-12 du code pénal, il suffit que la personne chargée d'une mission de service public ait pris, reçu ou conservé, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans l'opération ; qu'il est admis qu'un intérêt moral suffit dès lors que cet intérêt est de nature à compromettre l'indépendance ou l'impartialité du décideur ; qu'à l'époque des faits visés dans la prévention, M. C... et la société Jec, dont M. Q... était le dirigeant, étaient associés au sein de la société Sitpa, société à responsabilité limitée au capital de 40 000 000 F CFP divisé en 80 000 parts de 500 F CFP, M. C... détenant 4 100 parts et la société Jec 65 698 parts ; qu'en raison de ses relations d'affaires, M. C... peut être soupçonné d'avoir, même dans le simple dessein d'être agréable à l'investisseur majoritaire, fait preuve de partialité dans la désignation de l'arrangeur et de ne pas avoir pris uniquement en compte l'intérêt collectif ; que, d'ailleurs, c'est cette suspicion qui est à l'origine de la démarche de MM. K..., G... et D..., signataires de la lettre adressée le 23 juin 2010 au haut-commissaire, puis de l'intervention du haut-commissaire auprès de l'OPT ; que l'apparence créée par les participations conjointes dans la société Sitpa aurait dû conduire M. C... à se retirer du processus de désignation de l'attributaire ; que M. C... ayant sciemment pris part aux différentes délibérations de la commission d'appel d'offres puis du conseil d'administration, l'intention coupable est caractérisée ; qu'il résulte de ce qui précède que M. C... s'est rendu coupable du délit de prise illégale d'intérêts qui lui est reproché, peu important qu'il n'ait reçu aucune contrepartie ;

"alors que le délit de prise illégale d'intérêts suppose, pour être constitué, qu'un intérêt, fût-il simplement moral, ait été effectivement pris dans l'accomplissement de l'acte ; qu'en bornant, pour dire que M. C... s'était rendu coupable de ce délit en participant au processus de désignation de l'attributaire, à relever qu'en raison de ses relations d'affaires avec M. Q..., il "pouvait être soupçonné" d'avoir fait preuve de partialité dans la désignation de l'arrangeur, la cour d'appel, qui a ainsi postulé l'existence d'un intérêt moral au lieu d'en constater l'existence certaine, n'a pas justifié sa décision" ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour M. Q... et la société CI, pris de la violation des articles 5 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, 121-2, 121-6, 121-7, 321-1, 432-12 et 711-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité, a déclaré coupable M. Q... de complicité de prise illégale d'intérêt, la société Calédonienne d'ingénierie de complicité et recel de prise illégale d'intérêts, a condamné M. Q... à la peine d'emprisonnement de six mois avec sursis et à une amende de 7 000 000 FCFP, la société Calédonienne d'ingénierie à la peine d'amende de 20 000 000 FCFP, et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs que M. C... ne disconvient pas qu'il était, en sa qualité de président du conseil d'administration de l'OPT, chargé d'une mission de service public ; qu'appelé à désigner le titulaire du marché de défiscalisation, M. C... avait la charge d'assurer la surveillance ou l'administration de l'opération au sens de l'article 432-12 du code pénal ; que certes, il n'est pas démontré que M. C... a tiré un profit pécuniaire ou un avantage patrimonial personnel de sa fonction, lors de la désignation de l'arrangeur ; mais que selon l'article 432-12 du code pénal, il suffit que la personne chargée d'une mission de service public ait pris, reçu ou conservé, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans l'opération ; qu'il est admis qu'un intérêt moral suffit dès lors que cet intérêt est de nature à compromettre l'indépendance ou l'impartialité du décideur ; qu'à l'époque des faits visés dans la prévention, M. C... et la société JEC, dont M. Q... était le dirigeant, étaient associés au sein de la société Sitpa, société à responsabilité limitée au capital de 40 000 000 FCFP divisé en 80 000 parts de 500 FCFP, M. C... détenant 4 100 parts, la société JEC 65 698 parts ; qu'en raison de ces relations d'affaires au sein de la société Sitpa, M. C... peut être soupçonné d'avoir, même dans le simple dessein d'être agréable à l'investisseur majoritaire, fait preuve de partialité lors de la désignation de l'arrangeur et de ne pas avoir uniquement pris en compte l'intérêt collectif ; que d'ailleurs, c'est cette suspicion qui est à l'origine de la démarche de MM. K..., G... et D..., signataires de la lettre adressée le 23 juin 2010 au haut-commissaire, puis de l'intervention du haut-commissaire auprès de l'OPT ; que l'apparence créée par les participations conjointes dans la société Sitpa aurait dû conduire M. C... à se retirer du processus de désignation de l'attributaire ; que M. C... ayant sciemment pris part aux différentes délibérations de la commission d'appel d'offres puis du conseil d'administration, l'intention coupable est caractérisée ; qu'il résulte de ce qui précède que M. C... s'est rendu coupable du délit de prise illégale d'intérêts qui lui est reproché, peu important qu'il n'ait reçu aucune contrepartie ; qu'il est reproché à M. Q... de s'être, entre mars et le 9 novembre 2010, rendu complice du délit de prise illégale d'intérêts reproché à M. C... "en facilitant la préparation ou la consommation du délit, en l'espèce en répondant à un appel d'offres afférent au choix par l'Office des postes et télécommunications de la Nouvelle-Calédonie de l'arrangeur pour la défiscalisation de l'opération d'équipement du réseau calédonien de télécommunications en téléphonie mobile de 3e génération dite 3G et en maintenant sa soumission, sachant que M. C..., président du conseil d'administration de l'OPT était en charge d'organiser ce marché public, et prenait une part active à son organisation" ; que sans doute, les faits de complicité ne sauraient résider dans le dépôt d'une offre en réponse à l'avis publié les 2 et 3 avril 2010 dans le journal Les nouvelles calédoniennes dès lors que le délit de prise illégale d'intérêts sanctionne l'obligation de neutralité et d'impartialité qui pèse spécifiquement sur les élus, les dépositaires de l'autorité et autres agents chargés d'une mission de service public ; qu'il ne peut être reproché à M. Q... de ne pas avoir anticipé l'attitude fautive de M. C... ; mais que les entretiens téléphoniques qu'ont eus MM. C... et Q... les 26 mai et 3 juin 2010, avant et après les réunions de la commission d'appels d'offres et du conseil d'administration et leurs échanges officieux sur la recevabilité de la demande d'agrément, postérieurement au dépôt du pré-rapport de M. B..., non seulement illustrent une proximité peu conciliable avec le principe de l'impartialité de la puissance publique, mais encore rendent compte de l'activité déployée par M. Q... auprès du décideur durant le processus de désignation de l'attributaire, qui ne s'est achevé que par le vote de la délibération n° 53/2010 du 9 novembre 2010 ; qu'en interférant, en toute connaissance de cause dans le processus décisionnel, M. Q... a conforté M. C... dans sa gestion irrégulière du dossier et s'est rendu complice de la prise illégale d'intérêt commise par M. C... ; qu'il est reproché à la société Calédonienne d'ingénierie d'une part de s'être, entre mars et le 9 novembre 2010, rendue complice du délit de prise illégale d'intérêts reproché à M. C... "en facilitant la préparation ou la consommation du délit, en l'espèce en répondant à un appel d'offres afférent au choix par l'Office des postes et télécommunications de la Nouvelle-Calédonie de l'arrangeur pour la défiscalisation de l'opération d'équipement du réseau calédonien de télécommunications en téléphonie mobile de 3e génération dite 3G et en maintenant sa soumission, sachant que M. C..., président du conseil d'administration de l'OPT était en charge d'organiser ce marché public, et y prenait une part active", d'autre part, d'avoir, entre mars 2010 et le 4 mars 2011, recélé tout ou partie du produit du délit de complicité de prise illégale d'intérêts spécifié ci-dessus, soit des commissions obtenues grâce à l'attribution d'un marché d'arrangeur en défiscalisation ; que la société Calédonienne d'ingénierie répond pénalement, en application de l'article 121-2 du code pénal, du délit de complicité de prise illégalement d'intérêt dont s'est rendu coupable M. Q..., son gérant, dès lors que celui-ci agissait dans l'intérêt de la personne morale qui avait déposé l'offre et qui a obtenu le marché ; qu'ayant obtenu le marché dans des conditions suspectes en raison de la participation de M. C... au processus de désignation de l'arrangeur et ayant ainsi pu percevoir les commissions attachées au marché, la société Calédonienne d'ingénierie s'est rendue coupable du délit de recel de complicité de prise illégale d'intérêts ;

"alors que l'article 432-12 du code pénal, tel qu'interprété par la chambre criminelle, est contraire au principe de nécessité et de proportionnalité des peines résultant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et au principe de légitimité de l'incrimination résultant de l'article 5 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, en ce qu'il incrimine des comportements qui ne portent pas atteinte à l'intérêt général ni à des intérêts particuliers ; que l'annulation par le Conseil constitutionnel saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, en application de l'article 61-1 de la Constitution, de cet article, privera de base légale l'arrêt attaqué" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour M. Q... et la société CI, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-2, 121-6, 121-7, 321-1, 432-12 et 711-1 du code pénal, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité, a déclaré coupable M. Q... de complicité de prise illégale d'intérêt, la société Calédonienne d'ingénierie de complicité et recel de prise illégale d'intérêts, a condamné M. Q... à la peine d'emprisonnement de six mois avec sursis et à une amende de 7 000 000 FCFP, la société Calédonienne d'ingénierie à la peine d'amende de 20 000 000 FCFP, et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs, identiques à ceux cités au troisième moyen de cassation ;

"1°) alors que le principe de légalité tel que consacré par l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme assure une protection effective contre les poursuites et les condamnations arbitraires et impose que ne soit incriminé que les comportements nuisibles à la société ; que l'article 432-12 du code pénal, tel qu'interprété par la chambre criminelle, incriminant des comportements qui ne portent pas atteinte à l'intérêt général ni à des intérêts particuliers, méconnaît ces exigences conventionnelles ; que dès lors la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"2°) alors que la complicité nécessite une infraction principale ; que le délit de prise illégale d'intérêts n'est caractérisé que s'il est démontré que le prévenu a pris, dans l'opération litigieuse, un intérêt personnel ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à son absence ; qu'en énonçant que M. C... avait un intérêt en ce qu'il était associé à la société Jec au sein de la société Sitpa, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'intérêt qu'aurait pris M. C... dans une opération concernant une société tierce, la société Calédonienne d'ingénierie tandis qu'au contraire elle a relevé l'absence de toute contrepartie pour M. C... dans ladite opération ; qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

"3°) alors que les juges ne peuvent entrer en voie de condamnation qu'en statuant sur les faits visés à la prévention ; que les prévenus sont poursuivis du chef de complicité de prise illégale d'intérêts pour avoir répondu à un appel d'offres et avoir maintenu leur soumission ; qu'après avoir constaté que ces faits de dépôt d'une offre en réponse et donc de son maintien ne pouvaient pas caractériser l'infraction, la cour d'appel est cependant entrée en voie de condamnation en ce que MM. C... et Q... ont eu des entretiens téléphoniques illustrant une proximité peu conciliable avec le principe d'impartialité ; qu'en se prononçant sur des faits d'entretiens téléphoniques non visés par la prévention, la cour d'appel a méconnu les termes de sa saisine ;

"4°) alors que le délit de complicité de prise illégale d'intérêt suppose l'aide ou l'assistance apportée pour faciliter la préparation ou la consommation de l'infraction principale ; qu'en se bornant à mentionner des entretiens téléphoniques illustrant une proximité, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'aide ou l'assistance concrète qui aurait été apportée par les prévenus à M. C... dans la commission de l'infraction principale" ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour M. U..., pris de la violation des articles 432-12 et 432-17 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale :

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. F... U... coupable du délit de prise illégale d'intérêts, en répression l'a condamné à une amende de quatre millions FCFP, et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs que selon l'article 432-12 du code pénal, il suffit que la personne chargée d'une mission de service public ait pris, reçu ou conservé, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans l'opération ; qu'il est admis qu'un intérêt moral suffit dès lors que cet intérêt est de nature à compromettre l'indépendance ou l'impartialité du décideur ; que M. U... est poursuivi pour avoir, entre mars et le 9 novembre 2010, étant dépositaire de l'autorité publique ou chargé d'une mission de service public ou investi d'un mandat électif public, en l'espèce étant chargé en qualité d'expert en matière comptable et financière de préparer l'appel d'offres d'un marché public destiné à choisir l'arrangeur en défiscalisation de l'opération d'équipement du réseau calédonien de télécommunications en téléphonie mobile de 3ème génération dite 3G au profit de l'établissement public office des postes et des télécommunications de la Nouvelle-Calédonie (OPT) et de le conseiller dans le choix de la meilleure offre, reçu ou conservé directement ou indirectement un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont il avait, au moment de l'acte, en tout ou partie la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, en l'espèce, en acceptant et en exerçant ces fonctions alors qu'il était lié avec l'un des candidats, la société Calédonienne d'ingénierie et M. Q..., par une communauté d'intérêt, étant associé avec ce dernier par l'intermédiaire de la société Penty dans la SCI Koneva destinée à construire leurs locaux professionnels dans le même immeuble et étant par ailleurs commissaire aux comptes de plusieurs sociétés dirigées par M. Q... ; que chargé d'analyser les offres afin d'éclairer les membres du conseil d'administration de l'OPT lors du choix de l'attributaire, M. U... était une personne chargée d'une mission de service public au sens de l'article L. 432-12 du code pénal ; qu'à ce titre, il était tenu à l'obligation d'impartialité précédemment évoquée et devait vérifier qu'il se trouvait au-dessus de tout soupçon de partialité ; qu'à l'époque de l'intervention de M. U... en qualité d'expert, la société Calédonienne d'ingénierie était associée avec la société Penty, dont M. U... était le gérant, et deux autres sociétés (les sociétés Buli 2 et Lol) au sein de la SCI Koneva dont MM. Q... et U... étaient les gérants ; que cette association était de nature à créer une suspicion quant à l'impartialité de M. U... dans la conduite de son expertise ; que l'apparence ainsi créée aurait dû conduire celui-ci à refuser la mission d'expert qui lui était proposée ; qu'en conclusion, il convient de retenir que M. U... s'est rendu coupable du délit de prise illégale d'intérêts qui lui est reproché ;

"1°) alors que la prise illégale d'intérêt n'est caractérisée que si la personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public a pris, reçu, ou conservé, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement ; qu'en se fondant, pour déclarer M. U... coupable de prise illégale d'intérêts, sur l'apparence créée par la participation avec deux autres sociétés de la société Penty dont il était le gérant et de la société Calédonienne d'ingénierie, candidate à l'attribution du marché, à la SCI Koneva, dont MM. Q... et U... étaient les gérants et dont l'objet était la construction d'un immeuble de bureaux sans lien avec le marché litigieux, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé l'intérêt pris, reçu ou conservé par M. U... dans l'entreprise ou l'opération litigieuse, a privé sa décision de base légale ;

"2°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que dans ses conclusions aux fins de relaxe, M. U... faisait valoir que la société Koneva avait été créée dans le cadre d'un projet d'acquisition de biens professionnels entre quatre associés et que la société Penty, dont il était le gérant, et la société Calédonienne d'ingénierie en détenaient respectivement 24 % et 18 % du capital ; qu'il précisait que la société Koneva avait pris la forme d'une société civile d'attribution, dépourvue de tout affectio societatis dans la mesure où elle a vocation à être dissoute dès l'achèvement de l'immeuble pour la construction duquel elle a été créée et son attribution entre les différents associés au prorata de leur participation, ce qui avait été le cas ; qu'il soulignait que l'attribution ou non du marché de l'OPT à la société Calédonienne d'ingénierie ne pouvait avoir aucune incidence quelconque sur l'évolution de la société Koneva et sur la situation de ses associés ; qu'il exposait que Me V... qui était également intervenu comme expert chargé d'analyser les offres afin d'éclairer les membres du conseil de l'administration de l'OPT et qui était cosignataire du rapport qu'ils avaient établi ensemble était également associé de la société Koneva mais que sa mise en examen pour prise illégale d'intérêts, fondée sur cette participation au sein de cette société, avait été annulée par la chambre de l'instruction qui avait considéré cette circonstance comme insuffisante à caractériser cette infraction ; qu'il en déduisait que la seule participation conjointe à la société Koneva ne pouvait en aucun cas caractériser un intérêt quelconque de sa part au sens de l'article 432-12 du code pénal ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions péremptoires, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour M. Q... et la société CI :

Attendu que le moyen est devenu sans objet par suite de l'arrêt rendu le 20 décembre 2017 par la Cour de cassation ayant dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 432-12 du code pénal ;

Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour M. C... :

Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour M. Q... et la société CI :

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour M. U... :

Attendu que, pour déclarer M. C... et M. U... coupables du délit de prise illégale d'intérêt, et M. Q... et la société CI coupables du chef de complicité de ce délit, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, et dès lors que, d'une part, caractérise un intérêt, au sens de l'article 432-12 du code pénal, l'existence d'un lien d'affaires qui unit l'auteur de ce délit à la personne bénéficiant d'une décision prise par lui dans le cadre de ses fonctions publiques, peu important que ce lien ait été développé au sein d'une société sans rapport avec l'opération dont il a la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement, d'autre part, caractérisent l'aide ou l'assistance donnée dans les faits qui ont préparé ou facilité l'infraction commise les conseils techniques réitérés prodigués par une personne qui a intérêt à la réalisation de cette opération, la cour d'appel, qui a répondu aux arguments péremptoires des prévenus, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être rejetés ;

Sur le troisième moyen de cassation du procureur général près la cour d'appel de Nouméa :

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour M. Q... et la société CI, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 4 du Protocole n° 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-2, 121-6, 121-7, 132-2, 321-1, 432-12, 432-14, 711-1 du code pénal, préliminaire, 6, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation du principe ne bis in idem :

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de nullité, a déclaré coupable M. Q... de complicité de prise illégale d'intérêt, la société Calédonienne d'ingénierie de complicité et recel de prise illégale d'intérêts, a condamné M. Q... à la peine d'emprisonnement de six mois avec sursis et à une amende de 7 000 000 FCFP, la société Calédonienne d'ingénierie à la peine d'amende de 20 000 000 FCFP, et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs que l'article 184 du code de procédure pénale édicte que l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel indique la qualification légale du fait imputé à la personne mise en examen et, de façon précise, les motifs pour lesquels il existe ou non ; que dans leur ordonnance du 15 décembre 2014, les juges d'instruction co-saisis spécifient de façon précise les faits imputés à chacun des mis en examen et les qualifications légales retenues ; que l'ordonnance indique pour chacune des qualifications retenues les textes qui incrimineraient et sanctionneraient les faits ; que les éventuelles insuffisances ou erreurs commises par les juges d'instruction dans la désignation de ces textes n'affectent pas la régularité de l'ordonnance et ne sont pas de nature à rendre nécessaire le renvoi de la procédure au ministère public ; qu'il en est de même s'agissant de la violation alléguée du principe "non bis in idem" tenant à un cumul de qualifications, dans la mesure où l'examen de cette difficulté relève du fond du litige ; que l'article 711-1 du code pénal déclare applicables en Nouvelle-Calédonie le livre 1er, à l'exclusion de l'article 132-70-1, et les livres Il à V du code pénal, sous réserve des adaptations prévues par le titre premier relatif aux "dispositions applicables dans les territoires d'outre-mer" ; que l'article 432-14 du code pénal qui incrimine les atteintes à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public est applicable en Nouvelle-Calédonie puisqu'il est inséré dans le livre IV : qu'il importe peu que les autorités de Nouvelle-Calédonie soient désormais compétentes pour fixer les règles relatives à la commande publique en vertu de l'article 22 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ; que l'article 432-14 du code pénal, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000, définit le délit de favoritisme de la façon suivante : "Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'une amende le fait par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public ou, exerçant les fonctions de représentant, administrateur ou agent de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d'économie mixte d'intérêt national chargées d'une mission de service public et des sociétés d'économie mixte locales ou par toute personne agissant pour le compte de l'une de celles susmentionnées de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public" ; qu'il résulte des termes mêmes de cette disposition que l'infraction suppose la violation de dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public ; que si les dispositions législatives ou réglementaires violées ne sont pas spécifiées dans le corps de la prévention, il résulte des textes visés par l'ordonnance de renvoi que ces dispositions seraient la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 et l'article 22, 17°, de la loi organique n° 99-209 ; que l'article 22, 17°, de loi organique n° 99-209 dispose : "La Nouvelle-Calédonie est compétente dans les matières suivantes : ( ...) 17°, Règles relatives à la commande publique, dans le respect des principes de liberté c'accès, d'égalité de traitement des candidats, transparence des procédures, d'efficacité de la commande publique et de bon emploi des deniers publics" ; que cet article pose les principes que doit respecter la réglementation élaborée par les autorités de la Nouvelle-Calédonie mais n'a pas pour objet de décrire le comportement que doivent adopter les personnes énumérées par l'article 432-14 du code pénal, qui se réfère déjà aux principes de liberté d'accès et d'égalité des candidats ; qu'il sera également observé que des principes à valeur constitutionnelle ne peuvent pas déterminer un délit qui ne peut être défini que par le législateur, ainsi que le rappelle l'article 111-2 du code pénal ; qu'en conséquence, l'article 22, 17°, n'est pas une disposition législative ou réglementaire susceptible de fonder des poursuites du chef de favoritisme et la référence qui lui est faite par l'ordonnance du 15 décembre 2014 est inopérante ; qu'aucune disposition de la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics ne fait expressément référence aux principes de liberté d'accès et d'égalité des candidats ; que l'article 39 qui dispose que "les marchés passés par application de la présente délibération sont soumis en dehors des contrôles institués par celle-ci aux textes généraux en matière de dépenses publiques", figure sous le titre III, intitulé "Contrôle et approbation des marchés", et non sous le titre I consacré à la "passation des marchés" ; que la problématique de l'ordonnancement et de la liquidation des dépenses, que traite l'article 39, est étrangère à la procédure de passation du marché proprement dite, au cours de laquelle M. C... aurait eu un comportement délictueux ; que la délibération n° 136/CP ne peut donc pas davantage fonder des poursuites du chef de favoritisme ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'élément légal, M. C... doit être relaxé du chef de favoritisme ; que par voie de conséquence, MM. Q..., U... et la société Calédonienne d'ingénierie, poursuivis comme complice ou receleur du délit de favoritisme, ne peuvent également qu'être relaxés de ces chefs ; que la relaxe dont bénéficient les prévenus du chef du délit de favoritisme permet d'exclure toute atteinte au principe "non bis in idem" à raison des poursuites engagées du chef de la prise illégale d'intérêts ; que M. C... ne disconvient pas qu'il était, en sa qualité de président du conseil d'administration de l'OPT, chargé d'une mission de service public ; qu'appelé à désigner le titulaire du marché de défiscalisation, M. C... avait la charge d'assurer la surveillance ou l'administration de l'opération au sens de l'article 432-12 du code pénal ; que certes, il n'est pas démontré que M. C... a tiré un profit pécuniaire ou un avantage patrimonial personnel de sa fonction, lors de la désignation de l'arrangeur, mais que selon l'article 432-12 du code pénal, il suffit que la personne chargée d'une mission de service public ait pris, reçu ou conservé, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans l'opération ; qu'il est admis qu'un intérêt moral suffit dès lors que cet intérêt est de nature à compromettre l'indépendance ou l'impartialité du décideur ; qu'à l'époque des faits visés dans la prévention, M. C... et la société Jec, dont M. Q... était le dirigeant, étaient associés au sein de la société Sitpa, société à responsabilité limitée au capital de 40 000 000 FCFP divisé en 80 000 parts de 500 FCFP, M. C... détenant 4 100 parts, la société Jec 65 698 parts ; qu'en raison de ces relations d'affaires au sein de la société Sitpa, M. C... peut être soupçonné d'avoir, même dans le simple dessein d'être agréable à l'investisseur majoritaire, fait preuve de partialité lors de la désignation de l'arrangeur et de ne pas avoir uniquement pris en compte l'intérêt collectif ; que d'ailleurs, c'est cette suspicion qui est à l'origine de la démarche de MM. K..., G... et D..., signataires de la lettre adressée le 23 juin 2010 au haut-commissaire, puis de l'intervention du haut-commissaire auprès de l'OPT ; que l'apparence créée par les participations conjointes dans la société Sitpa aurait dû conduire M. C... à se retirer du processus de désignation de l'attributaire ; que M. C... ayant sciemment pris part aux différentes délibérations de la commission d'appel d'offres puis du conseil d'administration, l'intention coupable est caractérisée ; qu'il résulte de ce qui précède que M. C... s'est rendu coupable du délit de prise illégale d'intérêts qui lui est reproché, peu important qu'il n'ait reçu aucune contrepartie ; qu'il est reproché à M. Q... de s'être, entre mars et le 9 novembre 2010, rendu complice du délit de prise illégale d'intérêts reproché à M. C... (en facilitant la préparation ou la consommation du délit, en l'espèce en répondant à un appel d'offres afférent au choix par l'Office des postes et télécommunications de la Nouvelle-Calédonie de l'arrangeur pour la défiscalisation de l'opération d'équipement du réseau calédonien de télécommunications en téléphonie mobile de 3e génération dite 3G et en maintenant sa soumission, sachant que M. C..., président du conseil d'administration de l'OPT était en charge d'organiser ce marché public, et prenait une part active à son organisation) ; que sans doute, les faits de complicité ne sauraient résider dans le dépôt d'une offre en réponse à l'avis publié les 2 et 3 avril 2010 dans le journal les nouvelles calédoniennes dès lors que le délit de prise illégale d'intérêts sanctionne l'obligation de neutralité et d'impartialité qui pèse spécifiquement sur les élus, les dépositaires de l'autorité et autres agents chargés d'une mission de service public ; qu'il ne peut être reproché à M. Q... de ne pas avoir anticipé l'attitude fautive de M. C... ; mais que les entretiens téléphoniques qu'ont eus MM. C... et Q... les 26 mai et 3 juin 2010, avant et après les réunions de la commission d'appels d'offres et du conseil d'administration et leurs échanges officieux sur la recevabilité de la demande d'agrément, postérieurement au dépôt du pré-rapport de M. B..., non seulement illustrent une proximité peu conciliable avec le principe de l'impartialité de la puissance publique, mais encore rendent compte de l'activité déployée par M. Q... auprès du décideur durant le processus de désignation de l'attributaire, qui ne s'est achevé que par le vote de la délibération n° 53/2010 du 9 novembre 2010 ; qu'en interférant, en toute connaissance de cause dans le processus décisionnel, M. Q... a conforté M. C... dans sa gestion irrégulière du dossier et s'est rendu complice de la prise illégale d'intérêt commise par M. C... ; qu'il est reproché à la société Calédonienne d'ingénierie d'une part de s'être, entre mars et le 9 novembre 2010, rendue complice du délit de prise illégale d'intérêts reproché à M. C... "en facilitant la préparation ou la consommation du délit, en l'espèce en répondant à un appel d'offres afférent au choix par l'Office des postes et télécommunications de la Nouvelle-Calédonie de l'arrangeur pour la défiscalisation de l'opération d'équipement du réseau calédonien de télécommunications en téléphonie mobile de 3e génération dite 3G et en maintenant sa soumission, sachant que M. C..., président du conseil d'administration de l'OPT était en charge d'organiser ce marché public, et y prenait une part active", d'autre part, d'avoir, entre mars 2010 et le 4 mars 2011, recélé tout ou partie du produit du délit de complicité de prise illégale d'intérêts spécifié ci-dessus, soit des commissions obtenues grâce à l'attribution d'un marché d'arrangeur en défiscalisation ; que la société Calédonienne d'ingénierie répond pénalement, en application de l'article 121-2 du code pénal, du délit de complicité de prise illégalement d'intérêt dont s'est rendu coupable M. Q..., son gérant, dès lors que celui-ci agissait dans l'intérêt de la personne morale qui avait déposé l'offre et qui a obtenu le marché ; qu'ayant obtenu le marché dans des conditions suspectes en raison de la participation de M. C... au processus de désignation de l'arrangeur et ayant ainsi pu percevoir les commissions attachées au marché, la société Calédonienne d'ingénierie s'est rendue coupable du délit de recel de complicité de prise illégale d'intérêts ;

"alors que le principe ne bis in idem implique qu'une même personne ne peut pas être poursuivie deux fois pour les mêmes faits ; que les poursuites ne peuvent pas être continuées lorsque d'autres poursuites ont déjà été engagées pour les mêmes faits ; qu'en estimant que le principe ne bis in idem relève du fond du litige, que la relaxe prononcée du chef de favoritisme exclut toute atteinte au principe ne bis in idem, et en prononçant alors la condamnation des prévenus du chef de complicité et recel de prise illégale d'intérêts pour les mêmes faits que ceux de complicité et recel de favoritisme, tandis que des mêmes faits ne peuvent pas donner lieu à deux qualifications différentes donnant lieu à des poursuites différentes, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées et le principe ne bis in idem" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les moyens sont inopérants en ce que l'arrêt a renvoyé M. Q... et la société CI des fins de la poursuite des chefs de complicité d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics ;

Mais sur le deuxième moyen de cassation proposé par le procureur général ;

Et sur le second moyen de cassation, proposé pour l'office des postes et télécommunications, pris de la violation des articles 432-14 et 711-1 du code pénal, 22, 17°, de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, les articles 1er, 2, 13, 27-2 et 34 de la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a débouté l'OPT de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice économique résultant du surcoût d'un marché, après avoir relaxé les prévenus pour les faits de favoritisme, complicité et recel de favoritisme ;

"aux motifs que l'article 711·1 du code pénal déclare applicables en Nouvelle-Calédonie le livre 1er, à l'exclusion de l'article 132-70-1, et les livres Il à V du code pénal, sous réserve des adaptations prévues par le titre premier relatif aux "dispositions applicables dans les territoires d'outre-mer" ; que l'article 432-14 du code pénal qui incrimine les atteintes à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public est applicable en Nouvelle-Calédonie puisqu'il est inséré dans le livre IV : qu'il importe peu que les autorités de Nouvelle-Calédonie soient désormais compétentes pour fixer les règles relatives à la commande publique en vertu de l'article 22 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ; que l'article 432-14 du code pénal, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000, définit le délit de favoritisme de la façon suivante : "Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'une amende le fait par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou investie d'un mandat électif public ou exerçant les fonctions de représentant, administrateur ou agent de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics, des sociétés d'économie mixte d'intérêt national chargées d'une mission de service public et des sociétés d'économie mixte locales ou par toute personne agissant pour le compte de l'une de celles susmentionnées de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public" qu'il résulte des termes mêmes de cette disposition que l'infraction suppose la violation de dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public ; que si les dispositions législatives ou réglementaires violées ne sont pas spécifiées dans le corps de la prévention, il résulte des textes visés par l'ordonnance de renvoi que ces dispositions seraient la délibération ne 136/CP du 1er mars 1967 et l'article 22, 17°, de la loi organique n° 99-209 ; que l'article 22, 17°, de loi organique n° 99-209 dispose: "La Nouvelle-Calédonie est compétente dans les matières suivantes: (...) 17°, Règles relatives à la commande publique, dans le respect des principes de liberté d'accès, d'égalité de traitement des candidats, transparence des procédures, d'efficacité de la commande publique et de bon emploi des deniers publics" ; que cet article pose les principes que doit respecter la réglementation élaborée par les autorités de la Nouvelle-Calédonie mais n'a pas pour objet de décrire le comportement que doivent adopter les personnes énumérées par l'article 432-14 du code pénal, qui se réfère déjà aux principes de liberté d'accès et d'égalité des candidats ; qu'il sera également observé que des principes à valeur constitutionnelle ne peuvent pas déterminer un délit qui ne peut être défini que par le législateur, ainsi que le rappelle l'article 111-2 du code pénal ; qu'en conséquence, l'article 22, 17°, n'est pas une disposition législative ou réglementaire susceptible de fonder des poursuites du chef de favoritisme et la référence qui lui est faite par l'ordonnance du 15 décembre 2014 est inopérante ; qu'aucune disposition de la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics ne fait expressément référence aux principes de liberté d'accès et d'égalité des candidats ; que l'article 39 qui dispose que "les marchés passés par application de la présente délibération sont soumis en dehors des contrôles institués par celle-ci aux textes généraux en matière de dépenses publiques", figure sous le titre III, intitulé "Contrôle et approbation des marchés", et non sous le titre consacré à la "passation des marchés" ; que la problématique de l'ordonnancement et de la liquidation des dépenses, que traite l'article 39, est étrangère à la procédure de passation du marché proprement dite, au cours de laquelle M. C... aurait eu un comportement délictueux ; que la délibération n° 136/CP ne peut donc pas davantage fonder des poursuites du chef de favoritisme ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'élément légal, M. C... doit être relaxé du chef de favoritisme ; que par voie de conséquence, MM. Q..., U... et la société Calédonienne d'ingénierie, poursuivis comme complice ou receleur du délit de favoritisme, ne peuvent également qu'être relaxés de ces chefs ;

"alors que l'article 432-14 du code pénal incrimine le favoritisme résultant du fait de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public ; que les marchés passés en application de la délibération 136/CP du 1er mars 1967 sont soumis aux principes qui découlent de l'exigence d'égal accès à la commande publique et notamment à ceux relatifs à la liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ; que ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics et exigent une définition préalable des besoins de l'acheteur public, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence et le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse ; que tous les modes de passation de ces marchés sont soumis, au titre de l'article 1er de la délibération 136/NC du 1er mars 1967 à une obligation de mise en concurrence, s'appliquant également aux marchés de gré à gré en vertu de l'article 34 de la délibération précitée ; qu'il résulte également de l'article 27-2 de la délibération 136/NC du 1er mars 1967 que les procédures de passation des marchés sur appel d'offres impliquent que les offres soient évaluées au regard de critères objectifs, ce que ne permettent pas des analyses volontairement erronées en vue de favoriser un candidat ; que la procédure d'appel d'offres ne permet pas de procéder à de nouvelles analyses des offres après l'avis de la commission d'appel d'offres, seule habilitée à procéder à ces opérations ; qu'elle ne permet pas, de faire connaître les analyses des offres à l'un seulement des candidats et de les faire modifier en vue de favoriser ce candidat ; que, dès lors qu'il résulte des constatations de l'arrêt que lors de l'analyse des offres par la commission d'appel d'offres, les experts choisis ont émis un rapport manifestement inexact, concernant les offres de l'un des deux candidats, rapport repris lors du choix de l'attributaire du marché par le président du Conseil d'administration, ce qui a conduit au retrait de la délibération du Conseil d'administration du 3 juin 2010, à la demande du haut commissaire, que le Conseil d'administration s'est ensuite déterminé au vu d'un nouveau rapport d'expertise, préalablement transmis au dirigeant de la société caledonienne d'ingienierie par le président de l'OPT, sans être communiquée à l'autre candidat, rapport ensuite remanié ; qu'en ne recherchant pas si de tels faits ne procédaient pas d'une méconnaissance des articles 1er et 27-2 de la délibération n° 136/NC destinés à assurer l'égal accès des candidats à la commande publique, quand l'article 432-14 du code pénal réprimant le favoritisme n'exige pas que la disposition légale ou réglementaire méconnue fasse expressément référence à la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics, visant seulement des dispositions mettant en oeuvre ces principes, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu l'article 432-14 du code pénal ;

Attendu qu'en vertu de ce texte, constitue le délit d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics le fait, par l'une des personnes visées par ces dispositions, de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics ;

Attendu que, pour relaxer M. C... du chef d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, et M. Q... et la société CI des chefs de complicité de ce délit et de recel de ce délit, en l'absence de tout élément légal, l'arrêt, après avoir relevé que l'article 432-14 du code pénal est applicable en Nouvelle-Calédonie et qu'il résulte des termes mêmes de cette disposition que l'infraction suppose la violation de dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public sans les spécifier, énonce que si l'article 22, 17°, de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 donne compétence à la Nouvelle-Calédonie pour établir les règles relatives à la commande publique, dans le respect des principes de liberté d'accès, d'égalité de traitement des candidats, de transparence des procédures, d'efficacité de la commande publique et de bon emploi des deniers publics et pose les principes que doit respecter la réglementation élaborée par les autorités de la Nouvelle-Calédonie, il n'a pas pour objet de décrire le comportement que doivent adopter les personnes énumérées à l'article 432-14 du code pénal, qui se réfère déjà aux principes de liberté d'accès et d'égalité des candidats, qui, étant à valeur constitutionnelle, ne peuvent déterminer un délit qui ne peut être défini que par le législateur, ainsi que le rappelle l'article 111-2 du code pénal ; que les juges en déduisent que l'article 22, 17°, précité n'est pas une disposition législative ou réglementaire susceptible de fonder des poursuites du chef de favoritisme et la référence qui lui est faite par l'ordonnance de renvoi du 15 décembre 2014 est inopérante ; que la cour d'appel relève qu'aucune disposition de la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics, et notamment l'article 39, qui dispose que "les marchés passés par application de la présente délibération sont soumis, en dehors des contrôles institués par celle-ci, aux textes généraux en matière de dépenses publiques" et qui figure sous le titre III intitulé "Contrôle et approbation des marchés" et non sous le titre I consacré à la "passation des marchés", ne fait expressément référence aux principes de liberté d'accès et d'égalité des candidats, et ne peut donc davantage fonder des poursuites du chef de favoritisme ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les faits reprochés à M. C... constituent une violation des règles de publicité et de concurrence, prévues par la délibération n° 136/CP du 1er mars 1967 portant réglementation des marchés publics, qui met en oeuvre les principes de liberté d'accès, d'égalité des candidats, de transparence des procédures, d'efficacité de la commande publique et de bon emploi des deniers publics, rappelés par l'article 22, 17°, de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et applicable sur ce territoire, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de cassation proposés :

I - Sur le pourvoi formé contre l'arrêt de la chambre de l'instruction du 8 mars 2012 :

Le REJETTE ;

II - Sur les pourvois formés contre l'arrêt de la cour d'appel de Nouméa du 28 février 2017 :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nouméa, en date du 28 février 2017, mais en ses seules dispositions relatives aux relaxes prononcées des chefs d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans la commande publique, de complicité et de recel de ce délit, aux peines et à l'action civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Noumea, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nouméa et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt mars deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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