10 avril 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-26.802

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2019:CO00377

Texte de la décision

COMM.

FB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 avril 2019




Cassation partielle


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 377 FS-D

Pourvoi n° J 17-26.802






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ la société Saint-Hubert, société par actions simplifiée unipersonnelle,

2°/ la société Brassica Holdings, société par actions simplifiée unipersonnelle,

ayant toutes deux leur siège [...] ,

3°/ la société Montagu Private Equity, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,

contre l'ordonnance rendue le 4 octobre 2017 par le premier président de la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 15), dans le litige les opposant au directeur général des finances publiques, représenté par le chef des services fiscaux chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, domicilié [...] ,

défendeur à la cassation ;

Les sociétés Saint-Hubert et Brassica Holdings invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 12 mars 2019, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Cayrol, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mmes Darbois, Orsini, Poillot-Peruzzetto, Champalaune, Daubigney, Sudre, conseillers, Mme Le Bras, M. Gauthier, Mmes de Cabarrus, Lion, conseillers référendaires, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Cayrol, conseiller, les observations de la de la SCP Rousseau et Tapie, avocat des sociétés Saint-Hubert et Brassica Holdings, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à la société Montagu Private Equity du désistement de son pourvoi ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, qu'un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé les agents de l'administration des impôts à procéder à une visite et des saisies dans des locaux situés [...] , susceptibles d'être occupés par les sociétés Saint-Hubert et Brassica Holdings, afin de rechercher la preuve de fraudes commises par ces sociétés à l'impôt sur les bénéfices et à la taxe sur le chiffre d'affaires ; qu'à la suite de ces opérations, intervenues les 7 et 8 juillet 2016, un procès-verbal de visite et de saisies a été dressé le 8 juillet ; que contestant la régularité des opérations ainsi effectuées, les sociétés Saint-Hubert et Brassica Holdings ont saisi le premier président pour en demander l'annulation ;

Sur le premier moyen, pris en ses six premières branches et en sa huitième branche :

Attendu que les sociétés Saint-Hubert et Brassica Holdings font grief à l'ordonnance de rejeter leur demande d'annulation du procès-verbal dressé le 8 juillet 2016 alors, selon le moyen :

1°/ que les opérations de visites et saisies domiciliaires se déroulent sous l'autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention qui les a autorisées ; que ce dernier, garant de l'inviolabilité du domicile et des libertés individuelles, doit en suivre le déroulement par l'intermédiaire de l'officier de police judiciaire qu'il désigne qui doit le tenir informé du déroulement des opérations ; qu'il doit également donner ses instructions aux agents qui y participent, et éventuellement se rendre sur place, suspendre ou arrêter les visites ; que si l'officier de police judiciaire se trouve dans l'impossibilité, malgré différentes tentatives, de joindre le juge des libertés et de la détention, par quelque moyen que ce soit, pendant le déroulement des opérations en présence d'une difficulté relative à la saisie de documents couverts par le secret professionnel, celles-ci sont donc irrégulières puisque l'autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention sur ces opérations ne sont pas assurés, peu important l'existence d'un recours a posteriori devant le premier président de la cour d'appel pour contester la régularité desdites opérations ; qu'en l'espèce, il ressort de l'ordonnance attaquée que le juge des libertés et de la détention n'a pu être joint par l'officier de police judiciaire, pendant le déroulement des opérations et que des documents couverts par le secret professionnel entre l'avocat et son client ont été saisis ; que pour néanmoins juger les opérations régulières, le premier président a estimé qu'il était inopportun de prendre l'attache du juge des libertés et de la détention, compte tenu de l'heure nocturne, pour instaurer un débat contradictoire sur la méthodologie à suivre et que le recours sur les opérations s'opère devant le délégué du premier président de la cour ; qu'en statuant ainsi, le magistrat délégué a méconnu les exigences de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, ensemble celles des articles 6 § 1 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'en application de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, lorsque l'occupant des lieux ou son représentant font obstacle à l'accès aux pièces ou documents présents sur un support informatique, à leur lecture ou à leur saisie, d'une part, mention en est portée au procès-verbal, d'autre part, les agents de l'administration des impôts peuvent procéder à la copie de ce support et le saisir mais ils doivent le placer sous scellés ; que si l'inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents saisis sont placés sous scellés ; qu'il résulte de l'ordonnance attaquée que les agents de l'administration ont copié sur un support informatique des messageries électroniques contenant des documents couverts par le secret professionnel, sans procéder à leur mise sous scellés, en dépit de l'obstacle opposé à cette saisie, par le représentant des sociétés requérantes et leurs conseils, pendant les opérations ; qu'en jugeant qu'en cas d'opposition de l'occupant des lieux ou de ses représentants, les agents de l'administration ont seulement la faculté de placer les documents saisis sous scellés, quand ils en ont l'obligation de sorte que l'absence de placement sous scellés desdits documents entraîne l'irrégularité de leur saisie, le magistrat délégué a violé les exigences de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et des articles 6 § 1 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que l'officier de police judiciaire est désigné par le juge des libertés et de la détention pour veiller, au cours des opérations de visites et saisies domiciliaires, au respect du secret professionnel et qu'il a, à ce titre, l'obligation de provoquer toutes mesures utiles préalables pour l'assurer ; que lorsque l'occupant des lieux ou son représentant fait obstacle à la saisie de documents présents sur support informatique aux motifs qu'ils sont couverts par le secret professionnel et que l'officier de police judiciaire ne peut joindre le juge des libertés et de la détention pour trancher la contestation, l'officier de police judiciaire a l'obligation de placer sous scellées la copie du support informatique à laquelle les agents de l'administration peuvent procéder ; qu'en jugeant que les copies des messageries en litige n'avaient pas à être placées sous scellés parce que les agents de l'administration n'y étaient pas tenus et que la société visitée n'avait pas à imposer son choix, sans rechercher, comme il y était invité, s'il n'incombait pas en tout état de cause à l'officier de police judiciaire, qui n'avait pu joindre le juge des libertés et de la détention, de procéder à cette mise sous scellés en vue de prévenir toute violation du secret professionnel, le magistrat délégué a privé sa décision de base légale au regard des exigences de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et de celles de l'article 56 alinéa 3 du code de procédure pénale, ensemble les articles 6 § 1 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ que le juge doit, en toutes circonstances, respecter le principe de la contradiction ; qu'en retenant d'office que le moyen tiré de ce que le caractère massif et indifférencié de la saisie ne saurait être admis dès lors que la saisie globale d'une messagerie peut être validée en raison de son caractère insécable et dès lors qu'elle contient des éléments en lien même ténu avec le champ d'application de l'ordonnance d'autorisation de visites et saisies, sans avoir invité les parties à débattre préalablement et contradictoirement sur ce moyen, la cour d'appel a méconnu le principe de contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile ;

5°/ qu'une saisie de documents dont il est établi qu'elle comporte un grand nombre de documents couverts par le secret professionnel qui auraient pu être exclus de la saisie, est nécessairement massive et indifférenciée et qu'elle constitue une ingérence disproportionnée dans le respect de la vie privée ; qu'en l'espèce, les sociétés requérantes faisaient valoir qu'au cours des opérations de visites et saisies, leur représentant et leurs conseils avaient démontré à l'un des officiers de police judiciaire et à des agents de la Direction nationale d'enquêtes fiscales, que la sélection opérée était insuffisante et que l'administration avait refusé de procéder à un nouveau filtrage ; qu'en estimant néanmoins que la saisie globale d'une messagerie pouvait être validée, sans rechercher, comme il y était invité, si un nouveau filtrage aurait été possible au moment de la saisie, le magistrat délégué a privé sa décision de base légale au regard des exigences de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales et les articles 6 § 1 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6°/ qu'en toute matière, sont couverts par le secret professionnel les consultations et les correspondances adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les notes d'entretien entre un avocat et son client, et plus généralement toutes les pièces du dossier de l'avocat ; que le courriel qui transfère en interne, entre deux salariés de l'entreprise, un courriel couvert par le secret professionnel est lui-même couvert par le secret professionnel ; qu'il peut en aller de même de messages internes adressés en copie à l'avocat qui en est destinataire ; qu'en jugeant que par principe les messages internes ne pouvaient être couverts par le privilège légal, le magistrat délégué a violé les dispositions de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et les articles 6 § 1 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7°/ que les agents de l'administration ne peuvent saisir que des documents en rapport avec la fraude présumée ; qu'en l'espèce, à l'appui de leurs recours contre les opérations de visites et saisies, les sociétés Saint-Hubert et Brassica Holdings faisaient valoir que plus de 65 % des fichiers saisis sur le serveur informatique n'avaient aucun lien avec la recherche de la fraude présumée, relative aux conditions d'application de l'article 209-IX du code général des impôts sur la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2014, et se rapportaient à une période différente c'est-à-dire les années 2007 à 2011 et 2015 et 2016 ; qu'elles ajoutaient que plus de 50 % de ces fichiers étaient antérieurs à 2010 et qu'il en était de même des mails saisis sur les messageries de Mme F... P... et de Mme N... ; qu'en estimant que les agents de l'administration avaient pu saisir indistinctement des documents antérieurs et postérieurs à la période visée par la présomption de fraude sans rechercher si, compte tenu de la nature de la fraude présumée, les documents antérieurs à 2012 et 2014 en litige avaient effectivement un lien avec celle-ci, le magistrat délégué a privé sa décision de base légale au regard des exigences de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'ordonnance relève qu'alors que les opérations avaient débuté à 9h35, des difficultés sont survenues, à partir de 23h45, avec les avocats des sociétés Saint-Hubert et Brassica Holdings, à propos de l'emport des messageries, que l'officier de police judiciaire délégué par le juge des libertés et de la détention a tenté à plusieurs reprises de joindre ce dernier, sans y parvenir, qu'enfin le procès-verbal mentionne qu'il a été clos le lendemain à 3h40, et qu'y ont été annexées les observations du dirigeant des sociétés et de ses avocats portant notamment sur la méthodologie de la saisie des documents informatiques et sur la proposition d'une autre méthode telle la mise sous scellés provisoires, eu égard au fait que de nombreuses correspondances couvertes par la confidentialité des échanges avocat-client avaient été saisies ; qu'après avoir énoncé que les opérations doivent se faire sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, le premier président a relevé qu'en l'espèce, ce contrôle avait été revendiqué dans le but d'instaurer un débat contradictoire sur le déroulement des opérations et, après avoir rappelé qu'un tel débat pouvait avoir lieu dans le cadre du recours éventuellement formé devant le premier président de la cour d'appel, en a déduit que le moyen d'annulation devait être écarté ; qu'en cet état, et dès lors qu'il n'est pas contesté qu'un tel débat a eu lieu et qu'à cette occasion, ont été minutieusement examinées toutes les réclamations des parties quant à la portée des saisies, ce dont il résulte que l'impossibilité de joindre le juge des libertés et de la détention au cours des opérations n'a pas fait grief aux sociétés Saint-Hubert et Brassica Holdings, le premier président, abstraction faite des motifs surabondants justement critiqués par la première branche, a pu statuer comme il a fait ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'il ne résulte ni des conclusions, ni de l'ordonnance que les sociétés Saint-Hubert et Brassica Holdings, qui se bornaient à soutenir que les pièces et documents saisis auraient dû être placés sous scellés en raison des difficultés de leur inventaire, conformément au IV de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, aient soutenu que ce placement sous scellés aurait dû intervenir en raison de leur opposition à la lecture et à la saisie de certaines de ces pièces et documents comme prévu au paragraphe IV Bis du même article ; que le grief de la deuxième branche, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;

Attendu, en troisième lieu, qu'il n'entre pas dans les pouvoirs de l'officier de police judiciaire, chargé par le juge des libertés et de la détention d'assister aux opérations de visite et de le tenir informé de leur déroulement, de procéder, pendant leur cours, à la mise sous scellés de pièces et documents, de sorte que le premier président n'avait pas à procéder à la recherche inopérante invoquée par la troisième branche ;

Attendu, en quatrième lieu, que l'ordonnance constate que les fichiers saisis ont été sélectionnés au moyen du logiciel Encase, permettant de combiner et d'ajuster divers critères de recherche, notamment par mots-clés permettant une discrimination, et de déceler les éléments de preuve cryptés voire effacés directement dans le serveur, écartant ainsi la nécessité d'un nouveau filtrage ; qu'elle constate encore qu'un faible nombre de postes de travail ont été examinés, que les messageries professionnelles utilisées par les dirigeants et cadres des sociétés visées par l'ordonnance ont été examinées et que les courriels d'avocats dont les noms avaient été communiqués ont été écartés de la saisie afin de respecter le secret professionnel ; qu'elle ajoute, concernant les fichiers de messagerie, que leur saisie globale pouvait être validée en raison de leur caractère insécable ; qu'analysant ensuite les fichiers dont la saisie était expressément contestée par les sociétés requérantes, l'ordonnance constate que ceux-ci concernaient des correspondances adressées ou reçues d'avocats et conclut que seules ces saisies devaient être annulées ; que par ces constatations et appréciations souveraines, le premier président, qui n'a pas méconnu le principe de la contradiction, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en cinquième lieu, qu'après avoir rappelé que le secret professionnel de l'avocat couvre, selon l'article 66-5 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception de celles portant la mention « officielle », les notes d'entretien et plus généralement toutes les pièces du dossier, le premier président en a déduit à bon droit que les messages échangés entre deux correspondants qui en adressent la copie à un avocat ne pouvaient bénéficier de cette protection ;

Et attendu, enfin, que l'ordonnance constate que l'autorisation de visite et de saisie délivrée par le juge des libertés et de la détention était relative à la recherche de toute preuve concernant les agissements prohibés et ne se limitait pas à la période concernant les années 2013 et 2014 ; qu'elle relève que des éléments antérieurs ou postérieurs à ces exercices pouvaient apporter un éclairage sur le montage opaque décrit par cette autorisation et être utiles à l'établissement de la preuve ; que le premier président, qui a ainsi souverainement estimé que les pièces saisies n'étaient pas étrangères au but de l'autorisation accordée et, partant, que les saisies effectuées n'excédaient pas ce que révélaient les présomptions visées dans l'autorisation de visite, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur ce moyen, pris en sa septième branche :

Vu les articles L. 16 B du livre des procédures fiscales et 66-5 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971 ;

Attendu que pour rejeter la demande d'annulation de la saisie d'un message électronique reçu par l'un des cadres des sociétés Saint-Hubert et Brassica Holdings de l'un des conseils de ces sociétés puis transmis au représentant légal des sociétés le 15 mai 2012, l'ordonnance retient que tout courrier adressé ou émanant d'un avocat ne bénéficie pas de facto de la protection relative à la confidentialité des échanges avocat-client ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si le message transféré avait un caractère officiel, le premier président a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle rejette la demande d'annulation de la saisie du message électronique reçu et adressé par un cadre des sociétés Saint-Hubert et Brassica Holdings de l'un des avocats de ces dernières et transféré en interne par le directeur administratif et financier, Mme N... le 15 mai 2012 à 16h45 mn au représentant légal de ces sociétés M. K..., l'ordonnance rendue le 4 octobre 2017, entre les parties, par le délégué du premier président de la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Paris ;

Condamne le directeur général des finances publiques aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer la somme globale de 3 000 euros aux sociétés Saint-Hubert et Brassica Holdings ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour les sociétés Saint-Hubert et Brassica Holdings.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté les demandes des sociétés St Hubert et Brassica Holdings tendant à l'annulation de l'ensemble des opérations de visites et saisies qui se sont déroulées dans les locaux sis [...] , et qui ont donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal de visites et saisies du 8 juillet 2017,

AUX MOTIFS QUE, concernant l'absence de saisine du JLD des difficultés rencontrées pendant les opérations de visites et saisies, après émargement par les parties en présence, le procès-verbal comprend en annexe les observations du dirigeant des sociétés et de ses avocats portant notamment à la fois sur la méthodologie de la saisie des documents informatiques, sur la proposition d'une autre méthode (mise sous scellés provisoires), eu égard au fait que de nombreuses correspondances couvertes par la confidentialité des échanges avocat/client auraient été saisies ; que cette note d'observations annexe également des captures d'écran des messageries de Mme O... N... avec ses avocats sur plusieurs pages, étant précisé que les intitulés de ces listings sont très difficilement lisibles (police 4 ou 6) et que le contenu de ces messages n'apparaît pas ; qu'il convient d'observer que s'il appartient à l'OPJ de tenir informé le JLD de toute difficulté survenant lors des opérations de visite et de contrôle, il était en l'état et compte tenu de l'heure nocturne, inopportun de prendre son attache (la permanence de nuit d'un JLD étant exclusivement dédiée à des urgences pénales, à savoir les perquisitions pénales en flagrance en dehors des heures légales), pour instaurer un débat contradictoire sur la méthodologie à suivre, sur l'examen, courriel par courriel, de ce qui devrait relever ou non du privilège légal, étant précisé que le recours sur les opérations s'opère devant le délégué du Premier Président et que l'essentiel des débats, lors de l'examen de ces recours porte sur la protection des échanges avocats-clients ; que, concernant le refus de mise sous scellés de documents couverts par le secret professionnel et la violation de l'article L.16 B du LPF, s'agissant de la méthode qu'aurait dû utiliser l'administration fiscale, à savoir celle de la constitution de scellés fermés provisoires destinés à devenir définitifs, laquelle est utilisée essentiellement par l'Autorité de la concurrence, il convient de rappeler que celle-ci est également régulièrement contestée par les conseils des sociétés visitées et qu'il ne s'agit que d'une faculté proposée par une autorité administrative indépendante ou par une administration ; que, dès lors que la société visitée n'a pas à imposer son choix quant à la méthodologie utilisée par un service enquêteur de même qu'elle n'a pas à connaître les mots clés ou le logiciel utilisés ; que, concernant l'emport massif et indifférencié de documents, il est constant que la loi du 31 décembre 1971 en son article 66-5 énonce « en toute matière que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception de celles portant la mention « officielle » les notes d'entretien et, plus généralement toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel » ; que ce principe essentiel n'est nullement contesté ; que, cependant, ce principe n'est pas absolu et souffre de plusieurs exceptions ; que, par ailleurs, il ne saurait être admis que les échanges entre deux correspondants avec en copie jointe un avocat puissent bénéficier de la protection légale relative à la confidentialité des échanges avocat/client sauf à dénaturer cette protection légale ; qu'en effet, il suffirait pour une société d'échanger des mails avec une autre société, avec en copie conforme un destinataire qui aurait la qualité d'avocat, pour que tout échange puisse bénéficier de ce privilège légal ; qu'en ce qui concerne la demande d'annulation des correspondances avocat-client listées par la société requérante, il doit être pris acte que l'administration acquiesce à certaines de ces demandes ; qu'il sera donné acte de cette acceptation ; que les requérantes maintiennent que cette annulation est incomplète et soutiennent que d'autres pièces seraient entachées d'irrégularités car protégées par la confidentialité des échanges avocat-client ; que s'agissant de la pièce n°7 jointe aux écritures, un listing de 535 courriels émanant du poste de Mme O... N..., dont 300 correspondent à la définition stricte des documents protégés par le secret professionnel (avocat destinataire ou expéditeur, 64 dont l'avocat est en copie, et 171 messages qui sont des messages internes), il convient de retenir les 300 courriels correspondant à la définition stricte des documents protégés par le secret professionnel (avocat destinataire ou expéditeur) et d'exclure les courriels dont l'avocat est en copie pour les motifs ci-dessus exposés et les messages en interne qui ne pourraient être que des retranscriptions, plus ou moins fidèles, d'avis d'avocats et dont l'acceptation aboutirait in fine à dénaturer le principe du privilège légal ; que, dès lors, les 300 courriels listés en pièce n°7, annexée aux écritures des requérantes, correspondant à la définition stricte des documents protégés par le secret professionnel (avocat destinataire ou expéditeur), seront annulés avec interdiction pour l'administration d'en faire un quelconque usage ; que l'analyse des quatre courriels saisis, objet de la pièce n°8, fait apparaître qu'ils relèvent de la protection légale dans la mesure où les destinataires en copie sont des salariés de sociétés qui soit partagent les mêmes conseils que les SASU St Hubert et/ou Brassica Holdings ou bien sont des salariés de sociétés en relation d'affaires (groupe Montagu évoqué dans l'ordonnance) avec les sociétés visitées ; qu'en tout état de cause, il s'agit bien d'échanges où un avocat est destinataire ou expéditeur du courriel ; que ces 4 courriels seront en conséquence annulés avec interdiction pour l'administration d'en faire un quelconque usage ; que, sur l'absence de nécessité de verser au débat l'intégralité des pièces couvertes par le secret professionnel, s'agissant des annexes 7 et 8, nous considérons que les pièces déposées lors des débats sont suffisantes pour nous permettre de statuer ; que les motifs pour lesquels les 4 courriels litigieux (annexe 8) étaient couverts par le privilège légal ont été abondamment exposés par le conseil des requérantes ; qu'en conséquence, dans le cas présent et pour les annexes susvisées, il n'y a pas nécessité de produire un par un les courriels contestés en indiquant en quoi chaque courriel relève de la protection des échanges avocat/client ; que, par contre, s'agissant des annexes 9, 10 et 11, les documents produits sont inexploitables et qu'il n'y a pas lieu à annulation de la totalité des opérations ; que la demande d'annulation de l'ensemble des opérations de visite et de saisie au motif que l'administration aurait utilisé certains courriels susceptibles de bénéficier du privilège légal pour établir une proposition de rectification, envoyée aux sociétés requérantes le 15 décembre 2016, ne sera pas admise ; qu'en effet, à la date de cette proposition, il n'avait pas été statué sur la nature de deux courriels litigieux, étant précisé, comme nous l'avons rappelé précédemment, que tout courrier adressé ou émanant d'un avocat ne bénéficie pas de facto de la protection relative à la confidentialité des échanges avocat/client ; que, s'agissant de l'emport de documents sans rapport avec la fraude, il est constant que l'ordonnance du JLD ne se limitait pas à la période concernant les exercices 2013 et 2014 mais était relative à la recherche de toute preuve concernant les agissements prohibés ; qu'en effet, des éléments antérieurs ou postérieurs aux exercices 2013 et 2014 peuvent apporter un éclairage sur le montage opaque évoqué dans l'ordonnance querellée et être utiles à la recherche de la preuve, étant précisé qu'au stade de l'enquête préparatoire, le champ d'intervention de l'administration doit être relativement étendu ; que s'agissant du moyen relatif au caractère massif et indifférencié de la saisie, celui-ci ne saurait être admis, dès lors que les services fiscaux, à l'aide de mots clés permettant une discrimination et en utilisant le logiciel ENCASE, qui est un logiciel de recherche de preuves cryptées ou effacées, ont analysé un faible nombre de postes de travail et qu'une saisie globale d'une messagerie peut être validée, en raison de son caractère insécable et dès lors qu'elle contient des éléments en lien même ténu avec le champ d'application de l'ordonnance ; qu'à titre subsidiaire, il est demandé d'écarter les documents/correspondances sans rapport avec la fraude présumée et ceux soumis au secret professionnel, tels qu'identifiés en annexes 7, 8, 9, 10 et 11 des conclusions en date du 18 octobre 2016, saisis par la DNEF dans les locaux sis [...] ; que s'agissant de l'annexe 9 (poste de Mme F... P..., messages identifiés comme une correspondance client-avocat), les captures d'écran sont illisibles et s'agissant de l'annexe 10, il n'est fourni qu'un long listing inexploitable et sur lequel nous ne pouvons pas exercer notre contrôle ; concernant l'annexe 11, celle-ci est constituée d'un classeur très épais de 479 pages de listings également inexploitables (police 4 et faisant mention des intitulés des courriels) ;

1/ ALORS QUE les opérations de visites et saisies domiciliaires se déroulent sous l'autorité et le contrôle du JLD qui les a autorisées ; que ce dernier, garant de l'inviolabilité du domicile et des libertés individuelles, doit en suivre le déroulement par l'intermédiaire de l'officier de police judiciaire qu'il désigne qui doit le tenir informé du déroulement des opérations ; qu'il doit également donner ses instructions aux agents qui y participent, et éventuellement se rendre sur place, suspendre ou arrêter les visites ; que si l'officier de police judiciaire se trouve dans l'impossibilité, malgré différentes tentatives, de joindre le JLD, par quelque moyen que ce soit, pendant le déroulement des opérations en présence d'une difficulté relative à la saisie de documents couverts par le secret professionnel, celles-ci sont donc irrégulières puisque l'autorité et le contrôle du JLD sur ces opérations ne sont pas assurés, peu important l'existence d'un recours a posteriori devant le premier président de la Cour d'appel pour contester la régularité desdites opérations ; qu'en l'espèce, il ressort de l'ordonnance attaquée que le JLD n'a pu être joint par l'officier de police judiciaire, pendant le déroulement des opérations et que des documents couverts par le secret professionnel entre l'avocat et son client ont été saisis ; que pour néanmoins juger les opérations régulières, le Premier président a estimé qu'il était inopportun de prendre l'attache du JLD, compte tenu de l'heure nocturne, pour instaurer un débat contradictoire sur la méthodologie à suivre et que le recours sur les opérations s'opère devant le délégué du premier président de la cour ; qu'en statuant ainsi, le magistrat délégué a méconnu les exigences de l'article L.16 B du livre des procédures fiscales, ensemble celles des articles 6§1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2/ ALORS QU' en application de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales, lorsque l'occupant des lieux ou son représentant font obstacle à l'accès aux pièces ou documents présents sur un support informatique, à leur lecture ou à leur saisie, d'une part, mention en est portée au procès-verbal, d'autre part, les agents de l'administration des impôts peuvent procéder à la copie de ce support et le saisir mais ils doivent le placer sous scellés ; que si l'inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents saisis sont placés sous scellés ; qu'il résulte de l'ordonnance attaquée que les agents de l'administration ont copié sur un support informatique des messageries électroniques contenant des documents couverts par le secret professionnel, sans procéder à leur mise sous scellés, en dépit de l'obstacle opposé à cette saisie, par le représentant des sociétés requérantes et leurs conseils, pendant les opérations ; qu'en jugeant qu'en cas d'opposition de l'occupant des lieux ou de ses représentants, les agents de l'administration ont seulement la faculté de placer les documents saisis sous scellés, quand ils en ont l'obligation de sorte que l'absence de placement sous scellés desdits documents entraîne l'irrégularité de leur saisie, le magistrat délégué a violé les exigences de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales et des articles 6§1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3/ ALORS QUE, en tout état de cause, l'officier de police judiciaire est désigné par le juge des libertés et de la détention pour veiller, au cours des opérations de visites et saisies domiciliaires, au respect du secret professionnel et qu'il a, à ce titre, l'obligation de provoquer toutes mesures utiles préalables pour l'assurer ; que lorsque l'occupant des lieux ou son représentant fait obstacle à la saisie de documents présents sur support informatique aux motifs qu'ils sont couverts par le secret professionnel et que l'OPJ ne peut joindre le JLD pour trancher la contestation, l'OPJ a l'obligation de placer sous scellées la copie du support informatique à laquelle les agents de l'administration peuvent procéder ; qu'en jugeant que les copies des messageries en litige n'avaient pas à être placées sous scellés parce que les agents de l'administration n'y étaient pas tenus et que la société visitée n'avait pas à imposer son choix, sans rechercher, comme il y était invité, s'il n'incombait pas en tout état de cause à l'officier de police judiciaire, qui n'avait pu joindre le JLD, de procéder à cette mise sous scellés en vue de prévenir toute violation du secret professionnel, le magistrat délégué a privé sa décision de base légale au regard des exigences de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales et de celles de l'article 56 alinéa 3 du Code de procédure pénale, ensemble les articles 6§1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4/ ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, respecter le principe de la contradiction ; qu'en retenant d'office que le moyen tiré de ce que le caractère massif et indifférencié de la saisie ne saurait être admis dès lors que la saisie globale d'une messagerie peut être validée en raison de son caractère insécable et dès lors qu'elle contient des éléments en lien même ténu avec le champ d'application de l'ordonnance d'autorisation de visites et saisies, sans avoir invité les parties à débattre préalablement et contradictoirement sur ce moyen, la Cour d'appel a méconnu le principe de contradiction et violé de l'article 16 du Code de procédure civile ;

5/ ALORS QU' une saisie de documents dont il est établi qu'elle comporte un grand nombre de documents couverts par le secret professionnel qui auraient pu être exclus de la saisie, est nécessairement massive et indifférenciée et qu'elle constitue une ingérence disproportionnée dans le respect de la vie privée ; qu'en l'espèce, les sociétés requérantes faisaient valoir qu'au cours des opérations de visites et saisies, leur représentant et leurs conseils avaient démontré à l'un des officiers de police judiciaire et à des agents de la Direction Nationale d'Enquêtes Fiscales, que la sélection opérée était insuffisante et que l'administration avait refusé de procéder à un nouveau filtrage ; qu'en estimant néanmoins que la saisie globale d'une messagerie pouvait être validée, sans rechercher, comme il y était invité par les exposantes, si un nouveau filtrage aurait été possible au moment de la saisie, le magistrat délégué a privé sa décision de base légale au regard des exigences de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales et les articles 6§1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6) ALORS QU'en toute matière, sont couverts par le secret professionnel les consultations et les correspondances adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les notes d'entretien entre un avocat et son client, et plus généralement toutes les pièces du dossier de l'avocat ; que le courriel qui transfère en interne, entre deux salariés de l'entreprise, un courriel couvert par le secret professionnel est lui-même couvert par le secret professionnel ; qu'il peut en aller de même de messages internes adressés en copie à l'avocat qui en est destinataire ; qu'en jugeant que par principe les messages internes ne pouvaient être couverts par le privilège légal, le magistrat délégué a violé les dispositions de l'article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 et les articles 6§1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7) ALORS QU' en toute hypothèse, en toute matière, sont couverts par le secret professionnel les consultations et les correspondances adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les notes d'entretien entre un avocat et son client, et plus généralement toutes les pièces du dossier de l'avocat ; que lorsqu'un courriel couvert par le secret professionnel est transféré en interne, entre membres de l'entreprise, le contenu confidentiel du courriel reste protégé par le privilège légal ; que les requérantes ont soutenu que les opérations de visites et saisies devaient être annulées dès lors que la proposition de rectification se fondait sur des pièces couvertes par le secret professionnel mais dont l'administration fiscale avait pu disposer pendant plusieurs mois ; que les requérantes ont produit la proposition de rectification reproduisant expressément le contenu couvert par le secret professionnel de la consultation adressée par courriel par un de leur avocat et retransféré en interne par courriel du directeur administratif et financier, Mme N..., au représentant légal de la société, M. K..., du 15 mai 2012 à 16:45 ; que pour refuser d'accueillir la demande des requérantes, le magistrat délégué a jugé « que tout courrier adressé ou émanant d'un avocat ne bénéficie pas de facto de la protection relative à la confidentialité des échanges avocats/clients » ; qu'en statuant ainsi sans se prononcer sur le caractère confidentiel du courriel litigieux partiellement reproduit dans la proposition de rectification citant in extenso des passages de l'avis d'un avocat transféré en interne et sur la violation du secret professionnel qui était dénoncée, le magistrat délégué a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, l'article L16 B du livre des procédures fiscales, ensemble l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8) ALORS QUE les agents de l'administration ne peuvent saisir que des documents en rapport avec la fraude présumée ; qu'en l'espèce, à l'appui de leurs recours contre les opérations de visites et saisies, les sociétés St Hubert et Brassica Holdings faisaient valoir que plus de 65 % des fichiers saisis sur le serveur informatique n'avaient aucun lien avec la recherche de la fraude présumée, relative aux conditions d'application de l'article 209-IX du Code général des impôts sur la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2014, et se rapportaient à une période différente c'est-à-dire les années 2007 à 2011 et 2015 et 2016 ; qu'elles ajoutaient que plus de 50 % de ces fichiers étaient antérieurs à 2010 et qu'il en était de même des mails saisis sur les messageries de Mme F... P... et de Mme N... ; qu'en estimant que les agents de l'administration avaient pu saisir indistinctement des documents antérieurs et postérieurs à la période visée par la présomption de fraude sans rechercher si, compte tenu de la nature de la fraude présumée, les documents antérieurs à 2012 et 2014 en litige avaient effectivement un lien avec celle-ci, le magistrat délégué a privé sa décision de base légale au regard des exigences de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales.

SECOND MOYEN DE CASSATION, subsidiaire

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté les demandes des sociétés St Hubert et Brassica Holdings tendant à l'annulation de la saisie du courriel du 15 mai 2012 16:45 de Mme N... à M. K... ;

AUX MOTIFS QUE, que, concernant l'emport massif et indifférencié de documents, il est constant que la loi du 31 décembre 1971 en son article 66-5 énonce « en toute matière que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception de celles portant la mention « officielle », les notes d'entretien et, plus généralement toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel » ; que ce principe essentiel n'est nullement contesté ; que, cependant, ce principe n'est pas absolu et souffre de plusieurs exceptions ; que, par ailleurs, il ne saurait être admis que les échanges entre deux correspondants avec en copie jointe un avocat puissent bénéficier de la protection légale relative à la confidentialité des échanges avocat/client sauf à dénaturer cette protection légale ; qu'en effet, il suffirait pour une société d'échanger des mails avec une autre société, avec en copie conforme un destinataire qui aurait la qualité d'avocat, pour que tout échange puisse bénéficier de ce privilège légal ; qu'en ce qui concerne la demande d'annulation des correspondances avocat-client listées par la société requérante, il doit être pris acte que l'administration acquiesce à certaines de ces demandes ; qu'il sera donné acte de cette acceptation ; que les requérantes maintiennent que cette annulation est incomplète et soutiennent que d'autres pièces seraient entachées d'irrégularités car protégées par la confidentialité des échanges avocat-client ; que s'agissant de la pièce n°7 jointe aux écritures, un listing de 535 courriels émanant du poste de Mme O... N..., dont 300 correspondent à la définition stricte des documents protégés par le secret professionnel (avocat destinataire ou expéditeur, 64 dont l'avocat est en copie, et 171 messages qui sont des messages internes, il convient de retenir les 300 courriels correspondant à la définition stricte des documents protégés par le secret professionnel (avocat destinataire ou expéditeur) et d'exclure les courriels dont l'avocat est en copie pour les motifs ci-dessus exposés et les messages en interne qui ne pourraient être que des retranscriptions, plus ou moins fidèles, d'avis d'avocats et dont l'acceptation aboutirait in fine à dénaturer le principe du privilège légal ; que, dès lors, les 300 courriels listés en pièce n°7, annexée aux écritures des requérantes, correspondant à la définition stricte des documents protégés par le secret professionnel (avocat destinataire ou expéditeur), seront annulés avec interdiction pour l'administration d'en faire un quelconque usage ; que l'analyse des quatre courriels saisis, objet de la pièce n°8, fait apparaître qu'ils relèvent de la protection légale dans la mesure où les destinataires en copie sont des salariés de sociétés qui soit partagent les mêmes conseils que les SASU St Hubert et/ou Brassica Holdings ou bien sont des salariés de sociétés en relation d'affaires (groupe Montagu évoqué dans l'ordonnance) avec les sociétés visitées ; qu'en tout état de cause, il s'agit bien d'échanges où un avocat est destinataire ou expéditeur du courriel ; que ces 4 courriels seront en conséquence annulés avec interdiction pour l'administration d'en faire un quelconque usage ; que, sur l'absence de nécessité de verser au débat l'intégralité des pièces couvertes par le secret professionnel, s'agissant des annexes 7 et 8, nous considérons que les pièces déposées lors des débats sont suffisantes pour nous permettre de statuer ; que les motifs pour lesquels les 4 courriels litigieux (annexe 8) étaient couverts par le privilège légal ont été abondamment exposés par le conseil des requérantes ; qu'en conséquence, dans le cas présent et pour les annexes susvisées, il n'y a pas nécessité de produire un par un les courriels contestés en indiquant en quoi chaque courriel relève de la protection des échanges avocat/client ; que, par contre, s'agissant des annexes 9, 10 et 11, les documents produits sont inexploitables et qu'il n'y a pas lieu à annulation de la totalité des opérations ; que la demande d'annulation de l'ensemble des opérations de visite et de saisie au motif que l'administration aurait utilisé certains courriels susceptibles de bénéficier du privilège légal pour établir une proposition de rectification, envoyée aux sociétés requérantes le 15 décembre 2016, ne sera pas admise ; qu'en effet, à la date de cette proposition, il n'avait pas été statué sur la nature de deux courriels litigieux, étant précisé, comme nous l'avons rappelé précédemment, que tout courrier adressé ou émanant d'un avocat ne bénéficie pas de facto de la protection relative à la confidentialité des échanges avocat/client ; que, s'agissant de l'emport de documents sans rapport avec la fraude, il est constant que l'ordonnance du JLD ne se limitait pas à la période concernant les exercices 2013 et 2014 mais était relative à la recherche de toute preuve concernant les agissements prohibés ; qu'en effet, des éléments antérieurs ou postérieurs aux exercices 2013 et 2014 peuvent apporter un éclairage sur le montage opaque évoqué dans l'ordonnance querellée et être utiles à la recherche de la preuve, étant précisé qu'au stade de l'enquête préparatoire, le champ d'intervention de l'administration doit être relativement étendu ; que s'agissant du moyen relatif au caractère massif et indifférencié de la saisie, celui-ci ne saurait être admis, dès lors que les services fiscaux, à l'aide de mots clés permettant une discrimination et en utilisant le logiciel ENCASE, qui est un logiciel de recherche de preuves cryptées ou effacées, ont analysé un faible nombre de postes de travail et qu'une saisie globale d'une messagerie peut être validée, en raison de son caractère insécable et dès lors qu'elle contient des éléments en lien même ténu avec le champ d'application de l'ordonnance ; qu'à titre subsidiaire, il est demandé d'écarter les documents/ correspondances sans rapport avec la fraude présumée et ceux soumis au secret professionnel, tels qu'identifiés en annexes 7, 8, 9, 10 et 11 des conclusions en date du 18 octobre 2016, saisis par la DNEF dans les locaux sis [...] ; que s'agissant de l'annexe 9 (poste de Mme F... P..., messages identifiés comme une correspondance client-avocat), les captures d'écran sont illisibles et s'agissant de l'annexe 10, il n'est fourni qu'un long listing inexploitable et sur lequel nous ne pouvons pas exercer notre contrôle ; concernant l'annexe 11, celle-ci est constituée d'un classeur très épais de 479 pages de listings également inexploitables (police 4 et faisant mention des intitulés des courriels) ;

ALORS QUE sont couverts par le secret professionnel les consultations et les correspondances adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les notes d'entretien entre un avocat et son client, et plus généralement toutes les pièces du dossier de l'avocat ; que lorsqu'un courriel couvert par le secret professionnel est transféré en interne, entre membres de l'entreprise, le contenu confidentiel du courriel reste protégé par le privilège légal ; que les requérantes ont sollicité à titre subsidiaire l'annulation des courriels couverts par le secret professionnel et notamment le courriel adressé à Mme N... à M. K... le 15 mai 2012 à 16:45 et transférant le courriel adressé par Mme N... à V... A..., avocat, et contenant la consultation, adressée à Mme N... par un avocat, dont des passages ont été reproduits in extenso dans la proposition de rectification ; que pour refuser d'accueillir la demande des requérantes, le magistrat délégué a jugé qu'il n'y avait pas lieu d'annuler « les messages en interne qui ne pourraient être que des retranscriptions, plus ou moins fidèles, d'avis d'avocats et dont l'acceptation aboutirait in fine à dénaturer le principe du privilège légal » et « que tout courrier adressé ou émanant d'un avocat ne bénéficie pas de facto de la protection relative à la confidentialité des échanges avocats/clients » ; qu'en statuant ainsi sans se prononcer sur le caractère confidentiel du courriel litigieux qui contenait l'avis d'un avocat partiellement reproduit dans la proposition de rectification et sur la violation du secret professionnel qui était dénoncée, le magistrat délégué a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971, l'article L16 B du livre des procédures fiscales, ensemble l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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