17 avril 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-11.743

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2019:CO00406

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Organes - Liquidateur - Pouvoirs - Action en responsabilité pour insuffisance d'actif - Liquidateur judiciaire - Qualité à agir - Société soumise au contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution - Absence d'influence

L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif n'étant pas une opération de liquidation prévue au titre IV du livre VI du code de commerce que l'article L. 613-29 du code monétaire et financier réserve au liquidateur nommé par la Commission bancaire, dont les missions ont été dévolues à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le liquidateur judiciaire a qualité pour l'exercer en application de l'article L. 651-3 du code de commerce

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Responsabilités et sanctions - Responsabilité pour insuffisance d'actif - Procédure - Liquidateur judiciaire - Qualité à agir - Société soumise au contrôle de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

Texte de la décision

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 avril 2019


Cassation partielle


Mme MOUILLARD, président


Arrêt n° 406 FS-P+B+I

Pourvoi n° M 18-11.743


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. F... E..., domicilié [...], contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant :

1°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié [...],

2°/ à la société BTSG, société civile professionnelle, dont le siège est [...], prise en la personne de M. V... B..., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Europe finance et industrie,

3°/ à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, dont le siège est [...], défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 19 mars 2019, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Schmidt, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, M. Guérin, Mme Vallansan, M. Remeniéras, Mmes Graff-Daudret, Bélaval, conseillers, M. Guerlot, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, M. Blanc, Mmes Kass-Danno, Lion, conseillers référendaires, Mme Labat, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Schmidt, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. E..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société BTSG, prise en la personne de M. B..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Europe finance industrie, l'avis de Mme Henry, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à M. E... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société d'investissement Europe finance industrie (la société EFI) a été mise en liquidation judiciaire le 26 mai 2009 après avis conforme de la Commission bancaire ; que la société D... (la société BTSG), prise en la personne de M. B..., a été désignée liquidateur judiciaire par le jugement d'ouverture et liquidateur par la Commission bancaire en application de l'article L. 613-29 du code monétaire et financier, dans sa rédaction alors applicable ; que la société BTSG, agissant en qualité de liquidateur judiciaire, a poursuivi M. E..., en qualité de dirigeant, en responsabilité pour insuffisance d'actif de la société EFI et en prononcé d'une mesure d'interdiction de gérer ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. E... fait grief à l'arrêt de le condamner à supporter une partie de l'insuffisance d'actif et de prononcer à son encontre une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de cinq ans alors, selon le moyen, que la cour d'appel ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées par les parties ; que la cour d'appel qui, pour statuer comme elle l'a fait, ne s'est pas fondée sur les dernières conclusions du liquidateur judiciaire, signifiées le 9 octobre 2017, mais sur des conclusions en date du 24 novembre 2016, a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'une partie n'est pas recevable, faute d'intérêt, à reprocher à une cour d'appel de ne pas avoir statué sur les dernières conclusions d'une autre partie ; que le moyen n'est pas recevable ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. E... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à l'annulation de l'assignation fondée sur l'absence de pouvoir du liquidateur judiciaire à agir en responsabilité pour insuffisance d'actif alors, selon le moyen, que dans le cadre de la liquidation judiciaire d'un établissement de crédit ou d'une entreprise d'investissement, l'action en paiement de l'insuffisance d'actif est introduite par le liquidateur nommé par la Commission bancaire ; qu'en retenant néanmoins, pour déclarer recevable l'action engagée à l'encontre de M. E..., dirigeant d'une entreprise d'investissement, qu'elle pouvait l'être par le liquidateur judiciaire, la cour d'appel a violé les articles 122 du code de procédure civile, L. 613-29 du code monétaire et financier et L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce ;

Mais attendu que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif n'est pas une opération de liquidation prévue au titre IV du livre VI du code de commerce que l'article L. 613-29 du code de monétaire et financier réserve au liquidateur nommé par la Commission bancaire, dont les missions ont été dévolues à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ; que les mesures spécifiques à la liquidation judiciaire d'une entreprise d'investissement soumise au contrôle de cette autorité, prévues aux articles L. 613-24 et suivants du code monétaire et financier, n'excluent pas que la responsabilité du dirigeant d'une telle entreprise puisse être recherchée sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce ; qu'il en résulte que le liquidateur judiciaire a qualité pour exercer cette action en application de l'article L. 651-3 dudit code ; que le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses première et quatrième branches :

Attendu que M. E... fait grief à l'arrêt de prononcer contre lui une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de cinq années alors, selon le moyen :

1°/ qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité à intervenir de l'article L. 653-8 du code de commerce, qui, en ce qu'il n'impose pas au juge de motiver l'interdiction de gérer qu'il prononce, porte atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis, et plus particulièrement l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'arrêt attaqué, qui s'est fondé sur ce texte pour prononcer à l'encontre de M. E... une interdiction de gérer de cinq ans, se trouvera privé de base légale ;

2°/ que l'interdiction de gérer ne peut être prononcée qu'à l'encontre de celui qui a sciemment omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements ; qu'en se bornant à relever, pour prononcer une interdiction de gérer, que M. E... ne pouvait ignorer que la société EFI était en état de cessation des paiements en novembre 2007, sans caractériser, ni même constater, que c'était sciemment qu'il avait alors omis de déclarer la cessation des paiements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 653-8 du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, que la Cour de cassation ayant, par un arrêt n° 782 F-D du 5 juillet 2018, rendu dans la présente instance, dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article L. 653-8 du code de commerce, le moyen, pris en sa première branche, est sans portée ;

Et attendu, d'autre part, qu'ayant relevé qu'à la date de la cessation des paiements, fixée par le jugement d'ouverture au 26 novembre 2007, la TVA due par la société EFI jusqu'au 31 décembre 2007 s'élevait à plus de 455 000 euros et qu'alors, la société n'avait pratiquement aucune trésorerie et les relevés bancaires montraient un solde débiteur constant, de sorte que M. E... ne pouvait ignorer la cessation des paiements de la société EFI, qu'il n'a pourtant déclarée que le 21 janvier 2009, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé que ce dernier avait omis sciemment de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais, sur le quatrième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article L. 653-8 du code de commerce, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que le tribunal qui prononce une mesure d'interdiction de gérer doit motiver sa décision, tant sur le principe que sur le quantum de la sanction, au regard de la gravité des fautes et de la situation personnelle de l'intéressé ;

Attendu que pour prononcer contre M. E... une interdiction de gérer d'une durée de cinq années, l'arrêt se borne à retenir qu'au regard des fautes commises, il y a lieu de le condamner à une mesure d'interdiction de gérer de cette durée ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de cinq années contre M. F... E..., l'arrêt rendu le 7 décembre 2017 , entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société D..., prise en la personne de M. B..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Europe finance industrie, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour M. E....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. E... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'assignation valable et la société BTSG recevable à agir, de l'avoir condamné à payer à la société BTSG, ès qualités, la somme de 750 000 euros et de l'avoir condamné à une interdiction de gérer de cinq ans ;

ALORS QUE la cour d'appel ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées par les parties ; que la cour d'appel qui, pour statuer comme elle l'a fait, ne s'est pas fondée sur les dernières conclusions de la société BTSG, signifiées le 9 octobre 2017, mais sur des conclusions en date du 24 novembre 2016, a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

M. E... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'assignation valable et la société BTSG recevable à agir ;

AUX MOTIFS QU'aux termes des dispositions de l'article L. 613-29 du code monétaire et financier "En cas d'ouverture ou de prononcé d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard d'un établissement de crédit, d'une société de financement, d'un établissement de monnaie électronique, d'un établissement de paiement ou d'une entreprise d'investissement, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution nomme un liquidateur qui procède à l'inventaire des actifs, aux opérations de liquidation ainsi qu'aux licenciements, dans les conditions et selon les modalités prévues au titre IV du livre VI du code de commerce" ; que cette disposition ne vise par le titre V du livre 6 du code de commerce et aucune disposition ne réserve l'action en paiement de l'insuffisance d'actif au liquidateur nommé par l'Autorité de contrôle prudentiel ; que la cour rappelle que l'action en paiement de l'insuffisance d'actif prévue à l'article L. 651-2 du code de commerce est une action en responsabilité qui vise les dirigeants de droit ou de fait ayant commis une faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif ; que ce n'est pas une action qui entre dans les opérations de liquidation quand bien même elle est exercée à l'occasion de celles-ci ; que de plus sa mise en oeuvre n'est pas seulement réservée au liquidateur mais également au ministère public et dans certains cas aux créanciers en vertu des dispositions de l'article L. 652-3 du code de commerce ; que la Scp BTSG ayant été désigné mandataire liquidateur de la société EFI par le tribunal de commerce de Paris dans son jugement d'ouverture de la procédure collective et étant toujours en fonction, l'action est recevable ;

ALORS QUE dans le cadre de la liquidation judiciaire d'un établissement de crédit ou d'une entreprise d'investissement, l'action en paiement de l'insuffisance d'actif est introduite par le liquidateur nommé par la Commission bancaire ; qu'en retenant néanmoins, pour déclarer recevable l'action engagée à l'encontre de M. E..., dirigeant d'une entreprise d'investissement, qu'elle pouvait l'être par le liquidateur judiciaire, la cour d'appel a violé les articles 122 du code de procédure civile, L. 613-29 du code monétaire et financier et L. 651-2 et L. 651-3 du code de commerce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

M. E... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer à la société BTSG, ès qualités, la somme de 750 000 euros et de l'avoir condamné à une interdiction de gérer de cinq ans ;

AUX MOTIFS QU'il ressort des pièces versées aux débats que Maître B... a sollicité les observations de Monsieur F... E... à chaque fois qu'il a cédé un actif et que ce dernier a toujours donné son accord à la cession des actifs dans les conditions proposées par Maître B... dans ses requêtes ; que les observations du débiteur sont prévues par l'article R. 642-37-2 du code de commerce et Monsieur E... ne peut se prévaloir de son dessaisissement pour contester maintenant le fait qu'il a bien approuvé par un "bon pour accord" la totalité des requêtes présentées par le liquidateur ; qu'ainsi que ce dernier le fait observer il aurait également pu intenter des recours à l'encontre des ordonnances du juge commissaire autorisant les cessions proposées s'il avait estimé que les actifs avaient été bradés ; qu'au demeurant Monsieur E... n'établit pas que les actifs d'EFI auraient pu être cédés pour un montant bien supérieur à celui obtenu par Maître B... qui rappelle que les titres étaient valorisés pour une somme légèrement supérieure à 87.000 euros dans les comptes de la société Dubus, dépositaire des titres auprès de qui un compte titre avait été ouvert pour la liquidation ; que les titres en question étaient ceux de sociétés chinoises dont l'introduction en bourse devait être réalisée par la société EFI en contrepartie de titres ; qu'ainsi, outre le fait que ces sociétés n'ont pas forcément toutes été introduites en bourse, la cour constate que les titres avaient parfois fait l'objet de clause d'incessibilité pendant un certain temps ou d'une manière plus générale que la valeur des titres n'était pas toujours à la hauteur des espérances d'EFI et que la valorisation qu'elle avait donné à ces titres dans ses comptes n'était qu'une valorisation comptable et ne reflétait pas le prix qui aurait pu être obtenu sur les marchés ; que la cour confirmera en conséquence le jugement attaqué qui a constaté une insuffisance d'actif de 5.685.688,74 euros ; que, sur les fautes de gestion, la Commission bancaire a contrôlé la société EFI en 2007 et a rendu une décision le 8 juillet 2008 condamnant la société EFI à un blâme et une sanction pécuniaire de 100.000 euros après avoir relevé des infractions aux articles 5, 6, 9, 7-1, 11, 13, 17, 32, 40 du règlement susvisé ainsi qu'une multitude d'autres infractions aux règles comptables et à d'autres règlements ; que selon cette décision outre le fait qu'il n'existait aucun contrôle interne des opérations menées par la société, la Commission a relevé que la comptabilité n'était pas tenue correctement, que les comptes 2006 avaient fait l'objet d'un refus de certification par un commissaire aux comptes notamment sur la détermination du chiffre d'affaires 2006, sur l'absence de provisions pour les dossiers litigieux et sur la comptabilisation de produits qui n'étaient pas certains etc.,... ; que la Commission conclut que la société a gravement enfreint plusieurs dispositions essentielles de la réglementation applicable mais qu'elle a fait état de mesures correctrices à la suite de l'enquête, d'un changement de direction et que sa situation financière a été redressée en 2007 ; que la cour relève que Monsieur F... E... a été nommé président du directoire d'EFI en octobre 2006 et que lors du contrôle en 2007 il était en charge de la gestion de la société. Il n'a cependant pris aucune mesure correctrice comme le font remarquer le liquidateur et le ministère public ; que les améliorations annoncées par la société à la commission qui ont motivé une sanction aussi peu importante au regard de la gravité des fautes commises ne sont établies par aucun document, la commission s'étant contenté de les énumérer mais sans les vérifier ; qu'il ressort d'un article publié le 2 février 2009 par le site Boursier.com que la Commission devait dresser un second bilan à la suite de celui de 2008 et qu'un projet de rapport de suivi existait qui "est accablant" pour le société EFI et particulièrement pour Monsieur F... E..., que la gestion comptable est calamiteuse et que 80% des anomalies relevées dans le premier rapport existaient encore ; que si le caractère probant d'un tel article peut être contesté, il n'en demeure pas moins qu'à la suite de l'ouverture de la procédure collective la comptabilité n'a été remise que partiellement au liquidateur, ce qui corrobore au moins en partie la teneur de l'article de Boursier.com ; que la cour rappelle que la tenue d'une comptabilité conforme aux prescriptions légales est un outil de gestion pour un dirigeant social et qu'en l'absence d'une telle comptabilité le dirigeant social commet une faute susceptible d'être sanctionnée ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a retenu une faute de gestion pour non respect du règlement susvisé ; que la cour rappelle que la Commission bancaire a relevé de nombreuses irrégularités comptables dans son rapport et notamment que "les comptes 2006, approuvés par l'assemblée générale du 26 octobre 2007, ont fait l'objet d'un refus de certification par le commissaire aux comptes d'EFI qui indique en particulier que des produits ont été comptabilisés alors qu'ils n'étaient pas certains...qu'EFI n'a pas transmis, malgré les diverses relances du Secrétariat général de la Commission bancaire, un nombre très élevé d'états relatifs aux arrêtés des 31 décembre 2006, 31 janvier, 28 février, 31 mars, 30 avril, 30 juin, 31 Juillet ; que cette absence prolongée d'information empêche la Commission bancaire de s'assurer, par l'exercice du contrôle permanent sur pièces effectué par son Secrétariat général, du respect par EFI des règles prudentielles applicables ; que l'infraction est donc établie" ; que cette absence de respect des règles comptables a eu lieu pendant une période relevant de la gestion de Monsieur E... et sont donc de sa responsabilité ; qu'il était en effet déjà président du directoire d'EFI au moment où le contrôle a eu lieu et il n'avait pas régularisé la situation ni tenté de le faire ; que l'absence de tenue d'une comptabilité régulière relevée par la Commission bancaire constitue une faute de gestion et le jugement sera donc confirmé sur ce point ; que la cour relève que la société a été l'objet de plusieurs sanctions qui ont contribué chacune à l'insuffisance d'actif d'une part et d'autre part que l'absence de comptabilité fiable, le non reversement des précomptes salariaux et de la TVA ont contribué ensemble à la déconfiture de la société et au dommage causé aux créanciers par l'insuffisance d'actif ; que le lien de causalité entre les fautes retenues et l'insuffisance d'actif est donc avéré quand bien même la conjoncture internationale en 2008 et dans les années suivantes ont probablement contribué aux dommages ;

1°) ALORS QUE dans ses conclusions, M. E... faisait valoir, s'agissant des actifs à réaliser, que la société Yangden Solar avait été introduite en bourse le 16 mai 2009, c'est-à-dire avant que le liquidateur ne sollicite du juge-commissaire l'autorisation de céder, au prix de 1 euro, le portefeuille de contrats-clients de la société EFI, que les honoraires dus au titre de cette introduction était de 700 000 titres de cette société, ce qui représentait 2 100 000 euros au cours d'introduction et 5 173 000 euros au cours du 8 septembre 2009, que le liquidateur avait, à l'audience devant les premiers juges, reconnu ignorer ce qu'il était advenu de ces titres ; qu'en se contentant de retenir que les sociétés chinoises dont l'introduction devait être réalisée par la société EFI n'avaient pas forcément toutes été introduites en bourse, que les titres avaient parfois fait l'objet de clause d'incessibilité ou que la valeur des titres n'était pas toujours à la hauteur des espérances d'EFI, la cour d'appel qui a statué par des motifs d'ordre général, qui ne répondaient pas aux conclusions précisément articulées de M. E..., lesquelles étaient de nature à démontrer qu'une partie de l'actif de la société EFI n'avait pas été pris en compte, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE M. E... articulait un moyen similaire s'agissant de l'introduction, le 15 novembre 2009, de la société New Star Worldwide, dont les titres revenant à la société EFI étaient valorisés, au 9 décembre 2009, à la somme de 20 000 000 d'euros ; qu'en se bornant à statuer par le même motif d'ordre général, et sans autre examen, même sommaire, des pièces du dossier, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE M. E... faisait valoir qu'après un refus initial de certification, à une époque où il n'était pas dirigeant, les comptes 2006 avaient finalement été certifiés après qu'il ait pris les mesures nécessaires, et que les comptes 2007 l'ont également été, ce qui était de nature à établir tant les mesures correctrices prises par lui que le respect des règles comptables ; qu'en se bornant néanmoins à affirmer, pour retenir, à deux reprises, l'absence de conformité de la comptabilité aux prescriptions légales, qu'aucune mesure correctrice n'avait été prise et que la comptabilité remise au liquidateur était partielle, sans examiner les éléments sur lesquels se fondait M. E..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QU'en se fondant, même en partie, pour dire établie une faute de gestion, sur l'existence d'un hypothétique second bilan de la Commission bancaire, rapportée par un article publié sur un site internet, qui aurait été accablant pour la société EFI, la cour d'appel, qui ne pouvait ainsi s'en remettre à la rumeur publique pour se prononcer sur la gestion de M. E..., a violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;

5°) ALORS QUE la faute de gestion doit avoir contribué à l'insuffisance d'actif ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner M. E... à supporter l'insuffisance d'actif, sur la circonstance inopérante que l'absence de comptabilité fiable, le non reversement des précomptes salariaux et de la TVA ont contribué ensemble à la déconfiture de la société et au dommage causé aux créanciers par l'insuffisance d'actif, sans rechercher si ces fautes avaient elles-mêmes contribué à l'insuffisance d'actif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;

6°) ALORS QU'en se bornant à relever, pour dire établi le lien de causalité entre les fautes de gestion et l'insuffisance d'actif, que la conjoncture internationale en 2008 et dans les années suivantes ont probablement contribué aux dommages, sans s'expliquer autrement sur la crise financière mondiale, dont M. E... avait souligné, documents et graphiques à l'appui, le caractère exceptionnel, sans précédent depuis près d'un siècle, et les conséquences directes qu'elle avait eu sur le fonctionnement de la société EFI, telles notamment la fuite des investisseurs des marchés boursiers ou la perte de son compensateur, qui lui interdisait de poursuivre son activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

M. E... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir à une interdiction de gérer de cinq ans ;

AUX MOTIFS QUE la cour au regard des fautes commises, condamnera Monsieur F... E... à contribuer au paiement de l'insuffisance d'actif à hauteur de 750.000 euros et le condamnera à une mesure d'interdiction de gérer pendant une durée de 5 ans ;

1°) ALORS QU'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité à intervenir de l'article L. 653-8 du code de commerce, qui, en ce qu'il n'impose pas au juge de motiver l'interdiction de gérer qu'il prononce, porte atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis, et plus particulièrement l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, l'arrêt attaqué, qui s'est fondé sur ce texte pour prononcer à l'encontre de M. E... une interdiction de gérer de 5 ans, se trouvera privé de base légale ;

2°) ALORS QUE, en tout état de cause, le juge qui prononce une interdiction de gérer doit motiver sa décision au regard de la gravité des fautes, du préjudice qu'elles ont causées, de la personnalité du dirigeant et de sa situation personnelle ; qu'en se bornant, sans aucune forme de motivation, à condamner M. E... à une mesure d'interdiction de gérer pendant une durée de 5 ans, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 653-8 du code de commerce et 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE, plus subsidiairement, l'interdiction de gérer ne peut être prononcée qu'en cas de commission de certaines fautes, limitativement énumérées par les articles L. 653-3 à L. 653-6 et L. 653-8 du code de commerce ; qu'en prononçant l'interdiction de gérer au regard de toutes les fautes retenues à l'encontre de M. E... et pas uniquement de celles, qu'elles devaient identifier, au titre desquelles une telle interdiction est prévue par la loi, la cour d'appel a violé les textes susvisés et l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

4°) ALORS QUE l'interdiction de gérer ne peut être prononcée qu'à l'encontre de celui qui a sciemment omis de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements ; qu'en se bornant à relever, pour prononcer une interdiction de gérer, que M. E... ne pouvait ignorer que la société EFI était en état de cessation des paiements en novembre 2007, sans caractériser, ni même constater, que c'était sciemment qu'il avait alors omis de déclarer la cessation des paiements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 653-8 du code de commerce ;

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