16 mai 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-24.474

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2019:C300400

Titres et sommaires

LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Loi de forme ou de procédure - Application immédiate - Domaine d'application - Article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation - Violation - Qualité pour s'en prévaloir - Loi du 18 novembre 2016

Les dispositions de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, en ce qu'elles confèrent qualité au maire de la commune ou à l'Agence nationale de l'habitat pour saisir le président du tribunal de grande instance en cas de violation des règles sur le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation, revêtent le caractère d'une loi de procédure et sont, à ce titre, d'application immédiate aux instances en cours

URBANISME - Logements - Changement d'affectation - Article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation - Local à usage d'habitation - Affectation à d'autres fins - Violation - Qualité pour s'en prévaloir - Loi du 18 novembre 2016 - Application dans le temps

Texte de la décision

CIV.3

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 mai 2019




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 400 FS-P+B+I

Pourvoi n° D 17-24.474





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ Mme I... H..., épouse C...,

2°/ M. Q... C...,

domiciliés tous deux [...],

contre l'arrêt rendu le 30 juin 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 8), dans le litige les opposant :

1°/ à la Ville de Paris, représentée par son maire en exercice, domicilié [...],

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet, Palais de justice, [...],

défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 2 avril 2019, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, MM. Pronier, Nivôse, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, M. Bech, conseillers, Mmes Guillaudier, Georget, Djikpa, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, Mme Besse, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme C..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de Paris, l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2017), que M. et Mme C..., usufruitiers d'un appartement à usage d'habitation, ont, le 22 juillet 2015, été assignés en référé par le procureur de la République en paiement d'une amende civile, sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, pour avoir loué ce logement de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage, en contravention avec les dispositions de l'article L. 637-7 du même code ; que, par ordonnance du 21 septembre 2015, ils ont été condamnés à payer une amende de 2 500 euros ; que, le 10 novembre 2015, le procureur de la République a interjeté appel de cette ordonnance ; que la Ville de Paris est intervenue volontairement à l'instance ;

Attendu que M. et Mme C... font grief à l'arrêt de recevoir la Ville de Paris en son intervention volontaire et de les condamner à payer une amende de 15 000 euros, alors, selon le moyen :

1°/ qu'est irrecevable en intervention volontaire un appel dans le cadre d'un appel principal irrecevable comme tardif ; que l'appel du parquet étant irrecevable comme tardif, aucune intervention ne pouvait être reçue ; que la cour d'appel a violé les articles 329, 490, 528 et 550 du code de procédure civile ;

2°/ que, dans leurs conclusions d'appel, ils invoquaient la tardiveté de l'appel du parquet, appelant principal, en soulevaient l'irrecevabilité et faisaient valoir l'irrecevabilité de l'intervention de la Ville de Paris ; que le moyen, tiré du lien entre tardiveté de l'appel principal et l'irrecevabilité de l'intervention, était dans la cause, et que la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile et méconnu le cadre du litige ;

3°/ que la modification de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, confiant désormais au maire de la commune le soin de saisir le tribunal de grande instance en cas d'infraction aux règles sur la destination des locaux ne peut s'appliquer qu'aux procédures ouvertes après son entrée en vigueur ; que l'action ayant été introduite par le parquet le 22 juillet 2015 soit antérieurement à la loi nouvelle, elle continuait à être régie par la loi ancienne ; qu'en permettant la substitution de la Ville de Paris au parquet en cause d'appel, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu, d'une part, que les dispositions de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, en ce qu'elles confèrent qualité au maire de la commune ou à l'Agence nationale de l'habitat pour saisir le président du tribunal de grande instance en cas de violation des règles sur le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation, revêtent le caractère d'une loi de procédure et sont, à ce titre, d'application immédiate aux instances en cours ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu à bon droit que, lorsque l'intervenant se prévaut d'un droit propre, le sort de son intervention n'est pas lié à celui de l'action principale et relevé que l'intervention volontaire de la Ville de Paris était une intervention principale puisqu'elle agissait pour son propre compte et non pas pour soutenir la prétention du ministère public, la cour d'appel a exactement déduit, de ces seuls motifs, que l'irrecevabilité de l'appel du procureur de la République était sans incidence sur la recevabilité de l'intervention principale de la Ville de Paris ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme C... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme C... et les condamne à payer à la Ville de Paris la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. et Mme C...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR, après avoir déclaré irrecevable l'appel du Parquet, reçu la Ville de Paris en son intervention volontaire et condamné M. et Mme C... à payer une amende de 15.000 €,

AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 59 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation a été modifié, de telle sorte que l'amende éventuellement prononcée sur le fondement de cette disposition l'est sur requête du maire de la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé, ou de l'Agence nationale de l'habitat, sur conclusions du ministère public, partie jointe avisée de la procédure et le produit de l'amende est entièrement reversé à la commune dans laquelle est situé ce local ; que l'intervention volontaire de la ville de Paris n'est donc pas une intervention accessoire mais une intervention principale, cette partie intervenante étant demanderesse pour son propre compte et non pas pour soutenir la prétention du ministère public ; qu'or, il résulte de l'article 329 du code de procédure civile que le sort de l'intervention volontaire n'est pas lié à celui de l'action principale lorsque l'intervenant principal se prévaut d'un droit propre qu'il est seul habilité à exercer ; que n'étant pas liée au sort de l'action principale, l'intervention principale n'est pas subordonnée à la recevabilité de l'appel principal (Civ. 2e, 11 avril 2013, pourvoi n° 12-18.931 ; Civ. 3e, 21 février 1990, Bull. n° 61, pourvoi n° 88-13.188) ; qu'aussi l'irrecevabilité de l'appel du ministère public demeure-t-il sans incidence sur la recevabilité de l'intervention principale de la Ville de Paris ; qu'au demeurant, si les époux C... demandent dans le dispositif de leurs écritures de « dire et juger la Ville de Paris irrecevable et mal fondée en son intervention volontaire », ils ne consacrent aucun développement dans leurs conclusions à cette irrecevabilité dont ils ne précisent pas la cause ; qu'aucune fin de non-recevoir n'a ainsi été soulevée à l'encontre de la ville de Paris ; qu'aussi convient-il de déclarer la ville de Paris recevable en son intervention volontaire ;

1° ALORS QU'est irrecevable en intervention volontaire un appel dans le cadre d'un appel principal irrecevable comme tardif ; que l'appel du Parquet étant irrecevable comme tardif, aucune intervention ne pouvait être reçue ; que la cour d'appel a violé les articles 329, 490, 528 et 550 du code de procédure civile ;

2° ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel les époux C... intimés invoquaient la tardiveté de l'appel du Parquet, appelant principal, en soulevaient l'irrecevabilité, et faisaient valoir l'irrecevabilité de l'intervention de la ville de Paris ; que le moyen tiré du lien entre tardiveté de l'appel principal et l'irrecevabilité de l'intervention était dans la cause, et que la Cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile et méconnu le cadre du litige ;

3° ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE la modification de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, confiant désormais au maire de la commune le soin de saisir le Tribunal de grande instance en cas d'infraction aux règles sur la destination des locaux ne peut s'appliquer qu'aux procédures ouvertes après son entrée en vigueur ; que l'action ayant été introduite par le Parquet le 22 juillet 2015 soit antérieurement avant la loi nouvelle, elle continuait à être régie par la loi ancienne ; qu'en permettant la substitution de la ville de Paris au Parquet en cause d'appel, la Cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction applicable à l'espèce.

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