15 mai 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-12.602

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2019:C100434

Titres et sommaires

CONFLIT DE LOIS - Statut personnel - Filiation - Reconnaissance - Contestation - Recevabilité de l'action - Conditions - Office du juge

Il résulte de l'article 311-17 du code civil que l'action en contestation d'une reconnaissance de paternité doit être possible tant au regard de la loi de l'auteur de celle-ci que de la loi de l'enfant. Viole ce texte, ensemble l'article 3 du code civil, une cour d'appel qui examine la recevabilité d'une action en contestation de reconnaissance de paternité au regard de la seule loi française, loi de l'auteur de la reconnaissance, sans vérifier d'office si l'action était recevable au regard de la loi personnelle de l'enfant, dont elle constatait qu'elle était de nationalité espagnole

FILIATION - Actions relatives à la filiation - Action en contestation de la filiation - Contestation d'une reconnaissance de paternité - Conditions - Détermination - Portée

Texte de la décision

CIV. 1

MY1


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 mai 2019


Cassation


Mme BATUT, président


Arrêt n° 434 FS-P+B+I

Pourvoi n° V 18-12.602

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme N... X....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 29 mai 2018.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme F... X... V..., domiciliée [...], contre deux arrêts rendus les 6 mai 2015 et 19 avril 2017 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre, section C2, et 3e chambre B), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme N... X..., domiciliée [...],

2°/ à Mme D... X..., divorcée W..., domiciliée [...], 66750 Saint-Cyprien,

3°/ à Mme P... X..., épouse W..., domiciliée [...], 66750 Saint-Cyprien, défenderesses à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 2 avril 2019, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Wallon, conseiller doyen, MM. Hascher, Reynis, Mme Reygner, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mme Auroy, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Gargoullaud, Azar, Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, Mme Legoherel, avocat général référendaire, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de Mme F... X... V..., de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de Mme N... X..., l'avis de Mme Legoherel, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme F... X... V... a été inscrite sur les registres de l'état civil comme étant née le [...] à Barcelone (Espagne) de Mme B... V... et de R... X..., qui l'a reconnue ; que celui-ci, de nationalité française, est décédé le [...] ; que, les 28 octobre et 3 novembre 2010, M. O... X... et Mmes N... et P... X..., ses frère et soeurs, ont assigné Mmes B... V... et F... X... V... en contestation de sa reconnaissance de paternité à l'égard de Mme F... X... V... et aux fins d'expertise biologique ; que, le 11 mars 2011, Mme D... X..., autre soeur du défunt, est intervenue volontairement à l'instance ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 311-17 du code civil, ensemble l'article 3 du même code ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, la reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l'enfant ; qu'il en résulte que l'action en contestation d'une reconnaissance de paternité doit être possible tant au regard de la loi de l'auteur de celle-ci que de la loi de l'enfant et que la recevabilité de l'action doit être appréciée au regard des deux lois ; que, selon le second, il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en application la règle de conflit de lois et de rechercher le droit étranger compétent ;

Attendu que, pour déclarer recevable l'action en contestation de la reconnaissance de paternité de R... X... et ordonner une expertise biologique, l'arrêt avant dire droit du 6 mai 2015 fait application des articles 334 et 321 du code civil qui permettent, à défaut de possession d'état conforme au titre, à toute personne qui y a intérêt, d'agir en contestation de paternité dans le délai de dix ans ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que Mme F... X... V... avait la nationalité espagnole, de sorte qu'il lui incombait de vérifier d'office si la contestation de reconnaissance paternelle était recevable au regard, non seulement de la loi de son auteur, mais également de la loi personnelle de l'enfant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 625 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation, prononcée sur le premier moyen, de l'arrêt du 6 mai 2015, qui déclare recevable l'action en contestation de la reconnaissance de paternité, entraîne l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêt du 19 avril 2017, qui annule cette reconnaissance et dit que Mme F... X... V... n'est pas l'enfant de R... X... ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 6 mai 2015 et 19 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne Mmes N..., D... et P... X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour Mme F... X... V....

Sur l'arrêt du 6 mai 2015

MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'action en contestation de paternité, puis d'avoir sursis à statuer sur le fond et, avant-dire droit, d'avoir ordonné un examen comparatif des empreintes génétiques à partir de l'ADN extrait des cellules de Madame F... X... V... , ainsi que de Madame N... X..., Madame P... X... et Madame D... X... divorcée W... ;

AUX MOTIFS QUE, sur la recevabilité de l'action en contestation de paternité de Madame N... X..., Madame P... X... épouse W... et Madame D... épouse W..., en application de l'article 334 du Code civil, à défaut de possession d'état conforme au titre, l'action en contestation de paternité peut être engagée par toute personne qui y a intérêt dans le délai prévu à l'article 321 du Code civil ; que cet intérêt est caractérisé, dès lors que si la filiation de Madame F... X... V... , seule ayant droit de Monsieur R... X... est écartée, les demanderesses peuvent prétendre à être héritières ; que par ailleurs, c'est par une juste appréciation, en fait comme en droit, que le premier juge a considéré que la prescription réduite de trente à dix ans par l'ordonnance du 4 juillet 2005 entrée en vigueur le 1er janvier 2006 a commencé à courir à compter de cette date et ne sera acquise qu'à compter du 1er janvier 2016 ;

ALORS QUE la reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l'enfant ; qu'il en résulte que l'action en contestation d'une reconnaissance de paternité ne peut être accueillie que si elle est recevable, non seulement au regard de la loi de l'auteur de celle-ci, mais également au regard de la loi de l'enfant ; qu'il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en application, même d'office, la règle de conflit de loi et de rechercher le droit étranger compétent ; qu'en se bornant, pour déclarer recevable l'action en contestation de reconnaissance de paternité, à relever que celle-ci était recevable au regard des dispositions du droit français, sans rechercher d'office, s'agissant de droits indisponibles, si l'action était également recevable au regard du droit espagnol, qui constituait la loi personnelle de Madame F... X... V... , de nationalité espagnole, la Cour d'appel a violé l'article 311-17 du Code de procédure civile, ensemble l'article 3 du même code.

Sur l'arrêt du 19 avril 2017

MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir annulé la reconnaissance de paternité de Madame F... X... V... par R... X..., puis d'avoir dit que Madame F... X... V... , née le [...] à Barcelone de Madame B... V..., n'est pas l'enfant de R... X... ;

AUX MOTIFS QUE, sur la recevabilité de l'action en contestation de paternité, l'arrêt du 6 mai 2015 a confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action en contestation de paternité introduite les 28 octobre et 3 novembre 2010 par les consorts X... W..., soeurs de Monsieur R... X... décédé le [...] à Perpignan ; que cette décision a, sur ce point, force de chose jugée ; que sur le fond, en premier lieu, en vertu de l'article 311-17 du Code civil, la reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l'enfant ; qu'en l'espèce, le registre civil de naissance de Madame F... X... V... mentionne en qualité de père Monsieur R... X..., de nationalité française ; que l'indication du nom du père dans l'acte de naissance de l'enfant constitue une reconnaissance de paternité valable au regard de la loi personnelle de Monsieur R... X... ; qu'en second lieu, la paternité peut être contestée en rapportant la preuve que l'auteur de la reconnaissance n'est pas le père ; que l'expertise ordonnée par le juge de la mise en état n'a pas pu avoir lieu car les convocations adressées à Mesdames B... V... et F... X... V... ont été ont été renvoyées à l'expert avec la mention « boîte non identifiable » ; que de même, l'expertise décidée par l'arrêt du 6 mai 2015 n'a pas non plus pu être réalisée car la convocation adressée à Madame F... X... V... , qui ne s'est pas présentée, n'est pas parvenue à la destinataire, inconnue à l'adresse indiquée ; que néanmoins, Madame F... X... V... avait obtenu l'aide juridictionnelle dans le cadre de la présente procédure d'appel, ainsi que la désignation d'un avocat qui a informé la Cour que sa cliente ne l'avait jamais contacté ; que par ailleurs, par télécopie du 18 janvier 2017, elle a demandé une prorogation de délai parce qu'elle avait sollicité l'aide juridique à Barcelone ; que dès lors qu'elle avait déjà obtenu bénéfice de l'aide juridictionnelle en France dans le cadre de la procédure d'appel, sa demande de délai fondée sur une requête en aide juridictionnelle déposée en Espagne s'avère dilatoire et permet d'en déduire qu'elle s'est volontairement abstenue de déférer aux convocations des experts et de leur préciser sa nouvelle adresse, qu'elle ne mentionne pas davantage dans sa télécopie du 18 janvier 2017 ; qu'il n'est pas établi ni même allégué qu'elle ait eu la possession d'état d'enfant de Monsieur R... X... ; que la réalité d'une possession d'état est en toute hypothèse démentie par plusieurs attestations, dont les auteurs relatent que Monsieur R... X... vivait seul ; qu'il ressort en outre d'un dossier médical que R... X... avait dû être hospitalisé en psychiatrie dans sa jeunesse pour un ancien éthylisme ; qu'il ressort encore des attestations susdites qu'il en avait conservé des séquelles qui le rendaient vulnérable, faible et influençable ; que par ailleurs, après s'être présentée comme seule héritière de R... X..., Madame F... X... V... a immédiatement vendu l'immeuble situé en France et dont elle venait d'hériter ; que l'ensemble de ces éléments constitue un faisceau de présomptions graves, précises et concordantes permettant de constater que la reconnaissance de paternité de Monsieur R... X... mentionnée dans l'acte de naissance de Madame F... X... V... ne correspond pas à la réalité ; qu'il en résulte que le jugement entrepris doit être réformé en ce qu'il a débouté les consorts X... de leur contestation de la paternité de R... X... sur l'enfant F... X... V... ; que la reconnaissance de paternité doit être annulée et il importe de dire que Madame F... V..., née le [...] à Barcelone de Madame B... V... n'est pas l'enfant de R... X... ;

1°) ALORS QUE la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la cassation, à intervenir sur le premier moyen, de l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 6 mai 2015, ayant déclarée recevable l'action en contestation de paternité et en annulation de la déclaration de reconnaissance de paternité, entraînera, par voie de conséquence, l'annulation de l'arrêt du 19 avril 2017, ayant déclaré cette action fondée et ayant, en conséquence, dit que Madame F... X... V... n'est pas l'enfant de R... X..., et ce, par application de l'article 625 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance d'un avocat ; qu'en statuant sur les demandes formées à l'encontre de Madame F... X... V... , après avoir constaté qu'elle avait formé, en Espagne, une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'avait pas encore été statué, afin de disposer de l'assistance d'un avocat espagnol, tandis qu'étant elle-même de nationalité espagnole, le droit espagnol était applicable à l'action en contestation de reconnaissance de paternité, la Cour d'appel a méconnu les droits de la défense, en violation des articles 2 et 25 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°) ALORS QUE la reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité est valable si elle a été faite en conformité soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l'enfant ; qu'il en résulte que l'action en contestation de reconnaissance de paternité ne peut être accueillie que si elle est fondée, non seulement au regard de la loi de l'auteur de celle-ci, mais également au regard de la loi de l'enfant ; qu'il incombe au juge français, pour les droits indisponibles, de mettre en application même d'office, la règle de conflit de loi et de rechercher le droit étranger compétent ; qu'en se bornant, pour annuler la reconnaissance de paternité de Madame F... X... V... par R... X... et déclarer que Madame F... X... V... n'est pas l'enfant de R... X..., à relever qu'au regard des dispositions du droit français, l'action en contestation de reconnaissance de paternité était bien-fondée, sans rechercher d'office, s'agissant de droits indisponibles, si l'action était bien-fondée au regard du droit espagnol, qui constituait la loi personnelle de Madame F... X... V... , de nationalité espagnole, la Cour d'appel a violé l'article 311-17 du Code de procédure civile, ensemble l'article 3 du même code.

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