16 mai 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-21.408

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:C300417

Texte de la décision

CIV.3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 mai 2019




Cassation


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 417 F-D

Pourvoi n° W 17-21.408







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme N... D..., divorcée V..., domiciliée [...] ,

contre l'arrêt rendu le 16 mai 2017 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant à Mme H... B..., domiciliée [...] ,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 2 avril 2019, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Guillaudier, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Guillaudier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme D..., de Me Balat, avocat de Mme B..., et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1178 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 16 mai 2017), que, par acte du 18 juin 2013, Mme B... a vendu à Mme D... un appartement pour un prix de 228 000 euros sous condition suspensive d'obtention d'un prêt du même montant remboursable en vingt-cinq ans au taux maximal de 3,50 % l'an ; que la condition devait être réalisée au plus tard le 30 août 2013 et la date de réitération par acte authentique était fixée au 13 septembre 2013 ; que, Mme D... n'ayant pas obtenu le prêt et régularisé la vente, Mme B... l'a assignée en paiement du montant de la clause pénale prévue à l'acte de vente ;

Attendu que, pour dire que la non-réalisation de la vente est imputable à Mme D... et la condamner à payer une somme au titre de la clause pénale, l'arrêt retient qu'il était seulement prévu dans le compromis de vente que Mme D... solliciterait un prêt d'un montant de 228 000 euros, sans que soit mentionnée la nécessité d'un déblocage du second pilier pour constituer l'apport personnel de 18 122 euros, qu'ainsi Mme D... devait faire son affaire de l'apport personnel nécessaire au déblocage du prêt, que, ce défaut d'apport personnel ayant entraîné le refus de prêt, Mme D... est à l'origine de la défaillance de la condition suspensive ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la décision de la banque de soumettre la libération des fonds au versement d'un apport personnel et le refus de la caisse de pension de débloquer celui-ci n'avaient pas empêché l'accomplissement de la condition suspensive, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne Mme B... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme B... et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme D... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour Mme D....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la non-réalisation de la vente était du fait de Madame D..., et D'AVOIR condamnée cette dernière à verser à Madame B... la somme de 10.000 € de dommages-intérêts au titre de la clause pénale stipulée au compromis de vente ;

AUX MOTIFS QUE « Madame D... avait jusqu'au 18/07/2013 pour effectuer sa demande de prêt, l'obtention du prêt devant intervenir le 30/08/2013. Toutefois, pour que le compromis de vente puisse être déclaré caduc, il faut que le vendeur mette en demeure l'acquéreur de justifier l'obtention du prêt, et ce sera seulement huit jours après cette mise en demeure que la condition suspensive sera considérée comme n'ayant pas été levée ; en l'espèce, si le CREDIT AGRICOLE n'a accordé son financement que le 13/09/2013, aucune mise en demeure n'avait été adressée à Madame D... par Madame B..., et le fait que cet accord soit intervenu postérieurement á la date du 30/08/2013 ne peut donc entraîner la caducité du compromis de vente ; le jugement déféré sera réformé de ce chef ; par ailleurs, il était seulement prévu dans le compromis de vente que Madame D... solliciterait un prêt d'un montant de 228.000 euros, sans que soit mentionnée la nécessité d'un déblocage du second pilier pour constituer l'apport personnel de 18.122 euros ; ainsi, Madame D... devait faire son affaire de l'apport-personnel nécessaire au déblocage du prêt ; parce que c'est ce défaut d'apport personnel qui a entrainé le refus de prêt, c'est Madame D... qui est à l'origine de la défaillance de la condition suspensive ; dès lors, par application de l'article 1178 du code civil (ancien), la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur qui en a empêché l'accomplissement ; enfin, c'est vainement que pourvoi n° fait valoir qu'en tout état de cause, la date limite pour réitérer le compromis de vente par acte authentique a été dépassée, alors qu'il a été expressément stipulé que la date fixée au 13/09/2013 n'est pas extinctive, mais constitutive du point de départ à partir duquel l'une des parties pourra obliger l'autre à s`exécuter par le biais d'une mise en demeure, et que celle-ci a été adressée à Madame D... par Madame B... le 19/10/2013 ; il convient de relever qu'à cette date, Madame D... avait pu déposer un dossier complet à sa banque, le fait que le compromis de vente qui lui avait été adressé dans un premier temps ait été incomplet étant sans ainsi sans incidence ; dans ces conditions, Madame B... est fondée à venir réclamer à Madame D... les pénalités prévues au contrat ; toutefois, la clause pénale apparaît en l'espèce manifestement excessive ; en effet, l'appartement pouvait très rapidement être remis en vente, étant précisé que Madame D... ne peut être responsable de la totalité du préjudice allégué par Madame B..., celle-ci étant partie en [...] dès le mois de mai 2013, et les difficultés économiques, personnelles ou de santé qu'elle a pu rencontrer ne pouvant avoir été occasionnées par l'échec de la vente ; dans ces conditions, la cour trouve dans le dossier les élément suffisants pour fixer à la somme de 10.000 euros le montant des dommages intérêts qui seront alloués à Madame B... » (arrêt pp. 3 et 4) ;

ALORS QUE 1°) lorsque, dans une promesse synallagmatique de vente, un délai est prévu pour la réalisation de la condition suspensive et qu'à la date prévue pour la réitération par acte authentique, cette condition n'est pas accomplie, la promesse est caduque ; que la cour d'appel constate que la condition suspensive relative à l'obtention d'un prêt par Madame D... devait contractuellement intervenir le 30 août 2013 au plus tard, que le CREDIT AGRICOLE avait accordé son financement le 13 septembre 2013, puis que la banque avait finalement opposé un « refus de prêt », à défaut du déblocage du second pilier suisse constituant l'apport personnel de Madame D... (arrêt p. 3) ; que, pour écarter la caducité de la promesse de vente litigieuse, la cour d'appel énonce que, pour que le compromis de vente puisse être déclaré caduc, il était prévu que le vendeur mette en demeure l'acquéreur de justifier de l'obtention du prêt, et que ce n'était que huit jours après cette mise en demeure que la condition suspensive était considérée comme n'ayant pas été levée ; que la cour d'appel en déduit qu'aucune mise en demeure n'ayant été adressée à Madame D... par Madame B..., la circonstance que l'accord de financement soit intervenu postérieurement à la date du 30 août 2013 ne pouvait entraîner la caducité du compromis de vente ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, sans rechercher si, à la date prévue pour la réitération de la vente par acte authentique, et compte tenu de l'accord, puis du refus de financement de l'établissement bancaire qu'elle constatait, la condition suspensive relative à l'obtention du prêt devait être considérée comme défaillante, et si la promesse était dès lors caduque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1176 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

ALORS QUE 2°) subsidiairement, la condition est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; que, pour dire Madame D... à l'origine de la défaillance de la condition suspensive, la cour d'appel constate qu'elle devait faire son affaire de l'apport personnel nécessaire au déblocage du prêt, qui n'était pas prévu dans le compromis de vente, et que c'est ce défaut d'apport personnel qui avait entraîné le refus du prêt ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée par Madame D... (conclusions, pp. 14 à 17), si la décision du CREDIT AGRICOLE de soumettre la libération des fonds prêtés au déblocage préalable du second pilier suisse par la Caisse de pension CIEPP, puis la décision de cette dernière de ne pas débloquer les fonds du second pilier suisse, ne constituaient pas deux décisions émanant de tiers, qui avaient empêché l'accomplissement de la condition suspensive prévue au compromis de vente, sans qu'aucune abstention ou intervention fautive ne puisse être reprochée à Madame D..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1178 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

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