20 octobre 2020
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 20/00164

Chambre 1-11 HO

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Hospitalisation sans consentement

1-11 HO





ORDONNANCE

DU 20 OCTOBRE 2020



N° 2020/0164







Rôle N° RG 20/00164 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGMKC







LE DIRECTEUR DU C.H. [4] A [Localité 3]





C/



[L] [I]







































Copie délivrée :

le 20 Octobre 2020

par mail au

- Ministère Public

-L'avocat

-Jld ho Tj d'Aix



Copie adressée :

le 20 Octobre 2020

par télécopie

au :

- patient

-directeur du Ch [4]

















Décision déférée à la Cour :



Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention d'AIX-EN-PROVENCE en date du 08 Octobre 2020 enregistrée au répertoire général sous le n°20/0813.







APPELANT



LE DIRECTEUR DU C.H. [4] A [Localité 3]

Comparant





INTIME



Monsieur [L] [I]

né le [Date naissance 1] 1994 en Algérie, demeurant [Adresse 2]



comparant en personne, assisté de Me Madeleine AUBAS avocate commise d'office au barreau d'AIX EN PROVENCE





PARTIE JOINTE



LE MINISTERE PUBLIC, demeurant COUR D'APPEL - PALAIS MONCLAR - 13100 AIX EN PROVENCE



non comparant, ayant déposé des réquisitions écrites

















*-*-*-*-*











DÉBATS



L'affaire a été débattue le 20 Octobre 2020, en audience publique, devant Mme Catherine OUVREL, Conseillère, déléguée par ordonnance du premier président, en application des dispositions de l'article

L. 3211-12-4 du code de la santé publique,



Greffier lors des débats : Mme Lydia HAMMACHE,



Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2020.





ORDONNANCE



Contradictoire



Prononcée par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2020



Signée par Mme Catherine OUVREL, Conseillère et Mme Lydia HAMMACHE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire,






PROCEDURE ET MOYENS



Selon la procédure figurant au dossier, monsieur [L] [I] a fait l'objet d'une admission en urgence en soins psychiatriques et en hospitalisation complète au sein du Centre Hospitalier [4] à [Localité 3] le 30 septembre 2020 suite à un péril imminent dans le cadre de l'article L. 3212-1 II 2° du code de la santé publique, au vu d'un certificat médical daté du même jour du docteur [P] faisant état d'un patient psychotique présentant un délire de persécution et des éléments hétéro-agressifs, outre déni et compliance très mauvaise, ainsi que risque de fugue.



Par ordonnance rendue le 8 octobre 2020, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, saisi dans le cadre du contrôle obligatoire prévu aux articles L. 3211-12-1 et suivants du même code, a ordonné la mainlevée de l'hospitalisation complète de l'intéressé.



Par lettre datée du 12 octobre 2020 transmise par mail du 13 octobre 2020, enregistré le 14 octobre 2020 au greffe de la chambre de l'urgence, le directeur du centre hospitalier de [4] a interjeté appel de la décision précitée.



Le ministère public a conclu par écrit en date du 16 octobre 2020 à la confirmation de la décision querellée.



A l'audience du 20 octobre 2020, se tenant en audience publique, l'appelant a été entendu et a repris son acte d'appel.



Le directeur d'établissement conteste l'analyse du premier juge et demande l'infirmation de l'ordonnance estimant parfaitement régulière la procédure d'hospitalisation sur décision du directeur d'établissement pour péril imminent. D'une part, il soutient que l'attestation de recherche de proches dans les 24 heures de l'hospitalisation n'a pas à être systématiquement communiquée au juge des libertés et de la détention en application des articles R. 3211-10 et R. 3211-12 du code de la santé publique, ce magistrat ayant toujours la possibilité de demander des pièces complémentaires. Le directeur d'établissement fait valoir qu'en l'occurrence, une telle demande n'a pas été présentée avant ou en cours d'audience, et que le moyen a été retenu sans lui avoir permis, dans le respect du contradictoire, de justifier des diligences accomplies. D'autre part, il fait valoir que la recherche d'une personne de la famille a effectivement été réalisée et qu'il en justifie. Enfin, le directeur d'établissement conteste l'atteinte aux droits de la personne hospitalisée sous contrainte qui aurait résulté de ce prétendu défaut de diligences au sens de l'article L. 3216-1 du même code, le patient refusant en l'occurrence tout contact avec sa famille et cette volonté ayant été respectée.









Monsieur [L] [I], désormais en soins libres à l'hôpital, a comparu et a exposé : 'je suis toujours à l'hôpital. Je n'ai pas le choix d'être à l'hôpital si je dois être soigné. Je pense que je dois être soigné et que l'on doit m'apprendre comment vivre avec les autres à l'extérieur. Je reconnais ma situation, j'ai besoin d'aide. J'ai fait des bouffées délirantes et j'ai crié la haine dans mon coeur. J'ai crié dans ma chambre.

A aucun moment je n'ai été violent.

Ma chambre c'était chez mes parents.

J'ai aujourd'hui très peu de contact avec mes parents. Oui, je souhaiterais avoir des contacts avec mes parents. J'ai un petit frère et une petite soeur avec qui je n'ai pas de contact, car je n'ai pas de téléphone. J'avais de bonnes relations avec mon petit frère. J'ai aussi des amis au quartier.

Est ce que l'on va parler du dossier assistem ' C'est à cause du passage dans cette entreprise avec qui j'ai des problèmes que je suis ici : ils me doivent des indemnités'.



Son avocat a demandé la confirmation de l'ordonnance entreprise. Il soutient que l'irrégularité formelle affectant l'information due aux famille et proches du patient dans les 24 heures de l'admission de son client emporte nécessairement atteinte à ses droits dès lors qu'il faisait l'objet d'une privation de liberté sans son consentement. Le conseil soutient que l'établissement hospitalier a failli à ses diligences et qu'il lui appartenait de justifier de cette recherche par la production de tout justificatif dans les 24 heures de l'admission du patient. En outre, l'avocat indique que monsieur [L] [I] n'est pas en rupture avec sa famille mais conserve au contraire des liens avec certains membres de celle-ci.








MOTIFS DE LA DECISION



I / Sur la forme



L'appel a été interjeté dans le délai de 10 jours prévu par les articles R. 3211-18 et R. 3211-19 du code de la santé publique et sera donc déclaré recevable.



Le juge des libertés et de la détention a statué dans le délai prévu à l'article L. 3211-12-1 1° du même code.



II / Sur la mesure d'hospitalisation



Monsieur [L] [I] a fait l'objet d'une hospitalisation à temps complet sans son consentement dans les circonstances ci-dessus précisées, les conditions de l'hospitalisation complète étant énumérées à l'article

L. 3212-1 du code de la santé publique, selon lesquelles l'intéressé doit présenter des troubles mentaux rendant impossible son consentement et son état mental doit imposer des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante.



Sur la méconnaissance de la procédure d'information de la famille de la personne qui fait l'objet de soins



En application de l'article L. 3212-1 II 2° du code de la santé publique, le directeur de l'établissement prononce la décision d'admission lorsqu'il s'avère impossible d'obtenir une demande dans les conditions prévues au 1° du présent II et qu'il existe, à la date d'admission, un péril imminent pour la santé de la personne, dûment constaté par un certificat médical établi dans les conditions prévues au troisième alinéa du même 1°. Ce certificat constate l'état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Le médecin qui établit ce certificat ne peut exercer dans l'établissement accueillant la personne malade ; il ne peut en outre être parent ou allié, jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni avec le directeur de cet établissement ni avec la personne malade.

Dans ce cas, le directeur de l'établissement d'accueil informe, dans un délai de vingt-quatre heures sauf difficultés particulières, la famille de la personne qui fait l'objet de soins et, le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l'intéressé ou, à défaut, toute personne justifiant de l'existence de relations avec la personne malade antérieures à l'admission en soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celle-ci.



Par application de l'article L. 3216-1 du code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention connaît des contestations mentionnées au premier alinéa du présent article dans le cadre des instances introduites en application des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1. Dans ce cas, l'irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.







Aux termes de l'article R. 3211-12 du code de la santé publique, sont communiqués au juge des libertés et de la détention afin qu'il statue :

1° Quand l'admission en soins psychiatriques a été effectuée à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent, une copie de la décision d'admission motivée et, le cas échéant, une copie de la décision la plus récente ayant maintenu la mesure de soins, les nom, prénoms et adresse du tiers qui a demandé l'admission en soins ainsi qu'une copie de sa demande d'admission ; (...)

4° Une copie des certificats et avis médicaux prévus aux chapitres II à IV du titre Ier du livre II de la troisième partie de la partie législative du présent code, au vu desquels la mesure de soins a été décidée et de tout autre certificat ou avis médical utile, dont ceux sur lesquels se fonde la décision la plus récente de maintien des soins ;

5° Le cas échéant :

a) L'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 ;

b) L'avis d'un psychiatre ne participant pas à la prise en charge de la personne qui fait l'objet de soins, indiquant les motifs médicaux qui feraient obstacle à son audition.

Le juge peut solliciter la communication de tous autres éléments utiles.



En l'espèce, il convient tout d'abord de considérer que le relevé des démarches d'information à la famille pour un patient admis en soins psychiatriques sans consentement sur décision du directeur d'établissement pour péril imminent dans les 24 heures de son admission n'est pas une des pièces devant être communiquées au juge des libertés et de la détention au sens de l'article sus-visé, le juge pouvant toutefois solliciter toute communication supplémentaire.



En l'occurrence, il n'est pas justifié d'une telle demande auprès de l'établissement hospitalier par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence qui a pourtant retenu une irrégularité affectant cette recherche, irrégularité soulevée devant lui.



Le directeur d'établissement produit désormais la fiche de recherche des personnes de l'entourage dans les 24 heures de l'admission de monsieur [L] [I] et sa transmission au dossier le 9 octobre 2020. Aux termes de ce document, il apparaît que madame [U], infirmière, atteste n'avoir pu procéder dans les 24 heures à l'information d'un membre de la famille car 'le patient refuse tout contact avec sa famille et que l'hôpital les contacte'.



Il résulte du certificat médical établi le 1er octobre 2020, donc dans les 24 heures de son admission, que monsieur [L] [I] se trouvait en errance, exprimant un sentiment de persécution envers sa famille, ayant été mis dehors par ses parents.



La formulation retenue sur la fiche de recherche des personnes de l'entourage est imprécise et ne permet pas de vérifier la réalité des démarches et des informations dont disposait le centre hospitalier aux fins d'informer toute personne de l'entourage du patient susceptible d'agir dans l'intérêt de celui-ci, même indépendamment de l'opposition manifestée par le patient et potentiellement compréhensible s'agissant de l'admission d'une personne dont l'état de péril imminent est constaté. La preuve de la connaissance antérieure par l'hôpital de la situation familiale du patient n'est ici pas rapportée. Il n'est donc pas justifié ici de ce que l'établissement a fait toute diligence pour informer la famille du patient, mentionnant le cas échéant les difficultés rencontrées, alors cependant que celle-ci existe puisqu'étant évoquée à tout le moins dans le certificat médical du 1er octobre et que monsieur [L] [I] en fait état à l'audience devant la cour.



Dès lors il ne peut être retenu que les exigences de l'article L. 3212-1 II 2° du code de la santé publique ont été remplies, ce qui porte atteinte aux droits de monsieur [L] [I]. La main levée de la mesure décidée par le juge des libertés et de la détention est donc justifiée et l'ordonnance entreprise doit être confirmée.





Les dépens seront laissés à la charge du trésor public en application de l'article R. 93-2° du code de procédure pénale.



PAR CES MOTIFS



Statuant publiquement par décision contradictoire.



Déclarons recevable mais non fondé l'appel formé par Le directeur du centre hospitalier [4] d'[Localité 3],



Confirmons la décision déférée rendue le 08 Octobre 2020 par le Juge des libertés et de la détention d'AIX-EN-PROVENCE.



Laissons les dépens à la charge du trésor public.









Le greffierLe président

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