20 octobre 2020
Cour d'appel de Rennes
RG n° 18/06217

3ème Chambre Commerciale

Texte de la décision

3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N°390



N° RG 18/06217 - N° Portalis DBVL-V-B7C-PFSP













EURL LES OEUFS NATURE



C/



Caisse de Crédit Mutuel CAISSE DE CREDIT MUTUEL BLAIN

Société DELAERE PHILIPPE

































Copie exécutoire délivrée



le :



à :

Me DEMIDOFF

Me SIROT





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 20 OCTOBRE 2020





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, rapporteur,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,



GREFFIER :



Mme Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 06 Juillet 2020 devant Monsieur Alexis CONTAMINE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial



ARRÊT :



Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 20 Octobre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats



****



APPELANTE :



EURL LES OEUFS NATURE , inscrite au RCS de saint-Nazaire sous le n°

519 147 714 prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 7]

[Localité 3]



Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN-DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Franck LOPEZ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS



INTIMÉES :



Caisse de Crédit Mutuel de BLAIN

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Pierre SIROT de la SELARL RACINE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES





Société DELAERE PHILIPPE prise en sa qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de redressement judiciaire de la Société LES OEUFS NATURE

[Adresse 6]

[Adresse 5]

[Localité 4]



N'ayant pas constitué avocat bien que régulièrement assignée par acte d'huissier de Justice en date du 13 décembre 2018






FAITS ET PROCEDURE :



La Caisse de Crédit Mutuel de Blain (le Crédit Mutuel), a accordé certains prêts à l'Eurl Les Oeufs nature dont notamment :

1°) Prêt n° 36017 107909 04 :

Date du prêt : 10 novembre 2003

Durée : 180 mois,

Montant en principal : 128.700 euros,

Taux d'intérêt conventionnel : 4,75%,

Taux effectif global : 5,044%,



2°) Prêt n°36017 110968 03 :

Date du prêt 22 avril 2010,

Durée: 180 mois,

Montant en principal : 240.000 euros

Taux d'intérêt conventionnel : 4,700 %

Taux effectif global : 5,65387 %.



La société Les 'ufs nature a été placée en redressement judiciaire le 15 janvier 2014, la société Delaere étant désignée mandataire judiciaire.



Le Crédit Mutuel a déclaré ses créances par lettre du 24 février 2014. Elles ont été pour partie contestées par la société Les 'ufs nature.



Par ordonnance du 28 septembre 2015, le Juge commissaire a :

- Ordonné la jonction des différentes procédures de contestation dont il était saisi,

- Pris acte de ce que la société Les 'ufs nature a abandonné ses contestations relatives à la créance déclarée au titre du prêt n°36017 110968 04,

- Dit qu'il convient d'admettre la créance du Crédit Mutuel en exécution du prêt n° 36017 110968 04, au passif de la société Les Oeufs nature, à titre privilégié et définitif, à hauteur de 19.179,23 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 3,90 % l'an, calculés sur la somme de 17.435,66 euros dus à compter du 15 janvier 2014 jusqu'à complet paiement,

- S'est déclaré incompétent pour connaître des contestations formées par le débiteur à l'encontre des autres créances déclarées à son passif par le Crédit Mutuel,

- Ordonné le sursis à statuer sur le sort desdites contestations et invité le Crédit Mutuel à saisir le tribunal de commerce de Saint Nazaire dans les conditions de l'article R 624-5 du code de commerce,

- Pris acte de ce que l' indemnité conventionnelle ne sera exigible qu'en cas de défaillance dans le paiement des échéances du plan de redressement et que cette somme sera en toute hypothèse réglée qu'en fin de plan,

- Dit que sa décision sera mentionnée sur la liste des créanciers,

- Dit que les dépens seront tirés en frais privilégiés de procédure,

- Ordonné le dépôt au greffe de l'ordonnance,

- Dit que l'ordonnance sera notifiée par LRAR aux parties et qu'un avis sera adressé au mandataire judiciaire.



Le Crédit Mutuel a assigné la société Les Oeufs nature en demandant l'admission des créances relatives aux prêts relatives à l'admission des créances déclarées par la Banque, au passif de la société Les Oeufs nature, en exécution des prêts n°36017 107909 002 et n°36017 110968 03.



Le 28 janvier 2015, le tribunal de commerce de Saint-Nazaire a arrêté un plan de redressement d'une durée de 8 ans, la société Delaere étant désignée commissaire à l'exécution du plan. Par ordonnance du 2 mai 2017, le président du tribunal de commerce de Saint-Nazaire a prononcé la clôture du redressement.



Par jugement du 27 juin 2018, le tribunal de commerce de Saint-Nazaire a :

- Dit le Crédit Mutuel recevable et bien fondée en ses conclusions, fins et prétentions,

- Décerné acte au Crédit Mutuel de ce que le juge commissaire a, aux termes de son ordonnance définitive du 28 septembre 2015, ordonné l'admission de la créance de la banque au passif de l'Eurl Les Oeufs nature, en exécution du prêt n° 36017 110968 04, à titre privilégié et définitif à hauteur de la somme de 19.179,23 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 3,90% l'an, calculés sur la somme de 17 .435,66 euros dus à compter du 15 janvier 2014 jusqu'à complet paiement,

- Décerné acte au Crédit Mutuel de ce que l'Eurl Les Oeufs nature a abandonné, dans le cadre de la procédure, ses contestations portant sur la validité du TEG mentionné dans l'acte authentique de prêt n° 36017 107909 002 04 conclu le 9 septembre 2003,

- Dit l'Eurl Les Oeufs nature et la société Delaere, ès qualités, irrecevables en leur contestation de la validité du TEG mentionné à l'acte de prêt n° 36017 107909 002 04,

- Dit l'Eurl Les Oeufs nature et la société Delaere, ès qualités, irrecevables et mal fondées en leurs contestations relatives à l'admission des créances déclarées au titre du prêt n° 36017 110968 03 et les en débouté,

- Ordonné l'admission de la créance du Crédit Mutuel au passif de l'Eurl Les Oeufs nature, en exécution du prêt n° 36017 107909 002 04, à titre privilégié et définitif, à titre échu pour 1 050,91 euros d'une part, et à échoir à hauteur de la somme de 53.593,94 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 4,75% l'an, calculés sur la somme de 50.991,80 euros, dus à compter du 15 janvier 2014 jusqu'à complet paiement, d'autre part, et que la somme au titre de l'indemnité conventionnelle ne sera exigible qu'en cas de défaillance dans le paiement des échéances du plan de redressement, et que cette somme ne sera en toute hypothèse réglée qu'en fin de plan,

- Ordonné l'admission de la créance du Crédit Mutuel au passif de l'Eurl Les Oeufs nature, en exécution du prêt n° 36017 110968 03, à titre chirographaire et définitif, à titre échu pour 1.944,61 euros d'une part, et à échoir à hauteur de la somme de 219.251,15 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 4,70% l'an, calculés sur la somme de 199.141,97 euros, dus à compter du 15 janvier 2014 jusqu'à complet paiement, d'autre part, et que la somme au titre de l'indemnité conventionnelle ne sera exigible qu'en cas de défaillance dans le paiement des échéances du plan de redressement, et que cette somme ne sera en toute hypothèse réglée qu'en fin de plan,

- Dit l'Eurl Les Oeufs nature mal fondée en sa demande d'indemnisation formée à l'encontre du Crédit Mutuel, et l'en a déboutée,

- Condamné l'Eurl Les Oeufs nature à payer au Crédit Mutuel la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et débouté le Crédit Mutuel pour le surplus de sa demande,

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- Condamné l'Eurl Les Oeufs nature aux entiers dépens.



La société Les oeufs nature a interjeté appel le 26 septembre 2018.



Le 30 avril 2020, le président de la 3ème chambre civile de la cour d'appel de Rennes a informé les parties qu'il avait décidé de recourir à la procédure sans audience prévue par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020.



Par lettre du 30 avril 2020, l'avocat de la société Les Oeufs nature a indiqué qu'il s'opposait à la procédure sans audience. L'affaire à été fixée à l'audience du 6 juillet 2020.





Le 11 juin 2020, au vu des dispositions des articles L. 624-2 et L. 624-3 du code de commerce et des principes régissant l'excès de pouvoir, il a été demandé aux parties de faire valoir, pour le 22 juin 2020 au plus tard, toutes observations utiles sur :

- l'interprétation des demandes tendant à la confirmation du jugement en ce qu'il a décidé de l'admission des créances,

- le cas échéant, sur le pouvoir de la cour d'appel, saisie sur recours contre une décision du juge du fond, de statuer sur une demande d'admission de créances au passif de la société Les 'ufs nature.



Les dernières conclusions de la société Les Oeufs nature sont en date du 3 juillet 2020. Les dernières conclusions du Crédit Mutuel sont en date du 1er juillet 2020.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 juillet 2020.





PRETENTIONS ET MOYENS :



La société Les 'ufs nature demande à la cour de :



- Dire et Juger irrecevable la demande subsidiaire relative à l'infirmation du jugement exclusivement en ce qui concerne l'admission de la créance et, statuant de nouveau, d'inviter la partie la plus diligente à saisir le Juge-commissaire à l'effet d'admettre lesdites créances conformément aux termes du jugement dont appel et de l'arrêt à intervenir,

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement,

- Prononcer la nullité de la stipulation d'intérêt conventionnelle et subsidiairement la déchéance du droit aux intérêts du Crédit Mutuel de tout droit à intérêts conventionnels sur les deux prêts d'un montant de 240.000 euros en date du 10 Avril 2010 consenti à la société Les 'ufs nature,

- Dire et juger qu'au titre de ce prêt, la société Les 'ufs nature est redevable que de l'intérêt au taux légal si ce dernier est inférieur au taux conventionnel,

- Dire et Juger que l'excédent d'intérêts versés au Crédit Mutuel, augmenté du taux d'intérêt légal à compter de chaque échéance et arrêté à la date du Jugement d'ouverture de la procédure, sera imputé sur le capital du prêt restant dû à cette date et la déclaration de créances réduite à ces montants,

- Rejeter les déclarations relatives aux indemnités pour résiliation anticipées,

- Condamner le Crédit Mutuel à payer la somme de 100.000 euros à la société Les Oeufs nature à titre de dommages-intérêts,

- Condamner le Crédit Mutuel au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner le Crédit Mutuel aux dépens.



Le Crédit Mutuel demande à la cour de :



- Dire et juger le Crédit Mutuel recevable et bien fondée en ses conclusions, fins et prétentions.

- Dire et juger la société Les 'ufs nature mal fondée en son appel interjeté à l'encontre du jugement et l'en débouter,

- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- Dire et juger la société Les Oeufs nature irrecevable et mal fondée en l'ensemble de ses demandes et l'en débouter,



A titre subsidiaire : Si la cour devait par extraordinaire considérer qu'elle ne dispose pas du pouvoir juridictionnel de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a ordonné l'admission au passif de la société Les Oeufs nature des créances du Crédit Mutuel au titre des prêts n° 36017 107909 002 04 et 36017 110968 03 :

- Infirmer le jugement exclusivement en ce qu'il a ordonné l'admission des créances du Crédit Mutuel au passif de la société Les Oeufs nature au titre des prêts n° 36017 107909 002 04 et n°36017 110968 03,

- Confirmer le jugement pour le surplus en toutes ses dispositions,



Statuant de nouveau :

- Inviter la partie la plus diligente à saisir le juge-commissaire à l'effet d'admettre les créances déclarées en exécution des prêts n° 36017 107909 002 04 et n°36017 110968 03 conformément aux termes de la déclaration de créance de la Banque et des termes jugement dont appel et de l'arrêt à intervenir,



En tout état de cause :

- Condamner la société Les 'ufs nature à payer au Crédit Mutuel la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Le condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.



Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.




DISCUSSION :



Les décernés acte qui figurent au dispositif du jugement ne sont pas des décision de justice. Il n'y a pas lieu pour la cour d'appel de statuer sur les demandes afférentes à ces constats.



Sur le pourvoir juridictionnel du tribunal de commerce et de la cour d'appel :



La cour d'appel est saisie de la part du Crédit Mutuel d'une demande de confirmation du jugement en ce qu'il a admis ces deux créances.



En réponse à la demande d'observations formulée par la cour sur la difficulté résultant de l'éventuel défaut de pouvoir de la cour d'appel dans la présente instance de statuer sur une demande d'admission de créance, le Crédit Mutuel persiste dans la formulation de sa demande. Il fait valoir que le juge commissaire ne disposerait pas d'une compétence exclusive pour statuer sur l'admission des créances après que la contestation échappant à son pouvoir juridictionnel ait été tranché par la juridiction de fond. Selon le CIC, la cour d'appel, quoique n'ayant pas été saisie sur recours d'une décision d'admission ou de rejet prise par le juge commissaire, aurait le pouvoir de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné l'admission des créances.



Il résulte des dispositions de l'article L. 624-2 du code de commerce et des principes régissant l'excès de pouvoir que le juge-commissaire et la cour d'appel, sur recours prévu aux articles L. 624-3 et R. 624-7, sont seuls compétents pour statuer sur l'admission des créances.



Le moyen tiré du défaut de pouvoir juridictionnel de la cour d'appel statuant dans la procédure de vérification des créances constitue une fin de non-recevoir qui doit être relevée d'office par les juges du fond, ce qui a été fait par note aux parties du 11 juin 2020 sur laquelle elles ont été en mesure de faire valoir leurs observations.



Le tribunal de commerce a été saisi par assignation du Crédit Mutuel d'une demande d'admission des créances du Crédit Mutuel au titre des prêts n°36017 107909 002 et 36017 110968 03.



Le tribunal de commerce ordonné l'admission des créances du Crédit Mutuel au titre de ces prêts, précisant même que cette admission était ordonnée pour partie à titre privilégié et définitif et à titre échu.



Le tribunal de commerce n'avait pas le pouvoir de statuer sur l'admission de créances et a commis un excès de pouvoir en décidant de ces admissions. Il y a lieu d'annuler le jugement sur ce point. Cette annulation entraine de l'ensemble du jugement, les autres demandes dont il était saisi, afférentes à la créance du Crédit Mutuel sur la société Les Oeufs nature, étant indivisibles de celles relatives à l'admission des créances.



Devant la cour d'appel, la demande est irrecevable en ce qu'elle vise une admission de créance qui ne relève du pouvoir de la cour d'appel que dans les cas où elle est saisie sur recours d'une décision du juge commissaire.



Il n'appartient pas à la cour d'appel d'inviter les parties à saisir le juge commissaire. En outre, en tout état de cause, c'est le juge du fond qu'il conviendrait de saisir, d'une demande de fixation de créances, comme le juge commissaire l'a d'ailleurs indiqué dans son ordonnance du 28 septembre 2015.

Les autres demandes visent l'indeminisation du préjudice qu'aurait subi la société Les Oeufs nature du fait des agissements du Crédit Mutuel. Ces demandes sont indivisibles de celles afférentes à la créance du Crédit Mutuel sur la société Les Oeufs nature. Elles sont donc également irrecevables.





Sur les frais et dépens :



Il y a lieu de condamner le Crédit Mutuel aux dépens de premières instance et d'appel et de rejeter les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS :



La cour :



- Annule le jugement





Statuant de nouveau et y ajoutant :



- Dit que la cour d'appel, statuant sur recours d'une décision du juge du fond, n'a pas le pouvoir d'examiner une demande d'admission d'une créance au passif de la procédure collective ouverte au profit de la société Les Oeufs nature, ni les demandes indivisibles de cette demande,



- Rejette les autres demandes des parties,



- Condamne la Caisse de Crédit Mutuel de Blain aux dépens de premières instance et d'appel.



LE GREFFIER LE PRESIDENT

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