5 juin 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-84.400

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:CR00953

Texte de la décision

N° M 18-84.400 F-D

N° 953


CK
5 JUIN 2019


REJET


M. SOULARD président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme A... I...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 23 mai 2018, qui, pour organisation d'un mariage aux seules fins de faire obtenir un titre de séjour, l'a condamnée à trois mois d'emprisonnement avec sursis ;











La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 10 avril 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. de LAROSIÈRE de CHAMPFEU, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lavaud ;

Sur le rapport de M. le conseiller de LAROSIÈRE de CHAMPFEU, les observations de la société civile professionnelle BOUTET et HOURDEAUX, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CROIZIER ;


Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a confirmé le jugement ayant déclaré Mme I... coupable d'organisation de mariage aux seules fins de faire obtenir un titre de séjour, le bénéfice d'une protection contre l'éloignement ou de faire acquérir la nationalité française ;

"aux motifs propres que « sur le délit d'organisation de mariage aux seules fins de faire obtenir un titre de séjour : le tribunal a reconnu Mme X... coupable d'avoir contracté un mariage avec M. K... pour obtenir un titre de séjour, une protection contre l'éloignement ou l'acquisition de la nationalité française ; que Mme X... n'a pas interjeté appel de cette décision qui est aujourd'hui définitive ; qu'il incombe donc à la cour de s'interroger sur la seule participation, en toute connaissance de cause, de Mme I... à l'organisation de ce mariage frauduleux ; que sur ce point, il convient d'observer que les déclarations de M. K..., qui n'est pas à l'origine de la révélation des faits, ont certes étaient fluctuantes quant au déroulement de l'entretien au cours duquel il avait consenti à cette union frauduleuse mais ont en revanche toujours été constantes quant au rôle joué par Mme I... ; que ses déclarations sont corroborées par le témoignage de certains de ses proches tel son père auquel il s'est confié fin mars, début avril 2014, en lui indiquant que Mme I... l'avait mêlé à une histoire de mariage blanc ainsi que par le témoignage de M. T... qui déclarait avoir appris incidemment le mariage de son ami en mai ou juin 2014, ce dernier lui ayant alors déclaré s'être fait piéger par Mme I... ; que M. Y..., ré-entendu à la suite de sa mise en cause par M. K..., confirmait son rôle d'intermédiaire dans la rencontre ayant eu lieu entre ce dernier, Mme I... et les soeurs X... ; qu'il fournissait des éléments précis et circonstanciés quant à la manière dont s'étaient déroulés les faits, éléments non divulgués à la procédure par M. K... et susceptibles d'engager potentiellement sa responsabilité pénale ; qu'ainsi, il précisait avoir rencontré Mme I... la veille des faits ; que celle-ci lui avait expliqué la situation administrative de Mme X... ; qu'il avait aussitôt pensé à M. K... auquel il en avait parlé le soir même d'initiative ; que le lendemain, l'entretien s'était déroulé dans son bureau ; que selon lui, Mme I... avait évoqué les accords franco-algériens, indiquant que le divorce serait prononcé d'ici un an et demi et qu'il ne risquait rien ; que l'exploitation des fadets des téléphones portables de M. K..., de Mme X... et de Mme I... démontre :
- l'absence de contact entre M. K... et Mme X... avant le 12 décembre 2013 ;
- un premier contact entre Mme X... et Mme I... le 14 juin 2013 puis de nombreux échanges entre elles à compter du 12 décembre 2013 ;
- des contacts multiples entre M. K... et Mme I..., entre le 17 mai et le 31 décembre 2013, contacts quasi quotidiens à compter du 19 novembre 2013 ;
- l'existence, le 31 décembre 2013, jour du mariage, d'un échange téléphonique de plus de 11 minutes entre Mme X... et Mme I... ainsi que de nombreux sms entre M. K... et Mme I... le même jour ; que s'agissant de ces contacts, le tribunal a, à juste titre, relevé qu'alors que Mme I... conteste tout lien avec l'organisation de ce mariage frauduleux, elle n'est pas en mesure d'expliquer, autrement que par des raisons politiques et syndicales, ces échanges avec les mariés, y compris le jour de leur mariage, ni davantage la coïncidence de date existant entre le premier contact entre les futurs époux et une tentative de contact entre elle et la mariée le 12 décembre 2013, élément à tout le moins troublant ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, l'infraction reprochée à Mme I... apparaît manifestement établie en tous ses éléments constitutifs, tant matériel qu'intentionnel, les premiers juges ayant à juste titre et par une motivation pertinente que la cour fait sienne écarté la thèse du complot politique ; que le jugement déféré sera donc confirmé sur la déclaration de culpabilité s'agissant du délit d'organisation de mariage aux seules fins de faire obtenir un titre de séjour » ;

"et aux motifs éventuellement adoptés qu' « il apparaît que Mmes X... et Mme I... ont agi de concert pour parvenir à obtenir de M. K... son consentement au mariage dans le même objectif ; qu'en ce sens, le tribunal relève, concernant Mme I..., qu'alors qu'elle conteste tout lien avec l'organisation de ce mariage, elle n'explique pas les échanges téléphoniques intervenus entre elle et le marié entre le 26 septembre 2013 et le 31 décembre 2013 et y compris le jour même du mariage ; de la même façon, elle n'explique pas les contacts téléphoniques relevés entre elle et la mariée, y compris le jour de son mariage pendant 11 minutes ; elle ne saurait sérieusement prétendre avoir échangé avec les mariés le jour de la célébration de leur mariage au sujet de ses activités politiques ou syndicales un 31 décembre, étant précisé qu'elle n'a pas la qualité de témoin ; que lors de l'audience, Mme I... a admis que dans le cadre de ses activités politiques, il lui était arrivé de soutenir des dossiers aux fins de régularisation de situations administratives au bénéfice d'étrangers en situation irrégulière de sorte qu'elle a pu intervenir au même titre au soutien des intérêts de la soeur de l'une de ses amies, Mme F... X... ; que la thèse du complot politique qu'elle soutient ne peut aboutir en ce que les éléments qu'elle produit à l'audience, y compris les témoignages qu'elle a souhaité faire entendre mettent tous en évidence des événements postérieurs à la célébration du mariage, survenus courant 2014 ; au contraire tous les éléments matériels qui l'impliquent et notamment les investigations téléphoniques démontrent que ses liens avec les mariés en vue de l'organisation du mariage précèdent sa célébration et ne s'expliquent que par son implication dans la commission du délit. Surtout, la théorie de Mme I... est mise à mal par l'origine de la procédure pénale mise en oeuvre par le procureur de la République à la suite d'un signalement des services de la préfecture qui se sont questionnés du fait de la proximité temporelle entre le prononcé de l'obligation de quitter le territoire et la célébration du mariage » ;

"1°) alors que le délit d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage prévu à l'article L. 623-1 du CESEDA suppose de caractériser des faits matériels précis d'aide, de concours ou de participation à une entreprise de fraude visant à organiser ou faire contracter un mariage aux seules fins de faire obtenir un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement ; qu'en se bornant à relever des contacts téléphoniques entre Mme I... et les époux, Mme X... et M. K..., sans établir de faits précis d'organisation du mariage contesté, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"2°) alors qu'en relevant que M. Y..., ré-entendu à la suite de sa mise en cause par M. K..., a confirmé son rôle d'intermédiaire dans la rencontre ayant eu lieu entre ce dernier, Mme I... et les soeurs X..., et a fourni des éléments précis et circonstanciés quant à la manière dont s'étaient déroulés les faits, sans préciser lesquels ni expliquer en quoi ils seraient de nature à établir des actes d'aide entrant dans le champ d'application du texte pénal, la Cour d'appel a de plus fort privé sa décision de base légale ;

"3°) alors qu'en se limitant à relever des coïncidences de dates dans les échanges entre la prévenue et les futurs époux, qualifiées d'éléments à tout le moins troublants, sans établir des faits précis d'aide réprimés par l'article L. 623-1 du CESEDA, la Cour d'appel a une fois encore privé sa décision de base légale ;

"4°) alors qu'en reprochant à Mme I... de ne pas être en mesure de s'expliquer, autrement que par des raisons politiques et syndicales, sur les échanges qu'elle a eus avec les mariés, la Cour d'appel, à qui il appartenait d'établir que ces échanges, dont on ignore le contenu, caractérisaient une aide pénalement répréhensible, a inversé la charge de la preuve" ;


Attendu que, pour déclarer Mme I... coupable d'organisation d'un mariage aux seules fins de faire obtenir un titre de séjour, l'arrêt attaqué énonce qu'elle a demandé à M. K..., une de ses relations, d'épouser Mme X..., lui expliquant que ce mariage pouvait seul éviter à celle-ci d'être contrainte de quitter le territoire français, ce qu'elle devait faire avant le 29 décembre 2013, en exécution d'un arrêté préfectoral du 28 novembre 2013 ; que la cour d'appel retient que M. K... a déclaré que Mme I... l'avait manipulé, et qu'elle connaissait les troubles psychiques dont il souffrait ; que les juges ajoutent que le rôle d'intermédiaire de Mme I... entre M. K... et sa future épouse est aussi établi par les déclarations de plusieurs témoins, M. Y..., M. T... et le père de M. K... ; que l'arrêt relève que les investigations téléphoniques effectuées établissent une absence de contacts entre les futurs époux, avant le 12 décembre 2013, et de multiples contacts entre M. K... et Mme I... entre le 12 décembre 2013 et le 31 décembre 2013, date du mariage, le premier contact entre les deux futurs époux se situant à la même date qu'un contact entre Mme I... et Mme X... ; que les juges soulignent l'absence de toute cohabitation entre les époux après le mariage, un divorce ayant été envisagé dès la régularisation du séjour de Mme X... ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs dénués d'insuffisance, la cour d'appel a justifié sa décision, sans encourir les griefs allégués ;

Qu'ainsi le moyen, qui, sous couvert de défaut de base légale et d'inversion de la charge de la preuve ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;


REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq juin deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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