26 juin 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-20.723

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:SO01057

Texte de la décision

SOC.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 juin 2019




Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1057 F-D

Pourvoi n° B 17-20.723







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. H... U..., domicilié [...] ,

contre l'arrêt rendu le 28 mars 2017 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Stemh, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

défenderesse à la cassation ;

La société Stemh a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 29 mai 2019, où étaient présents : M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Basset, conseiller, Mme Berriat, avocat général, Mme Pontonnier, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. U..., de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Stemh, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. U... a été engagé le 26 mai 1992 en qualité de grutier par la société Huiban, aux droits de laquelle vient la société Stemh (la société) ; que le 3 mars 2008, il a été désigné en qualité de délégué syndical par la Fédération CGTR du bâtiment et des travaux publics ; que le 26 février 2009, le salarié a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable fixé au 4 mars 2009 ; que par décision du 20 mai 2009, l'autorisation de licencier le salarié a été refusée par l'inspecteur du travail, cette décision ayant été confirmée par la décision du ministre du travail le 7 décembre 2009, devenue définitive suite au jugement du tribunal administratif du 4 mars 2010 ; que le 12 janvier 2010, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes de rappels de salaires de février à décembre 2009 et de dommages-intérêts pour une discrimination syndicale et un harcèlement moral ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident et sur le moyen unique du pourvoi principal pris en sa deuxième branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses première et troisième branches :

Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes de rappel de salaire et de ses demandes indemnitaires au titre de la modification de son contrat de travail, la cour d'appel retient que cette modification du contrat de travail du salarié a été de fait acceptée par lui en ce qu'il occupe cet emploi sans discontinuer depuis sa réintégration en mars 2011 après un refus par courrier en 2009 ;

Attendu, cependant, que l'acceptation de la modification du contrat de travail par le salarié ne se présume pas et ne peut résulter de la seule poursuite par ce dernier de l'exécution du contrat de travail dans ses nouvelles conditions ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié n'avait pas donné son accord exprès à la modification de son contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi principal pris en ses deux dernières branches :

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016 ;

Attendu que lorsque survient un litige relatif à l'application de ces textes, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande au titre d'un harcèlement moral, la cour d'appel a retenu que le salarié affirmait avoir subi un harcèlement moral qu'il fondait sur neuf points développés dans ses écritures et que ces éléments ne se présentaient pas comme des agissements répétés en ce que chacun d'entre eux avait un caractère isolé ;

Qu'en statuant ainsi alors que le salarié présentait des faits qu'il lui appartenait d'examiner dans leur ensemble, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. U... de ses demandes de rappel de salaire, de ses demandes indemnitaires au titre de la modification de son contrat de travail et de ses demandes au titre d'un harcèlement moral, l'arrêt rendu le 28 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, remet, en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, composée autrement ;

Condamne la société Stemh aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Stemh à payer à M. U... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. U....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. U... de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE la procédure de résiliation judiciaire dont se trouve saisie en cause d'appel la cour interfère avec une demande d'autorisation administrative de licenciement ; que l'inspecteur du travail s'est prononcé sur la dernière demande d'autorisation du licenciement postérieurement à la procédure d'appel mais le rejet de cette demande conduit la cour à retrouver le pouvoir de se prononcer sur la demande de résiliation judiciaire dans le strict respect du principe de séparation des pouvoirs ; qu'il convient en conséquence de rechercher, en se plaçant à la date de la présente décision pour apprécier leur gravité, si les griefs allégués par le salarié à l'appui de cette demande formée le 12 avril 2011 aux seuls torts de l'employeur sont fondés, rappel fait de ce que seule la voie de la procédure d'autorisation administrative du licenciement est en conséquence ouverte outre celle de l'action en résiliation judiciaire de son contrat de travail ouverte au seul salarié ; que s'agissant d'un salarié protégé, il convient d'apprécier les dits griefs formés par le salarié compte tenu non seulement de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail mais également des exigences propres à l'exécution des mandats qui étaient les siens ; que les premiers juges ont prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur le 19 avril 2012 en retenant l'absence de réintégration dans son emploi de chauffeur et du bénéfice d'une rémunération de chauffeur pour la période de mise à pied du 27 février 2009 au 28 juillet 2010, date de la notification de son licenciement. Il est établi que l'autorité administrative ayant refusé d'autoriser, le licenciement le 31 décembre 2010, le salarié aurait dû être maintenu dans son emploi et percevoir un salaire équivalent dans la mesure où cet emploi existait à la date de sa réintégration ; que sur ce point, l'employeur justifie d'un redéploiement des postes internes à l'entreprise avec externalisation du transport du fait de difficultés économiques et cela dès le mois d'octobre 2010 ; que la réintégration du salarié ne pouvait en conséquence être réalisée sur le poste de chauffeur initialement occupé ; que l'employeur a réalisé une réintégration sur un emploi de manutentionnaire dont il ne peut être dit qu'il comporte une qualification . identique et des perspectives identiques ni même un salaire identique ; que cependant cette modification du contrat de travail du salarié a été de fait acceptée par lui en ce qu'il occupe cet emploi sans discontinuer depuis sa réintégration en mars 2011 après un refus par courrier en 2009 ; que le salarié ne produit aucun élément de contestation des dires de son employeur qui se prévaut de la disponibilité de ce seul poste de manutentionnaire, et non de postes à qualification et perspectives identiques au sein de la société Stemh, à la date de sa réintégration ; que M. U... ne peut en conséquence soutenir sa demande de rappels de salaires sur ce seul point ; que ce grief n'est en conséquence pas retenu et le salarié est débouté des demandes indemnitaires afférentes ; que le salarié affirme avoir subi un harcèlement moral qu'il fonde sur neuf points développés dans ses écritures ; que toutefois ces éléments ne se présentent pas comme des agissements répétés en ce que chacun d'entre eux a un caractère isolé et il n'est pas établi qu'ils aient eu pour effet de dégrader les conditions de travail du salarié ni que cette dégradation ait porté atteinte à ses droits et à sa dignité, ce qu'il affirme sans préciser ce qui caractériserait l'atteinte aux droits et à sa dignité, ni altérer sa santé physique ou mentale ou compromis son avenir professionnel, le certificat du Dr B... ne se fondant que sur les dires du salarié pour affirmer que : « il présente des symptômes anxieux (...) directement liés à un climat psychologique stressant à son travail. » ; qu'il n'établit pas plus que sa convocation en vue d'une sanction disciplinaire ait été inappropriée au regard du pouvoir disciplinaire de l'employeur et produit une lettre qu'il a lui-même adressée à son employeur s'agissant d'une demande de congé qui lui aurait été faite sans qu'il la souhaite, se donnant à lui-même une preuve d'un fait qu'il utilise au soutien de sa demande de résiliation judiciaire ; que s'agissant du recours à la procédure de licenciement avec autorisation administrative par son employeur, il ne peut être reproché à celui-ci d'avoir utilisé la procédure dite exceptionnelle prévue pour les salariés protégés en la forme en la procédurale prescrite par le code du travail ni d'avoir mis en cause les élections ayant présidé à ses mandats de salariés protégés selon le jeu ordinaire de la procédure ouverte légalement à tout employeur de salarié protégé ; que le salarié n'établit pas avoir souffert d'une action syndicale limitée et n'illustre d'ailleurs pas ce propos, le fait de recourir à une procédure d'annulation des élections relevant du droit de contestation ouvert là encore à tout employeur et il est acquis à la cause qu'il a été fait droit à la demande de l'employeur de façon définitive à la date de la présente décision ; que ce grief n'est donc pas accueilli et le salarié est débouté de sa demande de dommages intérêts afférente ainsi que de sa demande fondée sur une affirmation d'une discrimination syndicale que le salarié ne développe pas en dehors de ses affirmations orales lors des débats d'audience ; que le salarié n'ayant pas de ce fait établi la réalité de manquements graves à ses obligations de la part de son employeur est en conséquence débouté de toutes ses demandes, la cour ne pouvant de ce fait prononcer la rupture du contrat de travail ; qu'il convient de renvoyer les parties à la recherche d'une solution négociée s'agissant du contrat de travail du salarié qui perdure ;

1°) ALORS QUE la modification du contrat de travail doit être expressément acceptée par le salarié ; que cet accord exprès ne saurait résulter de la fourniture de la prestation de travail aux conditions imposées ; qu'après avoir constaté que la réintégration de M. U... au sein de l'entreprise était intervenue dans un emploi de manutentionnaire, au prix d'une altération de sa qualification et d'une diminution de sa rémunération constituant une modification du contrat de travail, la cour d'appel a énoncé que « cette modification du contrat de travail du salarié a été de fait acceptée par lui en ce qu'il occupe cet emploi sans discontinuer depuis sa réintégration en mars 2011 après un refus par courrier en 2009 » ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'accord exprès du salarié à la modification du contrat de travail résultant de l'altération de sa qualification et d'une diminution de sa rémunération, la cour d'appel a violé l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil en sa rédaction applicable au litige ;

2°) ALORS QU'aux termes de l'article L 2422-1 du Code du travail, lorsque le ministre compétent annule, sur recours hiérarchique, la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié investi de l'un des mandats énumérés par ledit article, ou lorsque le juge administratif annule la décision d'autorisation de l'inspecteur du travail ou du ministre compétent, le salarié concerné a le droit, s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, d'être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent ; que cette réintégration est assortie du paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration ; qu'en déboutant M. U... de sa demande en paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 2422-4 du code du travail pour la période antérieure à sa réintégration, quand elle constatait que le salarié avait été réintégré dans l'entreprise à la suite du refus par l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 2422-4 du code du travail ;

3°) ALORS QU'en déboutant M. U... de sa demande de rappel de salaire pour la période postérieure à sa réintégration, quand elle constatait que celle-ci était intervenue au prix d'une diminution de sa rémunération constituant une modification du contrat de travail, la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'accord exprès du salarié à cette diminution de sa rémunération, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil en sa rédaction applicable au litige ;

4°) ALORS QUE le harcèlement moral s'entend d'agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en retenant que les faits invoqués par le salarié au soutien de sa demande ne pouvaient constituer des agissements de harcèlement moral, dès lors que « ces éléments ne se présentent pas comme des agissements répétés en ce que chacun d'entre eux a un caractère isolé », la cour d'appel a subordonné la qualification de harcèlement moral à la répétition de faits identiques ou de même nature, violant l'article L. 1152-1 du code du travail ;

5°) ET ALORS QU'en ajoutant qu'il n'est pas établi que les éléments en question « aient eu pour effet de dégrader les conditions de travail du salarié ni que cette dégradation ait porté atteinte à ses droits et à sa dignité », quand le harcèlement moral est caractérisé, indépendamment de ses effets sur le salarié, par l'existence d'agissement répétés ayant pour objet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du code du travail. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Stemh.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté l'employeur de ses demandes et d'AVOIR dit que chacune des parties supporterait les frais irrépétibles et dépens par elle exposés aux deux degrés de juridiction ;

AUX MOTIFS QUE « La société Stemh fonde son appel sur la gravité de la faute commise par le salarié qui justifierait selon elle les demandes d'autorisation de licenciement qu'elle a formé à son encontre et d'autre part sur le fait que sa condamnation par le CPH au paiement de sommes importantes est disproportionnée eu égard à la faute commise par M. U....
Elle affirme que les reproches que lui fait le salarié « découlent tous du même fait à savoir le statut de salarié protégé de M. U... et de sa désignation comme délégué syndical et fait état de ce que ce mandat syndical, qui n'aurait pas été renouvelé depuis la désignation initiale de M. U... aurait été annulé par rétroactivité de l'annulation de sa désignation le 3 mars 2008 en tant que délégué syndical et représentant syndical au comité d'entreprise.
L'employeur soutient ce raisonnement au vu de la décision intervenue le 19 juillet 2013 et confirmé le 26 mars 2014 par la cour de cassation qui a annulé cette désignation, la fraude alléguée par l'employeur s'étant prolongée jusqu'au second arrêt rendu par la cour de cassation le 23 septembre 2015.
Il explique avoir eu la certitude de pouvoir poursuivre la procédure de licenciement à compter de cette date, affirmant la dangerosité du salarié comme motif de cette procédure.
Il demande qu'il soit dit que les procédures de demandes d'autorisation de licenciement soient déclarées dépourvues de justificatifs et qu'il soit dit et jugé que le licenciement de M. U... prononcé pour faute grave par lettre du 21 juillet 2010 emporte « plein effet ».
Ce fait ne fait pas l'objet de contestation de la part du salarié qui estime cependant qu'à la date de sa demande de résiliation judiciaire déposée le 12 avril 2011, l'employeur ne remplissait pas ses obligations essentielles et qu'il était fondé de ce fait à soutenir et à obtenir la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.
Il fait état d'une jurisprudence, s'agissant de l'annulation de son mandat, aux termes de laquelle celle-ci n'a pas d'effet rétroactif sur son statut protecteur et la perte de salarié protégé ne peut intervenir qu'à la seule date à laquelle le jugement d'annulation a été prononcé.
Il convient en premier lieu de faire rappel de ce que,
- le salarié bénéficie d'un double mandat en ce qu'il a été désigné délégué syndical et représentant syndical au comité d'entreprise par la fédération du bâtiment et des travaux publics CGTR le 3 mars 2008 (pièce 2). La protection spéciale s'appliquait en conséquence au titre de chacun de ses mandats en application des articles L 2411-5 et L 2411- 8 du code du travail.
S'agissant des effets de cette période de protection, celle-ci s'applique à compter du jour de la proclamation des résultats et pendant toute la durée du mandat, peu important que l'exécution du contrat de travail soit suspendue ou non.
L'annulation intervenue en raison d'une fraude ne fait pas obstacle à ce que les salariés bénéficient de cette protection durant une période de six mois à compter du jour de l'annulation. L'employeur ne peut donc prétendre, au regard de la date de la décision d'annulation confirmée par la cour de cassation, que le statut syndical de M. U... a pris fin de façon rétroactive soit en mars 2008 alors même qu'il développe une argumentation contraire en rappelant ainsi qu'il vient de l'être souligné qu'il ne s'était « autorisé à poursuivre le licenciement » que postérieurement au 23 septembre 2015, ayant la certitude qu'il n'avait plus à respecter la procédure dite exceptionnelle des salariés protégés.
En tout état de cause, le salarié a bénéficié de sa double protection six mois après la date de l'annulation de l'élection et il en bénéficiait donc à la date du dépôt de sa requête en résiliation judiciaire ainsi qu'à la date de l'appel ce qui conduit à déclarer les procédures de demandes d'autorisation de licencier nécessaires au regard de la permanence de ce statut de salarié protégé du fait de ce délai de six mois post décision d'annulation.
L'employeur est débouté de ce chef de demande.
Il est également débouté de sa demande d'accorder les pleins effets au licenciement prononcé pour faute grave, la saisine de la cour portant sur le jugement rendu par le CPH sur saisine du salarié se réclamant du prononcé d'une résiliation judiciaire.
- la procédure de résiliation judiciaire dont se trouve saisie en cause d'appel la cour interfère avec une demande d'autorisation administrative de licenciement. L'inspecteur du travail s'est prononcé sur la dernière demande d'autorisation du licenciement postérieurement à la procédure d'appel mais le rejet de cette demande conduit la cour a retrouvé le pouvoir de se prononcer sur la demande de résiliation judiciaire dans le strict respect du principe de séparation des pouvoirs.
Il convient en conséquence de rechercher, en se plaçant à la date de la présente décision pour apprécier leur gravité, si les griefs allégués par le salarié à l'appui de cette demande formée le 12 avril 2011 aux seuls torts de l'employeur sont fondés, rappel fait de ce que seule la voie de la procédure d'autorisation administrative du licenciement est en conséquence ouverte outre celle de l'action en résiliation judiciaire de son contrat de travail ouverte au seul salarié.
S'agissant d'un salarié protégé, il convient d'apprécier les dits griefs formés par le salarié compte tenu non seulement de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail mais également des exigences propres à l'exécution des mandats qui étaient les siens.
Les premiers juges ont prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur le 19 avril 2012 en retenant l'absence de réintégration dans son emploi de chauffeur et du bénéfice d'une rémunération de chauffeur pour la période de mise à pied du 27 février 2009 au 28 juillet 2010, date de la notification de son licenciement. Il est établi que l'autorité administrative ayant refusé d'autoriser le licenciement le 31 décembre 2010, le salarié aurait dû être maintenu dans son emploi et percevoir un salaire équivalent dans la mesure où cet emploi existait à la date de sa ré-intégration.
Sur ce point, l'employeur justifie d'un redéploiement des postes internes à l'entreprise avec externalisation du transport du fait de difficultés économiques et cela dès le mois d'octobre 2010. La réintégration du salarié ne pouvait en conséquence être réalisée sur le poste de chauffeur initialement occupé.
L'employeur a réalisé une réintégration sur un emploi de manutentionnaire dont il ne peut être dit qu'il comporte une qualification identique et des perspectives identiques ni même un salarié identique.
Cependant cette modification du contrat de travail du salarié a été de fait acceptée par lui en ce qu'il occupe cet emploi sans discontinuer depuis sa réintégration en mars 2011 après un refus par courrier en 2009.
Le salarié ne produit aucun élément de contestation des dires de son employeur qui se prévaut de la disponibilité de ce seul poste de manutentionnaire, et non de postes à qualification et perspectives identiques au sein de la Société Stemh, à la date de sa réintégration.
M. U... ne peut en conséquence soutenir sa demande de rappels de salaires sur ce seul point.
Ce grief n'est en conséquence pas retenu et le salarié est débouté des demandes indemnitaires afférentes.
Le salarié affirme avoir subi un harcèlement moral qu'il fonde sur neuf points développés dans ses écritures :
Toutefois ces éléments ne se présentent pas comme des agissements répétés en ce que chacun d'entre eux a un caractère isolé et il n'est pas établi qu'ils aient eu pour effet de dégrader les conditions de travail du salarié ni que cette dégradation ait porté atteinte à ses droits et à sa dignité, ce qu'il affirme sans préciser ce qui caractériserait l'atteinte aux droits et à sa dignité, ni altérer sa santé physique ou mentale ou compromis son avenir professionnel, le certificat du Dr B... ne se fondant que sur les dires du salarié pour affirmer que :
« il présente des symptômes anxieux (') directement liés à un climat psychologique stressant à son travail. ».
Il n'établit pas plus que sa convocation en vue d'une sanction disciplinaire ait été inapproprié au regard du pouvoir disciplinaire de l'employeur et produit une lettre qu'il a lui-même adressée à son employeur s'agissant d'une demande de congé qui lui aurait été faite sans qu'il la souhaite, se donnant à lui-même une preuve d'un fait qu'il utilise au soutien de sa demande de résiliation judiciaire.
S'agissant du recours à la procédure de licenciement avec autorisation administrative par son employeur, il ne peut être reproché à celui-ci d'avoir utilisé la procédure dite exceptionnelle prévue pour les salariés protégés en la forme en la procédurale prescrite par le code du travail ni d'avoir mis en cause les élections ayant présidé à ses mandats de salariés protégés selon le jeu ordinaire de la procédure ouverte légalement à tout employeur de salarié protégé.
Le salarié n'établit pas avoir souffert d'une action syndicale limitée et n'illustre d'ailleurs pas ce propos, le fait de recourir à une procédure d'annulation des élections relevant du droit de contestation ouvert là encore à tout employeur et il est acquis à la cause qu'il a été fait droit à la demande de l'employeur de façon définitive à la date de la présente décision.
Ce grief n'est donc pas accueilli et le salarié est débouté de sa demande de dommages intérêts afférente ainsi que de sa demande fondée sur une affirmation d'une discrimination syndicale que le salarié ne développe pas en dehors de ses affirmations orales lors des débats d'audience.
Le salarié n'ayant pas de ce fait établi la réalité de manquements graves à ses obligations de la part de son employeur est en conséquence débouté de toutes ses demandes, la cour ne pouvant de ce fait prononcer la rupture du contrat de travail.
Il convient de renvoyer les parties à la recherche d'une solution négociée s'agissant du contrat de travail du salarié qui perdure.
Chacune des parties succombant conserve la charge de ses dépens et des frais irrépétibles par elle exposés » ;

1°) ALORS QUE l'annulation d'un mandat de représentation du personnel en raison d'une fraude a un effet rétroactif et entraine la perte du statut protecteur dès le premier jour de la désignation annulée ; qu'en affirmant que l'annulation des mandats de délégué syndical et de représentant syndical au comité d'entreprise du salarié n'avait pas d'effet rétroactif sur son statut protecteur et que la perte du statut de salarié protégé ne pouvait intervenir qu'à la seule date à laquelle le jugement d'annulation avait été prononcé, la cour d'appel a violé le principe selon lequel la fraude corrompt tout, ensemble les articles L. 2411-1, L. 2411-5, L. 2411-8, L. 2143-1 et suivants et L. 2324-2 du code du travail ;

2°) ALORS QUE l'annulation d'un mandat de représentation du personnel en raison d'une fraude ne peut qu'être prononcée judiciairement ; qu'il s'en déduit qu'une partie peut tout à la fois soutenir que l'annulation d'un mandat de représentation en raison d'une fraude a un effet rétroactif faisant perdre au salarié la protection attachée à son mandat dès le premier jour de sa désignation et que dans l'attente d'une décision judiciaire constatant cette fraude, l'employeur s'est conformé aux règles relatives au statut protecteur ; qu'en affirmant que l'employeur ne pouvait pas prétendre que le statut syndical du salarié avait pris fin de façon rétroactive en mars 2008 au regard de la décision d'annulation confirmée par la cour de cassation dès lors qu'il avait développé une argumentation contraire en rappelant qu'il ne s'était « autorisé à poursuivre le licenciement » que postérieurement au 23 septembre 2015, ayant la certitude qu'il n'avait plus à respecter la procédure dite exceptionnelle des salariés protégés, la cour d'appel a violé le principe selon lequel la fraude corrompt tout, ensemble les articles L. 2411-1, L. 2411-5, L. 2411-8, L. 2143-1 et suivants et L. 2324-2 du code du travail.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.