4 juillet 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-10.735

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:CO00699

Texte de la décision

COMM.

COUR DE CASSATION



JT


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 4 juillet 2019




NON-LIEU A RENVOI


Mme ORSINI, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 699 F-D

Pourvoi n° M 19-10.735







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les questions prioritaires de constitutionnalité formulées par mémoires spéciaux présentés le 15 mai 2019 par Mme D... E..., veuve I..., domiciliée [...] , à l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 13 novembre 2018 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans une instance l'opposant au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, domicilié [...] , agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 2 juillet 2019, où étaient présents : Mme Orsini, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de Mme I..., de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, l'avis de M. Debacq, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Attendu qu'à l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rennes le 13 novembre 2018, Mme I... a demandé, par deux mémoires spéciaux, de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

1« Les dispositions du a), du b), et du e) de l'article 885 I bis du code général des impôts en ce qu'elles prévoient un régime similaire applicable au redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune lorsqu'il est propriétaire des titres ou lorsqu'il en est exclusivement usufruitier méconnaissent-elles les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 relatifs à l'égalité devant la loi et devant les charges publiques ? » ;

2 « Les dispositions du second alinéa du I et du II de l'article 885 I quater, en ce qu'elles prévoient un régime similaire applicable au redevable de l'impôt de solidarité sur la fortune lorsqu'il est propriétaire des titres ou lorsqu'il en est exclusivement usufruitier méconnaissent-elles les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 relatifs à l'égalité devant la loi et devant les charges publiques ? » ;

Attendu que l'article 885 I bis du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006, applicable au litige, prévoyait :

"Les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ne sont pas comprises dans les bases d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune, à concurrence des trois quarts de leur valeur si les conditions suivantes sont réunies :
a. Les parts ou les actions mentionnées ci-dessus doivent faire l'objet d'un engagement collectif de conservation pris par le propriétaire, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit avec d'autres associés ;
b. L'engagement collectif de conservation doit porter sur au moins 20 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s'ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou, à défaut, sur au moins 34 % des parts ou actions de la société.
Ces pourcentages doivent être respectés tout au long de la durée de l'engagement collectif de conservation qui ne peut être inférieure à six ans. Les associés de l'engagement collectif de conservation peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations des titres soumis à l'engagement.
La durée initiale de l'engagement collectif de conservation peut être automatiquement prorogée par disposition expresse, ou modifiée par avenant sans pouvoir être inférieure à six ans. La dénonciation de la reconduction doit être notifiée à l'administration pour lui être opposable.
L'engagement collectif de conservation est opposable à l'administration à compter de la date de l'enregistrement de l'acte qui le constate. Dans le cas de titres admis à la négociation sur un marché réglementé, l'engagement collectif de conservation est soumis aux dispositions de l'article L. 233-11 du code de commerce.
Pour le calcul des pourcentages prévus au premier alinéa, il est tenu compte des titres détenus par une société possédant directement une participation dans la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation visé au a et auquel elle a souscrit. La valeur des titres de cette société bénéficie de l'exonération partielle prévue au premier alinéa à proportion de la valeur réelle de son actif brut qui correspond à la participation ayant fait l'objet de l'engagement collectif de conservation.
L'exonération s'applique également lorsque la société détenue directement par le redevable possède une participation dans une société qui détient les titres de la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement de conservation.
Dans cette hypothèse, l'exonération partielle est appliquée à la valeur des titres de la société détenus directement par le redevable, dans la limite de la fraction de la valeur réelle de l'actif brut de celle-ci représentative de la valeur de la participation indirecte ayant fait l'objet d'un engagement de conservation.
Le bénéfice de l'exonération partielle est subordonné à la condition que les participations soient conservées inchangées à chaque niveau d'interposition pendant toute la durée de l'engagement collectif ;
En cas de non-respect des dispositions du huitième alinéa par suite d'une fusion entre sociétés interposées, l'exonération partielle accordée au titre de l'année en cours et de celles précédant cette opération n'est pas remise en cause si les signataires respectent l'engagement prévu au a jusqu'à son terme. Les titres reçus en contrepartie de la fusion doivent être conservés jusqu'au même terme.
c. L'un des associés mentionnés au a exerce effectivement dans la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation son activité professionnelle principale si celle-ci est une société de personnes visée aux articles 8 et 8 ter, ou l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis lorsque celle-ci est soumise à l'impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option ;
d. La déclaration visée à l'article 885 W doit être appuyée d'une attestation de la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement collectif de conservation certifiant que les conditions prévues aux a et b ont été remplies l'année précédant celle au titre de laquelle la déclaration est souscrite ;
e. En cas de non-respect de la condition prévue au a par l'un des signataires, l'exonération n'est pas remise en cause à l'égard des autres signataires, dès lors qu'ils conservent entre eux leurs titres jusqu'au terme initialement prévu et que la condition prévue au b demeure respectée. Dans le cas où cette dernière condition n'est pas respectée, l'exonération pour l'année en cours et celles précédant la rupture n'est pas remise en cause pour les autres signataires s'ils concluent, dans un délai d'un an, un nouvel engagement collectif de conservation, incluant a minima les titres soumis à l'engagement précédent, éventuellement avec un ou plusieurs autres associés, dans les conditions prévues au a et au b.
En cas de non-respect des conditions prévues au a ou au b par suite d'une fusion ou d'une scission au sens de l'article 817 A ou d'une augmentation de capital, l'exonération partielle accordée au titre de l'année en cours et de celles précédant ces opérations n'est pas remise en cause si les signataires respectent l'engagement prévu au a jusqu'à son terme. Les titres reçus en contrepartie d'une fusion ou d'une scission doivent être conservés jusqu'au même terme. Cette exonération n'est pas non plus remise en cause lorsque la condition prévue au b n'est pas respectée par suite d'une annulation des titres pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire.
Au-delà du délai de six ans, l'exonération partielle accordée au titre de la période d'un an en cours lors du non-respect de l'une des conditions prévues au a ou au b est seule remise en cause.
Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités d'application du présent article, notamment les obligations déclaratives incombant aux redevables et aux sociétés." ;

Attendu que l'article 885 I quater du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005, applicable au litige, prévoyait :

"I. - Les parts ou actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ne sont pas comprises dans les bases d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune, à concurrence des trois quarts de leur valeur, lorsque leur propriétaire exerce son activité principale dans cette société comme salarié ou mandataire social, ou y exerce son activité principale lorsque la société est une société de personnes soumise à l'impôt sur le revenu visée aux articles 8 à 8 ter.
L'exonération est subordonnée à la condition que les parts ou actions restent la propriété du redevable pendant une durée minimale de six ans courant à compter du premier fait générateur au titre duquel l'exonération a été demandée.
Les parts ou actions détenues par une même personne dans plusieurs sociétés bénéficient du régime de faveur lorsque le redevable exerce une activité éligible dans chaque société et que les sociétés en cause ont effectivement des activités, soit similaires, soit connexes et complémentaires.
L'exonération s'applique dans les mêmes conditions aux titres détenus dans une société qui a des liens de dépendance avec la ou les sociétés dans laquelle ou lesquelles le redevable exerce ses fonctions ou activités au sens du a du 12 de l'article 39.
L'exonération s'applique dans les mêmes conditions aux parts de fonds communs de placement d'entreprise visés aux articles L. 214-39 et suivants du code monétaire et financier ou aux actions de sociétés d'investissement à capital variable d'actionnariat salarié visées à l'article L. 214-40-1 du même code. L'exonération est limitée à la fraction de la valeur des parts ou actions de ces organismes de placement collectif représentative des titres de la société dans laquelle le redevable exerce son activité principale ou de sociétés qui lui sont liées dans les conditions prévues à l'article L. 233-16 du code de commerce. Une attestation de l'organisme déterminant la valeur éligible à l'exonération partielle doit être jointe à la déclaration visée à l'article 885 W.

II. - Les parts ou actions mentionnées au I et détenues par le redevable depuis au moins trois ans au moment de la cessation de ses fonctions ou activités pour faire valoir ses droits à la retraite sont exonérées, à hauteur des trois quarts de leur valeur, d'impôt de solidarité sur la fortune, sous réserve du respect des conditions de conservation figurant au deuxième alinéa du I.

III. - En cas de non-respect de la condition de détention prévue au deuxième alinéa du I et au II par suite d'une fusion ou d'une scission au sens de l'article 817 A, l'exonération partielle accordée au titre de l'année en cours et de celles précédant ces opérations n'est pas remise en cause si les titres reçus en contrepartie sont conservés jusqu'au même terme. Cette exonération n'est pas non plus remise en cause lorsque la condition prévue au deuxième alinéa du I et au II n'est pas respectée par suite d'une annulation des titres pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire.

IV. - L'exonération partielle prévue au présent article est exclusive de l'application de tout autre régime de faveur." ;

Attendu que les dispositions contestées sont applicables au litige, lequel porte sur les conditions d'exonération d'impôt de solidarité sur la fortune à concurrence de 75 % de la valeur des parts ou actions de certaines sociétés détenues par un redevable en cas d'engagement collectif de conservation de ces parts ou actions pris par les associés détenant une quote-part déterminée du capital ou des droits de vote de la société émettrice ou en cas d'engagement de conservation pris par des dirigeants ou salariés ou par d'anciens dirigeants ou salariés de la société ;

Sur la première question, portant sur la conformité à la Constitution des dispositions de l'article 885 I bis du code général des impôts :

Attendu que ces dispositions ont déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif des décisions n° 2003-477 DC rendue le 31 juillet 2003 et n° 2005-530 DC rendue le 29 décembre 2005 par le Conseil constitutionnel ; qu'aucun changement des circonstances de droit ou de fait n'est depuis intervenu qui, affectant la portée de la disposition législative critiquée, en justifierait le réexamen ; qu'en effet, les modifications apportées par la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 à l'article 885 I bis du code général des impôts ne portent que sur les conditions dans lesquelles le bénéfice de l'exonération partielle, qui s'applique dans l'hypothèse où la société détenue directement par le redevable possède une participation dans une société qui détient les titres de la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement de conservation, peut être maintenu à la suite d'une fusion entre sociétés interposées et sont sans lien avec les conséquences d'un démembrement de propriété des titres visés par cet engagement ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

Sur la seconde question, portant sur la conformité à la Constitution des dispositions de l'article 885 I quater du code général des impôts :

Attendu que ces dispositions ont déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2005-530 DC rendue le 29 décembre 2005 par le Conseil constitutionnel ; qu'aucun changement des circonstances de droit ou de fait n'est depuis intervenu qui, affectant la portée de la disposition législative critiquée, en justifierait le réexamen ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-neuf.

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