27 octobre 2020
Cour d'appel de Versailles
RG n° 19/05376

1re chambre 1re section

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 27 OCTOBRE 2020





N° RG 19/05376

N° Portalis DBV3-V-B7D-TLFQ





AFFAIRE :



[P], [B] [I]

C/

[D] [I]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Février 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 16/12116



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-la SELEURL MINAULT TERIITEHAU,



-Me Claire RICARD





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant qui a été prorogé les 13 et 20 octobre 2020, les parties en ayant été avisées dans l'affaire entre :



Monsieur [P], [B] [I]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 8]



représenté par Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 732

assisté de Me Arnaud ALBOU, avocat plaidant - barreau de PARIS, vestiaire : L0038





APPELANT

****************



Monsieur [D] [I]

né le [Date naissance 7] 1966 à [Localité 15] ([Localité 11])

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 10]



représenté par Me Claire RICARD, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2190703

assisté de Me Hervé CABELI de la SEP LARDIN CABELI PRADIE, avocat plaidant - barreau de PARIS, vestiaire : W01





INTIMÉ

****************



Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Septembre 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie LAUER, Conseiller chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Monsieur Alain PALAU, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Madame Nathalie LAUER, Conseiller,



Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,







Vu le jugement rendu le 21 février 2019 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a statué ainsi :



Constate qu'il n'existe aucune indivision successorale entre MM. [D] et [P] [I],

Dit n'y avoir lieu en conséquence à ordonner le partage de la succession de [Z] [I],

Déboute MM. [D] et [P] [I] de leurs demandes aux fins d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [Z] [I], de désignation d'un notaire liquidateur aux fins d'y procéder et d'un juge commis aux fins de les surveiller ;

Dit que M. [P] [I] dispose d'un droit à créance à concurrence de ses droits à réserve dans la succession de [Z] [I] à l'encontre de son frère [D] [I]';

Dit que la cession de l'appartement sis [Adresse 9] (75) intervenue entre [Z] [I] et [D] [I] suivant acte authentique du 26 septembre 2008 a été simulée et qu'elle constitue une donation du défunt au profit de M. [D] [I] ;

Dit en conséquence que l'appartement sis [Adresse 9] (75) doit être fictivement réuni à la masse de calcul telle que prévue à l'article 922 du code civil pour sa valeur au jour de l'ouverture de la succession du défunt en considération de son état à la date du 26 septembre 2008';

Dit que la cession d'une part sociale de la société civile immobilière [Adresse 9] intervenue entre [V] [I] et [D] [I] le 22 mai 2002 a été simulée et qu'elle constitue une donation du défunt et de son épouse pré-décédée au profit de M. [D] [I] ;

Dit en conséquence que doit être réunie fictivement à la masse de calcul de l'article 922 du code civil, à concurrence de la moitié, la valeur d'une part sociale de la société civile immobilière [Adresse 9], évaluée à la date de l'ouverture de la succession :

Déboute M. [P] [I] de toutes ses demandes relatives à la société civile immobilière [Adresse 3] qu'il s'agisse de sa constitution, de l'apport à la société du bien immobilier sis [Adresse 3] ainsi que de la cession intervenue le 24 mai 2007 de mille cinq cent parts sociales entre [Z] [I] et M. [D] [I] ;

Dit que M. [D] [I] a disposé de dons manuels de la part de [Z] [I] pour les sommes suivantes :

- 1 110, 33 euros ,

- 6 097,96 euros ;

Dit que ces sommes devront être fictivement réunies à la masse de calcul établie conformément à l'article 922 du code civil ;

Dit que M. [D] [I] a bénéficié d'une donation au titre du règlement par le défunt des droits de mutation dus en suite des donations des parts sociales de la société civile immobilière [Adresse 3] intervenues en 2007 et 2011 au profit de M. [D] [I] et de ses enfants ;

Dit en conséquence que les sommes de 16'052 euros et 175 545 euros devront être fictivement réunies à la masse de calcul établie conformément à l'article 922 du code civil ;

Déboute M. [D] [I] de sa demande relative à un don manuel de sommes d'argent à concurrence de 602euros dont aurait bénéficié courant 2005 son frère [P] [I] ;

Déboute M. [D] [I] de sa demande de réunion à la masse de l'article 922 du code civil de l'avantage dont aurait bénéficié M. [P] [I] au titre de l'occupation gratuite du bien sis [Adresse 9] (75) entre 1997 et 2000 ;

Dit que doivent figurer au nombre des biens existants au décès de [Z] [I] :

- les biens et effets mobiliers garnissant les immeubles ayant constitué la résidence principale du défunt à [Localité 14] (92) ainsi que sa résidence secondaire sis [Localité 16] (32) tels qu'énumérés dans l'acte d'inventaire et le procès-verbal de constat ;

- la somme de 100 000 euros au titre du prêt consenti par le défunt à la société ACD ;

- le solde du compte courant d'associé de [Z] [I] au sein de la société civile immobilière [Adresse 3] d'un montant de 1 789,65 euros au jour de l'ouverture de la succession, augmenté de la somme de 1 000 euros ;

Avant dire droit, aux fins de détermination du montant de l'indemnité de réduction due par M. [D] [I] à son frère [P] [I]

Ordonne une expertise ;

Désigne à cette fin Me [Y] [R], notaire à [Localité 14] (92), [Adresse 13], Tél : [XXXXXXXX01], avec pour mission, les parties régulièrement convoquées, et avoir pris connaissance du dossier, s'être fait remettre tous documents utiles et avoir entendu les parties ainsi que tout sachant ou requis, le cas échéant, l'avis de tout sapiteur de son choix et en considération des énonciations du présent jugement :

déterminer la consistance et la valeur de la masse de tous les biens existants au décès de [Z] [I] ;

d'y réunir les biens dont il a été disposé en déterminant leur consistance et leur valeur dans les conditions prévues à l'article 922 du code civil ,

de donner au tribunal tous les éléments nécessaires à la détermination de l'indemnité de réduction qui est due par M. [D] [I] à M. [P] [I] au regard de ses droits à réserve dans la succession du défunt, après avoir déterminé, conformément aux dispositions de l'article 913 du code civil, le montant de la quotité disponible dont [Z] [I] pouvait librement disposer ;

Rappelle qu'il appartient aux parties de concourir loyalement aux opérations d'expertise et de fournir au notaire expert désigné tout élément utile à l'accomplissement de sa mission s'agissant notamment des libéralités consenties par le défunt à leur profit ou au profit de tiers ;

Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants code de procédure civile et qu'il déposera son rapport en un exemplaire original (éventuellement sous papier et en copie sous la forme ne d'un fichier PDF ou d'un CD-Rom ou d'une clé USB au greffe du service des contrôles des expertises du tribunal de grande instance de Nanterre dans un délai de huit mois à compter de l'avis de consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile auprès du juge du contrôle ;

Dit que l'expert devra, dès réception de l'avis de versement de la provision à valoir sur sa rémunération, convoquer les parties à une première réunion qui devra se tenir avant l'expiration d'un délai de deux mois, au cours de laquelle il procédera à une lecture contradictoire de sa mission, présentera la méthodologie envisagée, interrogera les parties sur d'éventuelles mises en cause, établira contradictoirement un calendrier de ses opérations et évaluera le coût prévisible de sa mission et qu'à l'issue de cette première réunion, il adressera un compte-rendu aux parties et au juge chargé du contrôle ;

Dit que sauf accord contraire des parties, l'expert devra adresser à celles-ci une note de synthèse dans laquelle il rappellera l'ensemble de ses constatations matérielles, présentera ses analyses et déposera une réponse à chacune des questions posées par la juridiction ;

Dit que l'expert devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l'article 276 du code de procédure civile et rappelons qu'il ne sera pas tenu de prendre en compte les transmissions tardives ;

Désigne le magistrat chargé du contrôle des expertises pour suivre la mesure d'instruction et statuer sur les incidents';

Dit que l'expert devra rendre compte à ce magistrat de l'avancement de ses travaux d'expertise et des diligences accomplies et qu'il devra l'informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l'exécution de sa mission conformément aux dispositions des articles 273 à 275 du code de procédure civile ;



Fixe à la somme de 5'000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée par M. [P] [I] entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de ce tribunal, dans le délai maximum de cinq semaines à compter de la présente, ordonnance, sans autre avis ,

Dit que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;

Déboute M. [P] [I] de ses demandes au titre du recel successoral ;

Déboute M. [D] [I] de ses demandes relatives aux sommes dont il déclare avoir fait l'avance pour le compte de l'indivision successorale ou de son frère ;

Déboute M. [P] [I] de sa demande en paiement d'une provision ;

Rejette toute autre demande des parties ;

Ordonne l'exécution provisoire :

Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que l'affaire sera rappelée à l'audience du juge de la mise en état du 21 juin 2019 pour retrait du rôle dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert sauf observations des parties formulées avant le 19 juin 2019 à 12 heures ;





Vu l'appel de ce jugement interjeté le 19 juillet 2019 par M. [P] [I] et ses dernières conclusions notifiées le 7 août 2020 par lesquelles il demande de :



REFORMER partiellement le jugement entrepris du Tribunal de Grande Instance de Nanterre en date du 21 février 2019 en ce qu'il :



n'a pas ordonné l'ouverture des opérations de liquidation-partage, ni prévu dans la mission de l'expert notaire nommé la valorisation des biens donnés ou légués à la date la plus proche du paiement de l'indemnité de réduction en vertu de l'article 924-2 du code civil,

a rejeté la demande de M. [P] [I] d'ordonner la réintégration dans la masse de la somme de 140.458 euros (en sus de la réintégration de l'appartement [Adresse 9]).

a rejeté la demande de M. [P] [I] d'ordonner à [D] [I] de révéler l'ensemble des libéralités dont il a bénéficié ;



CONFIRMER les autres dispositions du jugement entrepris ;



Statuant à nouveau :

Débouter [D] [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Dire et juger que le notaire [R] nommé par le Tribunal aura également pour mission d'évaluer le montant de l'indemnité de réduction conformément aux prescriptions de l'article 924-2 du code civil (à leur valeur au jour du décès et à leur valeur actuelle), et de déterminer les droits réservataires de M. [P] [I] conformément à l'article 825 du code civil ;

Ordonner la réintégration dans la masse de la succession de M. [Z] [I] en vue du calcul de l'indemnité de réduction revenant à M. [P] [I] de la somme de 140.458 euros, au titre d'une donation de deniers du 23 septembre 2008 ;

Ordonner à M. [D] [I] de produire l'intégralité des relevés bancaires et de placements patrimoniaux de M. [Z] [I] sur les dix ans qui ont précédé le décès ;

Ordonner à M. [D] [I] d'avoir à révéler l'ensemble des libéralités dont il a été gratifié du chef du de cujus ;

Ordonner à M. [D] [I] d'avoir à révéler l'ensemble des libéralités dont son épouse et/ou ses enfants ont été gratifiés du chef du de cujus ;



Rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;

Condamner M. [D] [I] au versement d'une somme de 1020.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des frais irrépétibles d'appel ;

Le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL MINAULT-TERIITEHAU agissant par Me Stéphanie TERIITEHAU, Avocat conformément à l'article 699 du code de procédure civile.





Vu les dernières conclusions notifiées le 28 août 2020 par M. [D] [I] qui demande de :



DIRE ET JUGER M. [P] [I] mal fondé en son appel.

Le DEBOUTER de toutes ses demandes.

CONFIRMER le jugement querellé en ce qu'il a :



dit n'y avoir lieu à ordonner le partage de la succession de M. [Z] [I],

débouté M. [P] [I] de sa demande d'ouverture des opérations du compte liquidation et partage de la succession de [Z] [I],

dit que M. [P] [I] dispose d'un droit de créance à concurrence de ses droits à réserve dans la succession de [Z] [I] à l'encontre de son frère [D] [I],

débouté M. [P] [I] de toutes ses demandes relatives à la société civile immobilière [Adresse 3] qu'il s'agisse de sa constitution, de l'apport à la société du bien immobilier sis [Adresse 3] ainsi que de la cession intervenue le 24 mai 2007 de mille cinq cent parts sociales entre [Z] [I] et M. [D] [I] ;

dit que M. [D] [I] a disposé de dons manuels de la part de [Z] [I] pour les sommes suivantes :

1.110,33 euros

6.097,96 euros

dit que ces sommes devront être fictivement réunies à la masse de calcul établie conformément à l'article 922 du code civil ;

dit que M. [D] [I] a bénéficié d'une donation au titre du règlement par le défunt des droits de mutation dus en suite des donations des parts sociales de la société civile immobilière [Adresse 3] intervenues en 2007 et 2011 au profit de M. [D] [I] et de ses enfants ;

dit en conséquence que les sommes de 16.052euros et 175.545 euros devront être fictivement réunies à la masse de calcul établie conformément à l'article 922 du code civil ;

dit que doivent figurer au nombre des biens existants au décès de [Z] [I] :



les biens et effets mobiliers garnissant les immeubles ayant constitué la résidence principale du défunt à [Localité 14] (92) ainsi que sa résidence secondaire de [Localité 16] (32) tels qu'énumérés dans l'acte d'inventaire et le procès-verbal de constat ;

le solde du compte courant d'associé de [Z] [I] au sein de la société civile immobilière [Adresse 3] d'un montant de

1.789,65 euros au jour de l'ouverture de la succession, augmenté de la somme de 1.000 eeuros ;

Avant dire droit, aux fins de détermination du montant de l'indemnité de réduction due par M. [D] [I] à son frère [P] [I], ordonné une expertise ;

désigné à cette fin Me [Y] [R], notaire à [Adresse 13], Tél : [XXXXXXXX01], avec pour mission, les parties régulièrement convoquées, après avoir pris connaissance du dossier, s'être fait remettre tous documents utiles et avoir entendu les parties ainsi que tout sachant ou requis, le cas échéant, l'avis de tout sapiteur de son choix et en considération des énonciations du présent jugement :

déterminer la consistance et la valeur de la masse de tous les biens existants au décès de [Z] [I] ;

d'y réunir les biens dont il a été disposé en déterminant leur consistance et leur valeur dans les conditions prévues à l'article 922 du code civil ;

de donner au Tribunal tous les éléments nécessaires à la détermination de l'indemnité de réduction qui est due par M. [D] [I] à M. [P] [I] au regard de ses droits à réserve dans la succession du défunt, après avoir déterminé, conformément aux dispositions de l'article 913 du code civil, le montant de la quotité disponible dont [Z] [I] pouvait librement disposer ;

débouté M. [P] [I] de ses demandes au titre

du recel successoral ;

débouté M. [P] [I] de sa demande en

paiement d'une provision ;

rejeté toute autre demande de M. [P] [I] ;



DIRE ET JUGER M. [D] [I] recevable et bien fondé en son appel incident du jugement querellé.

INFIRMER ledit jugement en ce qu'il a :



dit que la cession de l'appartement sis [Adresse 9] (75) intervenue entre [Z] [I] et [D] [I] suivant acte authentique du 26 septembre 2008 a été simulée et qu'elle constitue une donation du défunt au profit de M. [D] [I],

dit en conséquence que l'aparement sis [Adresse 9] (75) doit être fictivement réuni à la masse de calcul telle que prévue à l'article 922 du code civil pour sa valeur au jour de l'ouverture de la succession du défunt en considération de son état à la date du 26 septembre 2008 ;

dit que la cession d'une part sociale de la société civile immobilière [Adresse 9] intervenue entre [V] [I] et [D] [I] le 22 mai 2002 a été simulée et qu'elle constitue une donation du défunt et de son épouse pré-décédée au profit de M. [D] [I] ;

dit en conséquence que doit être réunie fictivement à la masse de calcul de l'article 922 du Code civil, à concurrence de la moitié, la valeur d'une part sociale de la société civile immobilière [Adresse 9], évaluée à la date de l'ouverture de la succession ;

dit que doit figurer au nombre des biens existant au décès de [Z] [I] la somme de 100.000 euros au titre du prêt consenti par le défunt à la Société ACD.



Statuant à nouveau,



DIRE ET JUGER que la cession de l'appartement sis [Adresse 9] (75) intervenue entre [Z] [I] et [D] [I] suivant acte authentique du 26 septembre 2008 n'a pas été simulée et ne constitue pas une donation du défunt au profit de M. [D] [I],

DEBOUTER en conséquence M. [P] [I] de ses demandes du chef de la cession dudit appartement,

DIRE ET JUGER que le chèque de 150.000 euros établi par M. [Z] [I] à l'ordre de son fils [D] [I] en date du 2 octobre 2008 correspond à un prêt consenti par M. [Z] [I] à son fils et non à une donation.



CONSTATER que ledit prêt a été remboursé par M. [D] [I] à son père [Z] [I].



Subsidiairement,

DIRE ET JUGER que le solde non remboursé dudit prêt ne caractérise pas la volonté de M. [Z] [I] de la volonté de gratifier son fils [D] [I] de l'appartement sis [Adresse 9] (75),

DIRE ET JUGER que la cession d'une part sociale de la société civile immobilière [Adresse 9] intervenue entre [V] [I] et [D] [I] le 22 mai 2002 n'a pas été simulée et ne constitue pas une donation du défunt et de son épouse pré-décédée au profit de M. [D] [I],

DÉBOUTER en conséquence M. [P] [I] de ses demandes du chef de la cession de ladite part sociale,

CONSTATER le remboursement du prêt de 100.000 euros consenti par M. [Z] [I] à la société ACD,

DIRE ET JUGER en conséquence que ladite somme de 100.000 euros ne doit pas figurer au nombre des biens existant au décès de [Z] [I],

CONDAMNER M. [P] [I] à payer à M. [D] [I] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER M. [P] [I] aux entiers dépens.






FAITS ET PROCÉDURE





[Z] Couturier dont le dernier domicile était situé à [Localité 14] (92), est décédé le [Date décès 5] 2013 en laissant pour lui succéder ses deux enfants [P] et [D], nés de son union avec [V] [I], pré-décédée le [Date décès 4] 2003, avec laquelle il était marié sous le régime de la communauté universelle,



Aux termes d'un testament olographe du 8 avril 2010, [Z] Couturier a institué son fils [D] pour légataire universel.

A défaut de règlement amiable de la succession du défunt, M. [P] [I] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nanterre son frère [D] par acte d'huissier du 18 octobre 2016 en ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de leur père et aux fins d'obtenir le rapport à succession de certaines sommes qu'il estimait constituer des donations déguisées au profit de son frère outre la condamnation de celui-ci au titre du recel successoral.

M. [D] [I] a régulièrement constitué avocat.

Au cours de la mise en état de l'affaire, M. [P] [I] a saisi le juge de la mise en état d'une demande incidente aux fins de condamnation de M. [D] [I] à lui verser une provision sur l'indemnité de réduction à lui revenir dans le cadre du règlement de la succession de leur père.



Par ordonnance du 22 mars 2018, le juge de la mise en état a condamné M. [D] [I] à lui régler la somme de 119 500 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnité de réduction à lui revenir dans le cadre du règlement de la succession de [Z] Couturier.



C'est dans ces conditions qu'a été rendu le jugement déféré à la cour.












SUR CE , LA COUR,



Les demandes de rapport au titre de donations déguisées



Le bien immobilier situé [Adresse 9]



M. [D] [I] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit que ce bien devait être fictivement réuni à la masse de calcul de la réserve des héritiers. À l'appui, il fait valoir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu qu'il avait bénéficié à ce titre en date du 1er octobre 2008 d'une donation déguisée de la somme de 150'000 euros. Il soutient que le chèque de 150'000 euros établi par [Z] Couturier à l'ordre de son fils [D] en date du 2 octobre 2008 correspond à un prêt dont il dit avoir pu retrouver des relevés bancaires qui justifient du remboursement à hauteur d'un montant global de 35'925 euros entre mars 2009 et janvier 2012 de sorte qu'il justifie du remboursement partiel de ce prêt conformément aux dispositions de l'article 1353 alinéa 2 du code civil. Il estime en revanche que les dispositions de l'article 1359 du code civil invoquées par M. [P] [I] ne sont pas applicables en l'espèce, ainsi que le prévoit l'article 1360 du même code, compte tenu de l'impossibilité morale d'établir un écrit du fait des relations filiales existantes. Il précise poursuivre ses recherches afin de produire les justificatifs du remboursement du solde de ce prêt. Surabondamment, il fait valoir que ce chèque n'est en aucune manière lié à l'acquisition du [Adresse 9] mais que le prêt a été accordé en vue de l'acquisition d'un bateau dont il communique l'acte d'acquisition au prix de 200'000 euros réglé par virement à partir de son compte bancaire en date du 7 octobre 2008. En ce qui concerne les deux chèques émis par [Z] [I] le 19 septembre 2008 pour un montant total de 140'458 euros, M. [D] [I] fait valoir que son père lui a remboursé des fonds qui avaient été virés à ce dernier par erreur alors qu'il est lui-même le titulaire d'un compte Sycomore ainsi qu'il en justifie en cause d'appel par l'imprimé fiscal unique établi à son nom.



[P] [I] réplique qu'immédiatement après la cession, [Z] [I] a émis le 2 octobre 2008 un chèque d'un montant de 150'000 euros à l'ordre de M. [D] [I] et lui a rétrocédé par conséquent le prix de vente ostensiblement payé. Il estime que si le tribunal a réintégré à bon droit ledit appartement à la masse de calcul de la réserve, c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande d'ordonner la réintégration a minima de la somme de 140'458 euros qui consiste en réalité en des deniers que le défunt lui avait préalablement donnés probablement pour financer l'acquisition de l'appartement. Il affirme qu'en effet, non seulement il y a eu restitution du prix de vente par le défunt comme indiqué par le tribunal mais en outre mise à disposition de fonds avant la vente. Il soutient que le mail incomplet du 18 septembre 2008 supposé justifier que ces chèques correspondraient au remboursement des versements effectués par erreur par le fonds de gestion privée « Sycomore » à [Z] [I] de sommes provenant de comptes dont [D] aurait été titulaire soulève des interrogations et semble avoir été manipulé par M. [D] [I]. Il conclut qu'en réalité il y a eu simplement un versement d'un acompte du défunt vers un autre compte appartenant également à celui-ci de sorte que, d'après lui, il n'y a pas eu d'erreur qui aurait nécessité de répéter ces sommes à M. [D] [I]. En ce qui concerne l'imprimé fiscal unique, il considère que cette pièce ne constitue qu'une simple information sur les revenus du placement d'une seule année et non la preuve du propriétaire du placement et la preuve de l'origine des fonds ayant alimenté ce placement. Il affirme que ce compte pouvait très bien être ouvert au nom de [D] et du défunt, auquel cas l'imprimé fiscal unique aurait été adressé à chacun d'entre eux. En ce qui concerne le prêt de 150'000 euros que le défunt aurait octroyé à M. [D] [I] en vue de l'acquisition d'un bateau, il réplique que non seulement la copie de l'acte d'acquisition est tronquée mais en outre qu'elle n'est pas de nature à prouver l'existence d'un prêt alors qu'aux termes de l'article 1359 du code civil, tout acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant de 1 500 euros doit être prouvé par écrit. Il en déduit que M. [D] [I] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un prêt dès lors que la simple production de relevés bancaires du défunt avec le libellé « remise de chèque » ne prouve pas que ces flux constituent le remboursement du prêt allégué, les relevés bancaires ne permettant d'établir ni la cause des paiements reçus, ni l'émetteur des chèques remis en banque. Il ajoute que s'il s'agissait d'un prêt, celui-ci aurait d'ailleurs dû être déclaré dans le patrimoine ISF au 1er janvier 2009, les prétendus remboursements n'ayant commencé qu'à compter de mars 2009 selon l'intimé.



Ceci étant exposé, il est constant que par acte authentique du 26 septembre 2008, M. [D] [I] a acquis de son père [Z] [I] la propriété d'un bien immobilier situé [Adresse 9] dans le septième arrondissement de [Localité 8] moyennant un prix de 156'300 euros.



Le jugement déféré a estimé que cette cession a été simulée et constitue en réalité une donation au profit de M. [D] [I]. En conséquence, il a dit que cet appartement devait être fictivement réuni à la masse de calcul telle que prévue à l'article 922 du code civil.



M. [D] [I] conteste avoir bénéficié d'une donation à ce titre.



M. [P] [I] sollicite la confirmation du jugement sur ce point. Il soutient en outre que [Z] [I] a émis deux chèques pour un montant total de 140'458,03 euros quelques jours avant cette vente au profit de son fils [D] afin de permettre à celui-ci de financer le prix de la vente. Il y voit donc également une donation déguisée devant être réunie à la masse de calcul telle que prévue à l'article 922 du code civil.



Selon l'article 843 du code civil, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donation entre vifs, directement ou indirectement : il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'il ne lui aient été faits expressément hors part successorale.



Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, M. [D] [I] soutient que le chèque de 150'000 euros que son père lui a remis dès le 1er octobre 2008, et débité du compte de celui-ci, n'était pas destiné à financer cette acquisition immobilière mais représente un prêt que lui a consenti son père afin de s'acheter un bateau.



Pour justifier de ce prêt, M. [D] [I] a produit en première instance un tableau établi par ses soins, un document correspondant à l'acquisition d'un bateau au prix de 200'000 euros et l'avis de virement correspondant. En appel, il produit des relevés bancaires du compte BNP Paribas de son père du 9 mars 2009 au 9 avril 2009, du 9 janvier 2010 au 9 février 2010, du 9 octobre 2011 au 9 novembre 2011 et du 9 janvier 2012 au 9 février 2012 portant remises de chèque pour un montant total de 35'925 euros.



Toutefois, aucun de ces documents n'est de nature à faire la preuve que ces sommes portées sur le compte de [Z] [I] correspondent à des remboursements de la part de son fils [D], celui-ci ne produisant aucun document démontrant que ces sommes ont été retirées de son propre compte. En outre, le montant de ces sommes est sans commune mesure avec les 150'000 euros que [D] [I] admet que son père lui a prêtés le 1er octobre 2008 et qu'il ne justifie pas par conséquent lui avoir remboursés. Enfin, contrairement à ce qu'il indique dans ses écritures, M. [D] [I] ne justifie pas du remboursement total de ladite somme. Il s'en déduit que [Z] [I] s'est définitivement appauvri de cette somme au profit de son fils [D]. Le tribunal a exactement retenu que l'étroite proximité de date avec l'acte de vente du 26 septembre 2008, et donc la succession quasi immédiate dans le temps de ces opérations, participait manifestement d'une volonté de [Z] [I] de s'appauvrir définitivement et de manière irrévocable au profit de son fils [D], lequel n'ayant réglé lui-même qu'une somme dérisoire au titre de cette acquisition immobilière intervenue à vil prix, ce qu'il reconnaît, et dont son propre patrimoine se trouve corrélativement enrichi. De plus, il est à noter qu'à l'exception de la cession d'une part sociale de la société civile immobilière du [Adresse 9], [D] [I] reconnaît avoir bénéficié de nombreuses donations de la part de son père. Les éléments convergents du dossier démontrent ainsi qu'en s'appauvrissant irrévocablement au profit de son fils, [Z] [I] était animé d'une intention libérale en direction de ce dernier. La restitution d'une somme de 150'000 euros par chèque du 1er octobre 2008 démontre donc que la cession du 26 septembre 2008 a été simulée et constitue en réalité une donation déguisée au profit de [D] [I]. C'est donc à bon droit que le tribunal a décidé que la valeur du bien du [Adresse 9], devait être fictivement réunie à la masse de calcul de l'article 922 du code civil. Le jugement sera confirmé sur ce point.



En revanche, en ce qui concerne les deux chèques émis par [Z] [I] le 19 septembre 2008 pour un montant total de 140'458 euros, M. [D] [I] justifie qu'ils correspondent à des remboursements de versements, d'un montant identique au centime près, effectués par erreur par l'établissement gestionnaire d'un fonds privé Sycomore sur un compte de [Z] [I]. C'est vainement que M. [P] [I] critique les mails en justifiant dès lors que celui du 18 septembre 2008 émis par M. [D] [I] à 9h26 ne constitue pas une interrogation à laquelle répondrait celui émis par Sycomore gestion privé le 18 septembre 2008 à 9h47 et reconnaissant l'erreur du fonds de gestion privée. Les autres contestations de M. [P] [I] à ce titre sont tout aussi vaines dès lors que le compte Sycomore détenu par [Z] [I] indiqué dans les annexes de ses avis d'imposition sur la fortune 2006, 2007 et 2008 est un compte n° 632 704 et non pas le compte 912 636 00601 mentionné par M. [P] [I] dans ses écritures. Il est donc établi que chacun des père et fils disposait de son propre compte auprès du gestionnaire de fonds privés Sycomore. M. [P] [I] ne rapporte donc pas la preuve qui lui incombe que son frère a bénéficié d'une donation à ce titre de la part de leur père. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.





La part sociale de la SCI du [Adresse 9]



M. [D] [I] reproche au tribunal d'avoir retenu qu'en cédant de manière occulte une part sociale à son fils [D] afin de rétablir l'égalité entre les deux fils, [V] [I] était animée d'une intention libérale en direction de l'intéressé. Au soutien de son appel incident sur ce point, il fait valoir qu'il résulte de l'article 8 des statuts que la cession de parts est libre entre associés et que la cession de parts doit s'effectuer par un acte signifié à la société et non aux associés. Il dit avoir pu retrouver copie de l'acte de cession du 22 mai 2002 qu'il verse en cause d'appel, lequel a été enregistré le 23 mai 2002. Il réplique par ailleurs qu'il résulte des dispositions de l'article 33 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 relatif à l'application de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 modifiant le titre IX du livre III du code civil que « sauf stipulation expresse, des dispositions statutaires mentionnant la répartition des parts entre les associés n'ont pas à être modifiées pour tenir compte des cessions de parts » de sorte que, d'après lui, l'acte de cession n'avait pas à être déposé au greffe. Il observe que ledit acte a bien date certaine du fait de la mention de l'enregistrement qui est portée de sorte que sa réalité ne peut être mise en doute de même qu'il indique un prix de cession de 3 431 euros versé par le cessionnaire au cédant qui en délivre quittance. Il invoque l'article 1359 alinéas 2 du code civil et reproche à M. [P] [I] de ne pas rapporter la contre preuve prévue par ce texte. Il lui reproche également de ne pas prouver le vil prix qu'il invoque. Il ajoute que cette cession n'est pas restée occulte et était parfaitement connue de M. [P] [I] ainsi que le montrent les feuilles de présence aux assemblées générales du 26 août 2002 et 7 juillet 2003 signées par ce dernier et mentionnant que M. [D] [I] est propriétaire de trois parts en pleine propriété et de 17 parts en nue-propriété. Il invoque également un rapport d'expertise judiciaire déposé le 12 décembre 2007 ainsi qu'un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 8 octobre 2015 démontrant que la répartition du capital de la SCI était parfaitement connue.



M. [P] [I] réplique qui n'a pris connaissance de cette cession du 22 mai 2002 que lors de la mise en conformité des statuts de la SCI lors de l'assemblée générale du 26 août 2002 et dont il n'avait jamais été informé. Il estime que cette cession, demeurée occulte, appelle les plus grandes interrogations quant à sa réalité et à sa rectitude. Il soutient que l'acte de cession communiqué en cause d'appel faisant état d'un prix de cession de 3 431 euros montre qu'il y a bien eu là encore une libéralité puisqu'il s'agit manifestement d'une cession à vil prix, qui est dépourvue de toute réalité économique. Il ajoute que rien ne prouve que le prix ait été payé par M. [D] [I].



Ceci étant exposé, M. [D] [I] communique en cause d'appel les statuts de la SCI dont l'article 8 dispose que la cession est libre entre les associés et qu'elle doit être signifiée à ladite société. Il communique également l'acte de cession du 22 mai 2002, enregistré à la recette des impôts de Boulogne- [Localité 12] le 23 mai 2002, ce qui lui confère date certaine. L'acte stipule expressément qu'il est donné quittance au cessionnaire du prix de 3 431 euros. M. [P] [I] ne peut donc sérieusement soutenir que M. [D] [I] n'en a pas réglé le prix pas plus qu'il ne peut prétendre davantage que cette cession est demeurée occulte à son égard alors qu'il admet dans ses propres écritures en avoir eu connaissance lors de l'assemblée générale du 26 août 2002, soit trois mois à peine après. Il est acquis qu'en l'absence de dispositions statutaires contraires, cette cession n'avait pas à être publiée au registre du commerce et des sociétés par application des textes justement visés par M. [D] [I]. Enfin, une simple approximation mathématique, à partir du prix payé en 2002, soit il y a plus de 18 ans, ne saurait démontrer, en euros constants, que cette cession est intervenue à vil prix. En conséquence, il est démontré en cause d'appel que cette cession ne constitue pas une donation déguisée au profit de M. [D] [I] de sorte que, le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit le contraire.





Le prêt consenti par [Z] [I] à la société ACD



Il est établi par les pièces produites aux débats que par acte du 30 décembre 2004 enregistré à la recette des impôts de [Localité 14] le 7 février 2005, [Z] [I] a consenti à la société ACD, contrôlée par M. [D] [I], un prêt de 100'000 euros. Ce dernier produit en cause d'appel le bilan de ladite société au 31 décembre 2006, établi par une société d'expertise comptable, montrant que ce prêt, imputé au compte n° 467 300 « prêt PAC » est soldé au 31 décembre 2006, le montant des remboursements s'étant élevé sur cet exercice à la somme de 64'575 euros. Ce bilan est corroboré par les extraits bancaires de la société ACD. M. [P] [I] ne critique pas ces documents. Contrairement à ce qu'a décidé le tribunal, la somme de 100'000 euros prêtée à la société ACD et remboursée par celle-ci n'a donc pas à figurer au nombre des biens existants au décès de [Z] [I]. Le jugement déféré sera donc infirmé en ce sens.





L'évaluation des biens à réunir fictivement à la masse



Au soutien de son appel, M. [P] [I] reproche au tribunal de ne pas avoir prévu dans la mission de l'expert commis la valorisation des biens donnés ou légués à leur valeur actuelle mais à leur valeur au jour du décès, par seule référence à l'article 922 du code civil. Il invoque en effet l'article 924-2 de ce même code qui traite du calcul de l'indemnité de réduction et dispose que le montant de celle-ci, se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage. Il estime qu'un tel raisonnement, qui vient ruiner les droits des réservataires en présence de légataires universels, est absurde et contraire à l'esprit du droit des successions et à l'équité entre réservataires qui l'anime. Il invoque en ce sens une consultation doctrinale. Il rappelle que le principe est celui d'une double évaluation de la réduction de la libéralité, à savoir à la date du décès, en application de l'article 922 du code civil et à l'époque du partage, en application de l'article 924-2 de ce même code, pour évaluer l'indemnité de réduction. Il souligne que les auteurs enseignent ce principe, sans accepter le legs universel. Il soutient qu'en présence d'un legs universel et donc en l'absence de partage, la règle prévue à l'article 924-2 du code civil doit être adaptée si bien que c'est à la date à laquelle l'indemnité de réduction est liquidée qu'elle doit être chiffrée en vue de son paiement. Il prétend que le principe adopté par le tribunal remet en cause l'équivalence nécessaire entre la réduction en valeur et la réduction en nature. Il précise que la loi fait de l'indemnité de réduction un élément de la masse partageable et en intègre le règlement aux opérations de partage comme l'a jugé la Cour de cassation à plusieurs reprises. Il considère que la thèse défendue par le tribunal va à l'encontre du principe de la dette de valeur qui inonde le code civil et en vertu duquel la dette de valeur est une dette de somme d'argent dont le montant est fixé à l'époque où elle est liquidée en vue de son paiement. Il affirme que c'est parce que le partage correspond en principe à la date de la liquidation et du règlement de l'indemnité de réduction que l'article 924-2 du code civil est rédigé en ces termes, ce qui ne signifie pas que le partage soit une condition de sa réévaluation. Il ajoute que si le principe retenu par le tribunal devait être confirmé, les réservataires ne profiteraient des plus-values ou ne souffriraient des moins-values advenues ou bien postérieurement au décès que dans le cas où les biens légués auraient été entre-temps aliénés, ce qui est absurde. Il invoque également le principe des régimes matrimoniaux suivant lequel les récompenses doivent être égales au profit subsistant. De plus, d'après lui écarter la règle prévue à l'article 924-2 du code civil en l'absence de partage revient à considérer que le législateur n'aurait prévu aucune modalité de calcul ni date de paiement ni sanction à l'inertie, ce qui laisserait l'héritier réservataire démuni face à un légataire récalcitrant dont la dette aurait été figée au jour du décès.



M. [D] [I] objecte que la motivation retenue par le tribunal est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation suivant laquelle le legs est réductible en valeur et non en nature, ce qui exclut toute indivision entre le légataire universel et l'héritier réservataire. Il observe que l'arrêt de la Cour de cassation du 5 décembre 2018 invoqué par l'appelant, et commenté par le professeur [U], concerne un legs particulier. Il souligne que d'ailleurs dans son commentaire de cet arrêt le professeur indique que la masse partageable ne comprend point les biens légués. Il s'en déduit d'après lui qu'en présence d'un legs universel, la masse partageable est réduite à zéro puisque l'ensemble des biens ont été légués. Il ajoute que l'héritier réservataire ayant la qualité de créancier à l'encontre du légataire universel, il n'y a donc pas de partage, relevant au passage que M. [P] [I] ne demande plus l'ouverture des opérations de partage dans le dispositif de ses conclusions n°2. Par ailleurs, il remarque que depuis la généralisation de la réduction en valeur, l'exécution en nature est désormais très limitée et encadrée, sachant qu'il appartient aux héritiers réservataires de mettre le gratifié en demeure d'opter pour faire cesser l'incertitude dans laquelle ils peuvent estimer se trouver. Il en déduit que, dans ces conditions, il n'est nullement justifié que la réduction en valeur et la réduction en nature doivent être économiquement équivalentes. Il invoque le rapport présenté à l'assemblée nationale lors de la réforme 2006 suivant lequel la modification apportée à l'article 928 du code civil a été justifiée par le fait que la réserve doit dorénavant s'apprécier en valeur au moment du décès, le choix ordinaire de réduire les libéralités excessives signifiant que l'héritier réservataire n'a pas acquis, à compter du décès, de droit au bien lui-même de sorte qu'il ne peut en réclamer la perception des fruits à compter de cette date.





Ceci étant exposé, [Z] [I], par testament olographe du 18 avril 2010, a institué son fils [D] pour légataire universel. M. [D] [I] ayant un frère, héritier réservataire comme lui, par application combinée des dispositions des articles 912 et 913 du code civil, son émolument se trouve limité à la quotité disponible de la succession. Depuis la loi du 23 juin 2006, qui a substitué une réserve en valeur à la réserve en nature, le légataire universel a toutefois bien vocation à recevoir la totalité des biens composant la succession au décès mais doit verser aux héritiers réservataires une'indemnité de réduction par application de l'article 924 du code civil qui dispose que lorsque la libéralité excède la quotité disponible, le gratifié, successible ou non successible, doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité, quel que soit cet excédent. Aussi le droit à réserve prend-il la forme d'un droit de créance contre le gratifié, et non, comme au cas de réduction en nature, d'un droit réel sur les biens donnés ou légués. En effet, la réduction en nature n'est désormais prévue par la loi que sur le choix du gratifié qui ne pourrait ou ne voudrait acquérir contre le paiement d'une indemnité. D'ailleurs, l'article 924-1 du code civil, dont il n'est même pas allégué que M. [D] [I] ait jamais entendu faire usage, ouvre cette possibilité par dérogation à l'article 924.



En outre, il doit être noté que l'arrêt du 5 décembre 2018, cité par l'appelant et commenté par le professeur [U], concerne non un legs universel mais une libéralité particulière faite hors part successorale, les juges du fond ayant été censurés pour avoir procédé à une imputation subsidiaire de l'excédent sur la réserve alors que dès qu'une telle libéralité excède le disponible elle est réductible, sauf à mettre le gratifié à l'abri de toute restitution. C'est donc ainsi que l'excédent doit être restitué à la masse partageable.



Si une indemnité de réduction doit donc être versée par le légataire dont le legs excède la quotité disponible, la propriété des biens qui lui est attribuée, se réalise néanmoins immédiatement au décès, dès l'ouverture de la succession de sorte que l'héritier réservataire ne dispose alors d'aucun droit indivis. De plus, le légataire, héritier lui-même, n'a pas à solliciter la délivrance des biens compris dans le testament. Sa qualité d'héritier lui confère la saisine. Or, celle-ci étant indivisible, elle lui permet d'appréhender immédiatement l'ensemble des biens successoraux. Il n'a donc pas pour prendre possession des biens légués, à invoquer son titre de légataire.



Si certes le principe général est-il celui d'une double évaluation de l'indemnité de réduction, soit détermination de la réduction en formant masse de tous les biens au décès du testateur (article 922 du code civil) puis calcul du montant de l'indemnité de réduction d'après la valeur des biens légués à l'époque du partage (article 924-2 du code civil), encore convient-il qu'un partage ait lieu, ce qui ne peut se faire en l'absence d'indivision. Le légataire universel détenant la propriété des biens légués à la date du décès, qui est donc la date de la jouissance divise des biens, c'est à cette date que l'indemnité de réduction est due au réservataire et doit donc être liquidée.



Le principe irriguant le droit des successions est que la liberté du disposant ne trouve de limite que dans la réserve héréditaire dont bénéficie chacun de ses enfants. C'est par l'effet de la volonté du de cujus qui a institué son fils [D] légataire universel que celui-ci est entré en possession de tous les biens de la succession à compter du décès de son père. Les biens composant la réserve seront tous évalués à la date du décès et l'indemnité de réduction liquidée, de sorte que la fonction d'égalité de la réserve n'est pas susceptible d'être remise en cause. Aucune distorsion avec une réduction en nature n'est davantage envisageable dès lors que c'est également dès le décès que cette restitution en nature aurait dû avoir lieu si elle avait été envisagée par le gratifié.



Par ailleurs, si M. [P] [I] ne demande pas formellement dans le dispositif de ses écritures d'ordonner l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage, il demande néanmoins que le jugement soit infirmé en ce qu'il n'a pas ordonné l'ouverture des dites opérations.



Or, la décision déférée ne peut qu'être confirmée de ce chef dès lors qu'en l'absence d'indivision, aucun partage ne peut avoir lieu.





Les autres demandes de M. [P] [I]



L'appelant demande qui soit ordonnée à M. [D] [I] de produire l'intégralité des relevés bancaires et des placements patrimoniaux de [Z] [I] sur les 10 ans qui ont précédé le décès et d'avoir à révéler l'ensemble des libéralités dont il a été gratifié du chef du de cujus.



Toutefois, c'est à juste titre que M. [D] [I] fait valoir qu'il appartient à M. [P] [I] de rapporter la preuve de ses allégations. Plus précisément, s'il soupçonne que son frère a bénéficié d'autres libéralités, c'est à lui d'en rapporter la preuve. Par ailleurs, le calcul de la réserve et de la quotité disponible nécessite de porter à la connaissance de l'expert commis l'ensemble des biens existants au décès, ce qui suppose un déroulement loyal des opérations d'expertise, aucune mauvaise foi ne pouvant être présumée à ce titre. Ces demandes infondées seront donc rejetées.





Les demandes accessoires



Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a exactement statué sur les dépens ainsi que sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile. Il n'y a pas davantage lieu de faire application desdites dispositions en cause d'appel de sorte que chaque partie sera déboutée de sa demande en ce sens et supportera la charge de ses dépens.





PAR CES MOTIFS





La Cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition ;



INFIRME partiellement le jugement rendu le 21 février 2019 par le tribunal de grande instance de Nanterre,



Et, statuant à nouveau,



DIT que la cession d'une part sociale de la société civile immobilière [Adresse 9] intervenue entre [V] [I] et [D] [I] le 22 mai 2002 n'a pas été simulée et ne constitue pas une donation du défunt et de son épouse prédécédée au profit de M. [D] [I],



En conséquence,



DIT que la valeur de cette part sociale n'a pas à être réunie fictivement à la masse de calcul de l'article 922 du code civil à concurrence de la moitié,



DIT que la somme de 100'000 euros au titre du prêt consenti par le défunt à la société ACD et remboursée par celle-ci n'a pas à figurer au nombre des biens existants au décès de [Z] [I],



CONFIRME pour le surplus le jugement rendu le 21 février 2019 par le tribunal de grande instance de Nanterre,



Et, y ajoutant,



DÉBOUTE M. [P] [I] de ses demandes diverses d'injonction à son frère,



DÉBOUTE chaque partie de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



LAISSE à chaque partie la charge de ses dépens d'appel,



- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,



- signé par Madame Anne LELIEVRE, conseiller pour le président empêché, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





Le Greffier, Le Conseiller,

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