26 septembre 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-20.924

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:C100757

Texte de la décision

CIV. 1

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 26 septembre 2019




Rejet


Mme BATUT, président



Arrêt n° 757 F-D

Pourvoi n° R 18-20.924







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ M. W... H..., domicilié [...] , agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de ses filles mineures Q... H... et T... H... et leur qualité d'ayants droit d'Z... H...,

2°/ M. C... H..., domicilié [...] ,

3°/ M. S... H..., domicilié [...] ,

4°/ M. K... H..., domicilié [...] ,

tous trois agissant en qualité d'ayants droit d'Z... H...,

contre l'arrêt rendu le 9 mai 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (10e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à M. B... F..., domicilié [...] ,

2°/ à la société Medical Insurance Company Limited, dont le siège est [...] ,

3°/ à la Société hospitalière d'assurances mutuelles, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

4°/ à la société Polyclinique Notre-Dame, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

5°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Var, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 2 juillet 2019, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Duval-Arnould, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller, les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat des consorts H..., ès qualités, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. F... et de la société Medical Insurance Company Limited, de Me Le Prado, avocat de la Société hospitalière d'assurance mutuelle et de la société Polyclinique Notre-Dame, l'avis de M. Chaumont, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 mai 2018), que, le 3 juillet 2008, Z... H... est décédée au décours d'une hystérectomie réalisée au sein de la société Polyclinique Notre-Dame (la polyclinique) avec l'assistance de M. F..., médecin-anesthésiste (le praticien) ; que M. W... H..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs S..., Q... et T... H..., et ses enfants majeurs MM. K... et C... H... (les consorts H...) ont assigné en responsabilité et indemnisation la polyclinique et son assureur, la Société hospitalière d'assurances mutuelles ainsi que le praticien et son assureur, la société Medical Insurance Company Limited ; que la polyclinique et le praticien ont été déclarés responsables, respectivement à hauteur 80 % et 20 %, d'une perte de chance de survie d'Z... H... évaluée à 80 % et condamnés in solidum avec leurs assureurs au paiement de différentes sommes aux consorts H... ;

Attendu que ces derniers font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes au titre de l'indemnisation du pretium mortis subi par Z... H... avant sa mort, se décomposant en un préjudice d'angoisse de mort imminente et une perte de chance de vivre jusqu'à 84 ans ;

Mais attendu, d'une part, que, le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés étant inclus dans le poste de préjudice des souffrances endurées, quelle que soit l'origine de ces souffrances, l'angoisse d'une mort imminente éprouvée par la victime ne peut justifier une indemnisation distincte qu'à la condition d'avoir été exclue de ce poste, d'autre part, que la perte de la vie ne fait en elle-même naître aucun droit à réparation dans le patrimoine de la victime ;

Et attendu qu'après avoir relevé, par motifs adoptés, que les souffrances indemnisaient l'angoisse d'une mort imminente éprouvée par Z... H..., la cour d'appel a, sans avoir à procéder à la recherche invoquée, écarté à bon droit la demande de réparation d'un préjudice distinct ; que le moyen, qui manque en fait en sa deuxième branche, dès lors que l'appel ne portait pas sur le poste des souffrances indemnisées par les premiers juges, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts H... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour les consorts H..., ès qualités,


IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté pour le surplus les prétentions des consorts H... au titre de l'indemnisation du « pretium mortis » subi par Z... H... avant sa mort, se décomposant en un préjudice d'angoisse de mort imminente et en un préjudice résultant de la perte de la chance de vivre jusqu'à 84 ans.

- AU MOTIF QUE Les consorts H... demandent, en leur qualité d'ayants-droit d'Z... H..., l'indemnisation d'un préjudice qualifié "pretium mortis" qu'elle aurait subi avant sa mort qu'ils décomposent en un préjudice de mort imminente et en un préjudice résultant de la perte de la chance de vivre jusqu'à l'âge de 84 ans. La décision est définitive en ce qui concerne la réparation des souffrances endurées par Z... H.... Le préjudice moral lié aux souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés est inclus dans le poste de préjudice temporaire des souffrances endurées, quelle que soit l'origine desdites souffrances ; dès lors le préjudice lié à la conscience de sa mort prochaine ne peut être indemnisé séparément des souffrances endurées ; celles-ci ayant déjà été réparées la demande des consorts H... formée à ce titre ne peut prospérer. Par ailleurs la perte de sa vie ne fait en elle-même naître aucun droit à réparation dans le patrimoine de la victime ; ainsi Z... H... n'a pas pu transmettre à ses héritiers un droit à indemnisation de ce chef ; la demande des consorts H... formulée au titre du préjudice résultant de la perte d'une chance de survie doit être rejetée et le jugement sera confirmé ;

- ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES DU TRIBUNAL QUE sur le pretium mortis (demande des ayants droits au nom de Z... H...). Il est sollicité une somme de 357 000 € qui correspond pour les requérants au préjudice moral résultant de la conscience de la victime de l'imminence de son décès et de la perte pour Madame H... d'une chance de survivre durant 51 années alors qu'elle n'était âgée que de 33 ans. Le préjudice moral d'angoisse a déjà été indemnisé dans le poste du pretium doloris. S'agissant de la perte de chance de survivre, aucune indemnisation ne pourra être allouée de ce chef, le droit de vivre jusqu'à un âge statistiquement déterminé n'étant pas suffisamment certain au regard des aléas de la vie et des fluctuations de l'état de santé de toute personne.

1°)- ALORS QUE D'UNE PART le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable n'avait pas eu lieu ; qu'est indemnisable le préjudice résultant de la souffrance morale liée à la conscience de sa mort prochaine ; que ce préjudice est distinct de celui constitué par les souffrances endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité physique, à sa dignité et à son intimité ainsi qu'aux traitements, interventions chirurgicales et hospitalisation subis et justifie une réparation distincte prenant notamment en compte les sentiments d'impuissance et de résignation de la victime ; qu'en refusant cependant d'indemniser séparément le préjudice lié à la conscience de sa mort certaine motif pris que ce préjudice ne pouvait être indemnisé séparément des souffrances endurées, lesquelles avaient déjà été réparées, la cour a méconnu le principe de la réparation intégrale en violation de l'article 1147 ancien du code civil et 731 du même code

2°)- ALORS QUE D'AUTRE PART l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; que pour rejeter les prétentions des consorts H... au titre de l'indemnisation du préjudice d'angoisse de mort imminente subi par Z... H... avant sa mort se décomposant en un préjudice de mort imminente, la cour par des motifs adoptés a considéré que le préjudice moral d'angoisse avait déjà été indemnité dans le poste du pretium doloris ; qu'en statuant ainsi et en conférant l'autorité de chose jugée aux motifs du jugement du 16 novembre 2016, la cour d'appel, qui a constaté que la décision était définitive en ce qui concernait la réparation des souffrances endurées par Z... H..., a violé l'article 1351, devenu 1355 du code civil, ensemble l'article 480 du code de procédure civile ;

- ALORS QU'ENFIN toute personne victime d'un dommage, quelle qu'en soit la nature, a droit d'en obtenir l'indemnisation de celui qui l'a causé ;que le droit à réparation du dommage résultant de la perte de vie, étant entré dans le patrimoine de la victime au moment de l'accident, se transmet à ses héritiers, lors de son décès ; que les consorts H... faisaient valoir (p 13 à 18 de leurs conclusions) que s'il était effectivement difficile de retenir une espérance de vie déterminée, eu égard aux aléas de la vie, il n'était pas davantage possible d'exclure toute indemnisation de la perte de chance de vie sauf à remettre en cause le principe même du droit à réparation dès lors que la CRCI avait relevé l'absence d'antécédent médical prédisposant Z... H... à être victime de l'accident qui s'est produit; qu'en se bornant à retenir tant par des motifs propres que par des motifs adoptés que le droit de vivre jusqu'à un âge statistiquement déterminé n'est pas suffisamment certain au regard des aléas de la vie et des fluctuations de l'état de santé de toute personne, pour être tenu pour un droit acquis entré dans son patrimoine de son vivant et, comme tel, transmissible à ses héritiers lorsque survient un événement qui emporte le décès, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si, malgré les aléas de la vie, il n'était pas possible d'indemniser la perte de chance de vie en se référant à des barèmes de capitalisation prenant en considération les tables de mortalité établies par l'INSEE, lesquelles intégraient les probabilités de décès prématuré et donc les aléas de la vie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 731 et 1147 ancien du code civil.

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