9 octobre 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-82.172

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:CR02116

Texte de la décision

N° K 19-82.172 F-D

N° 2116




9 OCTOBRE 2019

CG10





NON LIEU À RENVOI







Mme DE LA LANCE conseiller le plus ancien faisant fonction de président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les questions prioritaires de constitutionnalité formulées par mémoires spéciaux reçus le 15 juillet 2019 et présentées par :


-
La société MC2,


à l'occasion du pourvoi formé par elle contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2e section, en date du 14 février 2019, qui, dans l'information suivie contre MM. D... E..., V... H..., B... G..., J... E..., Y... K..., L... R..., X... O..., C... C..., Z... U..., Cédric W..., T... I... et Mme V... A... des chefs d'association de malfaiteurs, blanchiment en bande organisée, abus de biens sociaux, complicité et recel, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge d'instruction ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 septembre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : Mme de la Lance, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme Planchon, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire ASCENSI, les observations de la société civile professionnelle RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général VALAT ;


Joignant les questions en raison de la connexité ;

Attendu que la première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

"Les dispositions combinées de l'article 706-141-1 du code de procédure pénale et de l'article 131-21 alinéa 9 du code pénal, lesquelles instaurent le régime de la saisie en valeur, instituent-elles une différence de traitement injustifiée entre les propriétaires des biens saisis, selon que le magistrat ordonnant ou autorisant la saisie opte pour le régime de la saisie en valeur ou pour le régime de la saisie de patrimoine résultant des articles 706-148 et 706-149 du code de procédure pénale, et méconnaissent-elles par conséquent les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant la justice garantis par l'article 1er la Constitution de 1958 et les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ?" ;

Attendu que la seconde question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

"L'article 706-154 du code de procédure pénale est-il contraire aux articles 1, 2, 6, 16, 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789, au Préambule et aux articles 1er et 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, ainsi qu'au droit de propriété, aux principes d'égalité des citoyens devant la loi et devant la justice, au droit à un recours juridictionnel effectif, au droit à un procès équitable et au principe du contradictoire, en ce qu'il ne prévoit l'accès à l'appelant d'une ordonnance de maintien d'une saisie d'une somme d'argent versée sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôts qu'aux seules pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu'il conteste ?" ;

Sur la première question prioritaire de constitutionnalité :

Attendu que les dispositions législatives contestées sont applicables à la procédure et l'article 706-141-1 du code de procédure pénale n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Attendu que, si l'article 131-21, alinéa 9, du code pénal a été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-66 du 26 novembre 2010, les conditions d'application de la peine de confiscation en valeur prévues par le neuvième alinéa de ce texte ont été étendues successivement par la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 et la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 ; que ces dispositions constituent de surcroît les conditions de fond de la procédure de saisie en valeur créée à l'article 706-141-1 du code de procédure pénale par la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 ; qu'ainsi l'entrée en vigueur de ces textes est de nature à constituer un changement de circonstances de droit ;

Mais attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux ;

Qu'en effet, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes dès lors que, d'une part, cette différence réponde à une raison d'intérêt général, d'autre part, la différence de traitement qui en résulte ne procède pas de discriminations injustifiées et qu'enfin, il soit assuré aux justiciables des garanties égales quant au respect de leurs droits ;

Que si la saisie en valeur d'un bien peut être ordonnée par le juge d'instruction sans qu'il ne doive statuer sur requête du procureur de la République ou après avis du ministère public, les régimes juridiques applicables à la saisie en valeur et à la saisie de patrimoine présentent pour le surplus des garanties identiques pour le propriétaire du bien saisi et les tiers ayant des droits sur ce bien ;

Que, par ailleurs, en cas de saisie en valeur, il appartient au juge d'instruction, qui est tenu de statuer par ordonnance motivée, d'énoncer les motifs dont il résulte que le bien saisi représente la valeur de biens dont la confiscation est prévue par l'article 131-21 du code pénal et qui comme tel présentent un lien avec l'infraction, ce qui n'est pas exigé en cas de saisie de patrimoine, et justifie, les situations étant différentes, que la loi n'ait pas dans ce cas imposé le recueil préalable de l'avis du ministère public ;

Qu'ainsi, si les dispositions des articles 706-141-1 et 706-148 du code de procédure pénale ont pour effet de conférer au juge d'instruction, dont c'est l'office, la faculté de saisir un bien en application soit du régime de la saisie en valeur, soit de celui de la saisie de patrimoine, sans qu'un critère ne commande le choix de ce magistrat, lorsque le bien dont la confiscation est envisagée peut être confisqué cumulativement sur le fondement du cinquième ou sixième alinéa de l'article 131-21 du code pénal, et en application du neuvième alinéa du même texte, comme représentant la valeur d'un autre bien dont la confiscation est prévue par l'article 131-21 du code pénal, cette faculté ne porte pas atteinte au principe d'égalité dès lors qu'elle ne crée entre les auteurs d'infractions semblables aucune discrimination injustifiée et que des garanties égales sont assurées aux justiciables quant au respect de leurs droits ;

Sur la seconde question prioritaire de constitutionnalité :

Attendu que la disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que l'article 706-154 du code de procédure pénale, en limitant l'accès au dossier de la procédure des tiers appelants de l'ordonnance autorisant le maintien de la saisie de sommes d'argent versées sur un compte de dépôt aux seules pièces se rapportant à la saisie qu'il conteste garantit un juste équilibre entre le droit de l'intéressé à un recours effectif devant la chambre de l'instruction contre la décision de saisie, d'une part, et la nécessité de protéger le secret de l'enquête et de l'instruction, d'autre part ;

Par ces motifs :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf octobre deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.