9 octobre 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-18.818

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:CO00727

Texte de la décision

COMM.

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 octobre 2019




Rejet


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 727 F-D

Pourvoi n° B 18-18.818







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. K... X..., domicilié [...] , agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de S... J..., en remplacement de M. E... V...,

contre l'arrêt rendu le 11 avril 2018 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. M... T..., domicilié [...] ,

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Bastia, domicilié [...],

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 9 juillet 2019, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Labat, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. X..., ès qualités, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. T..., l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 11 avril 2018), que S... J... a, le 20 janvier 2011, consenti à M. T... un bail à ferme ainsi qu'une promesse de vente du bien donné à bail pour un prix de 500 000 euros, l'acte stipulant qu'en cas de levée d'option dans un certain délai, le montant des fermages déjà payés formerait une partie du prix de vente et serait déduit de celui-ci ; qu'après le décès de S... J..., les redressement et liquidation judiciaires de son entreprise agricole ont été prononcés les 12 janvier et 11 mai 2015, M. X... étant désigné en qualité de liquidateur ; que M. T... a déclaré à la procédure une créance au titre des loyers déjà versés, aux fins de garantir une créance "de compensation" entre les loyers et le prix de vente, lorsqu'il lèverait son option d'achat ;

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'admettre cette créance alors, selon le moyen :

1°/ que les créanciers ne peuvent déclarer au mandataire judiciaire que les créances qui sont nées antérieurement au jugement d'ouverture ; que le fait générateur d'une créance dépendante d'un droit d'option réside dans l'exercice de cette option par son bénéficiaire ; qu'ainsi, le bénéficiaire d'une promesse de vente ne peut se prévaloir d'une éventuelle compensation avec la créance de prix qu'à compter de la levée de l'option ; que la cour d'appel a néanmoins retenu que la créance éventuelle de compensation entre les loyers échus et le prix de vente, trouve son origine non pas dans la levée de l'option mais dans l'acte juridique qui prévoit la promesse ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce ;


2°/ que la condition est un événement futur et incertain ; que cet événement ne peut porter sur un élément essentiel du contrat, tel que le consentement ; que la cour d'appel a cependant retenu que les créances conditionnelles peuvent être déclarées en totalité au passif et que le preneur, bénéficiaire de la promesse, pouvait valablement déclarer sa créance éventuelle de compensation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1168 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

3°/ que les créanciers ne peuvent déclarer au mandataire judiciaire que les créances qui sont nées antérieurement au jugement d'ouverture ; qu'en l'absence de levée d'option prévue par la promesse, les fermages versés restent acquis au bailleur, en contrepartie du droit d'occupation consenti au preneur ; qu'en conséquence, l'absence de levée d'option interdit de se prévaloir d'une quelconque créance, susceptible d'être inscrite au passif, au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective ; que la cour d'appel a néanmoins retenu que la créance éventuelle de compensation, entre les loyers échus et le prix de vente, trouve son origine non pas dans la levée de l'option mais dans l'acte juridique qui prévoit la promesse ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'existence d'une créance de somme d'argent de M. T... sur S... J... ou sa succession n'étant discutée par aucune des parties, c'est à bon droit que l'arrêt retient que cette créance éventuelle trouve son origine dans la promesse de vente consentie avant l'ouverture de la procédure collective, dès lors que c'est cette promesse qui prévoit que le montant des fermages acquittés avant la levée d'option s'imputera sur le prix de l'acquisition consécutive à l'exercice de l'option ;

Et attendu, en second lieu, que le caractère éventuel de la créance ne dispense pas le créancier de la déclarer ; qu'ayant constaté que M. T... n'avait pas levé l'option d'achat, la cour d'appel n'en pas moins pu admettre la créance qu'il avait déclarée aux fins de compensation entre le montant du prix qui serait dû et le montant déjà réglé au titre des fermages avant l'ouverture de la procédure collective ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X..., en qualité de liquidateur de S... J..., aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. X..., en qualité de liquidateur judiciaire de S... J...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir réformé l'ordonnance du juge-commissaire du tribunal de grande instance de Bastia et d'avoir prononcé l'admission de la créance de M. T... au passif de la liquidation judiciaire de S... J... pour un montant de 126 588,06 € ;

Aux motifs que « conformément aux dispositions de l'article L. 622-24 du code de commerce, "à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire" ; que toute créance éventuelle et prévisible, liée à un droit d'option doit être déclarée dès lors que son fait générateur est antérieur à la procédure collective la créance, sous peine pour le créancier de se voir opposer la forclusion, voire l'extinction de sa créance ; qu'une créance conditionnelle pour être déclarée en totalité au passif ; qu'en l'espèce, le bail à ferme consenti le 20 janvier 2011 moyennant le paiement d'un loyer annuel de 24 000 euros comporte également une promesse de vente ; le bailleur S... J..., s'est ainsi obligé à conférer au preneur la faculté d'acquérir, si bon lui semble, le bien immobilier faisant l'objet du bail, et ce au prix stipulé de 500 000 euros. La clause prévoit expressément l'obligation solidaire des ayants droits et représentants du bailleur, y compris mineurs ou majeurs protégés ; il est stipulé que "la présente promesse est consentie pour un délai expirant le 15 juin 2021 à 16 heures" et que "la somme des fermages versés au titre du présent bail et de ses éventuels renouvellements jusqu'à la réalisation de la vente, formeront une partie du prix de vente et sera par conséquent déduite du prix ci-dessus stipulé" ; dans ces conditions, la créance éventuelle de compensation entre le loyer: échus et le prix de vente, opposable aux ayants droits, trouve son origine non pas dans la levée de l'option que M. T... demeure libre ou non d'exercer jusqu'au 15 juin 2021 mais dus l'acte juridique du 20 janvier 2011 ; que la décision du juge-commissaire sera donc infirmée et la créance admise pour un montant do 126 588,06 euros » (arrêt attaqué, p. 5) ;

1°) Alors que les créanciers ne peuvent déclarer au mandataire judiciaire que les créances qui sont nées antérieurement au jugement d'ouverture ; que le fait générateur d'une créance dépendante d'un droit d'option réside dans l'exercice de cette option par son bénéficiaire ; qu'ainsi, le bénéficiaire d'une promesse de vente ne peut se prévaloir d'une éventuelle compensation avec la créance de prix qu'à compter de la levée de l'option ; que la cour d'appel a néanmoins retenu que la créance éventuelle de compensation, entre les loyers échus et le prix de vente, trouve son origine non pas dans la levée de l'option mais dans l'acte juridique qui prévoit la promesse ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce ;

2°) Alors que la condition est un événement futur et incertain ; que cet événement ne peut porter sur un élément essentiel du contrat, tel que le consentement ; que la cour d'appel a cependant retenu que les créances conditionnelles peuvent être déclarées en totalité au passif et que le preneur, bénéficiaire de la promesse, pouvait valablement déclarer sa créance éventuelle de compensation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1168 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;

3°) Alors que les créanciers ne peuvent déclarer au mandataire judiciaire que les créances qui sont nées antérieurement au jugement d'ouverture ; qu'en l'absence de levée d'option prévue par la promesse, les fermages versés restent acquis au bailleur, en contrepartie du droit d'occupation consenti au preneur ; qu'en conséquence, l'absence de levée d'option interdit de se prévaloir d'une quelconque créance, susceptible d'être inscrite au passif, au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective ; que la cour d'appel a néanmoins retenu que la créance éventuelle de compensation, entre les loyers échus et le prix de vente, trouve son origine non pas dans la levée de l'option mais dans l'acte juridique qui prévoit la promesse ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce ;

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