23 octobre 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-25.656

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2019:CO00838

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 25 JANVIER 1985) - Liquidation judiciaire - Jugement - Déclaration des créances - Prescription - Interruption - Effets - Effets à l'égard de la caution - Détermination

La déclaration de créance au passif du débiteur principal mis en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et cette interruption se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective. Ne méconnaît pas l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les principes de sécurité juridique et d'égalité des armes la cour d'appel qui déclare recevables les demandes d'un créancier contre la caution d'un débiteur mis en redressement puis en liquidation judiciaires après avoir retenu que l'effet interruptif de la prescription se prolongeait jusqu'à la clôture de la procédure collective, dès lors que l'article L. 622-30 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005, prévoit un terme à la liquidation judiciaire, que la prolongation de la liquidation judiciaire tant que tous les actifs ne sont pas réalisés est de nature à permettre le désintéressement des créanciers et ne porte pas une atteinte disproportionnée à l'intérêt particulier de la caution, dans la mesure où son engagement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur et où toute personne intéressée peut porter à la connaissance du président du tribunal les faits de nature à justifier la saisine d'office de celui-ci aux fins de clôture d'une procédure de liquidation judiciaire, de sorte que l'interruption de la prescription à l'égard de la caution n'avait pas eu pour effet de l'empêcher de prescrire contre le créancier, ni de la menacer d'une durée de prescription excessive au regard des intérêts en cause

PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Causes - Citation en justice - Déclaration des créances - Portée - Caution

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Violation - Défaut - Cas - Effet interruptif de prescription de la déclaration de créance jusqu'à la clôture de la procédure collective


CAUTIONNEMENT - Information annuelle - Exclusion - Cas - Entreprise d'assurance ayant consenti à une société un prêt garanti par le cautionnement d'une personne physique

Les dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, devenu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, ne concernent que les établissements de crédit définis par l'article 1er de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, alors applicable, comme les personnes morales effectuant à titre habituel des opérations de banque et bénéficiant de l'agrément prévu par l'article 18 de cette dernière loi, et non les entreprises d'assurance, même lorsqu'elles réalisent de telles opérations. Il s'en déduit qu'une entreprise d'assurance, ayant consenti à une société un prêt garanti par le cautionnement d'une personne physique, n'était pas tenue à l'obligation d'information annuelle de la caution prévue par le premier des textes précités

Texte de la décision

COMM.

JT



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 octobre 2019




Rejet


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 838 FS-P+B

Pourvoi n° P 17-25.656







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. A... P..., domicilié [...],

contre l'arrêt rendu le 1er juin 2017 par la cour d'appel de Versailles (16e chambre), dans le litige l'opposant à la société Ageas France, société anonyme, dont le siège est [...] [...], venant aux droits de la société Fortis,

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 24 septembre 2019, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Vallansan, M. Remeniéras, Mmes Vaissette, Bélaval, Pomonti, Fontaine, Michel-Amsellem, Fevre, conseillers, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, M. Blanc, Mmes Kass-Danno, Lefeuvre, conseillers référendaires, M. Richard de la Tour, premier avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Le Griel, avocat de M. P..., de Me Brouchot, avocat de la société Ageas France, l'avis écrit de Mme Henry, avocat général, l'avis oral de M. Richard de la Tour, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 1er juin 2017), que, par un acte notarié du 3 avril 1996, la société Euralliance a consenti à la société Cogefina immobilier et finances (la société) un prêt, garanti par le cautionnement solidaire de M. P... et par le nantissement d'un contrat d'assurance vie ; que la société a été mise en redressement judiciaire le 2 juin 1998 puis en liquidation judiciaire le 8 décembre 1998 ; que la société Fortis, venant aux droits de la société Euralliance, a déclaré sa créance ; que la société Ageas France, venant aux droits de la société Fortis, a assigné la caution en paiement ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. P... fait grief à l'arrêt de déclarer recevables comme non prescrites les demandes en paiement et de mise en oeuvre du nantissement de la société Ageas France alors, selon le moyen :

1°/ que la caution, poursuivie par le créancier du débiteur principal, peut lui opposer l'extinction de son engagement dès lors que la dette qu'elle garantissait est prescrite ; que, selon les dispositions de l'article L. 1140-4, I du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ; que, dans le cadre d'une procédure collective, cette prescription est interrompue par une déclaration de créance, laquelle constitue une demande en justice ; qu'en vertu de l'article 2242 du code civil, « l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance » ; que, la déclaration de créance tendant à faire trancher par le juge-commissaire la question de l'existence, de la nature et du montant de cette créance, l'instance ainsi ouverte s'éteint lorsque la décision de ce dernier devient irrévocable ; qu'il s'ensuit que l'interruption provoquée par la déclaration de créance ne produit ses effets que jusqu'à l'intervention de cette décision ; qu'en jugeant dès lors, contra legem, que la déclaration de créance effectuée le 27 juillet 1998 avait eu pour effet d'interrompre la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure collective, la cour a violé l'article 2242 du code civil ;

2°/ que pour rejeter les fins de non-recevoir tirées de la prescription invoquées par M. P... en sa qualité de caution, et retenir que la déclaration de créance du 27 juillet 1998 avait eu pour effet d'interrompre à son égard cette prescription jusqu'à la clôture des opérations de liquidation, la cour a retenu que cette solution se fondait sur les dispositions des articles L. 622-28 et L. 642-24 du code de commerce ; que, cependant, l'article 55 alinéa 2 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 applicable au litige, correspondant au futur article L. 622-28 codifié, dispose que « le jugement d'ouverture du redressement judiciaire suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation toute action contre les cautions personnelles personnes physiques. Le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans. » ; que ce texte ne prévoit ainsi aucune suspension [ou interruption] jusqu'à la clôture de la procédure collective mais, tout au contraire, jusqu'au jugement de liquidation ; que l'article L. 642-24 du code de commerce, quant à lui, est inapplicable au litige ; qu'en se fondant dès lors sur les articles L. 622-28 et L. 642-24 du code de commerce pour justifier l'interruption de la prescription, provoquée par la déclaration de créance, jusqu'à la clôture de la procédure collective, la cour a violé ces deux articles par fausse application ;

3°/ que M. P... avait soutenu dans ses conclusions d'appel que l'application à la caution de la règle prévue de l'interruption de la prescription à compter de la déclaration de créance et de son extension jusqu'à la clôture de la procédure collective, avait pour elle des conséquences incompatibles avec le principe de sécurité juridique et d'égalité des armes ; qu'il avait souligné que le créancier avait ainsi toute latitude d'agir contre la caution dès que le débiteur était mis en liquidation judiciaire ou, plus exactement, dès l'intervention de la déclaration de créance, sans que la clôture de la procédure collective fût encore intervenue, tandis qu'à l'inverse, la caution n'avait aucune possibilité de se défendre contre cette action par l'invocation de la prescription, même en cas d'inaction totale du créancier contre elle, et était de surcroît exposée à être poursuivie jusqu'à une date indéterminée, la date de clôture étant a priori inconnue, très au-delà de la période où elle se trouvait déjà soumise aux poursuites possibles du créancier ; que, de plus, M. P... avait soutenu que la solution finalement adoptée par la cour plaçait le créancier et la caution sous un régime inégal de prescription, la caution ne pouvant opposer la prescription au créancier, même resté inactif pendant dix ans, tandis que le créancier, au terme de la même période, était en droit de la lui opposer si elle invoquait contre lui une faute commise à l'encontre du débiteur principal ; qu'en retenant dès lors, pour juger que l'action n'était pas prescrite à l'encontre de la caution, que la déclaration de créance avait interrompu le délai de prescription à son égard jusqu'à la clôture de la procédure collective, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette solution n'était pas contraire au principe de sécurité juridique et d'égalité des armes, la cour a privé sa décision de base légale tant à l'égard de ce principe que de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que la déclaration de créance au passif du débiteur principal mis en procédure collective interrompt la prescription à l'égard de la caution et cette interruption se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective ; que selon l'article L. 622-30 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, le tribunal prononce la clôture de la liquidation judiciaire lorsqu'il n'existe plus de passif exigible ou que le liquidateur dispose de sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers, ou lorsque la poursuite des opérations de liquidation judiciaire est rendue impossible en raison de l'insuffisance d'actif ; qu'il en résulte que la loi a prévu un terme à la liquidation judiciaire ; que la prolongation de la liquidation judiciaire tant que tous les actifs ne sont pas réalisés est de nature à permettre le désintéressement des créanciers et ne porte pas une atteinte disproportionnée à l'intérêt particulier de la caution, dès lors que son engagement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ; que toute personne intéressée peut porter à la connaissance du président du tribunal les faits de nature à justifier la saisine d'office de celui-ci aux fins de clôture d'une procédure de liquidation judiciaire ; que dès lors, l'interruption de la prescription à l'égard de M. P... n'ayant pas pour effet de l'empêcher de prescrire contre la société Ageas, ni de le menacer d'une durée de prescription excessive au regard des intérêts en cause, la cour d'appel, qui a retenu que l'effet interruptif de la prescription s'était prolongé jusqu'à la clôture de la procédure, a fait une juste application de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des principes de sécurité juridique et d'égalité des armes en déclarant recevables les demandes de la société Ageas ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. P... fait grief à l'arrêt de le condamner à paiement alors, selon le moyen :

1°/ qu'en vertu des dispositions de l'article 48 alinéa 1 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, applicables au litige, ultérieurement intégrées à l'article L. 312-22 du code monétaire et financier, les établissements de crédit qui ont accordé des prêts sous la condition d'un cautionnement apporté notamment par une personne physique doivent faire connaître à la caution, chaque année, le montant du principal et des intérêts, à peine de déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information ; que l'article 1er de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, définit les établissements de crédit comme des « personnes morales qui effectuent à titre de profession habituelle des opérations de banque » (al. 1), ces dernières comprenant, selon le même texte, « la réception de fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que la mise à la disposition de la clientèle ou la gestion de moyens de paiement » (al. 2) ; qu'il s'ensuit que la société Euralliance, qui réalisait habituellement des opérations de crédit, telles que celles du crédit litigieux, effectuait ainsi des opérations de banque et entrait dès lors dans la catégorie des établissements de crédit, peu important qu'elle soit aussi une compagnie d'assurance ; qu'elle était dès lors soumise à l'obligation d'information annuelle de la caution prévue par la loi ; qu'en jugeant dès lors le contraire, au motif que cette obligation n'était initialement applicable qu'aux établissements de crédit « et non aux sociétés d'assurances ou assimilées, dont relève la société Euralliance ainsi que les différentes sociétés venues à ses droits », la cour a violé l'article 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, ensemble l'article 1er de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, applicables au litige ;

2°/ que M. P... avait soutenu que la société Euralliance s'était comportée comme un établissement de crédit, pour accorder son concours financier à une entreprise de promotion immobilière ; qu'en se dispensant dès lors de rechercher, comme elle y était invitée si, nonobstant sa qualité d'assureur, ladite société n'exerçait pas une activité d'établissement de crédit, au sens de la loi, par les prêts qu'elle accordait, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 et 1er de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, applicables au litige ;

3°/ que M. P... avait également soutenu que si la société Euralliance devait être considérée uniquement comme une société d'assurance, alors le contrat de prêt devait être déclaré nul, ladite société n'ayant eu aucune capacité juridique pour délivrer à une société immobilière des prêts ou des fonds destinés à des acquisitions ou des travaux de rénovation ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, sans répondre à l'objection ainsi soulevée, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que les dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, devenu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, ne concernant que les établissements de crédit définis par l'article 1er de la loi du 24 janvier 1984, alors applicable, comme les personnes morales effectuant à titre habituel des opérations de banque et bénéficiant de l'agrément prévu par l'article 18 de cette dernière loi, et non les entreprises d'assurance, même lorsqu'elles réalisent, comme en l'espèce, de telles opérations, c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que la société Euralliance n'était pas tenue à l'obligation d'information annuelle de la caution prévue par le premier des textes précités ;

Et attendu, en second lieu, que le seul fait pour la société Euralliance d'avoir consenti un prêt à la société, à supposer qu'il ait été accordé en méconnaissance des règles gouvernant l'activité des entreprises d'assurance, n'étant pas de nature à entraîner la nullité du contrat, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre aux conclusions inopérantes invoquées par la troisième branche ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. P... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Ageas France la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille dix-neuf, signé par lui et Mme Labat, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour M. P...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté les fins de non-recevoir tirées de la prescription, et d'avoir déclaré recevables comme non-prescrites les demandes en paiement et de mise en oeuvre de nantissement de la société Ageas France à l'égard de la caution, M. P...,

Aux motifs qu'en ce qui concerne l'engagement de caution souscrit par M. P... relatif au prêt consenti à la société Cogefina le 3 avril 1996, c'est par une motivation que la cour adopte que le tribunal, retraçant l'évolution des effets de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard d'un débiteur principal personne morale sur la caution personne physique de celui-ci, a retenu que la loi du 10 juin 1994 dans sa version en vigueur en 1998, époque du redressement puis de la liquidation judiciaire de Cogefina, a étendu aux cautions le bénéfice de la suspension provisoire des poursuites résultant du redressement judiciaire, cette disposition ayant ensuite été codifiée à l'article L 622-28 du code de commerce ; que cette suspension provisoire a été poursuivie lors du placement de la société Cogefina sous le régime de la liquidation judiciaire, le 8 décembre 1998 ; que cependant le tribunal a omis de prendre en considération l'effet interruptif de la prescription de la déclaration de créance du 27 juillet 1998 lors de la procédure de redressement judiciaire, suivi d'une nouvelle interruption lors de la déclaration de créances prise enconsidération par le liquidateur et le juge-commissaire dans le cadre de la liquidation judiciaire, le renouvellement d'une déclaration de créances après le 8 décembre 1998 résultant nécessairement de la notification d'admission de sa créance au passif adressée par le greffe du tribunal de commerce à la société Fortis Assurances le 6 juillet 2001 pour la somme de 9.479.345,45 € à titre de privilège spécial ; qu'il résulte de la jurisprudence constante relative à l'application de l'article L 642-24 du code de commerce relatif aux déclarations de créance que la déclaration de créances interrompt la prescription à l'égard de la caution, sans qu'il soit besoin d'une notification (Cass. com. 26/09/2006, Bull. civ. IV n° 190) et que l'effet interruptif se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective (Cass. com. 12/12/1995, Bull. civ. IV n° 299), un nouveau délai de prescription courant à compter du jugement de clôture (Cass. com 15 mars 2005, n° 03-17783) ; que la clôture de la liquidation judiciaire de la société Cogefina n'étant intervenue que le 20 novembre 2014, c'est à tort que le jugement entrepris a déclaré prescrite la demande en paiement par assignation du 31 mai 2013, de la société Ageas France, venant aux droits de la société Fortis Assurances, à l'égard de M. A... P... , caution de la société Cogefina ; que le jugement dont appel est infirmé en ce qu'il a déclaré prescrite comme faisant l'objet d'une assignation formée hors délai de la prescription décennale, la créance de la société Ageas France à l'égard de la caution A... P... ; que sur la prescription par voie accessoire du nantissement destiné à garantir le remboursement de ce prêt : le prêt de 3.100.000 F consenti à la société Cogefina le 3 avril 1996 était garanti par la souscription d'un contrat "Avenir Placement" destiné à « garantir la reconstitution d'un capital d'un montant de 6 millions de francs correspondant aux prêts accordés par la société Euralliance à la société Cogefina et à M. A... P... en sa qualité de caution » ; que le contrat "Avenir Placement" venait donc garantir la caution par M. P... assortissant le prêt de 3.100.000 € consenti à Cogefina, ainsi que le remboursement par M. P... du prêt personnel destiné à sa souscription ; que l'obligation résultant du cautionnement de M. P... n'étant pas éteinte, celui- ci ne peut se prévaloir de l'extinction de tous les engagements ou garanties accessoires qui feraient suite à la prescription de la demande en paiement de l'engagement principal ; qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a retenu la prescription de cette demande et, statuant à nouveau, de déclarer recevable comme non prescrite la demande découlant de la mise en oeuvre du nantissement fourni par la caution intimée ; que l'effet interruptif de la prescription à l'égard de la caution d'un débiteur principal en liquidation judiciaire, ressortant de la déclaration de créance à cette liquidation et se prolongeant jusqu'à la clôture de la liquidation, un nouveau délai de prescription courant à compter du jugement de clôture, commande le débouté de la fin de non-recevoir tirée par M. P... de la prescription quinquennale des intérêts échus jusqu'au 10 avril 2008 ou plus exactement jusqu'au 31 mai 2008, par référence à la mise en demeure de la caution du 10 avril 2013, ou à l'assignation dirigée contre elle le 31 mai 2013 ;

1° Alors que la caution, poursuivie par le créancier du débiteur principal, peut lui opposer l'extinction de son engagement dès lors que la dette qu'elle garantissait est prescrite ; que, selon les dispositions de l'art. L. 1140-4, I du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ; que, dans le cadre d'une procédure collective, cette prescription est interrompue par une déclaration de créance, laquelle constitue une demande en justice ; qu'en vertu de l'article 2242 du code civil, « l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance » ; que, la déclaration de créance tendant à faire trancher par le juge-commissaire la question de l'existence, de la nature et du montant de cette créance, l'instance ainsi ouverte s'éteint lorsque la décision de ce dernier devient irrévocable ; qu'il s'ensuit que l'interruption provoquée par la déclaration de créance ne produit ses effets que jusqu'à l'intervention de cette décision ; qu'en jugeant dès lors, contra legem, que la déclaration de créance effectuée le 27 juillet 1998 avait eu pour effet d'interrompre la prescription à l'égard de la caution jusqu'à la clôture de la procédure collective, la cour a violé l'article 2242 du code civil ;

2° Alors, en toute hypothèse, que pour rejeter les fins de non-recevoir tirées de la prescription invoquées par M. P... en sa qualité de caution, et retenir que la déclaration de créance du 27 juillet 1998 avait eu pour effet d'interrompre à son égard cette prescription jusqu'à la clôture des opérations de liquidation, la cour a retenu que cette solution se fondait sur les dispositions des articles L. 622-28 et L. 642-24 du code de commerce ; que, cependant, l'article 55 alinéa 2 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 applicable au litige, correspondant au futur article L. 622-28 codifié, dispose que « le jugement d'ouverture du redressement judiciaire suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation toute action contre les cautions personnelles personnes physiques. Le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans. » ; que ce texte ne prévoit ainsi aucune suspension [ou interruption] jusqu'à la clôture de la procédure collective mais, tout au contraire, jusqu'au jugement de liquidation ; que l'article L. 642-24 du code de commerce, quant à lui, est inapplicable au litige ; qu'en se fondant dès lors sur les articles L. 622-28 et L. 642-24 du code de commerce pour justifier l'interruption de la prescription, provoquée par la déclaration de créance, jusqu'à la clôture de la procédure collective, la cour a violé ces deux articles par fausse application ;

3° Alors que M. P... avait soutenu dans ses conclusions d'appel que l'application à la caution de la règle prévue de l'interruption de la prescription à compter de la déclaration de créance et de son extension jusqu'à la clôture de la procédure collective, avait pour elle des conséquences incompatibles avec le principe de sécurité juridique et d'égalité des armes (concl. p. 15) ; qu'il avait souligné que le créancier avait ainsi toute latitude d'agir contre la caution dès que le débiteur était mis en liquidation judiciaire ou, plus exactement, dès l'intervention de la déclaration de créance, sans que la clôture de la procédure collective fût encore intervenue, tandis qu'à l'inverse, la caution n'avait aucune possibilité de se défendre contre cette action par l'invocation de la prescription, même en cas d'inaction totale du créancier contre elle, et était de surcroît exposée à être poursuivie jusqu'à une date indéterminée, la date de clôture étant a priori inconnue, très au-delà de la période où elle se trouvait déjà soumise aux poursuites possibles du créancier ; que, de plus, M. P... avait soutenu que la solution finalement adoptée par la cour plaçait le créancier et la caution sous un régime inégal de prescription, la caution ne pouvant opposer la prescription au créancier, même resté inactif pendant dix ans, tandis que le créancier, au terme de la même période, était en droit de la lui opposer si elle invoquait contre lui une faute commise à l'encontre du débiteur principal ; qu'en retenant dès lors, pour juger que l'action n'était pas prescrite à l'encontre de la caution, que la déclaration de créance avait interrompu le délai de prescription à son égard jusqu'à la clôture de la procédure collective, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cette solution n'était pas contraire au principe de sécurité juridique et d'égalité des armes, la cour a privé sa décision de base légale tant à l'égard de ce principe que de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. P... à payer à la société Ageas France une somme de 946 657,42 € au titre du solde restant dû sur le principal, et des intérêts au taux légal ayant couru du 1er janvier 2005 jusqu'au 10 avril 2013, du prêt de 472 591,95 € consenti le 3 avril 1996 à la société Cogefina pour lequel M. P... s'est porté caution, avec capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1154 du code civil et attribution du bénéfice du contrat Avenir Placement Plus référence n° [...] F d'une valeur de 830 033,13 €,

Aux motifs que sur la déchéance du droit aux intérêts découlant du manquement à l'obligation d'information annuelle de la caution : M. P... , se prévalant de l'absence d'information annuelle de la caution depuis la souscription de son engagement, invoque les dispositions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984-ensuite intégrées à l'article L 312-22 du code monétaire et financier, imposant aux établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise sous condition du cautionnement par une personne physique, d'informer avant le 31 mars de chaque année cette dernière du montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente sur le prêt concerné, ainsi que du terme de l'engagement, entend voir prononcer la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts, dans la mesure prévue par ce texte ; que la cour retient que cette obligation d'information annuelle de la caution n'a été initialement applicable qu'aux établissements de crédit et non aux sociétés d'assurances ou assimilées, dont relève la société Euralliance ainsi que les différentes sociétés venues à ses droits ; que s'agissant de la demande incidente de l'intimé tendant à ce que les intérêts légaux pour la période du 1er janvier 2005 au 10 avril 2013 ne soient calculés que sur la somme principale de 472.591,95 € (3.100.000 F) et non sur celle de 811.440,74 € comprenant les intérêts au taux contractuel de 8,15 % échus du 30 avril 1998 au 31 décembre 2004, tels que réclamés par la société Ageas France, la cour relève qu'aucune mise en demeure à la caution au titre du prêt de 3.100.000 F accordé à la société Cogefina n'a été envoyée à M. P... ; que celle adressée à A... P... en qualité de gérant de la société Cogefina le 28 mai 1998, figurant en pièce 5-1 de la société appelante, est en toute hypothèse, antérieure à la déchéance du terme opérée sur le fondement de la cessation des paiements de la société Cogefina le 26 octobre 1998 ; que dès lors la caution, qui n'a été mise en demeure utilement que le 10 avril 2013, dans le temps de la prescription ainsi qu'il a été vu précédemment, n'est pas fondée à revendiquer une exemption des intérêts au taux conventionnel comme au taux légal pour la période du 30 avril 1998 au 31 décembre 2004 ; que les intérêts au taux conventionnel courent donc du 30 avril 1998 au 31 décembre 2004 pour la somme de 342.462,09 € réclamée par la société Ageas France ; que s'y ajoutent les intérêts au taux légal sur la dette en principal et intérêts de la société Cogefina cautionnée par M. P... de 811.440,74 €, du 1er janvier 2005 au 10 avril 2013 ; que la dette totale de M. P... s'élevant après déduction des versements reçus au titre des ventes d'immeubles de Riquewih et Arles, à la somme de 946 657,42 € ; que sur l'attribution à la société Ageas France du contrat Avenir Placement souscrit par M. P... : l'acte notarié de prêt à la société du 3 avril 1996 prévoit des garanties au titre desquelles figure le nantissement du contrat d'assurance-vie "Avenir-Placement" souscrit par M. A... P... personnellement et cause de son emprunt de 2,9MF le 3 avril 1996 ; que ce nantissement garantit à la fois, dans l'acte du 3 avril 1996, le remboursement de l'emprunt personnel contracté par M. P... , et, ainsi qu'il est mentionné au paragraphe "cautionnement solidaire" de l'acte authentique, l'efficacité du cautionnement solidaire du prêt contracté par la société Cogefina de 3,1 MF, le prêteur étant expressément autorisé à "exercer de plein droit son droit sur le contrat "Avenir placement" dont il est bénéficiaire, en cas de non-remboursement à l'échéance du principal du prêt, objet des présentes" ; qu'en application des dispositions de l'article 2333 du code civil selon lesquelles « le gage est une convention par laquelle le constituant accorde au créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens immobiliers corporels, présent ou futurs », il convient de faire droit à la demande d'Ageas France tendant à ce que lui soit attribuée la valeur du contrat "Avenir Plus"
n° [...] arrivé à son terme le 15 avril 2011 ; que cette somme lui demeurera en paiement partiel de sa créance sur M. A... P... pris en sa qualité de caution ; qu'en conséquence de ces constatations et énonciations, il y a lieu à fixation de la dette de M. A... P... au montant de 946.657,42 €, qu'il sera condamné à payer avec intérêts au taux légal sur la somme de 811.440,74 € à compter du 11 avril 2013 ; qu'il sera fait droit à la demande d'attribution du contrat nanti et dit que la valeur du gage attribué judiciairement viendra, pour son montant à la date du présent arrêt, en déduction des sommes dues par M. A... P... à la société Ageas France ;

1° Alors qu'en vertu des dispositions de l'article 48 alinéa 1 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, applicables au litige, ultérieurement intégrées à l'article L. 312-22 du code monétaire et financier, les établissements de crédit qui ont accordé des prêts sous la condition d'un cautionnement apporté notamment par une personne physique doivent faire connaître à la caution, chaque année, le montant du principal et des intérêts, à peine de déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information ; que l'article 1er de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, définit les établissements de crédit comme des « personnes morales qui effectuent à titre de profession habituelle des opérations de banque » (al. 1), ces dernières comprenant, selon le même texte, « la réception de fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que la mise à la disposition de la clientèle ou la gestion de moyens de paiement » (al. 2) ; qu'il s'ensuit que la société Euralliance, qui réalisait habituellement des opérations de crédit, telles que celles du crédit litigieux, effectuait ainsi des opérations de banque et entrait dès lors dans la catégorie des établissements de crédit, peu important qu'elle soit aussi une compagnie d'assurance ; qu'elle était dès lors soumise à l'obligation d'information annuelle de la caution prévue par la loi ; qu'en jugeant dès lors le contraire, au motif que cette obligation n'était initialement applicable qu'aux établissements de crédit « et non aux sociétés d'assurances ou assimilées, dont relève la société Euralliance ainsi que les différentes sociétés venues à ses droits », la cour a violé l'article 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984, ensemble l'article 1er de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, applicables au litige ;

2° Alors, en toute hypothèse, que M. P... avait soutenu que la société Euralliance s'était comportée comme un établissement de crédit, pour accorder son concours financier à une entreprise de promotion immobilière ; qu'en se dispensant dès lors de rechercher, comme elle y était invitée si, nonobstant sa qualité d'assureur, ladite société n'exerçait pas une activité d'établissement de crédit, au sens de la loi, par les prêts qu'elle accordait, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 48 de la loi n° 84-148 du 1er mars 1984 et 1er de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, applicables au litige ;

3° Alors, en toute hypothèse, que M. P... avait également soutenu que si la société Euralliance devait être considérée uniquement comme une société d'assurance, alors le contrat de prêt devait être déclaré nul, ladite société n'ayant eu aucune capacité juridique pour délivrer à une société immobilière des prêts ou des fonds destinés à des acquisitions ou des travaux de rénovation ; qu'en se déterminant dès lors comme elle l'a fait, sans répondre à l'objection ainsi soulevée, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile.

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