23 octobre 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-12.181

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2019:CO00791

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Responsabilités et sanctions - Faillite et interdictions - Faillite personnelle - Prononcé - Conditions - Fait antérieur au jugement de l'ouverture de la procédure collective

En application des articles L. 653-4, 5° et R. 621-4 du code de commerce, seuls les faits antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective peuvent justifier le prononcé de la faillite personnelle ; ainsi, ne peut faire l'objet d'une faillite personnelle le dirigeant à qui il est reproché un détournement d'actif de la société, opéré le jour même de la mise en liquidation judiciaire de celle-ci, à 8 heures, alors que ce fait était nécessairement postérieur à celle-ci, dès lors que le jugement d'ouverture prend effet le jour de son prononcé à 0 heure

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Liquidation judiciaire - Jugement - Date d'effet - Détermination - portée

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 octobre 2019




Cassation partielle


M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 791 F-P+B

Pourvoi n° N 18-12.181







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. G... N..., domicilié [...],

contre l'arrêt rendu le 21 décembre 2017 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Y... Q..., société civile professionnelle, en la personne de Mme Y... Q..., dont le siège est [...], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Sn dst transports,

2°/ à M. J... W..., domicilié [...],

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 10 septembre 2019, où étaient présents : M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Brahic-Lambrey, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. N..., de la SCP Gaschignard, avocat de la société Y... Q..., ès qualités, l'avis de Mme Henry, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 653-4, 5° et R. 621-4 du code de commerce ;

Attendu que seuls des faits antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective peuvent justifier le prononcé de la faillite personnelle ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sn dst transports a été mise en liquidation judiciaire le 5 octobre 2010, la société Y... Q... étant désignée liquidateur ; que le liquidateur a assigné certains de ses dirigeants de droit et de fait en prononcé d'une mesure de faillite personnelle ;

Attendu que pour prononcer la faillite personnelle de M. N..., l'arrêt retient à l'encontre de celui-ci un détournement de l'actif de la société le 5 octobre 2010 à 8 heures ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les faits reprochés à M. N... ayant eu lieu le jour même de l'ouverture de la procédure collective, ils étaient nécessairement postérieurs à celle-ci, dès lors que le jugement d'ouverture prend effet le jour de son prononcé à 0 heure, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la faillite personnelle de M. N... pour une durée de 10 ans, le condamne à supporter les dépens de première instance et d'appel et à payer 1 000 euros au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile à la société Y... Q..., en qualité de liquidateur de la société Sn dst transports, l'arrêt rendu le 21 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;

Condamne la société Y... Q..., ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. N... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille dix-neuf, et signé par lui et Mme Labat, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour M. N....

Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR prononcé contre M. G... N... la sanction de la faillite personnelle pour dix ans ;

AUX MOTIFS QU'« il n'est pas contesté par M. N... que, le 5 octobre 2010, un virement de 10 624 € a été opéré depuis le compte bancaire de la société [Sn dst transports] vers son compte personnel [; qu']il explique dans un courrier adressé à la scp Y... Q... qu'il s'agissait pour lui de rembourser une aide à la trésorerie de 10 000 € qu'il avait obtenue grâce à un découvert exceptionnel provisoire qu'il devait impérativement rembourser et des achats de gasoil qu'il avait payés à hauteur de 624 € avec sa propre carte bancaire » (cf. arrêt attaqué, p. 5, 6e alinéa) ; que « M. N..., qui n'ignorait pas la situation de la société, puisque l'audience sur assignation de l'Urssaf s'était déroulée le 28 septembre précédent, et qui connaissait parfaitement la décision qui allait intervenir le 5 octobre 2010, puisqu'il ressort du jugement du tribunal de commerce que la société avait elle-même demandé son placement en liquidation judiciaire, se contente de souligner que seuls les actes antérieurs à la date d'ouverture de la procédure collective peuvent donner lieu au prononcé d'une faillite personnelle [; qu']il ressort de son courrier du 25 janvier 2011 qu'il a effectué le virement litigieux le 5 octobre 2010 "à 8 h du matin", soit antérieurement à l'audience du tribunal de commerce de Dijon du même jour au cours de laquelle la procédure de liquidation judiciaire a été ouverte » (cf. arrêt attaqué, p. 5, 7e alinéa) ; qu'« il est ainsi établi qu'"ayant perdu dans cette affaire plus de 100 000 €" selon ses propos dans le courrier du 25 janvier 2011 à la scp Y... Q..., et devant l'impérieuse nécessité de rembourser un découvert exceptionnel; M. N... a cherché à récupérer quelques fonds avant d'être privé de la direction de la société par la décision qu'il savait devoir intervenir quelques heures plus tard » (cf. arrêt attaqué, p. 5, 8e alinéa) ;

ALORS QUE seules les fautes du dirigeant de fait ou de droit qui sont antérieures au jugement d'ouverture peuvent être sanctionnées par la faillite personnelle ; que le jugement d'ouverture produit ses effets à zéro heure du jour de sa date ; qu'en énonçant que le virement auquel M. G... N... a procédé le 5 octobre 2010 à 8 h, est antérieur au jugement d'ouverture de la procédure collective contre la société Sn dst transports, lequel a été prononcé le même 5 octobre 2010, la cour d'appel a violé les articles L. 653-5 et R. 621-4 du code de commerce.

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