6 novembre 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-18.147

Première chambre civile - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:C110594

Texte de la décision

CIV. 1

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 novembre 2019




Rejet non spécialement motivé


Mme BATUT, président



Décision n° 10594 F

Pourvoi n° X 18-18.147







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par M. X... U..., domicilié [...] (Monaco),

contre l'arrêt rendu le 8 février 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (4e chambre A), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme F... U..., épouse Q..., domiciliée [...] (Suisse),

2°/ à Mme K... S..., veuve U..., domiciliée [...] (Monaco),

3°/ à la société Ferncroft Equities Limited, société de droit canadien,

4°/ à la société Coloony Limited, société de droit canadien,

ayant toutes deux leur siège [...], (Canada),

défenderesses à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 1er octobre 2019, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Berthomier, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. X... U..., de la SCP Ortscheidt, avocat de Mme F... U..., de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Ferncroft Equities Limited et Coloony Limited ;

Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;


REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... U... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à Mme U..., épouse Q... la somme de 1 500 euros et une somme globale du même montant à la société Ferncroft Equities Limited et la société Coloony Limited ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. U...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit que le siège social des sociétés Coloony et Ferncroft est situé au Canada, à [...], province de Nouvelle-Ecosse, à l'adresse de son siège social statutaire et non pas à Valbonne et en ce qu'elle a déclaré le tribunal de grande instance de Grasse incompétent territorialement pour statuer sur l'action de X... U... en déclaration de fictivité de siège social, nullité des sociétés Colony et Ferncroft et dissolution de celles-ci ;

Aux motifs propres que « c'est à juste titre, après avoir rappelé les dispositions des articles 771 et 77 du code de procédure civile, que Je premier juge a rejeté la demande de jonction présentée par M. U... en considérant que le juge de la mise en état, qui est exclusivement compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, peut connaître d'une question de fond, dont dépend la détermination de la compétence, telle en l'occurrence la détermination du siège social réel des sociétés Coloony et Femcroft ; qu'il convient d'ajouter que, contrairement à ce que soutient M. U..., la solution du litige ne dépend pas seulement de la localisation du siège social réel des deux sociétés, puisque, à supposer que l'exception d'incompétence ait été rejetée par le juge de la mise en état, celui-ci considérant que leur siège social se situe à Valbonne en France, le tribunal aurait été amené à se prononcer, eu égard à la loi applicable au litige, sur la nullité des contrats de société, dont il est soutenu que leur cause est illicite » (arrêt attaqué, p. 8-12) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « en application de l'article 771 du code de procédure civile : " lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : 1 ° ) Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et sur les incidents mettant fin à I'instance : les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement, à moins qu'ils ne surviennent ou ne soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ( ...)" ; qu'il résulte de ce texte que le juge de la mise en état a, jusqu'à son dessaisissement, compétence exclusive pour trancher les exceptions d'incompétence ; que l'article 77 du code de procédure civile dispose, par ailleurs, que : "lorsqu'il ne se prononce pas sur le fond du litige, mais que la détermination de la compétence dépend d'une question de fond, le juge doit, dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par dispositions distinctes. " ; qu'ainsi, par application combinée des articles 771 et 77 du code de procédure civile , le juge de la mise en état saisi d'une exception d'incompétence, qu'il a compétence exclusive pour connaître, peut être conduit à se prononcer sur une question de fond dont dépend la détermination de la compétence ( en ce sens : Cass. civ. 1ère, 25 novembre 2015, pourvoi n°14-23.259) ; qu'en l'espèce, les sociétés COLOONY et FERNCROFT soulèvent l'incompétence territoriale du Tribunal de grande instance de Grasse, au profit de la juridiction canadienne , au motif que leur siège social est situé dans la Province de Nouvelle Ecosse au CANADA, et qu'elles ne sont donc pas domiciliées en France, dans le ressort du Tribunal de grande instance de Grasse ; que même si l'appréciation de la compétence territoriale nécessite d'apprécier la question de fond relative à la réalité du siège social de ces deux sociétés au CANADA, dont X... U... prétend qu'il serait fictif, il n'y a pas lieu pour le juge de la mise en état , contrairement à ce que soutient X... U... , de " joindre" cette exception d'incompétence territoriale au fond, ce qui reviendrait, en fait, à renvoyer l'examen de l'exception d'incompétence à la juridiction du fond, mais de statuer sur ladite exception qui relève, en vertu de l'article 771 du code de procédure civile, de la compétence exclusive du juge de la mise en état "à l'exclusion de toute autre formation du tribunal" » (ordonnance entrepris, p. 7-13) ;

Alors que le juge de la mise en état est incompétent pour trancher une exception d'incompétence lorsque le traitement de cette exception implique nécessairement de trancher l'essentiel du litige au fond ; qu'il en va notamment ainsi lorsque la compétence du juge français pour statuer sur une demande principale tendant à voir déclarer fictif le siège statutaire d'une société dépend du caractère réel ou fictif de ce siège ; qu'au cas présent, les demandes de M. U... tendaient essentiellement, au fond, à voir déclarer fictifs les sièges statutaires canadiens des sociétés Ferncroft et Coloony ; qu'il en résultait que la juge de la mise en état pas compétent pour statuer sur cette question de fictivité des sièges sociaux dont dépendait sa compétence ; qu'en statuant néanmoins, la cour d'appel a violé l'article 771 du code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'Homme.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit que le siège social des sociétés Coloony et Ferncroft est situé au Canada, à [...], province de Nouvelles-Ecosse, à l'adresse de son siège social statutaire et non pas à Valbonne et en ce qu'elle a déclaré le tribunal de grande instance de Grasse incompétent territorialement pour statuer sur l'action de X... U... en déclaration de fictivité de siège social, nullité des sociétés Colony et Ferncroft et dissolution de celles-ci ;

Aux motifs propres que « aucune des parties à l'instance ne demeure sur le territoire français, M. U... étant domicilié en principauté de Monaco, Mmes Q... et S... veuve U... en Suisse et les sociétés Coloony et Femcroft ayant leur siège social à [...] au Canada, le tribunal de grande instance de Grasse ayant, par ailleurs, été saisi d'un litige portant sur la nullité et la dissolution de ces deux sociétés ; qu'il résulte de l'article 42 du code de procédure civile que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur et que s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux; selon l'article 43 du même code, Je lieu où demeure le défendeur s'entend, s'il s'agit d'une personne morale, du lieu où celle-ci est établie et il est de principe que le lieu d'établissement d'une société est le siège social de celle-ci fixé par ses statuts, sauf si le caractère fictif du siège se trouve établi; en l'occurrence, s'il est démontré que le siège social des sociétés Coloony et Ferncroft est en France, à Valbonne, où se trouve Je [...], lequel constitue le principal actif de la société Coloony dont la société Ferncroft est l'associé unique, le tribunal de grande instance de Grasse serait alors compétent pour connaître du litige en vertu du Règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 (concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale) ; que l'article 6, point 1, dudit Règlement dispose, en effet, que si le défendeur n'est pas domicilié sur le territoire d'un Etat membre, la compétence est, dans chaque l'Etat membre, réglée par la loi de cet Etat membre, sous réserve de l'application de l'article 18, paragraphe 1, de l'article 21, paragraphe 2, et des articles 24 et 25 ; l'article 24 énonce précisément que sont seules compétentes, sans considération de domicile des parties, en matière de validité, de nullité ou de dissolution des sociétés ou personnes morales, ou de validité des décisions de leurs organes, les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel celles-ci ont leur siège et que pour déterminer le siège, le juge applique les règles de son droit international privé ; que contrairement à ce que soutient M. U..., la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 ( concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale) ne serait pas applicable dans le cadre du présent litige, dès lors qu'il existe un chef de compétence spéciale relevant du domaine du Règlement (UE) du 12 décembre 2012, en dépit de la domiciliation des parties dans des Etats non membres de l'union européenne, et que la France est liée tant par le règlement (UE) que par la Convention de Lugano ; qu'en effet, l'article 64 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 dispose, au point 1, que celle-ci ne préjuge pas de l'application par les Etats membres de la Communauté européenne du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, et de toute modification ayant été apportée à ce Règlement, et, au point 2, qu'elle s'applique en tout état de cause, en matière de compétence, lorsque le défendeur est domicilié sur le territoire d'un Etat où s'applique la Convention (de Lugano), à l'exclusion des instruments visés au point 1, ou lorsque les articles 22 ou 23 de la Convention confèrent une compétence aux tribunaux d'un tel Etat ; qu'ainsi, l'application du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil et de toute modification apportée à celui-ci, ce qui est le cas du règlement (UE) n° 1215/2012 qui s'y substitue, doit être privilégiée par rapport ù celle de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 ; qu'en toute hypothèse, qu'il s'agisse de faire application de l'article 24 du règlement (UE) du 12 décembre 2012 ou de l'article 22 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007, la règle de compétence est identique relativement aux actions en nullité ou dissolution de sociétés ou personnes morales, qui doivent être portées devant les juridictions de l'Etat sur le territoire duquel celles-ci ont leur siège, le juge appliquant, pour la détermination du siège, les règles de son droit international privé ; qu'à cet égard, la constitution, le fonctionnement et la dissolution d'une société se trouvent nécessairement déterminés par la loi du pays dont la société relève et cette loi, la lex societatis, régit l'exactitude de la localisation du siège social, y compris son caractère éventuellement fictif; c'est donc à juste titre que le premier juge a considéré que la réalité du siège statutaire des sociétés Coloony et Ferncroft devait être apprécié au regard de la loi de la province de Nouvelle-Ecosse où elles sont constituées et de la loi fédérale du Canada, qui leur est également applicable ; qu'en l'état des éléments d'appréciation, qui lui ont été soumis, le premier juge a ainsi pu vérifier que les sociétés Coloony et Ferncroft avaient été régulièrement constituées en vertu de la loi sur les sociétés en Nouvelle-Ecosse (Compagnies Act), qu'elles avaient été immatriculées, le 21 décembre 1983 et le 17 novembre 1983, au registre des sociétés, conformément à la loi sur l'immatriculation des sociétés dans la province de Nouvelle-Ecosse (Corporations Registrai ion 1ct) et qu'elles poursuivaient leurs activités, en conformité du droit des sociétés de la Nouvelle-Ecosse, dans cette province où s'exerçaient les principales manifestations de leur existence juridique ; qu'il a notamment relevé que les obligations comptables des sociétés Coloony et Ferncroft s'effectuaient par I'intermédiaire d'un cabinet comptable à Québec au Canada, le cabinet Benson, que les sociétés possédaient des comptes bancaires auprès de la Royal Bank of Canada et de la Canadian Impérial Bank of Commerce et que le cabinet d'avocats Patterson Law situé à [...] était chargé d'assurer leur représentation (recognized agent) et de veiller au respect des lois sur les sociétés ; que le premier juge a également retenu que les assemblées générales des deux sociétés ne se tenaient pas en France et que l'administration fiscale française n'avait ellemême pas remis en cause leur domiciliation à [...] au Canada, puisque la société Coloony était enregistrée comme société étrangère ayant pour activité la location de terrains et autre biens immobiliers, que les avis d'imposition des deux sociétés, de 2002 à 2015, mentionnaient l'adresse de leur siège social à [...], que les déclarations annuelles au titre de l'impôt sur les sociétés et de la taxe de 3 %, libellées à l'adresse de leur siège social, leur étaient envoyées au centre des impôts « non-résident » à Noisy-le-Grand et que les courriers adressés en 2014 par l'administration fiscale à la société Coloony, dans le cadre d'une procédure de vérification de comptabilité et de redressement fiscal, l'avaient tous été au siège social à [...] au Canada ; qu'en outre, depuis la constitution des sociétés Coloony et Ferncroft en 1983, aucun des directeurs et administrateurs, qui se sont succédés, n'a été domicilié en France et M. U... n'a nullement, par le passé, contesté la domiciliation des sociétés, puisqu'il a lui-même pris l'initiative de saisir les juridictions de la province canadienne de nouvelle Écosse, notamment dans le cadre d'une procédure judiciaire en « oppression d'actionnaires » diligentée en 2013 ; que le fait que le [...] situé à Valbonne en France constitue le seul actif de la société Coloony, dont la société Ferncroft est l'associée unique, ne permet pas d'établir que s'y trouve le siège social réel des deux sociétés, lequel ne peut se confondre avec le lieu où se déroule l'activité ; que le siège social est le lieu où s'exerce la direction juridique, financière et administrative de la société et non celui qui constitue le centre de son exploitation et il a été indiqué plus haut que les principales manifestations de l'existence juridique des sociétés Coloony et Ferncroft s'effectuaient à [...] au Canada où elles étaient constituées et poursuivaient leurs activités en conformité du droit des sociétés de la Nouvelle-Écosse ; que si le [...] est géré par une agence immobilière John Taylor située à Cannes, celle-ci n'est qu'un prestataire de services de la société Coloony et la gestion du domaine par des cabinets comptables domiciliés à Monaco ou en France est indépendante de celle des sociétés Coloony et Ferncroft, dont la comptabilité est tenue au Canada par le cabinet Benson ; que c'est dès lors à juste titre que le premier juge a considéré que la preuve du caractère fictif du siège des deux sociétés ne se trouvait pas rapportée, ce dont il ajustement déduit que le tribunal de grande instance de Grasse n'était pas compétent pour connaître d'un litige portant sur la nullité et la dissolution de sociétés étrangères, renvoyant ainsi le demandeur à mieux se pourvoir conformément à l'article 96 du code de procédure civile » (arrêt attaqué, p. 8-12) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés des premiers juges que « Toutes les parties à la procédure sont de nationalité étrangère avec un domicile ou un siège social officiel situé hors du territoire français, et en dehors du ressort du Tribunal de grande instance de GRASSE ; qu'en effet : - le demandeur, X... U... ainsi que deux des défenderesses, à savoir, F... U..., et K... S... veuve U... sont, tous trois, de nationalité britannique, et respectivement domiciliés à MONACO, pour le premier, et en Suisse pour les deux autres, - et les sociétés COLOONY et FERNCROFT, défenderesses, sont de nationalité canadienne, et leur siège social, dont la localisation est l'objet du litige, est, d'après leurs statuts, situé au CANADA, à [...], dans la Province de Nouvelle-Ecosse ; que toutes les parties sont donc domiciliées en dehors de l'Union Européenne, et donc hors du champ d'application de la Convention de Bruxelles du 12 décembre 2012, sauf s'il était démontré que le siège social des sociétés COLOONY et FERNCROFT n'était pas situé au Canada mais en France ; que le bien immobilier qui constitue le seul actif de la société COLOONY, dont la société FERCROFT est l'associée unique, est situé, lui, sur la Commune de VALBONNE , dans le ressort du Tribunal de grande instance de Grasse ; que X... U... a fait assigner les sociétés COLOONY et FERNCROFT ainsi que sa soeur, F... U... et leur mère, K... S... veuve U..., devant le Tribunal de grande instance de Grasse, aux fins de voir : - déclarer fictif le siège social des sociétés FERNCROFT et COLOONY en Nouvelle Ecosse, au CANADA, et dire que leur siège social réel est situé en France, à [...], - et voir déclarer nuls pour cause illicite et intention frauduleuse les contrats de société à l'origine de ces deux sociétés, et ordonner la dissolution de celles-ci ; que pour s'opposer à l'exception d'incompétence territoriale soulevée par les défenderesses, au profit de la juridiction canadienne, X... U... fait valoir que le siège réel des sociétés COLOONY et FERNCROFT n'est pas situé au Canada mais à VALBONNE, au [...], seul actif immobilier de la société COLOONY, et que, dès lors, le Tribunal de grande instance de Grasse, dans le ressort duquel est situé ce bien, est compétent territorialement ; que pour statuer sur la compétence, il est donc nécessaire de rechercher si effectivement le siège social des sociétés COLOONY et FERNCROFT est situé ou pas au Canada ; qu'en application de l'article 42 du code de procédure civile : « La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu ou demeure le défendeur. S'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux » ; que l'article 43 précise que, pour une personne morale, le lieu où demeure le défendeur s'entend" du lieu où celle-ci est établie" ; que le domicile d'une société est, en principe, au siège social fixé par les statuts, à moins que ce siège ne soit qu'une fiction, et qu'i I ne soit démontré que les opérations de la société se font généralement dans un autre lieu, où se produisent, par l'intermédiaire de ses dirigeants, les manifestations principales de son existence juridique ; qu'en l'espèce, les sociétés COLOONY et FERNCROFT sont des sociétés canadiennes, et, dès lors, la réalité ou la fictivité de leur siège statutaire à [...], Province de Nouvelle-Ecosse, au Canada, doit s'apprécier au regard de la loi du pays dont relèvent ces sociétés, et donc de la loi de la Province de Nouvelle Ecosse, et sur la loi fédérale du Canada, applicable dans cette Province ; qu'il résulte des pièces versées aux débats, et notamment des certificats d'enregistrement produits : - que la société COLOONY , constituée à l'origine au Liechtenstein, a été enregistrée, à compter du 21 décembre 1983 au registre des sociétés, en Nouvelle Ecosse, sous le numéro 1513038, conformément à la loi sur les sociétés en Nouvelle Ecosse, et que son siège social (corporate seat) est situé, d'après les statuts à l'adresse suivante: [...], Province de Nouvelle Ecosse au CANADA, - que la société FERNCROFT, associée unique de la société COLOONY, a été immatriculée au registre des sociétés le 17 novembre 1983, et a , elle aussi, son siège social à ladite adresse au Canada, - que ces deux sociétés continuent à exercer leurs activités conformément aux conditions de validité prévues en la matière par la Corporations Registration Act ( loi sur l'immatriculation des sociétés de la Nouvelle Ecosse) ; qu'il a été également produit aux débats divers documents démontrant que le lieu des principales manifestations de l'existence juridique des sociétés COLOONY et FERNCROFT est bien situé en leur siège statutaire au Canada, à savoir, notamment, les pièces relatives : - au cabinet comptable situé au Canada pour remplir les obligations comptables de ces sociétés COLOONY et FERNCROFT ( Cabinet BENSON à Québec), - à la détention d'un compte bancaire à la Canadian Imperial Bank of Commerce et à la Royal Bank of Canada à [...], - au mandat de représentation donné au Cabinet d'avocat Patterson Law à [...] , pour assurer la représentation des sociétés COLOONY et FERNCROFT et de s'assurer du respect des lois sur les sociétés de Nouvelle Ecosse, - à l'absence de tenues d'assemblées générales en France ; que, de même, l'administration fiscale française considère que le siège des sociétés COLOONY et FERNCROFT est bien situé à [...] au CANADA, dans la mesure où : - la société COLOONY est enregistrée, en tant que société étrangère ayant pour activité la location de terrains et autres biens immobiliers et étant domiciliée à [...] au Canada, - les avis d'impôt sur les sociétés COLOONY et FERNCROFT de 2002 à 2015 indiquent que le siège social se trouve à [...] au Canada, - les déclarations annuelles d'impôts sur les sociétés, pour la société COLOONY, et de la taxe de 3 % pour les sociétés COLOONY et FERNCROFT font toutes mentions de l'adresse du siège social à [...] au Canada, et sont toutes adressées au centre des impôts "non-résident" à Noisy-le-Grand,- les courriers adressés par l'administration fiscale à la société COLOONY, en 2014, dans le cadre d'une procédure de vérification de comptabilité et de redressement fiscal, l'ont tous été au siège social à [...], au Canada ; qu'en l'état de ces divers éléments, force est de considérer comme non rapportée la preuve de la fictivité du siège social des sociétés COLOONY et FERNCROFT au Canada ; qu'en effet, le fait que le [...] à VALBONNE ( 06) soit le seul bien immobilier de la société COLOONY, et constitue le centre des intérêts économiques des sociétés COLOONY et FERNCROFT , ne saurait permettre de considérer que le siège social de ces deux sociétés de droit canadien est, pour autant, situé à VALBONNE, alors que les éléments produits aux débats ne sont pas de nature à démontrer l'exercice de fonctions de direction dans ce· lieu d'exploitation, qui, dès lors, ne saurait être considéré comme le siège social ; que dès lors, les deux sociétés défenderesses étant domiciliées au Canada, lieu de leur siège social statutaire, corroboré par les éléments de droit et de fait, dans la mesure où l'adresse du siège au Canada est celle du lieu de réception des correspondances, des principales manifestations de l'existence juridique des deux sociétés, et est reconnu comme tel par l'administration fiscale française, le tribunal de grande instance de Grasse est incompétent territorialement pour connaître du litige, le lieu de situation de l'actif immobilier social ne déterminant pas le siège social d'une société ; qu'en application de l'article 96 du code de procédure civile, il y a lieu de renvoyer les parties à mieux se pourvoir, dans la mesure où l'affaire relève de la compétence d'une juridiction étrangère ; que le Tribunal de grande instance étant incompétent pour connaître du litige, il n'y a pas lieu pour le juge de la mise en état dudit tribunal de se prononcer sur la demande de communication de pièces formulée par X... U... » (ordonnance entrepris, p. 7-13) ;

1°) Alors que la loi applicable à une société est la loi du lieu de son siège social et non celle de son lieu de constitution ; qu'au cas présent, la cour d'appel a estimé qu'il convenait d'apprécier la réalité du siège des sociétés Coloony et Ferncroft au regard de la loi canadienne, au motif que lesdites sociétés s'étaient constituées au Canada ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1837 du code civil ;

2°) Alors que la loi applicable à une société est la loi du lieu de son siège social ; que si les tiers peuvent se prévaloir du siège statutaire, celui-ci ne leur est pas opposable lorsque le siège réel est situé dans un autre pays ; que, s'agissant de la société Coloony, à l'égard de laquelle M. U... est un tiers, il appartenait au juge de rechercher, comme il le lui était demandé (p. 18 et s.), d'après les critères du droit français, si le siège réel n'était pas situé en France ; qu'en appliquant d'emblée le droit canadien sans procéder à la recherche demandée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1837 du code civil ;

3°) Alors que, dans les rapports entre associés, la loi applicable à une société est la loi de son siège social réel ; qu'il appartenait donc au juge de rechercher, comme il le lui était demandé (p. 18 et s.), d'après les critères du droit français, si le siège réel n'était pas situé en France ; qu'en appliquant d'emblée le droit canadien sans procéder à la recherche demandée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1837 du code civil ;

4°) Alors que, aux termes du droit français applicable, le siège social réel de la société est situé au lieu de la direction effective de celle-ci ; qu'au cas présent, pour établir la localisation du siège de la société, la cour d'appel s'est prononcée par application du droit canadien, en se fondant essentiellement sur des critères relatifs au siège statutaire, et sans rechercher où était située la direction effective de la société ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher où était située la direction effective de la société, la cour d'appel a violé l'article 1837 du code civil ;

5°) Alors que, en tout état de cause, l'article 24 du règlement 1215/2012 ne confère une compétence exclusive aux tribunaux de l'Etat du siège de la société pour connaitre des litiges relatifs à la validité, la nullité ou la dissolution de la société que si cet Etat est un Etat membre ; qu'il n'en va pas de même lorsque la société est située dans un Etat tiers ; qu'au cas présent, en énonçant qu'aux termes de l'article 24 du règlement 1215/2012, les actions en nullité ou dissolutions des sociétés devraient être portée devant les juridictions de l'Etat du siège (p. 8, in limine) et en déduisant ensuite de la circonstance que ce siège serait situé au Canada, l'incompétence des juges français, la cour d'appel a violé l'article 24 du règlement n° 1215/2012.

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