14 novembre 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-18.579

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:CO00823

Texte de la décision

COMM.

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 novembre 2019




Cassation


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 823 F-D

Pourvoi n° S 18-18.579







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la Société générale, société anonyme, dont le siège est [...] ,

contre l'arrêt rendu le 14 mars 2018 par la cour d'appel de Riom (3e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à M. W... T..., domicilié [...] ,

défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 24 septembre 2019, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Labat, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la Société générale, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. T..., et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 1109 et 1110 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte sous seing privé du 16 mars 2011, M. T... s'est rendu caution solidaire, au profit de la Société générale (la banque), de la société civile immobilière PFFC (la société), dont il était le gérant et l'associé, en garantie d'un prêt d'un montant de 181 000 euros accordé par la banque à la société ; que par un acte authentique du 21 avril 2011, la banque a consenti à la société ledit prêt, celui-ci étant assorti de plusieurs autres garanties, dont deux données par la société Oseo ; que la société ayant cessé d'honorer les échéances du prêt, la banque a assigné en paiement la caution, qui a invoqué un vice du consentement ;

Attendu que pour annuler le cautionnement et débouter la banque, après avoir relevé que l'acte authentique de prêt qui mentionne l'intervention des deux « contre-garanties » Oseo, n'énonce ni leurs conditions, ni que l'emprunteuse en a pris connaissance, et que le contrat de cautionnement indique qu'il s'ajoute aux autres garanties et que l'acte de prêt, qui contient les seules informations à ce titre, n'énonce pas moins de sept garanties, dont les deux « contre-garanties » Oseo, l'arrêt retient que, si l'intervention de la société Oseo, globalement à hauteur de 70 %, y est mentionnée en troisième rang après l'hypothèque et le nantissement, aucune clause de l'acte de prêt ou du contrat de cautionnement ne stipule que la mise en oeuvre de la garantie Oseo présente un caractère prioritaire et à aucun moment dans un quelconque des actes produits aux débats, il n'a été précisé que la « contre-garantie » n'est contractée qu'au seul bénéfice de l'établissement de crédit et ne présente qu'un caractère subsidiaire ; qu'il retient encore qu'en présence d'une opération complexe faisant appel à de multiples garanties, c'est à bon escient que M. T..., dont il n'est pas démontré qu'il avait eu connaissance des conditions de la garantie Oseo, se prévaut d'un manquement de la banque à son obligation d'information de nature à faire naître un doute sérieux quant aux conditions dans lesquelles il a consenti son cautionnement et dans lesquelles sa garantie pourrait être actionnée ; qu'il en déduit que, s'il n'est pas établi que ce manquement a procédé d'une volonté délibérée de la banque de dissimuler cette situation, ce qui ne peut permettre de lui conférer la qualification de dol invoquée par la caution, il n'en reste pas moins que celle-ci est fondée à invoquer une erreur déterminante de son engagement pour en obtenir l'annulation ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir le caractère déterminant qu'aurait eu pour la caution la connaissance du mécanisme de la garantie Oseo, à défaut de quoi, l'erreur sur la substance de son engagement ne pouvait être invoquée par la caution, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne M. T... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la Société générale la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la Société générale.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR prononcé l'annulation du cautionnement consenti par Monsieur W... T... suivant acte du 16 mars 2011, et D'AVOIR débouté la SOCIETE GENERALE de sa demande en paiement ;

AUX MOTIFS QUE « Selon l'article 1109 du code civil dans sa rédaction en vigueur à la date de l'engagement de la caution, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol. Et l'article 1116 ancien du même code prévoit que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans elles, l'autre partie n'aurait pas contracté, qu'il ne se présume pas et qu'il doit être prouvé ; que par ailleurs, le banquier dispensateur de crédit est tenu d'une obligation précontractuelle d'information à l'égard de son client et il satisfait à cette obligation en remettant à son client les conditions générales et particulières du contrat à conclure, ainsi que, le cas échéant, l'ensemble des autres éléments lui permettant de faire son choix en tenant compte de son degré de connaissance de l'opération à réaliser ; qu'en l'espèce, pour invoquer la nullité de son engagement M. T... reproche à la Société Générale de l'avoir, à l'occasion de l'acte authentique reçu le 21 avril 2011, soumis un prêt dont le TEG était différent de celui indiqué dans l'acte sous seing privé ce qui modifiait les conditions d'amortissement du crédit, aggravant ainsi l'importance de son endettement ; qu'il lui reproche, en outre, alors même que le prêt était également assorti de deux contre-garanties de la société Oseo de ne pas l'avoir, de manière dolosive, informé de ce que la garantie Oseo, d'un montant global de 70 % de la créance de la banque, ne profitait qu'à l'établissement de crédit. Et il considère que ce défaut d'information, imputable à la banque, a vicié son consentement, ce qui justifie l'annulation de son engagement ; qu'au soutien de sa demande en paiement la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE produit l'acte authentique de prêt reçu le 21 avril 2011 par Me BARRE et l'acte sous seing privé en date du 16 mars 2011 par lequel M. T... s'engageait en qualité de caution solidaire à hauteur de 54 300 euros ; que l'examen de ces actes montre que M. T.... Par ailleurs, il ressort de l'acte sous seing privé que M. T... s'est constitué caution solidaire de la SCI PFFC, dans la limite de la somme maximale de 54 300 euros correspondant à 30 % de l'encours du crédit décrit comme étant un prêt de 181 000 euros d'une durée de 12 ans au taux fixe de 5,91 %. Et cet acte énonce qu'en « cas de défaillance du cautionné pour quelque cause que ce soit, la caution sera tenue de payer à la banque ce que lui doit le cautionné, y compris les sommes devenues exigibles par anticipation » et il ajoute « IX PLURALITE DE GARANTIES. Le présent cautionnement s'ajoute ou s'ajoutera à toutes garanties réelles ou personnelles qui ont pu ou qui pourront être fournies au profit de la banque par la caution, le cautionné ou par tout tiers » ; que le montant du cautionnement consenti par M. T... qui correspond, ainsi que cela a été énoncé dans l'acte sous seing privé matérialisant son engagement, à 30 % de l'encours en principal, n'est pas susceptible de l'avoir induit en erreur. Il en est de même du taux nominal du prêt qui est effectivement mentionné à hauteur de 5,91 % dans l'engagement de la caution et dans l'acte authentique, lequel mentionne, en outre, pour satisfaire aux prescriptions légales le TEG, soit 6,64 %. Et ces mentions, qui ne sont pas contradictoires ne sont pas de nature à avoir eu une véritable incidence sur l'engagement de la caution ; qu'en revanche, l'acte authentique de prêt qui mentionne l'intervention des deux contre-garanties Oseo, n'énonce ni leurs conditions, ni encore que l'emprunteuse en a pris connaissance. Les actes par lesquels ces garanties ont été contractées n'ont été versés aux débats ni par la banque ni par la caution ; que le contrat de cautionnement indique qu'il s'ajoute aux autres garanties et l'acte de prêt, qui contient les seules informations à ce titre, n'énonce pas moins de sept garanties dont les deux contre-garanties Oseo) prises par la Société Générale. L'intervention d'Oseo, globalement à hauteur de 70 %, y est mentionnée en troisième rang après l'hypothèque et le nantissement. Aucune clause de l'acte de prêt ou du contrat de cautionnement n'énonce que la mise en oeuvre de la garantie Oseo présentait un caractère prioritaire et à aucun moment dans un quelconque des actes produits aux débats, il n'a été précisé que la contre-garantie n'est contractée qu'au seul bénéfice de l'établissement de crédit et qu'elle ne présente qu'un caractère subsidiaire : que la Société Générale ne prétend d'ailleurs pas qu'une quelconque information aurait été dispensée à M. T... sur les conditions de fonctionnement de la garantie Oseo et elle renvoie à sa qualité de dirigeant-de société depuis 12 années pour indiquer qu'il ne pouvait en ignorer le fonctionnement. Et elle produit un acte de prêt sous seing privé pour montrer que la société T... Organisateur de réceptions dont la caution est le dirigeant, avait, le 11 mai 2009, déjà contracté un crédit assorti de cette garantie ; que néanmoins, l'acte soumis à la cour n'indique pas davantage le fonctionnement de cette garantie ni n'énonce ses conditions ou encore qu'elles auraient, d'une façon quelconque été décrites à la société emprunteuse ou à sa caution ; qu'ainsi, il résulte de ces constatations qu'en présence d'une opération complexe faisant appel à de multiples garanties, c'est à bon escient que M. T..., dont il n'est pas démontré qu'il avait eu connaissance des conditions de la garantie Oseo, se prévaut d'un manquement de la Société Générale à son obligation d'information de nature à faire naître un doute sérieux quant aux conditions dans lesquelles il a consenti son cautionnement et dans lesquelles sa garantie pourrait être actionnée ; que s'il n'est pas établi que ce manquement a procédé d'une volonté délibérée de la banque de dissimuler cette situation ce qui ne peut permettre de lui conférer la qualification de dol revendiquée par la caution, il n'en reste pas moins que celle-ci est fondée à invoquer une erreur déterminante de son engagement pour en obtenir l'annulation ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera infirmé et la Société Générale déboutée de sa demande en paiement ; que la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE supportera la charge des dépens de première instance et d'appel ; que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. T... » ;

1°) ALORS QUE l'absence d'information suffisante de la caution sur le mécanisme de la garantie Oseo dont peut parallèlement disposer le prêteur ne peut constituer une cause de nullité du cautionnement qu'à la condition qu'il soit établi qu'elle a vicié le consentement de la caution ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué (p. 5, 6ème § in fine) qu'il était stipulé dans l'acte sous seing privé par lequel Monsieur T... s'est constitué caution solidaire de la SCI PFFC dont il était gérant, dans la limite de la somme de 54.300 € « correspondant à 30 % de l'encours du crédit, décrit comme étant un prêt de 181 000 euros d'une durée de 12 ans au taux fixe de 5,91 % », qu'en « cas de défaillance du cautionné pour quelque cause que ce soit, la caution sera tenue de payer à la banque ce que lui doit le cautionné, y compris les sommes devenues exigibles par anticipation », et que « IX PLURALITE DE GARANTIES. Le présent cautionnement s'ajoute ou s'ajoutera à toutes garanties réelles ou personnelles qui ont pu ou qui pourront être fournies au profit de la banque par la caution, le cautionné ou par tout tiers » ; qu'il ressort de ces stipulations que les garanties données à la SOCIETE GENERALE en remboursement du prêt étaient cumulatives et que la garantie fournie par Monsieur T... pouvait être recherchée en cas de simple défaillance de la société cautionnée ; qu'en jugeant néanmoins que faute d'information sur les conditions de mise en oeuvre des garanties Oseo parallèlement prises par la SOCIETE GENERALE, Monsieur T... était fondé à invoquer une erreur déterminante de son engagement pour en obtenir l'annulation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles 1134, 1109 et 1110 du code civil (nouveaux articles 1103, 1130 et 1132 du code civil) ;

2°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE l'erreur d'un contractant ne peut entraîner la nullité de son engagement qu'à la condition qu'elle ait porté sur un élément essentiel de son engagement ; qu'en se bornant à affirmer qu'en présence d'une « opération complexe faisant appel à de multiples garanties, c'est à bon escient que M. T..., dont il n'est pas démontré qu'il avait eu connaissance des conditions de la garantie Oseo, se prévaut d'un manquement de la Société Générale à son obligation d'information de nature à faire naître un doute sérieux quant aux conditions dans lesquelles il a consenti son cautionnement et dans lesquelles sa garantie pourrait être actionnée » et que Monsieur T... était fondé à invoquer une erreur déterminante de son engagement pour en obtenir l'annulation, par des motifs impropres à établir le caractère déterminant qu'aurait eu en l'espèce pour la caution la connaissance du mécanisme de la garantie Oseo, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1110 du code civil (nouveaux articles 1130 et 1132 du code civil).

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