27 novembre 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-21.207

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2019:C100995

Titres et sommaires

SOCIETE EN PARTICIPATION - Dissolution - Conditions - Société en participation d'exercice libéral

En application de l'article 22, alinéa 1, de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, et de l'article 1871-1 du code civil, la dissolution, à la demande d'un ou plusieurs associés, de la société constituée entre personnes physiques exerçant une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ne peut intervenir, à défaut de disposition spéciale du règlement intérieur de cette société, que dans les cas visés à l'article 1844-7 du code civil

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 novembre 2019




Rejet


Mme BATUT, président



Arrêt n° 995 F-P+B+I

Pourvoi n° Y 18-21.207









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ M. M... K..., domicilié [...],

2°/ M. R... V..., domicilié [...],

3°/ M. F... S..., domicilié [...],

4°/ M. Y... X..., domicilié [...],

5°/ M. I... D..., domicilié [...],

contre l'arrêt rendu le 12 juin 2018 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre), dans le litige les opposant à M. R... O..., domicilié [...],

défendeur à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 22 octobre 2019, où étaient présents : Mme Batut, président, M. Avel, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations de la SCP Richard, avocat de MM. K..., V..., S..., X... et D..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. O..., l'avis de M. Chaumont, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 12 juin 2018), qu'en 2014, MM. K..., V..., S..., X... et D..., chirurgiens orthopédistes exerçant au sein de la société en participation d'Ortho d'Oc (les associés), ont agréé M. O..., qui a acquis des parts sociales ; qu'à la suite de différends les ayant opposés à celui-ci, MM. V..., S..., X... et D... lui ont notifié, sur le fondement de l'article 1872-2 du code civil, leur décision de dissoudre la société ; qu'il a assigné les associés aux mêmes fins, en constatation du caractère abusif de la dissolution opérée par eux, en désignation d'un mandataire ad hoc et en paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les associés font grief à l'arrêt de condamner solidairement MM. V..., S..., X... et D... à payer à M. O... la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice matériel, ainsi que de les condamner solidairement avec M. K... à payer à M. O... la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, alors, selon le moyen, qu'une société en participation d'exercice libéral peut être dissoute à tout moment par la notification d'un associé adressée à tous les associés, pourvu que cette notification soit de bonne foi, et non faite à contretemps ; qu'en décidant, néanmoins, que la dissolution de la société Ortho d'Oc par voie de notification était irrégulière, motif pris que l'article 22 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ne permettait pas aux associés d'une société en participation d'exercice libéral de dissoudre la société par la voie d'une notification adressée par l'un d'eux à tous les associés, bien que cette disposition n'ait nullement prohibé un tel mode de dissolution, la cour d'appel a violé l'article 22 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, ensemble l'article 1872-2 du code civil ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 22, alinéa premier, de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire déterminant limitativement les modes d'exercice en commun de la profession, il peut être constitué entre personnes physiques exerçant une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé une société en participation, régie par les dispositions qui suivent ledit article 22, alinéa premier, et celles non contraires des articles 1871 à 1872-1 du code civil ;

Attendu qu'il résulte de l'article 1871-1 du même code qu'à moins qu'une organisation différente n'ait été prévue, les rapports entre associés sont régis, en tant que de raison, par les dispositions applicables aux sociétés civiles, si la société a un caractère civil ; que, selon l'article 1846-1 de ce code, les sociétés civiles prennent fin dans les cas visés à cet article ainsi qu'à l'article 1844-7 ;

Attendu que, par suite, d'une part, la cour d'appel a retenu à bon droit que l'article 1872-2, alinéa premier, du même code, selon lequel, lorsque la société en participation est à durée indéterminée, sa dissolution peut résulter à tout moment d'une notification adressée par l'un d'eux à tous les associés, pourvu que cette notification soit de bonne foi, et non faite à contretemps, n'était pas applicable à la société ; que, d'autre part, après avoir relevé qu'aucune disposition du règlement intérieur de la société n'était relative à sa dissolution, la cour d'appel en a exactement déduit qu'en application de l'article 1871-1 du code civil, l'article 1844-7 du même code, qui énonce les cas dans lesquels les sociétés civiles prennent fin, était applicable à celle-ci ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. K..., V..., S..., X... et D... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. O... la somme de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour MM. K..., V..., S..., X... et D....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné solidairement Messieurs R... V..., F... S..., Y... X... et I... D... à payer à Monsieur R... O... la somme de 200.000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel, ainsi que de les avoir condamnés solidairement avec Monsieur M... K... à payer à Monsieur R... O... la somme de 25.000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;

AUX MOTIFS QUE, sur le fond, d'après son règlement intérieur et les explications fournies par les parties, soit la mise en commun des honoraires de tous les praticiens et une rétribution au prorata, une répartition des charges au 1/6ème et l'absence de personnalité morale, la Société ORTHO D'OC, dans laquelle étaient associés Messieurs M... K..., R... V..., F... S..., Pierre-Étienne X..., I... D... et R... O..., était bien une société de fait et non une société de fait de moyens ; que dès lors que les associés ont parfaitement connaissance d'appartenir à une société, que cette société est régie par un règlement intérieur, bien qu'appelée société de fait, la Société ORTHO D'OC est une société en participation ; que les six associés étant des médecins chirurgiens, outre les dispositions applicables du Code civil relatives aux sociétés en participation, sont aussi applicables les dispositions de la loi n° 90-258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de société des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participation financière de professions libérales ; que l'article 22 de cette loi dispose que nonobstant toute disposition législative ou réglementaire déterminant limitativement les modes d'exercice en commun de la profession, il peut être constitué, entre personnes physiques exerçant une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, une société en participation, régie par les dispositions ci-après et celles non contraires des articles 1871 à 1872-1 du Code civil ; que les dispositions de l'article 1872-2 du Code civil, qui disposent que lorsque la société en participation est à durée indéterminée, sa dissolution peut résulter à tout moment d'une notification adressée par l'un d'eux a tous les associés, pourvu que cette notification soit de bonne foi, et non faite à contretemps, n'étaient donc pas applicables en ce qui concerne la Société ORTHO D'OC ; que dès lors, la dissolution de la Société ORTHO D'OC notifiée par quatre lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 15 juillet 2015 de Messieurs F... S... et Y... X..., et du 16 juillet 2015 de Messieurs I... D... et R... V... envoyées à Monsieur R... O..., avec effet au 31 août 2015, est irrégulière ; que dans la mesure où ces quatre notifications sont illégales, il n'y a lieu d'apprécier si elles ont été faites de mauvaise foi et/ou à contretemps ; que dans le règlement intérieur de la Société ORTHO D'OC, aucune des stipulations n'est relative à la dissolution ; qu'en conséquence, par application des dispositions de l'article 1871-1 du Code civil, s'appliquent les dispositions de l'article 1844-7 du Code civil, qui énonce les huit cas par lesquels une société civile peut prendre fin ; que dans la présente espèce, la dissolution pouvait résulter soit d'une décision unanime des associés, 4° dudit article 1844-7, soit d'un jugement du tribunal de grande instance à la demande d'un associé pour juste motif, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société, 5° de l'article 1844-7 ; qu'à défaut d'unanimité des associés ou d'une dissolution judiciaire, la dissolution de la société ORTHO D'OC au 31 août 2015 décidée par quatre des six associés, est irrégulière ;

ALORS QU'une société en participation d'exercice libéral peut être dissoute à tout moment par la notification d'un associé adressée à tous les associés, pourvu que cette notification soit de bonne foi, et non faite à contretemps ;
qu'en décidant néanmoins que la dissolution de la Société ORTHO D'OC par voie de notification était irrégulière, motif pris que l'article 22 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ne permettait pas aux associés d'une société en participation d'exercice libéral de dissoudre la société par la voie d'une notification adressée par l'un d'eux à tous les associés, bien que cette disposition n'ait nullement prohibé un tel mode de dissolution, la Cour d'appel a violé l'article 22 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, ensemble l'article 1872-2 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Messieurs M... K..., R... V..., F... S..., Y... X... et I... D... de leur demande tendant à voir condamner Monsieur R... O... à leur payer, à chacun, la somme de 5.000 euros de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE, pour échapper à leur responsabilité, Messieurs R... V..., F... S..., Y... X... et I... D... arguent que Monsieur R... O... aurait commis une faute en s'opposant à la présentation de leur patientèle à Monsieur Laurent L..., ce qui constituerait une atteinte à leur droit de présentation ; que toutefois, en adhérant à la Société ORTHO D'OC, Messieurs R... V..., F... S..., Pierre-Étienne X... et I... D... ont accepté que soit limité leur droit de présentation de leurs patientèle, dans la mesure où ils se sont engagés à respecter le règlement intérieur de cette société et les règles applicables en matière de société en participation ; que par application des dispositions de l'article 1871-1 et 1852 du Code civil, à défaut de précisions dans le règlement intérieur de la société, les décisions au sein de la Société ORTHO D'OC devaient être prises à l'unanimité ; que c'est pourquoi l'intégration d'un nouvel associé, tout comme l'intégration d'un successeur, requérait l'agrément unanime des associés, règles que Messieurs R... V..., F... S..., Pierre-Étienne X... et I... D... avaient acceptées en devenant associés de la Société ORTHO D'OC, en renonçant donc en partie à leur droit de présentation de leur patientèle ; qu'en conséquence, Messieurs R... V..., F... S..., Y... X... et I... D... ne peuvent faire grief au docteur R... O... d'avoir exercé son droit de refus conformément aux règles applicables ; que nonobstant l'irrégularité de la procédure suivie, tous les associés sont d'accord pour admettre aujourd'hui qu'il y a eu dissolution de cette société au 31 août 2015 ; que compte tenu de cet accord, le jugement déféré qui a constaté la dissolution de la Société ORTHO D'OC au 31 août 2015 sera confirmé ;

ALORS QUE le refus d'un associé d'intégrer un nouvel associé constitue un abus lorsqu'il est dicté par sa volonté d'entraver le fonctionnement de la société et a pour unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment des autres associés ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que le Docteur O... n'avait commis aucun abus à l'égard de ses associés en refusant d'agréer le Docteur L..., que la décision d'intégration d'un nouvel associé devait être prise à l'unanimité, de sorte qu'il ne pouvait être fait grief au Docteur O... d'avoir exercé son droit de refus, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le refus du Docteur O... d'intégrer le Docteur L... était dicté par la volonté d'entraver le fonctionnement de la Société ORTHO D'OC et si elle avait été prise dans son seul intérêt, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

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