27 novembre 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-25.110

Première chambre civile - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:C110659

Texte de la décision

CIV. 1

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 novembre 2019




Rejet non spécialement motivé


Mme BATUT, président



Décision n° 10659 F

Pourvois n° R 18-25.110
et V 19-10.214 JONCTION







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu les pourvois n° R 18-25.110 et V 19-10.214 formés par :

1°/ Mme S... R..., veuve P..., domiciliée [...] , agissant tant en son nom personnel que venant aux droits d'N... P...,

2°/ Mme W... P..., épouse I..., domiciliée [...] , venant aux droits d'N... P...,

contre l'arrêt rendu le 28 septembre 2018, rectifié par arrêt du 7 novembre 2018, par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige les opposant :

1°/ à M. O... H..., domicilié [...] , pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Pharmacie de l'Opéra,

2°/ à Mme L... J..., domiciliée [...], prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société Pharmacie de l'Opéra,

3°/ à la société Pharmacie de l'Opéra - Massy, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

4°/ à la société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 22 octobre 2019, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Duval-Arnould, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme S... R..., tant en son nom personnel qu'ès qualités, et de Mme W... P..., ès qualités, de la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat de M. H..., ès qualités, de la SCP Marc Lévis, avocat de la société BNP Paribas ;

Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à Mme W... P..., ès qualités, du désistement de ses pourvois n° R 18-25.110 et V 19-10.214 ;



Joint les pourvois n° R 18-25.110 et V 19-10.214 ;

Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que les moyens de cassation identiques aux pourvois n° R 18-25.110 et V 19-10.214 , annexés, qui sont invoqués à l'encontre des décisions attaquées, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;


REJETTE les pourvois ;

Condamne Mme S... R..., tant en son nom personnel qu'ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens identiques aux pourvois n° R 18-25.110 et V 19-10.214 produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour Mme S... R..., veuve P..., tant en son nom personnel que venant aux droits d'N... P...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué du 28 septembre 2018 tel que rectifié d'avoir déclaré irrecevables comme prescrites les actions en nullité des prêts formées par Mme S... R... veuve P... ;

Aux motifs que les deux prêts principaux consentis aux époux P... et destinés à l'acquisition de 320 et 155 parts sociales de la pharmacie de l'Opéra à Massy, conjointement avec M. G... A... pour 25 parts le concernant, sont datés des 13 et 31 juillet 2006 ; qu'un troisième et dernier prêt de 79.773,80 euros leur a été consenti le 14 février 2007 pour permettre le rachat des 25 parts de M. G... A... ; que Mme P... fait valoir que lesdits contrats sont nuls, d'une part, pour absence de cause ou fausse cause et, d'autre part, pour violence ; que l'article 1304 du code civil dispose, sans distinguer les nullités relatives ou absolues que l'action est soumise, dans tous les cas où elle n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière à la prescription quinquennale ; qu'il résulte des décomptes de créance et il est par ailleurs constant que les premiers impayés, encore ont-ils été partiellement régularisés, datent de 2012 ; que si l'exception de nullité d'un acte peut être opposée au créancier, même après l'expiration du délai de prescription pour faire obstacle à son exécution, c'est à la condition que ledit acte n'ait pas déjà reçu exception, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, de sorte que les actions en nullité doivent être déclarées irrecevables comme prescrites, Mme R... veuve P..., signataire sans contestation des contrats de prêts ne pouvant sérieusement prétendre en avoir ignoré l'existence ;

Alors que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motif ; que l'exception de nullité est perpétuelle ; que Mme P... a opposé la nullité des trois contrats de prêt souscrits pour défendre à l'action en paiement initiée par la BNP ; qu'en affirmant que l'exception de nullité, « ne pouvait être opposée au créancier même après l'expiration du délai de prescription pour faire obstacle à son exécution qu'à la condition que ledit acte n'ait pas déjà reçu [exécution] ce qui n'est pas le cas en l'espèce » (arrêt, p. 11 § 9), sans répondre aux conclusions de Mme P... qui faisait valoir (conclusions, p. 24) qu'elle n'avait jamais reçu les fonds prêtés ni donc remboursé ceux-ci à la BNP, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué du 28 septembre 2018 tel que rectifié d'avoir débouté Mme P... de toutes ses demandes, visant notamment à voir reconnaître la nullité des prêts contractés auprès de la BNP, et en conséquence de l'avoir condamnée à payer à la société BNP Paribas 654.558,95 euros, outre intérêt contractuels au taux majoré de 5,67 % à compter du 26 juin 2014 jusqu'à parfait paiement, 194.735,47 euros outre intérêts contractuels au taux majoré de 5,88% à compter du 30 janvier 2015 jusqu'à parfait paiement, 40.060,38 euros outre intérêts contractuels au taux majoré de 6,57 % à compter du 26 juin 2014 jusqu'à parfait paiement ;

Aux motifs que les deux prêts principaux consentis aux époux P... et destinés à l'acquisition de 320 et 155 parts sociales de la pharmacie de l'Opéra à Massy, conjointement avec M. G... A... pour 25 parts le concernant, sont datés des 13 et 31 juillet 2006 ; qu'un troisième et dernier prêt de 79.773,80 euros leur a été consenti le 14 février 2007 pour permettre le rachat des 25 parts de M. G... A... ; qu'il doit être ajouté, sur la nullité contradictoirement soulevée à la fois pour absence de cause ou cause illicite, que les empruntes faits par les deux époux pour l'acquisition de parts de la SELARL de pharmacie ont été valablement souscrits ; qu'en effet, tenant compte de la subordination de la propriété d'une officine à la qualité de pharmacien faite par le code de la santé publique, l'acte d'acquisition ne mentionne aucune atteinte à l'exploitation exclusive par N... P..., titulaire du diplôme, stipulant au contraire que les épouses présentes à l'acte ne le sont qu'en qualité de créancières de la valeur des parts sans revendiquer celle d'associées de la société conformément à la distinction usuelle en la matière du titre et de la finance ; que s'agissant de la nullité fondée sur la violence exercée sur sa personne par feu N... P..., Mme S... R... veuve P... ne pourrait faire reculer le point de départ de la prescription quinquennale à la date de cessation de cette violence en vertu de l'article 1111 du code civil dès lors que seule la violence exercée par celui au profit duquel la convention a été faite ou par un tiers peut fonder une nullité et non celle d'un codébiteur solidaire ; qu'en tout état de cause, ce vice du consentement doit s'apprécier au moment où le contrat est souscrit et s'il est certain que les attestations et certificats médicaux produits par l'appelante objectivent une consommation excessive d'alcool d'N... P..., dans les années ayant précédé son décès et, consécutivement, des relations rendues difficiles pour son épouse en dépit de l'affection qu'il témoignait pour sa famille, elles ne caractérisent pas une violence exercée sur Mme S... R... veuve P... au cours des années 2006 et 2007, les difficiles épisodes relatés étant postérieurs à l'année 2012 ; qu'en conséquence de ce qui précède, il y a lieu de déclarer les demandes en nullité irrecevables comme prescrites, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur caractère nouveau au sens de l'article 564 du code de procédure civile ; qu'il est constant que les époux P... ont disposé des fonds prêtés et il résulte de ce qui précède que la société BNP Paribas ne peut nullement se voir reprocher une inexécution du contrat à l'égard de Mme S... R... veuve P... puisque les prêts lui ont été valablement consentis, encore doit-il être ajouté, premièrement, que l'inexécution n'est pas sanctionnée, en vertu de l'article 1184 ancien du code civil, par l'inopposabilité du contrat invoquée par l'appelante et, deuxièmement, que Mme S... R... est tenue des dettes non seulement en qualité de codébitrice solidaire, mais aussi en celle d'attributaire de l'ensemble de la communauté ; que les mêmes motifs conduisent au rejet de l'action tendant à voir reconnaître un manque de loyauté de la banque au motif qu'elle a accordé le prêt à Mme R... veuve P... qui n'est pas pharmacienne alors que la communauté pouvait acquérir des parts d'une SELARL exploitant le fonds de commerce de pharmacie et alors qu'étant co-emprunteuse solidairement tenue, l'acquisition n'était nullement soumise à la nécessité d'un consentement de l'époux en vertu de l'article 1415 du code civil, seulement exigé lorsque l'un d'entre eux s'engage seul ;

1°) Alors que le juge qui décide que la demande dont il est saisi est irrecevable excède ses pouvoirs en statuant au fond ; que commet donc un excès de pouvoir la cour d'appel qui, dans le dispositif de son arrêt a déclaré les demandes en nullité irrecevables comme prescrites et qui rejette ensuite ces demandes sur le fond ; qu'en déclarant irrecevables comme prescrites les actions en nullité des prêts formées par Mme S... R... veuve P... tout en la déboutant de toutes ses demandes après avoir énoncé que les prêts avaient été valablement souscrits et qu'il n'y avait pas eu de vice du consentement, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile ;

2°) Alors que, subsidiairement, l'obligation sans cause ou pour une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ; que la cause est illicite quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public ; que l'article L. 5125-17 du code de la santé publique dans ses rédactions antérieure et postérieure à la loi du 20 juillet 2011 énonce que seuls les pharmaciens sont autorisés à constituer entre eux une société en vue de l'exploitation d'une officine ; que Mme P... faisait valoir que les trois contrats de prêt souscrits afin d'acquérir des parts de la société de pharmacie étaient fondés sur une cause illicite ; que pour affirmer que les trois prêts avaient été valablement souscrits, la cour d'appel a énoncé que l'acte d'acquisition des parts mentionnait que les épouses n'étaient que créancières de la valeur des parts et non associées de la société (arrêt, p. 11 in fine et p. 12 § 1) ; qu'en statuant ainsi tandis que les trois prêts étaient destinés à ce que Mme P..., qui n'était pas pharmacien, entrât au capital social de la société « Pharmacie de l'Opéra », cependant que le code de la santé publique le prohibait, la cour d'appel a violé les articles 1131 et 1133 du code civil, dans leurs rédactions antérieures à celles issues de l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 5125-17 du code de la santé publique ;

3°) Alors que, subsidiairement, la violence est une cause de nullité du contrat, qu'elle émane d'une partie au contrat ou d'un tiers ; qu'en l'espèce, Mme P... a fait valoir qu'elle avait subi la violence de son époux atteint d'alcoolisme au moment de la conclusion des trois contrats de prêt qui l'avait forcée à s'engager et à signer les contrats, de sorte que son consentement avait été vicié ; qu'en affirmant néanmoins, pour rejeter la demande de nullité fondée sur la violence, que « seule la violence exercée par celui au profit duquel la convention a été faite ou par un tiers peut fonder une nullité et non celle d'un codébiteur solidaire » (arrêt, p. 12 § 2), tandis que la violence émanant d'une partie au contrat, fût-il codébiteur, vicie le consentement donné par le cocontractant, de sorte que la sanction de la nullité est encourue, la cour d'appel a violé les articles 1108, 1109, 1111, et 1112 du code civil dans leurs rédactions antérieures à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°) Alors que, subsidiairement, la violence est une cause de nullité du contrat ; que pour demander la nullité des trois contrats de prêt pour violence, Mme P... avait versé aux débats des témoignages démontrant la violence de son époux envers elle, mais avait également fait valoir qu'en 2006, lors de la conclusion des contrats de prêt, M. P... était déjà gravement atteint par l'alcoolisme puisque son dossier d'assurance avait été refusé pour cette raison (conclusions, p. 17) ; que la cour d'appel s'est bornée à énoncer que les attestations permettaient de retenir une consommation excessive d'alcool dans les années précédant le décès, mais qu'aucun élément ne caractérisait une violence en 2006 (arrêt, p. 12 § 3) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p. 29) si la violence et l'alcoolisme de M. P... étaient établis dès 2006 par le rejet de la demande d'assurance pour les prêts, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1108, 1109, 1111, et 1112 du code civil dans leurs rédactions antérieures à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5°) Alors que, subsidiairement, les juges du fond ne peuvent statuer par voie de simple affirmation et doivent procéder à l'analyse, même sommaire, des éléments de preuve soumis à leur examen ; que Mme P... exposait que les fonds issus des trois prêts n'avaient jamais été mis à sa disposition, de sorte que l'obligation de la BNP n'avait pas été exécutée à son égard ; qu'elle produisait pour cela les actes de prêt et les documents sociaux relatifs à la société « Pharmacie de l'Opéra » (conclusions pp. 29 in fine à 31) ; que la cour d'appel, pour rejeter l'exception d'inexécution s'est bornée à affirmer que « les époux P... ont disposé des fonds prêtés » (arrêt, p. 12 § 5) ; qu'en affirmant que les époux P... avaient perçu les fonds sans constater que la BNP avait effectivement exécuté, à l'égard de Mme P..., la remise des fonds, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué rendu le 28 septembre 2018 tel que rectifié d'avoir débouté Mme P... de toutes ses demandes et en conséquence de l'avoir condamnée à payer à la société BNP Paribas 654.558,95 euros outre intérêt contractuels au taux majoré de 5,67 % à compter du 26 juin 2014 jusqu'à parfait paiement, 194.735,47 euros outre intérêts contractuels au taux majoré de 5,88% à compter du 30 janvier 2015 jusqu'à parfait paiement, 40.060,38 euros outre intérêts contractuels au taux majoré de 6,57 % à compter du 26 juin 2014 jusqu'à parfait paiement, de l'avoir condamnée en sa qualité de caution de la SELARL Pharmacie de l'Opéra Massy à payer à la banque BNP Paribas la somme de 300.000 €, outre intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2014 et de l'avoir condamnée en sa qualité d'ayant-droit de M. N... P..., en sa qualité de caution de la SELARL Pharmacie de l'Opéra Massy, à payer à la banque BNP Paribas la somme de 300.000 €, outre intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2014 et d'avoir fixé les créances de la BNP au passif de liquidation judiciaire pour 297.087,84 euros, 3.599,80 euros, 859.050,28 euros, outre intérêts ;

Aux motifs propres que les prêts consentis sont de nature professionnelle et non soumis aux dispositions des articles L311-1 et suivants anciens du code de la consommation, Mme R... ne caractérisant pas particulièrement, dans ses écritures, de manquement de la banque à son obligation d'information ; que s'agissant de l'obligation de mise en garde de la banque à l'égard de l'emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt, il y a lieu de rappeler qu'elle ne porte que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur et sur le risque de l'endettement qui résulte de son octroi, et non pas sur l'opportunité ou les risques de l'opération financée ; que dès lors que Mme R... oppose à la banque un manquement à son obligation de mise en garde aux fins seulement subsidiairement d'obtenir des dommages-intérêts équivalent aux sommes dues, mais, principalement, d'obtenir le débouté des prétentions de la banque, elle se prévaut d'un moyen de défense au fond, sur lequel la prescription invoquée par la société BNP Paribas est sans incidence ; qu'ainsi qu'il résulte de ce qui précède et avant même que ne soit considérée la qualité d'emprunteur avertie de Mme R... veuve P..., il est justifié, ainsi que l'a retenu le tribunal, que N... P..., pharmacien, était quant à lui un emprunteur averti puisqu'il procédait au moyen des prêts litigieux à l'acquisition de sa quatrième officine, et que la qualité prétendument non avertie de Mme R..., considérée comme co emprunteuse, est sans incidence dès lors qu'elle est également tenue à la dette comme attributaire de la communauté comprenant la dette de N... P... ; qu'en tout état de cause, la banque n'est redevable envers les emprunteurs d'une obligation de mise en garde que s'il existe un risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt, or le tribunal a relevé à juste titre que le patrimoine des époux P... au moment de leurs souscriptions, constitué outre leurs revenus de 8.000 euros mensuels, d'une police d'assurance-vie, au demeurant donnée en nantissement et valorisée à 900.000 euros en 2009, et de trois biens immobiliers à [...], [...] et [...], ne caractérisait pas un endettement excessif né de la souscription des trois prêts représentant une somme empruntée de 1.692.976,40 euros ; que Mme R... veuve P... fait toutefois également valoir que la banque a manqué à son obligation de mis en garde en sa qualité d'emprunteuse à raison des prêts concomitamment consentis à la SELARL qu'elle se proposait d'acquérir avec son époux, de 1,9 million d'euros ; que l'opération a, en effet, été sollicitée par N... P... et son épouse avec le concours de la société spécialisée en financement des professions libérales Interfimmo de manière globale, soit, d'une part des prêts au couple aux fins d'acquisition de la valeur des parts de l'entreprise exploitant l'officine, d'autre part, un prêt à cette dernière d'un peu moins de deux millions d'euros aux fins de financer l'encours, de refinancer les comptes courants d'associés, les frais divers et le fonds de roulement ; que la société BNP Paribas fait cependant valoir, à juste titre, qu'elle est tenue d'un devoir de non-immixtion dans les affaires de ses clients, de sorte qu'elle n'avait pas à se prononcer ni à alerter sur le prix d'acquisition et l'opportunité économique de l'opération étant observé qu'elle soutient que cette dernière n'était nullement vouée à l'échec dès le départ puisque, si le prix des parts sociales avait augmenté entre la cession de 1999 et celle litigieuse, le chiffre d'affaires avait lui également augmenté puisqu'il est passé de 1.426.933 euros en 1999 à 3.587.433 euros au 31 décembre 2002, 3.587.433 euros au 31 décembre 2004 et 3.852.007 euros au 31 décembre 2005, le déficit de résultat de cette dernière année - en dépit d'un résultat d'exploitation en augmentation de 224.438 euros - s'expliquant par une augmentation des charges financières et une dotation exceptionnelle aux amortissements ; que Mme R... veuve P... ne démontre donc pas que la conjugaison de l'amortissement des prêts personnellement consentis pour l'acquisition (1.692.976,40 euros) et celui des prêts consentis à l'EURL avant qu'elle ne devienne SELARL (1.927.500 euros représentant un remboursement mensuel de 15.435,45 euros ) était vouée à l'échec dès l'origine compte tenu de la situation comptable de l'EURL acquise qui deviendra la SELARL L'Opéra de Massy, étant observé, au surplus, que les deux types de prêts ont été remboursés sans incident pendant six années et que les difficultés ne sont apparues qu'après que le chiffre d'affaires a baissé à 2.898.000 euros en 2011, 2.710.000 en 2012 puis chuté en 2013 à 2.142.000 euros, pour des motifs non prévisibles et évidemment indépendants de la banque ; qu'il n'est donc pas démontré que la banque aurait manqué à son obligation de mise en garde à l'égard des époux P..., tant en ce qui concerne leur emprunt professionnel que celui accordé à la SELARL qu'ils acquéraient, faute de démonstration d'un risque d'endettement excessif au moment de leur octroi et sans compter la qualité d'emprunteur averti de N... P... et de la SELARL qu'il gérait ; que dès lors que la disproportion des engagements de cautions solidaires souscrits le 25 août 2011 dans la limite de 300.000 euros n'est plus soutenue en cause d'appel et compte tenu de ce que cette adjonction de garantie ne faisait pas naître un risque d'endettement excessif au regard des biens du couple P... compte tenu de leurs revenus et patrimoine, la banque n'était pas tenue, même envers Mme R... veuve P..., d'une obligation de mise en garde, de sorte que cette dernière doit être déboutée de ses demandes de ce chef ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que les époux P... concluent au débouté des demandes formées par la banque au motif qu'ils avaient la qualité d'emprunteurs non avertis ce qui obligeait la banque à les mettre en garde contre un endettement excessif, ce qu'elle n'a pas fait, omettant d'une part de vérifier leur capacité financière, d'autre part, d'analyser la viabilité du projet financier ; que la BNP Paribas soutient pour sa part, à titre principal, que les époux P... étaient des emprunteurs avertis, ce qui la dispensait de tout devoir de mise en garde, ajoutant subsidiairement que l'endettement ne revêtait aucun caractère excessif eu égard aux capacités financières des emprunteurs ; qu'elle a fait valoir, à titre subsidiaire que le préjudice des emprunteurs ne pourrait s'analyser qu'en une perte de chance de ne pas contracter ; que le banquier auquel il appartient de démontrer qu'il a rempli son obligation de mise en garde est dispensé de cette obligation s'il établit que son client a la qualité d'emprunteur averti ; qu'il ressort des trois actes de prêts – souscrits en 2006/2007 pour un montant global de 1.692.976 euros qu'ils ont tous été souscrits pour des besoins professionnels, à savoir le rachat des parts sociales de la société Pharmacie de l'Opéra ; que la BNP Paribas fait valoir que les époux P..., âgés de plus de 50 ans au moment de la souscription des emprunts effectuaient ainsi leur 4e installation en qualité de pharmaciens, de sorte qu'ils disposaient d'une expérience ancienne et avérée dans leur activité professionnelle ; que les époux P... se contentent pour leur part d'affirmer qu'ils ne disposaient pas des compétences financières nécessaires à la prise de décision éclairée en matière d'octroi de prêts, sans contester le fait que les prêts étaient souscrits pour une quatrième installation en qualité de pharmaciens ; qu'au regard de l'âge des époux P... au moment de la souscription des emprunts et de leur expérience passée, non contestée, de gestionnaire dans le domaine pharmaceutique, il convient de retenir qu'ils disposaient de la qualité d'emprunteurs avertis, de sorte que la BNP Paribas n'avait aucune obligation de mise en gare quant à un éventuel endettement excessif ; que le tribunal observe, à titre surabondant, que le patrimoine des époux P... au moment de la souscription des emprunts était constitué d'une police d'assurance-vie souscrite en 2004 (valeur de rachat de plus de 900.000 euros en 2009), d'un bien immobilier situé à [...] (acquis en 1992 pour 230.960 euros d'un bien immobilier situé à [...] (acquis en 1991 pour 99.000 euros) et d'un bien immobilier situé à [...] (acquis en 1995 pour 304.898 euros) de sorte que, outre des revenus mensuels de 8.000 euros environ, l'importance de leur patrimoine suffit à démontrer que l'endettement souscrit n'était pas excessif, de sorte que le non-respect de l'obligation de mise en garde n'est pas caractérisé ;

1°) Alors qu'un emprunteur ne peut être considéré comme averti que s'il a acquis une expérience du financement et des conséquences de l'endettement qui le mettent en mesure d'apprécier les risques liés à l'emprunt qu'il s'apprête à souscrire ; qu'en affirmant que Mme P... était un emprunteur averti, pour la débouter de sa demande visant à engager la responsabilité de la BNP Paribas, en relevant uniquement des éléments relatifs à M. P... (arrêt 28 sept. 2018, p. 14 § 1 et jugement p. 6 § 2), car ce dernier, pharmacien, avait procédé à l'acquisition de sa quatrième officine et avait été aidé de la société Interfimmo, la cour d'appel n'a pas recherché, comme il lui était demandé (conclusions, p. 46 in fine et p. 47 in limine), si Mme P... qui était totalement étrangère aux activités de son époux, qui n'était pas pharmacien, qui n'avait jamais acquis une officine et n'avait en réalité aucune expérience en matière de souscriptions d'emprunts, de sorte qu'elle n'était pas un emprunteur averti et que la BNP Paribas était débitrice, à son égard, d'une obligation de mise en garde ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

2°) Alors qu'un emprunteur ne peut être considéré comme averti que s'il a acquis une expérience du financement et des conséquences de l'endettement qui le mettent en mesure d'apprécier les risques liés à l'emprunt qu'il s'apprête à souscrire ; qu'en l'espèce, en affirmant que Mme P... était un emprunteur averti (arrêt 28 sept. 2018, p. 14 § 1 et jugement p. 6 § 2), pour la circonstance que M. P... avait procédé à l'acquisition de sa quatrième officine et avait été aidé de la société Interfimmo, sans rechercher, comme il lui était demandé (conclusions, p. 46 in fine à 48), si M. P..., atteint d'alcoolisme, qui avait seulement acheté des parts de société sans être le dirigeant au moment de la souscription des prêts, avait les compétences nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques liés aux cinq prêts consentis, de sorte qu'il n'était pas un emprunteur averti et que la BNP Paribas était débitrice, à son égard, d'une obligation de mise en garde, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil ;

3°) Alors que, en outre, quelle que fût la qualité d'emprunteur de M. P..., le non-respect de son obligation de mise en garde par la BNP Paribas à l'égard Mme P..., emprunteur non averti, était de nature à engager la responsabilité de la banque à son égard et à lui permettre d'obtenir des dommages-intérêts pour perte de chance de ne pas avoir contracté ; qu'en énonçant néanmoins que la qualité d'emprunteur non averti de Mme P... était sans incidence dès lors qu'elle était également tenue à la dette comme attributaire de la communauté comprenant la dette de M. P..., la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

4°) Alors que, en dernière analyse, l'établissement bancaire qui octroie un prêt excédant manifestement les capacités de remboursement de l'emprunteur commet une faute de nature à engager sa responsabilité ; qu'en l'espèce, Mme P... exposait que la BNP avait consenti à son époux trois prêts pour un montant global de 1.692.976,40 euros et deux prêts à la société la « Pharmacie de l'Opéra » dont M. P... allait devenir le gérant, pour un montant de 1,9 million d'euros, soit un montant emprunté de 3.592.976,40 euros pour un remboursement mensuel de plus de 15.435,45 euros ; que la cour d'appel a relevé que le patrimoine des époux P... s'élevait à la somme de 1.535.858 euros avec des revenus de 8.000 euros mensuels (jugement, p. 6 § 3) ; que la cour d'appel aurait dû déduire de ces montants que les cinq prêts octroyés étaient manifestement disproportionnés par rapport au patrimoine et ainsi aux facultés de remboursement de M. P... ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil.

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