27 novembre 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-26.209

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:SO01641

Texte de la décision

SOC.

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 27 novembre 2019




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1641 F-D

Pourvoi n° U 16-26.209







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ la société Enedis, société anonyme, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Electricité Réseau Distribution France ERDF,

2°/ la société Gaz réseau distribution France (GRDF), société anonyme, dont le siège est [...] ,

contre l'arrêt rendu le 21 septembre 2016 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige les opposant à Mme N... V..., domiciliée [...] ,

défenderesse à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 23 octobre 2019, où étaient présents : M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Pontonnier, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Enedis et de la société Gaz réseau distribution France, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme V..., et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 septembre 2016), que Mme V... a été engagée par la société EDF-GDF, aux droits de laquelle viennent les société Enedis et GRDF (les sociétés), suivant un contrat de travail à durée indéterminée en date du 25 janvier 1980, en qualité d'employée qualifiée ; qu'elle occupait en dernier lieu les fonctions de manager 1ère ligne affaires juridiques ; qu'elle a fait valoir ses droits à la retraite le 1er mars 2015 ; que le 10 février 2014, elle a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir des dommages-intérêts pour discrimination à raison du sexe et la reconnaissance d'une qualification professionnelle différente à compter du 1er janvier 2012 ;

Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt de dire que la salariée devait être repositionnée au GF 13 NR 220 (à compter du 1er janvier 2013), de les condamner à payer à la salariée certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour l'inégalité de traitement subie et de les débouter de leurs demandes alors, selon le moyen :

1°/ que, lorsque le juge est saisi d'une demande fondée sur l'existence d'une discrimination, il n'a pas à se prononcer sur la méconnaissance du principe d'égalité ; qu'après avoir rappelé que Mme V... l'avait saisie afin d'obtenir des dommages-intérêts pour discrimination en raison de son sexe, la cour d'appel, qui a exclu toute discrimination par le sexe de Mme V... et a, en revanche, admis l'existence d'une inégalité de traitement, a méconnu l'objet du litige dont elle était saisie, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que, pour constater une inégalité de traitement, le juge doit se livrer à une analyse comparée de la situation, des fonctions et des responsabilités du salarié qui se plaint avec les autres salariés ; qu'en se bornant à constater l'existence d'une « décrochage ultérieur continu à compter de 1994 », pour retenir l'existence d'une inégalité de traitement de Mme V..., sans procéder à une analyse comparée de la situation, des fonctions et des responsabilités de celle-ci, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement des salariés ;

3°/ que toute action en paiement ou en répétition de salaire, exercée notamment en cas d'inégalité de traitement d'un salarié, se prescrit par trois ans, avec la précision que « la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années », et se prescrivait par cinq ans avant le 17 juin 2013, date d'entrée en vigueur de la n° 2013-504 du 14 juin 2013 qui a modifié l'article L. 3245-1 du code du travail ; qu'ayant condamné les sociétés ERDF et GrDF au paiement de salaires correspondant à une inégalité de traitement constatée pour une période commençant en 1994, alors que Mme V... avait saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 10 février 2014, donc pour une période antérieure de vingt années, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail ;

4°/ qu'après avoir retenu que, Mme V... ayant subi une perte de salaire consécutive au traitement inégalitaire qu'elle avait subi depuis 1994, elle avait droit au paiement du salaire qui aurait dû lui être versé, et en écartant toute prescription de l'action en paiement de ce salaire formée par Mme V..., au motif qu'il ne pouvait pas « être opposée de façon pertinente la prescription quinquennale ou triennale », la cour d'appel s'est prononcée sans motif, en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu d'abord qu'il ne résulte pas de l'arrêt que la cour d'appel a jugé que la demande de la salariée au titre d'une discrimination en raison du sexe n'était pas fondée ;

Attendu, ensuite, que, saisie d'une demande de dommages-intérêts et non d'une demande de rappel de salaires, la cour d'appel, après avoir jugé que la salariée avait été victime d'une inégalité de traitement et accordé des dommages-intérêts à ce titre, a décidé à bon droit que la prescription salariale n'était pas applicable ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en ses deux premières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les société Enedis et GRDF aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à Mme V... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour la société Enedis et la société Gaz réseau distribution France.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Madame V... devait être repositionnée au GF 13 NR 220 (à compter du 1er janvier 2013), d'avoir condamné les « SA ERDF et SA ERDF » (GrDF) à payer à Madame V... les sommes de 172.496 euros à titre de dommages-intérêts pour l'inégalité de traitement subie et 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et d'avoir débouté les « SA ERDF et SA GrDF » de leurs demandes :

1) Aux motifs que, sur la discrimination en raison du sexe, aux termes de l'article L.1132-1 du Code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap ; que l'article L.1134-1 du Code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que, comme éléments de nature à laisser présumer l'existence d'une discrimination en raison de son sexe, Madame V... fait valoir que : - à son embauche, elle était titulaire d'un baccalauréat A et disposait d'un niveau Deug de droit, - en 1986, elle a suivi une formation SIF de trois années correspondant à un DUT de carrière juridique à l'université de Villetaneuse, - en 1988, elle a été licenciée en droit, - en 1989, elle a obtenu le 2nd certificat de la maîtrise, -
elle a suivi toutes les formations proposées par la direction, a été reclassée au titre de son professionnalisme au niveau cadre à compter du 1er janvier 2004 (GF 12 et NR 160), - à la demande de son employeur, elle a suivi une formation « accompagnement passage maîtrise cadre» dispensée par l'université Paris X Nanterre et a obtenu son diplôme en 2005 ; qu'elle indique qu'elle était alors chef de groupe contentieux sur le site de Paris, tour Eiffel ; qu'elle ajoute qu'au cours de l'année 2005, une importante réorganisation est intervenue, qu'elle n'a pas fait l'objet d'une mutation, que les cinq agences contentieuses de Paris ont été réduites à deux, l'une sur Paris Nord, l'autre sur « tour Eiffel », que les deux agences ont ensuite été regroupées sur le site de Pantin, en 2007 ; qu'elle soutient avoir été « oubliée, placardisée » lors de ces changements à tel point qu'elle a été bloquée sans aucune valorisation du diplôme obtenu et sans aucune affectation ; qu'elle fait observer qu'elle n'a finalement été nommée sur le site de Pantin que le 1er janvier 2010, qu'elle a alors pris le titre de chef d'agence avec 15 agents sous ses ordres, a bénéficié d'excellentes appréciations jusqu'à son départ sans pour autant que lui fût reconnue une évolution de carrière normale à tel point que lors de son départ à la retraite, sa classification était inférieure à la classification moyenne des agents de carrière, en dépit de ses 35 années d'ancienneté ; qu'elle considère avoir connu depuis 1992 des temps de passage dans les NR supérieurs bien plus longs que les temps de passage moyen des hommes ; qu'elle constate par exemple que le temps de passage moyen entre le NR 60 au NR 70 est de 2,7 ans pour les hommes alors qu'il lui a fallu attendre 4 ans et 3 mois pour bénéficier ; qu'elle relève également que sur 55 % de sa carrière, soit 17 ans, elle a été classée au NR minimum de son groupe fonctionnel, la classification minorée et comparée à celle des hommes disposant de la même ancienneté démontre qu'elle était la plus mal rémunérée, puisqu'en 2011 elle était même en dessous du NR minimum ; que, pour justifier de ces éléments, Madame V... produit : - ses diplômes, - son curriculum vitae, - divers entretiens d'évaluation, - l'accord signé par l'employeur et les organisations syndicales 20 décembre 2011 sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes pour l'année 2011, - le document établi par l'employeur à propos de l'égalité professionnelle entre les hommes et femmes en 2012, - le courriel de Mme S... en réponse à l'interpellation de M. D..., responsable CGT, sur l'analyse de la situation de Mme V... et concluant au fait qu'elle ne se trouvait pas en écart salarial injustifié, et ce sans aucune justification de l'affirmation ainsi faite, - plusieurs tableaux établis par elle faisant état de la comparaison des temps de passage des hommes d'un NR avec les temps de passage qu'il lui a fallu attendre, ainsi que le temps de passage aux NR minimaux dans chaque groupe fonctionnel, - la courbe d'évolution de sa carrière en rapport avec celles d'autres salariés faisant apparaître un décrochage très net à compter des années 1994-1995 sous la ligne la plus basse alors qu'elle se trouvait sur la ligne haute jusqu'en 1992 et le fait qu'elle bénéficiait à compter de 2012 du NR 180 alors que les autres lignes sont à 220, 230 et 250, - un courriel de M. D... en date du 26 juin 2012 l'informant que les éléments récupérés étaient intéressants et confirmaient une différence de classement ; que ce courriel comportait une liste de noms ainsi que l'ancienneté des salariés et les niveaux de rémunération atteints, tous supérieurs à celui de Mme V... ; que ces éléments pris dans leur ensemble laissent présumer l'existence d'une discrimination en raison du sexe, à tout le moins, une inégalité de traitement ; que l'employeur répond que la classification des agents se calcule par groupe fonctionnel (GF), niveau de rémunération (NR), que l'augmentation du NR dans un même groupe fonctionnel, appelée avancement, correspond à un accroissement du professionnalisme de l'agent à l'emploi, constaté par la hiérarchie ; que l'accession au GF suivant avec le cas échéant une augmentation corrélative d'un NR, appelé reclassement correspond au franchissement d'un seuil de professionnalisme du fait de l'affectation dans un nouvel emploi ou un nouveau métier, avec les nouvelles responsabilités qui y sont attachées ; que les avancements et reclassements qui sont fonctions de l'évolution des aptitudes constatées par la hiérarchie, et le cas échéant de la mobilité géographique et fonctionnelle, du suivi de formation ou de la saisie à son initiative d'opportunités dans son évolution de carrière, sont consentis, après avis de la commission secondaire permanente, organisme paritaire qui a compétence pour connaître de l'avancement des agents, notamment ; qu'après avoir détaillé les reclassements et avancements dont a bénéficié la salariée tout au long de sa carrière, l'employeur conteste la valeur probante du tableau de comparaison qu'elle a établi unilatéralement pour justifier de prétendus temps de passage moyen des hommes d'un NR à un autre ; qu'il relève à cet égard que : - Mme V... se garde de mentionner qu'entre juillet et décembre 1982, elle est passée des GF 04 et NR 040 au GF 07 et NR 060, qu'elle a donc gagné pas moins de trois GF et deux NR en cinq mois ce qui modifie l'appréciation du temps de passage du NR 60 au NR 70, - au mois d'avril 1990, Madame V... a gagné non pas un mais trois NR passant du NR 70 au NR 100, qu'elle a aussi bénéficié de trois années de congé individuel de formation entre janvier 1986 et avril 1990, - elle ne mentionne pas le temps de passage de la moyenne des hommes du NR 70 au NR 100, - le temps de passage du NR l00 au NR 110 n'a pas duré deux années et neuf mois mais un an et neuf mois, - qu'entre janvier 2007 et janvier 2010, des NR intermédiaires ont été créés, que le temps moyen passé par les hommes au NR 170 est de 1an 9 mois et concerne l'accession au NR 175
et non pas au NR 180 ; qu'après avoir relevé d'autres erreurs ou approximations du même type, l'employeur communique un tableau récapitulant le temps moyen de passage des hommes d'un niveau de rémunération à un autre et le temps de passage de la salariée de niveaux de rémunération à d'autres ; qu'il en déduit que son temps de passage moyen aura été plus rapide que le temps de passage moyen des hommes ;
que, s'agissant du tableau relevant les temps de passage des niveaux des rémunérations minimaux de chacun des groupes fonctionnels, l'employeur fait valoir qu'il comporte plusieurs erreurs, que Mme V... n'est restée qu'un an et neuf mois au niveau de rémunération minimum du groupe fonctionnel 9 et non pas deux ans et neuf mois, trois ans et trois mois au niveau de rémunération minimum du groupe fonctionnel 10 et non pas quatre ans, 1 an et 10 mois au niveau de rémunération minimum du groupe fonctionnel 11 et non pas deux ans ; qu'il estime par ailleurs que cette présentation fait abstraction du saut de trois groupes fonctionnels effectués entre janvier et décembre 1982 et du saut de deux groupes fonctionnels effectués par elle entre janvier 1986 et avril 1990 ; qu'au surplus, l'employeur soutient que Madame V... n'apporte aucun élément sur les personnes auxquelles elle entend se comparer s'agissant des niveaux de rémunération qu'elle invoque pour la période 2008-2013 ; qu'il constate que la pertinence des comparaisons ne peut être vérifiée dès lors qu'aucun élément n'est communiqué sur l'âge, l'ancienneté, le niveau de diplôme à l'embauche des individus auxquels elle se compare ; qu'il relève que Madame V... est restée en moyenne 1,8 ans dans chaque niveau de rémunération étant précisé que les avancements sont attribués au choix par le chef d'unité et après avis de la commission secondaire compétente ; qu'il fait observer que l'évolution de carrière de Madame V... a été plus rapide que celle prévue par les textes relatifs aux avancements au choix des 16 avril 2008 et 25 mai 2009, que la seule fois où elle est restée plus de quatre ans au même niveau de rémunération, elle a bénéficié de trois années de congé individuel de formation puis, au retour de ce congé en avril 1990 d'un saut de trois niveaux de rémunération ; qu'il conteste que le processus d'APMC était imposé à la salariée, ce processus exigeant au contraire son accord ; qu'il fait valoir que Madame V... a refusé les postes qui lui étaient offerts lors de la réorganisation des agences contentieuses Ile-de-France ainsi que cela résulte de l'entretien annuel du 11 avril 2006 aux termes duquel elle souhaitait être mutée à Clermont-Ferrand, ce souhait n'ayant pu aboutir en l'absence de poste ; qu'il indique également qu'elle a refusé son affectation à l'équipe d'expertise juridique de l'USR Ile-de-France à Pantin ; qu'il renvoie aussi à l'évaluation réalisée aux termes de l'entretien annuel de progrès du 14 mai 2008 faisant valoir que Madame V... se limitait à utiliser des bases de l'informatique, qu'elle devait progresser dans ce domaine ce qui a amené M. K... a estimé que l'attribution d'un groupe de fonctions lors de sa prise de fonction n'était pas envisagée à défaut pour la salariée d'avoir franchi un seuil de professionnalisme suffisant ; qu'il explique enfin que la reconversion de Madame V... dans le domaine des ressources humaines n'a pas abouti de son fait pour des raisons de transport ; qu'il fait observer que c'est finalement le 1er janvier 2010 que Madame V... a donné son accord pour intégrer l'agence contentieuse Ile-de-France Est et Paris située à Pantin, en qualité de chef d'agence ; que, d'après les éléments communiqués de part et d'autre, il est avéré que Mme V... a bénéficié d'un contrat individuel de formation à temps plein sur près de trois années, qu'elle a été replacée en GF 9 à son retour en 1990, que, par ailleurs, l'évolution de carrière dépend aussi de la mobilité fonctionnelle et géographique de la salariée, qu'en l'espèce, si Mme V... a refusé plusieurs affectations, souhaitant quitter la région parisienne pour aller à Clermont-Ferrand, l'absence de poste l'a empêchée de rejoindre cette ville ce qui n'était pas de son fait ; que, par ailleurs, les éléments communiqués révèlent que parmi les salariés ayant bénéficié de l'APMC, et disposant d'une ancienneté dans les IEG supérieures ou égales à 30 ans, 24 personnes n'ont pas dépassé le GF 13, soit 56 % des salariés dont Madame V... avec parmi elles 20 hommes et 4 femmes, que les personnes ayant dépassé le GF 13 sont en majorité sur des postes de chef d'agence en exploitation ou en clients fournisseurs avec de grosses équipes à manager ; que c'est en vain que l'employeur dénie à la salariée le fait qu'elle occupait des postes de chef d'agence car, si elle a été pendant un temps cadre en appui auprès de M. K... ainsi qu'il en atteste, il est patent qu'elle était chef de groupe dès 2004 avec pour mission de planifier et de coordonner les activités de son groupe ; que l'évaluation de ses aptitudes à cet égard était positive ainsi que cela ressort du compte rendu de son entretien de progrès et de la note obtenue dans le cadre de sa formation APMC ; qu'il est aussi avéré qu'elle a été chef d'agence à compter du 1er janvier 2010 ; que l'analyse de Mme S... pour écarter toute discrimination salariale était donc erronée ; que, dans cette même étude réalisée par Mme S..., il est aussi relaté que parmi les 55 cadres de la famille « affaires juridiques » 50 avaient un diplôme principal de niveau cadre (maîtrise de droit, Master II, doctorat) ; que cela étant, selon les accords signés par la société et les organisations syndicales, « sont considérés comme agents ayant une situation comparable les agents dont la plage M3E, la filière professionnelle, l'ancienneté IEG et le niveau de formation (initiale ou acquise et reconnue par l'entreprise en tenant compte de la date d'acquisition du diplôme) sont similaires » ; qu'il n'est pas utilement contesté que Madame V... a atteint un niveau licence puis de Master dès 1989 ; que l'analyse des courbes du tableau communiqué à la salariée par la société elle-même montre que jusqu'en 1994, et donc même après le CIF, Madame V... a effectivement évolué de façon rapide et optimale puisqu'elle figurait parmi les salariés évoluant le plus rapidement et de la manière la plus importante ; que le décrochage ultérieur continu à compter de 1994 et s'intensifiant même au cours des dernières années, jusqu'à la décision prise en 2013 de la faire accéder au NR 190, révèle effectivement sinon une discrimination en raison de son sexe même si parmi les 11 personnes figurant sur la liste adressée par M. D... à Madame V... le 26 juin 2012, seule une femme bénéficie d'un GF 15 NR 220, à tout le moins d'une inégalité de traitement, ne reposant pas sur les éléments objectifs étrangers à toute discrimination ou inégalité de traitement, étant observé que le moyen tiré des insuffisances prétendues de la salariée sur l'utilisation de l'outil informatique n'est pas pertinent et objectif alors qu'elle avait en réalité une formation de juriste et avait été intégrée à l'équipe « affaires juridiques » et qu'il n'est pas établi que des formations idoines lui ont été assurées en ce domaine ; que le jugement déféré sera réformé ;

Alors, de première part, que, lorsque le juge est saisi d'une demande fondée sur l'existence d'une discrimination, il n'a pas à se prononcer sur la méconnaissance du principe d'égalité ; qu'après avoir rappelé que Madame V... l'avait saisie afin d'obtenir des dommages-intérêts pour discrimination en raison de son sexe, la Cour d'appel, qui a exclu toute discrimination par le sexe de Madame V... et a, en revanche, admis l'existence d'une inégalité de traitement, a méconnu l'objet du litige dont elle était saisie, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;

Alors, de deuxième part, que, pour constater une inégalité de traitement, le juge doit se livrer à une analyse comparée de la situation, des fonctions et des responsabilités du salarié qui se plaint avec les autres salariés ; qu'en se bornant à constater l'existence d'une « décrochage ultérieur continu à compter de 1994 » (arrêt, p. 5 in fine), pour retenir l'existence d'une inégalité de traitement de Madame V..., sans procéder à une analyse comparée de la situation, des fonctions et des responsabilités de celle-ci, la Cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement des salariés ;

2) Et aux motifs que, sur la réparation du préjudice, outre que Madame V... pouvait, dans le cadre d'un carrière moyenne, prétendre au GF 13 NR 220 à compter du 1er janvier 2013, eu égard à l'évolution moyenne de carrières résultant de la courbe fournie initialement par l'employeur et à laquelle elle se réfère légitimement, elle est fondée à obtenir la réparation intégrale de son préjudice correspondant à la perte effective de salaire, sans que puisse être opposée de façon pertinente la prescription quinquennale ou triennale applicable en matière de salaires ; qu'au regard des éléments communiqués, la Cour arrêtera l'indemnisation à revenir à Mme V... au titre de cette inégalité de traitement à la somme de 172.496 euros ;

Alors, par ailleurs, de troisième part, que toute action en paiement ou en répétition de salaire, exercée notamment en cas d'inégalité de traitement d'un salarié, se prescrit par trois ans, avec la précision que « la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années », et se prescrivait par cinq ans avant le 17 juin 2013, date d'entrée en vigueur de la n°2013-504 du 14 juin 2013 qui a modifié l'article L.3245-1 du Code du travail ; qu'ayant condamné les sociétés ERDF et GrDF au paiement de salaires correspondant à une inégalité de traitement constatée pour une période commençant en 1994, alors que Madame V... avait saisi le Conseil de prud'hommes de Bobigny le 10 février 2014 (jugement, p. 2), donc pour une période antérieure de vingt années, la Cour d'appel a violé l'article L.3245-1 du Code du travail ;

Alors, en tout état de cause, de quatrième part, qu'après avoir retenu que, Madame V... ayant subi une perte de salaire consécutive au traitement inégalitaire qu'elle avait subi depuis 1994, elle avait droit au paiement du salaire qui aurait dû lui être versé, et en écartant toute prescription de l'action en paiement de ce salaire formée par Madame V..., au motif qu'il ne pouvait pas « être opposée de façon pertinente la prescription quinquennale ou triennale », la Cour d'appel s'est prononcée sans motif, en méconnaissance des exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.