11 décembre 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-17.298

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2019:SO01701

Titres et sommaires

REPRESENTATION DES SALARIES - Comité social et économique - Mise en place - Mise en place au niveau de l'entreprise - Détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts - Critères - Autonomie de gestion du responsable de l'établissement - Caractérisation - Nécessité

La centralisation de fonctions support et l'existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure l'autonomie de gestion des responsables d'établissement. Dès lors, un tribunal ne peut en raison de cette centralisation exclure l'existence d'établissements distincts permettant la mise en place de comités sociaux et économiques en application de l'article L. 2313-4 du code du travail, alors qu'ayant constaté l'existence de délégations de pouvoirs des chefs d'établissement dans des domaines de compétence variés et d'accords d'établissement, il lui appartenait de rechercher au regard de l'organisation de l'entreprise en filières et en sites le niveau caractérisant un établissement distinct au regard de l'autonomie de gestion des responsables

TRIBUNAL D'INSTANCE - Compétence - Compétence matérielle - Elections professionnelles - Comité social et économique - Nombre et périmètre des établissements distincts - Critères - Autonomie de gestion du responsable de l'établissement - Appréciation - Office du juge - Portée

Texte de la décision

SOC. / ELECT

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 décembre 2019




Cassation


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1701 F-P+B

Pourvoi n° V 19-17.298







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ l'union départementale Confédération générale du travail,

2°/ le syndicat CGT de la Mutualité française Loire Haute-Loire,

3°/ l'union départementale Confédération française du travail CFDT santé sociaux,

ayant tous les trois leur siège [...],

contre le jugement rendu le 21 mai 2019 par le tribunal d'instance de Saint-Etienne (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant :

1°/ à la Mutualité française Loire Haute-Loire, dont le siège est [...],

2°/ au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE) union départementale de la Loire, dont le siège est [...],

3°/ à l'union départementale Confédération française de l'encadrement Confédération fançaise des cadres CFE-CGC, dont le siège est [...],

4°/ à l'union départementale Force ouvrière, dont le siège est [...],

défenderesses à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 14 novembre 2019, où étaient présents : M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Pontonnier, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de l'union départementale Confédération générale du travail et de l'union départementale Confédération française du travail CFDT santé sociaux, de la SCP Colin-Stoclet, avocat de la Mutualité française Loire Haute-Loire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Saint-Etienne, 21 mai 2019), à la suite d'une tentative vaine de négociation d'un accord collectif pour la mise en place, au sein de la Mutualité française Loire Haute-Loire (la Mutualité), d'un ou plusieurs comités sociaux et économiques (CSE), l'employeur a décidé unilatéralement, le 6 novembre 2018, de la mise en place de trois CSE dans l'entreprise, correspondant aux trois secteurs d'activité existant au sein de celle ci. Trois organisations syndicales ont contesté cette décision devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (le DIRECCTE), lequel a, le 14 janvier 2019, fixé à vingt-quatre le nombre de CSE à mettre en place.

2. L'employeur a formé recours de la décision du DIRECCTE devant le tribunal d'instance, en demandant à ce que le nombre d'établissements distincts pour la mise en place de CSE soit fixé à trois, et subsidiairement, à un seul.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Les syndicats font grief au jugement de constater l'absence d'établissements distincts au sein de la Mutualité de décider en conséquence que la représentation du personnel s'exercera au sein d'un comité social et économique unique alors :

1°/ que « l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement est appréciée compte tenu de la délégation de compétences qui lui est attribuée ; qu'en l'espèce, il est constant que, par délégations de pouvoirs consenties aux directeurs d'établissement au sein de la filière médico-sociale qui comprend vingt établissements, « le niveau de la direction du médico-social ne constitu[ant] pas le niveau opérationnel opportun pour l'application conforme des dispositions légales, réglementaires, conventionnelles en matière de droit du travail, de sécurité des biens et des personnes, [et de] gestion financière et comptable », les directeurs d'établissement ont notamment tous pouvoirs pour assurer « la supervision de l'établissement dans ses différentes composantes : sécurité des biens et des personnes, droit social, gestion économique et financière, relation avec les familles », déterminer « les moyens organisationnels, humains et techniques nécessaires à l'atteinte des objectifs de suivies », solliciter, si besoin, l'assistance des services supports du siège et du référent de pôle, prendre « toutes sanctions à l'encontre de membres du personnel qui ne respecteraient pas les consignes de sécurité », assurer le « suivi des relations individuelles de travail (recrutement, identification des besoins de formation, promotion, mobilité, rémunération ainsi que les règles propres à l'exécution du contrat de travail, cas de recours aux CDD, CDI, temps partiel) », veiller au respect « des règles relatives à la durée du travail », assurer la gestion des relations sociales avec les représentants du personnel et « engager les dépenses qui seraient rendues impératives par la réglementation » ; qu'en jugeant néanmoins que ces directeurs d'établissement ne bénéficieraient pas d'une autonomie suffisante pour reconnaître au sein de la société mutualiste des établissements distincts, le tribunal a violé par fausse application les articles L. 2313-4 et L. 2313-5 code du travail ; »

2°/ qu' « à défaut d'accord, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont déterminés compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations du tribunal que les directeurs d'établissement procèdent seuls à l'entretien d'embauche puis au choix du candidat qui sera embauché au sein de leur établissement en contrat à durée indéterminée, ce dont il se déduisait qu'ils disposent d'une autonomie de gestion suffisante dans le recrutement de leur personnel ; qu'en jugeant néanmoins que les directeurs d'établissement ne bénéficieraient pas d'une autonomie suffisante aux motifs inopérants que les contrats de travail ne sont pas signés par eux et qu'ils sont standardisés et uniformisés dans le cadre d'une procédure imposée par l'entreprise, le tribunal a violé les articles L. 2313-4 et L. 2313-5 code du travail ; »

3°/ que « le juge ne peut dénaturer les pièces soumises à son examen ; qu'en l'espèce, le tribunal a jugé qu'il résulterait de la pièce (n° 38-2) produite par l'entreprise que l'embauche des salariés en CDD serait soumise à l'accord préalable du siège, quand il résultait au contraire seulement de cette pièce qu'un directeur a demandé l'ouverture d'un poste en CDD, sans qu'il ne soit démontré que cette demande ait fait l'objet d'une procédure d'autorisation préalable ; qu'en statuant ainsi, le tribunal, qui a dénaturé cette pièce, a violé les article 9 et 455 du code de procédure civile ; »

4°/ que « le juge ne peut dénaturer les pièces soumises à son examen ; qu'en l'espèce, le tribunal a jugé que les pièces produites n'établissent pas que les directeurs d'établissement exercent un pouvoir disciplinaire, quand il résultait au contraire des délégations de pouvoirs consenties aux directeurs d'établissement qu'ils sont seuls juges des sanctions éventuelles à prendre pour faire respecter par le personnel les mesures de sécurité prescrites, cette décision étant prise uniquement en coopération avec le directeur de pôle et non pas dans le cadre d'une procédure de validation ou d'autorisation préalable ; qu'en statuant ainsi, le tribunal, qui a dénaturé les termes des délégations de pouvoirs, a violé les article 9 et 455 du code de procédure civile ; »

5°/ qu' « à défaut d'accord, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont déterminés compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations du tribunal que les directeurs d'établissement signent les accords collectifs applicables au sein de leur établissement, ce qui « établit que ceux-ci sont effectivement chargés de la gestion quotidienne des sites » ; qu'en jugeant néanmoins que ce constat ne serait pas suffisant à établir l'autonomie de gestion des directeurs d'établissement, le tribunal a violé les articles L. 2313-4 et L. 2313-5 code du travail ; »

6° / qu' « à défaut d'accord, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont déterminés compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière d'exécution du service ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations du tribunal que les directeurs d'établissement disposent de « toutes latitude pour engager les dépenses qui seraient rendues impératives par la réglementation » ; qu'en jugeant néanmoins que ce constat ne serait pas suffisant à établir l'autonomie de gestion des directeurs d'établissement, au motif inopérant que cet engagement s'insère dans le cadre des procédures définissant les règles de paiement et d'engagement des dépenses au sein de l'entreprise, le tribunal a violé les articles L. 2313-4 et L. 2313-5 code du travail ».

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2313-4 et L. 2313-5 du code du travail :

4. Pour constater l'absence d'établissements distincts au sein de la Mutualité et décider en conséquence que la représentation du personnel s'exercerait au sein d'un CSE unique, le tribunal d'instance relève que, si l'organigramme de l'entreprise révèle une organisation par délégation et subdélégation de pouvoir, notamment dans la filière médico-sociale, et que les termes de ces délégations évoquent des domaines de compétences variés, ainsi que la responsabilité pénale du délégataire, il convient de ne pas s'arrêter à la lecture de ces documents et des fiches de poste invoquées, mais de déterminer la manière dont le pouvoir s'exerce effectivement dans l'entreprise, notamment en matière de gestion du personnel, et que de fait, les directeurs de site disposent d'un rôle en matière de gestion du personnel mais doivent l'assurer en respectant les procédures définies au niveau de l'entreprise, que l'entreprise est certes divisée en filières, dont les directeurs participent à la définition des orientations générales de l'entreprise et la transmettent au sein de leur filière, mais qu'ils n'exercent pas les pouvoirs effectifs propres à leur conférer une autonomie de gestion d'autant que, aux termes du document contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens du 1er janvier 2016, certaines fonctions support sont centralisées au niveau du siège.

5. En se déterminant ainsi, alors que la centralisation de fonctions support et l'existence de procédures de gestion définies au niveau du siège ne sont pas de nature à exclure l'autonomie de gestion des responsables d'établissement, et, qu'ayant constaté l'existence de délégations de pouvoirs dans des domaines de compétence variés et d'accords d'établissement, il lui appartenait en conséquence de rechercher au regard de l'organisation de l'entreprise en filières et en sites le niveau caractérisant un établissement distinct au regard de l'autonomie de gestion des responsables, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 21 mai 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance de Saint-Etienne ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal d'instance de Lyon ;

Condamne la Mutualité française Loire Haute-Loire à payer à l'union départementale Confédération générale du travail, au syndicat CGT de la Mutualité française Loire Haute-Loire et à l'union départementale Confédération française du travail la somme globale de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour l'union départementale Confédération générale du travail, le syndicat CGT de la Mutualité française Loire Haute-Loire et l'union départementale Confédération française du travail CFDT santé sociaux

Le moyen fait grief au jugement attaqué d'AVOIR constaté l'absence d'établissements distincts au sein de la Mutualité Française Loire-Haute Loire et d'AVOIR décidé en conséquence que la représentation du personnel s'exercera au sein d'un comité social et économique unique d'entreprise.

AUX MOTIFS QUE tout d'abord, il convient de garder en mémoire les objectifs poursuivis par les quatre ordonnances du 22 septembre 2017, qui tendent à réformer et profondeur les relations collectives et individuelles de travail, en particulier par la mise en place d'un dialogue social plus efficace, entre des interlocuteurs plus compétents et moins nombreux — au moyen de l'institution des comités sociaux et économiques- associée à une vision renouvelée de la négociation collective — qui se manifeste notamment par la désignation des représentants de proximité. Par ailleurs, le seul critère retenu dans l'article L. 2313-4 du code du travail est celui de l'autonomie dans la gestion du personnel. L'absence de référence à la notion d'autonomie dans l'exécution du service signifie que les jurisprudences précédemment développées par le conseil d'Etat et la cour de cassation en matière d'établissement distinct pour l'élection des comités d'entreprise ne sont pas exactement transposables au cas de l'institution nouvelle que constitue le comité social et économique. Toutefois, l'utilisation de l'adverbe « notamment » doit conduire à prendre en considération d'autres indices d'autonomie de gestion, ces indices jouant un rôle secondaire par rapport à l'autonomie dans la gestion du personnel dans la caractérisation de l'établissement distinct. Au demeurant, la notion d'autonomie, qui renvoie étymologiquement à l'aptitude à se fixer ses propres règles, doit être envisagée au regard de la notion de pouvoir du chef d'établissement édictée à l'article L. 2316-20 précité, qui elle-même invite à s'intéresser au fonctionnement effectif de l'entreprise. Ainsi, une simple latitude dans l'organisation de l'activité au quotidien, soumise au respect de procédures définies par le siège, caractérise un pouvoir décisionnel cantonné à un domaine résiduel et ne peut pas être qualifiée d'autonomie de gestion. Enfin, la nouvelle architecture du dialogue social, tel qu'il est institué par ces ordonnances, doit être envisagée à la lumière de la directive communautaire du 11 mars 2002 qui insiste sur la nécessité de définir le niveau pertinent de direction et de représentation auquel l'information et la consultation des représentants du personnel doit s'effectuer, en fonction du sujet traité. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces produites que les responsables des établissements fixés par la décision de la DIRECCTE disposent d'une autonomie suffisante, notamment dans la gestion du personnel, pour justifier que ces sites constituent des établissements distinct dans le cadre de la mise en place du comité social et économique. Certes, l'organigramme de l'entreprise révèle une organisation par délégation et subdélégation de pouvoir, notamment dans la filière médico-sociale. Les termes de ces délégations évoquent des domaines de compétences variés, ainsi que la responsabilité pénale du délégataire. La DIRECCTE se fonde également sur la fiche de poste du directeur de ressources humaines de l'entreprise, pour en déduire que les décisions, en matière de gestion du personnel, relèvent des directeurs de sites. Toutefois, il convient de ne pas s'arrêter à la lecture de ces documents et des fiches de poste invoquées, mais de déterminer la manière dont le pouvoir s'exerce effectivement dans l'entreprise, notamment en matière de gestion du personnel. À titre liminaire, il convient de souligner que les fiches de poste des directeurs de site rappellent, à plusieurs reprises, que leur rôle en matière de gestion du personnel est de l'assurer en respectant les procédures définies au niveau de l'entreprise. Par ailleurs, l'examen des pièces versées aux débats ne confirme pas que les directeurs de sites, titulaires de ces délégations ou subdélégations de pouvoir, disposent d'une capacité décisionnelle effective suffisante, notamment en matière de gestion du personnel, pour que l'autonomie prévue par le texte précité soit établie. En effet, la gestion du personnel correspond à un large spectre d'attributions, de la conclusion à la fin du contrat de travail, du contrôle des conditions d'exécution du travail au respect des règles, de la formation et de la promotion à l'évaluation et à l'exercice du pouvoir disciplinaire. Or, il est constant que les directeurs d'établissement ne décident pas d'engager les procédures de recrutement pour les postes à durée indéterminée et qu'ils ne signent pas les contrats de travail. Ainsi, les pièces produites établissent que les contrats de travail sont standardisés, leur rédaction par la direction des ressources humaines conduisant à une uniformisation très soutenue du contenu de ces contrats. Par exemple, les clauses de mobilité et les conditions salariales sont identiques pour les salariés d'une même catégorie. Cela démontre l'absence totale de possibilité, pour le directeur d'établissement qui procède à l'entretien d'embauche puis au choix du candidat, d'adapter les conditions de recrutement, alors que la prise en compte de la situation du candidat retenu devrait pouvoir lui permettre d'envisager des adaptations sur un point aussi substantiel qu'une clause de mobilité portant sur une zone de deux départements. Ainsi, le rôle du directeur d'établissement se limite au choix de la personne embauchée au terme d'une procédure qui lui est imposée, et suivant des conditions contractuelles qui lui sont imposées. Au demeurant, le courrier électronique du 09 juillet 2018, produit en demande sous pièce numéro 38-2, démontre que même pour les contrats à durée déterminée, les directeurs d'établissement ne disposent pas d'une marge de manoeuvre effective pour engager une procédure de recrutement, la mise en place de cette procédure ayant été en ce cas soumise à l'accord du siège. Par ailleurs, les décisions relatives à la fin du contrat de travail relèvent exclusivement du siège, qu'il s'agisse de licenciement ou de rupture conventionnelle. En outre, le pouvoir disciplinaire se définit comme le pouvoir d'infliger des sanctions à des collaborateurs au vu de manquements constatés. Or, les pièces produites n'établissent pas que les directeurs d'établissement exercent un pouvoir disciplinaire. Tout au plus est-il évoqué un entretien en vue d'une sanction disciplinaire, qui doit se dérouler dans le bureau d'un directeur d'établissement, la convocation audit entretien étant rédigée et signée par le responsable de ressources humaines de l'entreprise. Au-delà de cette situation, si l'entretien de Madame N... réalisé par le directeur de site a donné lieu, par la suite, à un courrier signé par ce même directeur, force est de constater que ce courrier ne notifie aucune sanction disciplinaire à la salariée qui se voit seulement rappeler « l'impérieuse nécessité d'adopter un comportement professionnel ». Par ailleurs, les courriers établis par les directeurs d'établissement ne manifestent pas l'exercice d'un pouvoir disciplinaire, concernant de simples rappels sur les conditions d'exécution du service. Au demeurant, la délégation de pouvoir dont bénéficie le directeur de site encadre strictement l'exercice du pouvoir disciplinaire. En effet, s'il est indiqué que le directeur est « seul juge des sanctions éventuelles à prendre sur le plan disciplinaire pour faire respecter par le personnel les mesures de sécurité prescrites », il est également rappelé que « dans tous les cas, son action dans ce domaine devra se dérouler en étroite coopération avec le directeur de pôle qui est garant de l'exercice du droit disciplinaire du secteur et des établissements ». Au surplus, le rôle du directeur d'établissement en matière de formation consiste en la collecte des besoins individuels et collectifs à son niveau, en vue d'une transmission à l'échelon supérieur de l'organigramme, et du rapprochement avec les orientations stratégiques de formation sur 3 ans définies par le siège pour chaque filière, comme le décrivent les courriers électroniques d'août 2018 produits par le demandeur sous pièce 29. Les réponses apportées par les responsables de site lors des réunions de délégués du personnel sur les questions de formation ne suffisent pas à démontrer qu'ils exercent un pouvoir décisionnel pour déterminer la formation à laquelle tel salarié participera, puisque cette décision résulte d'un processus défini en amont, qui vise à faire correspondre les besoins et voeux émis dans les sites aux orientations générales décidées par les dirigeants de l'entreprise en matière de formation. Certes, le directeur d'établissement est chargé de l'entretien d'évaluation des salariés exerçant dans son site. Toutefois, aucun élément ne démontre que cette mission s'accompagne d'un pouvoir effectif concernant la notation, à proprement parler, du salarié. En outre, le directeur n'exerce aucun pouvoir effectif de sanction. Enfin, 'le document intitulé « l'entretien d'évaluation — le guide d'utilisation pour le responsable », produit en pièce 7 par le syndicat CFDT, précise que l'intérêt de l'évaluation, pour la Mutualité Française, est de « recueillir /es informations relatives aux demandes exprimées en termes d'évolution de carrière (...) », ce qui confirme que la promotion des collaborateurs n'est pas décidée par le directeur de site, dont le rôle en la matière se résume à la transmission des informations au siège, centre décisionnel effectif en la matière. Au demeurant, la signature par certains directeurs d'établissement d'accord d'entreprise établit que ceux-ci sont effectivement chargés de la gestion quotidienne des sites, et qu'en particulier ils doivent gérer les emplois du temps des salariés afin de garantir la continuité du service dans ces structures. Ce point est confirmé par les procès-verbaux des réunions de délégués du personnel de trois sites: le directeur est interpellé sur divers points et apporte des réponses. Toutefois, la capacité à apporter des réponses n'est pas synonyme de capacité à prendre les décisions organisationnelles dont découlent ces réponses, ainsi que l'illustrent les courriers électroniques par lesquels des directeurs demandent au siège de valider les réponses à apporter aux délégués, voire de valider la version du compte rendu à retenir pour une telle réunion. Ainsi, cette mission de gestion quotidienne du site, nécessaire au vue de la taille de l'entreprise, ne caractérise pas une autonomie suffisante dans la gestion du personnel car, au-delà de la gestion des emplois du temps, le directeur n'est manifestement pourvu d'aucun pouvoir décisionnel. Force est d'ailleurs de constater que le directeur d'établissement cite les responsables des ressources humaines du siège lorsque les questions des délégués concernent les salaires, les retraites, les accidents du travail, les renouvellements de CDD. De même, s'agissant de la structure de travail intérimaire créée par la Mutualité en son sein pour répondre aux besoins de remplacement des salariés, le rôle du directeur de site est d'expliquer aux délégués et aux collaborateurs les règles de fonctionnement de ce service, sans en être manifestement acteur. Ainsi, le directeur du site dispose d'une marge d'autonomie, en matière de gestion du personnel, strictement limitée au domaine résiduel du seul fonctionnement quotidien du site. Au demeurant, la création du service de remplacement intérimaire à l'échelon de l'entreprise tend à réduire davantage cette marge, par la mutualisation des moyens et le respect des procédures préétablies en amont qu'elle suppose. Par ailleurs, le dossier ne permet pas d'établir que ces directeurs disposent d'une autonomie dans d'autres domaines. En particulier en matière budgétaire, les directeurs participent à des réunions mensuelles de suivi budgétaire, en présence d'un contrôleur de gestion, afin de s'assurer que l'enveloppe attribuée est respectée. Au demeurant, la fiche de poste du directeur prévoit ce suivi, ainsi que le contrôle exercé sur le responsable de secteur en matière budgétaire. La délégation de pouvoir rappelle, quant à elle, que si le directeur « a toute latitude pour engager les dépenses qui seraient rendues impératives par la réglementation, », il doit le faire en « suivant les procédures définissant les règles de validation de paiement et les engagements de dépenses au sein de la Mutualité Française (...) ». Ni la référence, dans le procès-verbal de la réunion de délégués du personnel de la résidence ALPHA du 02 juillet 2018, à des travaux de plus de 100 000 euros, ni les réponses favorables données par le directeur sur des demandes de dépense modeste (pour illustration : concernant la pose d'un store occultant, réunion du même site le 29 mai 2017) ne démontre l'autonomie budgétaire, puisqu'au vu des autres éléments du dossier, le processus décisionnel permettant ces dépenses est particulièrement encadré, laissant une marge de manœuvre décisionnelle réduite voire inexistante pour le responsable de site. Ainsi, les directeurs d'établissement ne disposent pas d'une autonomie de gestion suffisante pour constituer un niveau pertinent de consultation au sens de la directive communautaire précitée. Par ailleurs, les pièces produites ne démontrent aucune autonomie de gestion des directeurs de filières, qui participent à la définition des orientations générales de l'entreprise et la transmettent au sein de leur filière, sans pour autant exercer les pouvoirs effectifs propres à leur conférer une telle autonomie, notamment concernant la gestion du personnel. Cette absence d'autonomie des responsables de sites ou de filière est d'ailleurs confirmée par la description de l'entreprise au sein du Contrat Pluriannuel d'Objectifs et de Moyens du 01 janvier 2016. Ce document constate - que le siège « assure pour le compte des établissements et services certaines fonctions essentielles : organisation, système dn formation, facturation, comptabilité, recrutement, formation, sécurité, évaluation, communication, gestion de la qualité. Cette centralisation permet de développer cohérence et efficience dans le fonctionnement général » pour l'ensemble de l'entreprise ; - que « /es fonctions supports sont mutualisées (groupement d'achats mutualistes, comptabilité, gestion, personnel et informatique) » pour le secteur des personnes âgées; - que « la gestion prévisionnel des emplois (...) est centralisé » pour le secteur des personnes âgées ; - qu' « un suivi mensuel des comptes et de l'activité est réalisé par l'intermédiaire du contrôle de gestion » pour le secteur des personnes âgées ; que « le fonctionnement des établissements est appuyé par des fonctions supports larges et pertinentes: (
) gestion, RH, achats (...) permettant aux équipes de terrain de rester concentrées sur les prises en charge et l'organisation » pour le secteur des personnes handicapées. Il convient de constater l'absence de preuve d'établissement distinct au sens de l'article L. 231 3-4 du code du travail et de décider que la représentation du personnel s'exercera au sein d'un comité social et économique unique d'entreprise, à charge pour les partenaires sociaux de reprendre les négociations en vue de la mise en place d'éventuels représentants de proximité.

1° ALORS QUE l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement est appréciée compte tenu de la délégation de compétences qui lui est attribuée ; qu'en l'espèce, il est constant que, par délégations de pouvoirs consenties aux directeurs d'établissement au sein de la filière médico-sociale qui comprend 20 établissements, « le niveau de la direction du médico-social ne constitu[ant] pas le niveau opérationnel opportun pour l'application conforme des dispositions légales, règlementaires, conventionnelles en matière de droit du travail, de sécurité des biens et des personnes, [et de] gestion financière et comptable », les directeurs d'établissement ont notamment tous pouvoirs pour assurer « la supervision de l'établissement dans ses différentes composantes : sécurité des biens et des personnes, droit social, gestion économique et financière, relation avec les familles », déterminer « les moyens organisationnels, humains et techniques nécessaires à l'atteinte des objectifs de suivies », solliciter, si besoin, l'assistance des services supports du siège et du référent de pôle, prendre « toutes sanctions à l'encontre de membres du personnel qui ne respecteraient pas les consignent de sécurité », assurer le « suivi des relations individuelles de travail (recrutement, identification des besoins de formation, promotion, mobilité, rémunération ainsi que les règles propres à l'exécution du contrat de travail, cas de recours aux CDD, CDI, temps partiel) », veiller au respect « des règles relatives à la durée du travail », assurer la gestion des relations sociales avec les représentants du personnel et « engager les dépenses qui seraient rendues impératives par la réglementation » ; qu'en jugeant néanmoins que ces directeurs d'établissement ne bénéficieraient pas d'une autonomie suffisante pour reconnaître au sein de la société mutualiste des établissements distincts, le tribunal a violé par fausse application les articles L. 2313-4 et L. 2313-5 code du travail.

2° ALORS QUE à défaut d'accord, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont déterminés compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations du tribunal que les directeurs d'établissement procèdent seuls à l'entretien d'embauche puis au choix du candidat qui sera embauché au sein de leur établissement en contrat à durée indéterminée, ce dont il se déduisait qu'ils disposent d'une autonomie de gestion suffisante dans le recrutement de leur personnel ; qu'en jugeant néanmoins que les directeurs d'établissement ne bénéficieraient pas d'une autonomie suffisante aux motifs inopérants que les contrats de travail ne sont pas signés par eux et qu'ils sont standardisés et uniformisés dans le cadre d'une procédure imposée par l'entreprise, le tribunal a violé les articles L. 2313-4 et L. 2313-5 code du travail.

3° ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les pièces soumises à son examen ; qu'en l'espèce, le tribunal a jugé qu'il résulterait de la pièce (n° 38-2) produite par l'entreprise que l'embauche des salariés en CDD serait soumise à l'accord préalable du siège, quand il résultait au contraire seulement de cette pièce qu'un directeur a demandé l'ouverture d'un poste en CDD, sans qu'il ne soit démontré que cette demande ait fait l'objet d'une procédure d'autorisation préalable ; qu'en statuant ainsi, le tribunal, qui a dénaturé cette pièce, a violé les article 9 et 455 du code de procédure civile.

4° ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les pièces soumises à son examen ; qu'en l'espèce, le tribunal a jugé que les pièces produites n'établissent pas que les directeurs d'établissement exercent un pouvoir disciplinaire, quand il résultait au contraire des délégations de pouvoirs consenties aux directeurs d'établissement qu'ils sont seuls jugent des sanctions éventuelles à prendre pour faire respecter par le personnel les mesures de sécurité prescrites, cette décision étant prise uniquement en coopération avec le directeur de pôle et non pas dans le cadre d'une procédure de validation ou d'autorisation préalable ; qu'en statuant ainsi, le tribunal, qui a dénaturé les termes des délégations de pouvoirs, a violé les article 9 et 455 du code de procédure civile.

5° ALORS QUE à défaut d'accord, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont déterminés compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations du tribunal que les directeurs d'établissement signent les accords collectifs applicables au sein de leur établissement, ce qui « établit que ceux-ci sont effectivement chargés de la gestion quotidienne des sites » ; qu'en jugeant néanmoins que ce constat ne serait pas suffisant à établir l'autonomie de gestion des directeurs d'établissement, le tribunal a violé les articles L. 2313-4 et L. 2313-5 code du travail.

6° ALORS QUE à défaut d'accord, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont déterminés compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière d'exécution du service ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations du tribunal que les directeurs d'établissement disposent de « toutes latitude pour engager les dépenses qui seraient rendues impératives par la réglementation » ; qu'en jugeant néanmoins que ce constat ne serait pas suffisant à établir l'autonomie de gestion des directeurs d'établissement, au motif inopérant que cet engagement s'insère dans le cadre des procédures définissant les règles de paiement et d'engagement des dépenses au sein de l'entreprise, le tribunal a violé les articles L. 2313-4 et L. 2313-5 code du travail.
Le greffier de chambre

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