19 décembre 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-20.854

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2019:C301446

Titres et sommaires

BAIL D'HABITATION - Bail soumis à la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 - Congé - Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, modifiant l'article 15, I - Congé antérieur à l'entrée en vigueur de la loi - Application rétroactive (non)

L'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 n'est pas applicable à un congé délivré avant l'entrée en vigueur de cette loi

Texte de la décision

CIV.3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 19 décembre 2019




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 1446 FS-P+B+I

Pourvoi n° Q 18-20.854







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ M. B... Y...,

2°/ Mme S... A...,

tous deux domiciliés [...],

contre l'arrêt rendu le 21 décembre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 3), dans le litige les opposant à M. F... L..., domicilié [...],

défendeur à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 décembre 2019, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mmes Andrich, Dagneaux, Provost-Lopin, M. Jessel, conseillers, Mme Corbel, M. Béghin, Mme Schmitt, conseillers référendaires, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. Y... et de Mme A..., de la SCP Colin-Stoclet, avocat de M. L..., l'avis de Mme Valdès-Boulouque, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 décembre 2017), que, le 19 décembre 2013, M. L..., propriétaire d'un appartement qu'il a donné à bail d'habitation en 2011 à M. Y... et à Mme A..., leur a délivré un congé à fin de reprise pour habiter à effet au 24 juin 2014 ;

Sur la recevabilité du pourvoi de Mme A..., contestée par la défense :

Attendu que M. L... soutient que le pourvoi formé le 7 août 2018 par Mme A... est irrecevable comme tardif ;

Mais attendu que, la décision de rejet du bureau d'aide juridictionnelle ayant été notifiée à Mme A... par une lettre recommandée qui a été retournée le 4 juin 2018 avec la mention "destinataire inconnu à l'adresse" et qui n'a pas donc pas été remise à son destinataire, le délai de pourvoi en cassation n'a pas commencé à courir à son égard ;

D'où il suit que le pourvoi est recevable ;

Sur le premier moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que M. Y... et Mme A... font grief à l'arrêt de déclarer ce congé valable, alors, selon le moyen :

1°/ que, d'une part, la loi nouvelle régit immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées ; que les dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 tel que modifié par l'article 5-5°-b de la loi du 24 mars 2014 dite ALUR étaient applicables au congé délivré aux preneurs le 19 décembre 2013 pour le 24 juin 2014 ; qu'en décidant le contraire quand elle constatait que le congé n'avait pas produit ses effets légaux à la date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la cour d'appel a violé les articles 2 du code civil, ensemble l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 ;

2°/ que, d'autre part, le dispositif transitoire prévu au II de l'article 82 de la loi du 6 août 2015 n'est applicable à l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 que dans sa rédaction issue de la loi nouvelle ; que, pour exclure l'application au congé donné aux exposants pour le 24 juin 2014 de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction issue de la loi ALUR du 24 mars 2014, l'arrêt attaqué a retenu que cette disposition s'appliquait, selon l'article 82-II de la loi du 6 août 2015, aux seuls contrats en cours au 7 août 2015 ; qu'en statuant ainsi quand le dispositif transitoire de l'article 82-II ne concerne que l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version issue de la loi du 6 août 2015, la cour d'appel a violé l'article 82-II de la loi du 6 août 2015 ;

Mais attendu que, la loi n'ayant point d'effet rétroactif, l'article 15, I de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014, n'est pas applicable à un congé délivré avant son entrée en vigueur ; que la cour d'appel a constaté que le congé à fin de reprise avait été délivré le 19 décembre 2013 ; qu'il en résulte que le texte précité n'était pas applicable ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y... et Mme A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et Mme A... et les condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. L... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. Y... et Mme A...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté la résiliation d'un bail d'habitation au 24 juin 2014 et ordonné l'expulsion des preneurs (les consorts Y... A..., les exposants) sous astreinte provisoire de 50 € par jour à compter de la fin de la période hivernale 2017-2018 ;

AUX MOTIFS QUE le congé litigieux en date du 19 décembre 2013 avait été délivré au visa de l'article 15-I, alinéa 1er, de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction issue de la loi du 13 juin 2006, qui disposait que « lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire » ; que les consorts Y... A... sollicitaient la confirmation du jugement en ce qu'il avait appliqué les dispositions de l'article 15 tel que modifié par l'article 5-5b de la loi du 24 mars 2014 dite ALUR, entrée en vigueur le 27 mars 2014, permettant au juge de « vérifier la réalité du motif de congé et le respect des obligations prévues au présent article » et de « déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes » ; qu'ils soulignaient que ces dispositions étaient d'application immédiate aux contrats en cours lors de l'entrée en vigueur de la loi, conformément à l'avis donné le 6 février 2015, à propos du nouvel article 24 de la loi du 6 juillet 1989, par la Cour de cassation qui avait rappelé que la loi nouvelle régissait immédiatement les effets légaux des situations juridiques en cours ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées ; qu'ils plaidaient qu'il importait peu que le bailleur n'eût pas été contraint de justifier au congé le caractère réel et sérieux de sa décision de reprise pour l'avoir délivré avant la loi ALUR, dès lors que les effets du congé découlaient de la loi ; que M. L... plaidait que si, par principe, il n'avait pas à justifier du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise au congé, au sens de la loi ALUR qui n'avait été promulguée qu'après sa délivrance, il admettait désormais que, la loi Macron du 6 août 2015 ayant précisé, en son article 82, que l'article 15 de la loi était d'application immédiate aux contrats en cours, le juge était habilité à vérifier la réalité du motif qui devait être justifié par des éléments sérieux et légitimes ; que néanmoins, il soutenait que, dans son cas, la loi ALUR n'était pas applicable au bail consenti antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi, qui demeurait régi par les dispositions qui lui étaient applicables, à l'exception de certains articles parmi lesquels ne figurait pas l'article 5-5°-b autorisant un contrôle a priori par le juge du congé de reprise ; qu'il sollicitait l'infirmation du jugement en ce qu'il avait retenu l'application de la loi du 24 mars 2014, le juge ne pouvant exercer qu'un contrôle a posteriori ; que, sur ce, la loi dite Macron était venue préciser, en son article 82-II, que l'article 15 dans sa rédaction résultant de la loi ALUR s'appliquait depuis la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, à l'ensemble des contrats en cours au 7 août 2015 ; que, cependant, ce nouveau dispositif transitoire, complétant le dispositif transitoire antérieur n'étant pas rétroactif, il ne pouvait concerner les effets du congé donné aux consorts Y... A... qui s'étaient réalisés le 24 juin 2014, soit après l'entrée en vigueur de la loi ALUR mais avant la promulgation de la loi Macron ; qu'il en résultait que, sauf fraude manifeste, le juge ne pouvait procéder qu'à un contrôle a posteriori de la sincérité du congé ;

ALORS QUE, d'une part, la loi nouvelle régit immédiatement les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées ; que les dispositions de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 tel que modifié par l'article 5-5°-b de la loi du 24 mars 2014 dite ALUR étaient applicables au congé délivré aux preneurs le 19 décembre 2013 pour le 24 juin 2014 ; qu'en décidant le contraire quand elle constatait que le congé n'avait pas produit ses effets légaux à la date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle, la cour d'appel a violé les articles 2 du code civil, ensemble l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction issue de la loi du 24 mars 2014 ;

ALORS QUE, d'autre part, le dispositif transitoire prévu au II de l'article 82 de la loi du 6 août 2015 n'est applicable à l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 que dans sa rédaction issue de la loi nouvelle ; que, pour exclure l'application au congé donné aux exposants pour le 24 juin 2014 de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction issue de la loi ALUR du 24 mars 2014, l'arrêt attaqué a retenu que cette disposition s'appliquait, selon l'article 82-II de la loi du 6 août 2015, aux seuls contrats en cours au 7 août 2015 ; qu'en statuant ainsi quand le dispositif transitoire de l'article 82-II ne concerne que l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version issue de la loi du 6 août 2015, la cour d'appel a violé l'article 82-II de la loi du 6 août 2015.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné in solidum les locataires (les consorts Y... A..., les exposants) à payer à leur bailleur (M. L...) la somme de 15 500 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance ;

AUX MOTIFS QUE, en se maintenant dans les lieux en dépit du jugement validant le congé même non assorti de l'exécution provisoire, les consorts Y... A... avaient commis une faute générant un dommage pour M. L... qui justifiait l'allocation au profit de ce dernier d'une somme de 15 500 € sur la base de 500 € par mois à compter du jugement, soit 31 mois, au paiement de laquelle les exposants étaient tenus in solidum ;

ALORS QU'un jugement non assorti de l'exécution provisoire n'est pas immédiatement exécutoire ; qu'en condamnant les exposants au paiement de dommages et intérêts pour s'être maintenus dans les lieux à compter du jugement ayant validé le congé tout en constatant que celui-ci n'était pas assorti de l'exécution provisoire, de sorte que leur maintien dans les lieux n'était pas fautif, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres énonciations en violation de l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240.

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