8 janvier 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-13.863

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:C100001

Titres et sommaires

SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE - Associés - Retrait - Effets - Droits - Etendue - Détermination

En application des articles 1869 du code civil et 18 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, l'associé retrayant conserve ses droits patrimoniaux tant qu'il n'a pas obtenu le remboursement intégral de ses parts sociales. Toutefois, les associés ont la liberté de conclure des conventions dérogeant à cette règle pour déterminer leurs relations financières lors du retrait de l'un d'entre eux


SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE - Associés - Retrait - Effets - Obligations - Etendue - Contribution conventionnellement prévue aux frais fixes exposés par la société pendant l'année suivant le départ - Stipulation proportionnée aux intérêts légitimes de la société

Ayant relevé que la stipulation prévoyant l'obligation pour l'associé retrayant de contribuer, pendant l'année suivant la date de son départ, aux frais fixes exposés par la société civile professionnelle au sein de laquelle il a exercé son activité était justifiée par l'absence de clause de non-concurrence pesant sur le retrayant, que le montant de la participation aux frais fixes était assis sur l'importance de l'activité exercée par le retrayant jusqu'au jour de son départ et que celui-ci n'était pas tenu au paiement de l'intégralité des frais fixes à la charge de la société, une cour d'appel a pu en déduire que la clause litigieuse n'empêchait pas l'associé d'exercer son droit de retrait et était proportionnée aux intérêts légitimes de la société


SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE - Associés - Retrait - Effets - Parts sociales - Estimation - Estimation par un expert - Méthode d'évaluation - Détermination

Ayant à bon droit fait application de l'article 1843-4 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, en vigueur à la date de la désignation de l'expert, une cour d'appel n'a pas excédé ses pouvoirs en donnant mission à celui-ci de déterminer la valeur des parts sociales détenues par un associé retrayant par référence au système convenu entre les parties

Texte de la décision

CIV. 1

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 janvier 2020




Rejet


Mme BATUT, président



Arrêt n° 1 FS-P+B+I

Pourvoi n° V 17-13.863












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. P... Bouchard, domicilié [...],

contre l'arrêt rendu le 23 février 2017 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant à la société [...], société civile professionnelle, dont le siège est [...], ayant pour nom commercial [...],

défenderesse à la cassation ;

La société [...] a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt ;

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 26 novembre 2019, où étaient présents : Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mmes Duval-Arnould, Teiller, MM. Betoulle, Avel, Mornet, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Ab Der Halden, avocat général référendaire, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de M. Bouchard, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société [...], l'avis écrit de M. Sudre, avocat général, et l'avis oral de Mme Ad Der Halden, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 février 2017), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 16 avril 2015, pourvois n° 13-24.931 et 13-27.788, Bull. 2015, I, n° 94), M. Bouchard, avocat, a exercé son activité au sein de la SCP [...], dénommée cabinet [...] (la SCP), à compter du 1er janvier 2002 en qualité d'associé en industrie, puis à compter du 1er juillet 2003 en qualité d'associé en capital et en industrie.

2. En raison de dissensions existant entre M. Bouchard et ses coassociés, les parties ont signé un accord de portée limitée fixant certaines conditions de son retrait, intervenu le 31 juillet 2010, et saisi le bâtonnier d'une demande d'arbitrage portant sur diverses prétentions indemnitaires. Des recours ont été exercés contre la sentence rendue par le délégué du bâtonnier.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deuxième et troisième branches, et sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel, ci-après annexés


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses première et quatrième branches

Énoncé du moyen

4. M. Bouchard fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre de la rétribution de ses apports en capital et de sa quote-part dans les bénéfices à distribuer, à compter du 31 juillet 2010 et jusqu'au remboursement de l'intégralité de ses droits sociaux, et de le condamner à payer à la SCP la somme de 208 000 euros au titre des frais fixes, alors :

1°/ « que la part de chaque associé dans les bénéfices de la société se détermine à proportion de sa part dans le capital ; que, si les associés peuvent convenir d'une répartition différente, est réputée non écrite la clause ayant pour effet d'exclure totalement un associé ou une catégorie d'associés du profit de la société ; que, par ailleurs, l'associé retrayant a droit à la rétribution de ses apports en capital aussi longtemps que ses droits sociaux ne lui ont pas été remboursés ; qu'en rejetant la demande de M. Bouchard tendant à voir déclarer non écrits les articles 1.02 et 4 du système ABCJMM " et en faisant application de ces stipulations pour le débouter de sa demande en paiement d'une quote-part des bénéfices réalisés par la SCP à compter du 31 juillet 2010, après avoir relevé que ce système avait pour effet d'exclure totalement de la répartition des bénéfices l'associé en capital et de le priver de toute rétribution de ses apports au-delà de la date de son retrait, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1832, 1844-1, alinéa 2, 1869 du code civil et 18 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ;

2°/ qu'est nécessairement disproportionnée la clause obligeant l'associé retrayant à supporter, durant l'année suivant son départ de la société, les frais fixes de cette dernière dès lors qu'il est, dans le même temps, privé des bénéfices que lui confère pourtant sa qualité d'associé ; qu'en jugeant, pour condamner M. Bouchard à verser à la SCP la somme de 208 000 euros que la clause imposant à l'associé retrayant de supporter les frais fixes du cabinet durant une année après son départ était proportionnée et devait s'appliquer, après avoir jugé que M. Bouchard, bien qu'il n'ait toujours pas obtenu le remboursement de ses parts sociales, devait être intégralement débouté de sa demande tendant à percevoir la rétribution de ses apports en capital, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, en application des articles 1869 du code civil et 18 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, l'associé retrayant conserve ses droits patrimoniaux tant qu'il n'a pas obtenu le remboursement intégral de ses parts sociales. Toutefois, les associés ont la liberté de conclure des conventions dérogeant à cette règle pour déterminer leurs relations financières lors du retrait de l'un d'entre eux.

6. L'arrêt constate, d'abord, que, selon le système de rémunération adopté par l'assemblée générale des associés le 25 octobre 2000, dit système ABCJMM, la répartition des bénéfices est fondée sur l'industrie de l'associé, et non sur sa participation au capital social, de sorte que les parts sociales ne confèrent aux associés qu'une vocation à percevoir des bénéfices dont le montant est fixé sur la base de leur contribution effective à l'activité de la société. Après l'examen des stipulations relatives au départ d'un associé figurant à l'article 4 dudit système, l'arrêt relève, ensuite, qu'en vertu de cette clause, qui n'instaure pas un régime spécifique pour l'associé retrayant, celui-ci a droit au remboursement de son compte courant, à sa part des créances au titre des travaux effectués et à sa quote-part de bénéfices déterminée en fonction de ses apports en industrie. La cour d'appel en a déduit, à bon droit, que M. Bouchard ne pouvait prétendre, après son départ de la SCP, à la perception de bénéfices, les apports en capital ne donnant lieu, en application du système contractuellement défini, à aucune rétribution.

7. En second lieu, l'arrêt relève que la stipulation prévoyant l'obligation pour l'associé retrayant de contribuer aux frais fixes exposés par le cabinet, pendant l'année suivant la date de son départ, est justifiée par l'absence de clause de non-concurrence pesant sur le retrayant. Il ajoute que le montant de la participation aux frais fixes est assis sur l'importance de l'activité exercée par le retrayant jusqu'au jour de son départ. Il constate, enfin, que celui-ci n'est pas tenu au paiement de l'intégralité des frais fixes à la charge de la SCP, les frais liés à la rémunération des collaborateurs et secrétaires étant exclus. La cour d'appel a pu déduire de ces constatations et appréciations, qui sont souveraines, que la clause litigieuse n'empêchait pas l'associé d'exercer son droit de retrait et était proportionnée aux intérêts légitimes de la société.

8. Dès lors, le moyen n'est pas fondé.

Sur le second moyen du même pourvoi

Énoncé du moyen

9. M. Bouchard fait grief à l'arrêt, après avoir ordonné une expertise afin de déterminer la valeur de ses parts sociales, de dire que l'expert devra déterminer cette valeur au regard de l'article 4 du système ABCJMM excluant la valeur de la clientèle, alors que « le bâtonnier qui désigne un expert, en application de l'article 21, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, n'a pas le pouvoir de préciser la méthode d'évaluation des parts sociales, dont le choix appartient à l'expert exclusivement ; qu'en ordonnant à l'expert qu'elle avait désigné pour évaluer la valeur des parts sociales de M. Bouchard de tenir compte des stipulations du système ABCJMM excluant la valeur de la clientèle civile, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé les articles 21, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, et 1843-4 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014. »

Réponse de la Cour

10. Aux termes de l'article 1843-4 du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, l'expert désigné pour déterminer la valeur des droits sociaux d'un associé est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société et par toute convention liant les parties.

11. La cour d'appel qui a, à bon droit, fait application de ces dispositions, en vigueur à la date de la désignation de l'expert, n'a pas excédé ses pouvoirs en donnant mission à celui-ci de déterminer la valeur des parts sociales détenues par M. Bouchard, notamment par référence au système convenu entre les parties.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour M. Bouchard.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR déclaré M. Bouchard irrecevable en sa demande en nullité des paragraphes 1.02 et 4 du système ABCJMM, D'AVOIR débouté M. Bouchard de sa demande au titre de la rétribution de ses apports en capital et à sa quote-part dans les bénéfices à distribuer, à compter du 31 juillet 2010 et jusqu'au remboursement de l'intégralité de ses droits sociaux et de L'AVOIR condamné à payer au cabinet [...] la somme de 208 000 euros au titre des frais fixes ;

AUX MOTIFS QUE, sur la rétribution des apports en capital et la quote-part des bénéfices, l'associé retrayant conserve, en application des articles 1869 du code civil et 18 de la loi du 29 novembre 1966, ses droits patrimoniaux tant qu'il n'a pas obtenu le remboursement intégral de ses parts sociales ; qu'il est constant qu'à la date de son départ, M. Bouchard n'avait pas été remboursé de ses parts sociales ; qu'il a donc droit postérieurement au 30 juin 2010 à la rétribution de ses apports en capital et à sa quote-part des bénéfices distribués ; que les droits patrimoniaux que conserve le retrayant sont déterminés par les règles convenues entre les associés ; que l'étendue même des droits de M. Bouchard après son retrait est fixée par les conventions intervenues sous réserve de leur validité ; que, sur le système ABCJMM, aux termes d'une délibération du 25 octobre 2000, la SCP [...] a adopté le système de rémunération «ABCJMM » applicable à compter du 1er juillet 2000 ; que le § 1.01 du « système ABCJMM » prévoit l'attribution du bénéfice préciputaire fondé sur les commissions d'apport et de gestion ; que le § 1.02 portant sur la répartition du solde du bénéfice après l'allocation du bénéfice préciputaire énonce : « sauf décision contraire prise à la majorité extraordinaire, le solde du bénéfice est réparti entre les associés en fonction d'une clé de répartition par point, revue chaque année. A l'occasion de cette révision annuelle, l'assemblée peut, à la majorité simple, faire baisser un associé d'une marche, le maintenir sur la même marche, ou le faire passer sur la marche immédiatement supérieure. Pour l'année débutant le 1er juillet 2000, les associés sont placés sur les marches suivantes : YA 7 points ; NB 5 points ; YC 7 points ; BJ 8 points ; AM 7 points ; JPM 5 points. Ainsi, à titre d'exemple, YA a droit, sur le solde du bénéfice (après allocation du bénéfice préciputaire sous forme de « commission »), à 7/39èmes. A supposer que la SCP fasse des pertes, ou que le bénéfice préciputaire soit supérieur au bénéfice total, chaque associé supporterait les pertes à hauteur de sa quote-part » ; que le § 4 dispose : « 4. Départ d'un associé. L'associé qui part a droit au remboursement de son compte courant et à sa part des créances (créances SVA, créances préciputaires, créances grilles) au titre des travaux effectués (et, le cas échéant, des autres revenus constatés) jusqu'à la date de son départ. Les charges d'exploitation du cabinet se rapportant à la période suivant son départ ne viennent pas (comme c'était le cas dans le système SVA) réduire l'assiette de ses droits. L'associé partant a également droit à sa part « grille » sur les actifs, étant précisé que si le départ a lieu avant le 31 décembre 2001, il conviendra de tenir compte (de façon approximative et selon un système à définir) de la manière dont ces actifs ont été financés (attribués en fonction des règles de séparation ou acquis ou payés dans le cadre de l'exploitation depuis le 1er juillet 2000). Il est également précisé que l'associé partant doit supporter sa part « grille » sur les passifs de la société existant au moment de son départ (
) ; que l'associé partant doit par ailleurs financer à hauteur de sa part grille au moment du départ, les frais fixes du cabinet (hors collaborateurs et secrétaires), pendant une durée forfaitaire d'un an suivant la date de son départ effectif. Les frais fixes s'entendent essentiellement, aux fins de ce système, du loyer, des charges et impôts se rapportant au loyer, du chauffage, de l'eau, de l'électricité, des assurances dont le niveau ne dépend pas du nombre d'associés ou d'avocats, des salaires du personnel administratif et des frais de location et des dotations aux amortissements du matériel. Ces frais sont réglés sur la base du réel constaté par le cabinet au titre de la période d'un an suivant le départ de l'associé retrayant. Ils sont toutefois plafonnés à un montant évalué sur la base des frais fixes qui existaient (ou qui étaient prévisibles, notamment compte-tenu des engagements pris par la SCP) au moment de la notification de retrait (et non au moment du retrait effectif). Chacun des associés fera ses meilleurs efforts pour que le montant de ce plafond soit déterminé avant le départ effectif de l'associé concerné. Les règles qui précèdent ne sauraient s'appliquer à l'hypothèse d'un retrait d'associés représentant la majorité d'entre eux. Sauf décision ultérieure de l'assemblée extraordinaire pour fixer les règles applicables à un tel retrait massif, une telle situation devrait être réglée avec pragmatisme, modération et sans esprit de système, dans le respect des principes essentiels » ; qu'il prévoit ainsi un bénéfice préciputaire composé de commissions d'apport et de gestion et une répartition du solde du bénéfice selon une clé de répartition par point revue chaque année ; que celle-ci est fondée sur l'industrie de l'associé et non sur sa participation au capital social ; qu'un nombre de points a été attribué à chaque associé ; que l'allocation entre eux de parts en industrie de catégorie A est fondée sur cette attribution ; que, sur l'adoption et l'application du « système ABCJMM », l'article 26 des statuts de la SCP prévoit que la répartition du bénéfice distribuable est déterminée par l'assemblée des associés ; que les associés peuvent décider, en application de l'article 1844-1, alinéa 1er du code civil, d'une répartition des bénéfices ne correspondant pas à la participation de chacun au capital social ; que cette répartition peut, conformément à l'article 1854 du code civil, ne pas être adoptée dans les statuts eux-mêmes ; que cette adoption est de ce chef régulière ; que l'absence d'intégration du système aux statuts, l'absence de publication de l'assemblée générale ou son absence de cotation au registre ad hoc sont, au regard des articles 1844-1 et 1854 du code civil sans incidence sur son opposabilité ; qu'il sera observé au surplus que la lettre d'association de M. Bouchard mentionne le « système ABCJMM » ; que, sur son application, afin de déterminer les bénéfices, la lettre d'association de M. Bouchard fait référence, en ce qui concerne sa rémunération, au « système ABCJMM » ; que M. Bouchard lui-même a signé au nom des associés la lettre d'association de M. Barré renvoyant pour sa rémunération au « système ABCJMM » ; qu'il a lui-même expliqué, dans ses conclusions devant la cour d'appel de Paris, que le mode de calcul dudit système correspondait à la pratique du cabinet ; qu'en outre, l'expert-comptable du cabinet atteste, dans un courriel du 14 décembre 2015, que les parts sociales de capital n'ont jamais été prises en compte dans la répartition des bénéfices, que, depuis le 1er juillet 2000, celle-ci est essentiellement fondée sur le volume d'affaires apportées et sur une grille qui se traduit par une allocation de parts d'industrie de catégorie A ; qu'il confirme que le tableau récapitulatif de 2008 à 2010 adressé par la société correspond aux informations communiquées par elle destinées à calculer cette répartition ; que la circonstance que le tableau comporte des variations différentes des points et un nombre de ceux-ci différents est sans incidence, la résolution litigieuse prévoyant une révision annuelle de ceux-ci ; que M. Bouchard ne verse aux débats aucune pièce d'où il résulterait que les bénéfices n'ont pas été attribués selon ses parts en industrie de catégorie A ; qu'il ne s'infère pas de l'absence de références dans les procès-verbaux d'assemblée générale au dispositif permettant de calculer ces bénéfices que celui-ci n'a pas été appliqué ; que les ratures figurant sur les procès-verbaux des assemblées générales postérieures au départ de M. Bouchard s'expliquent par des motifs de confidentialité, étant souligné que l'intéressé pouvait rapporter aisément la preuve de la non-application du système pendant la période durant laquelle il était associé ; que l'attestation de l'expert-comptable, les documents signés par M. Bouchard et ses propres conclusions démontrent que la répartition des bénéfices entre les associés était fondée sur « le système ABCJMM » ; que les parts sociales de M. X... ont été cédées, à son départ, au prix d'un euro ; que ce prix ne peut être celui auquel aurait conduit l'application du système litigieux ; que, d'une part, cet acte porte sur l'évaluation des parts sociales et non l'attribution des bénéfices ; que, d'autre part, les parties peuvent convenir librement, en fonction des circonstances, d'un prix des parts sociales ; que cet acte ne démontre donc nullement que le système ABCJMM n'a pas été appliqué pour la répartition des bénéfices ; que, sur l'interprétation du § 4 du « système ABCJMM », cet article énonce les droits de l'associé qui quitte la société ; que celui-ci a droit au remboursement de son compte courant et à sa part des créances au titre des travaux effectués ainsi qu'à sa « part grille » sur les actifs après déduction du passif ; que celle-ci est déterminée au moyen de la clé de répartition par points soit en fonction des parts en industrie de catégorie A ; qu'il ne peut résulter de la seule absence des termes d'associé retrayant ou de bénéfice que cette clause est ambiguë ; que, quelle que soit sa validité, elle énonce précisément les droits de l'associé retrayant ; qu'elle donne même un exemple chiffré ; qu'il n'y a pas lieu de l'interpréter ; que la demande de M. Bouchard tendant à l'interpréter en fonction de son effet utile sera donc rejetée ; que, sur le caractère léonin des paragraphes 1.02 et 4, au terme de l'article 1844-1 du code civil, aliéna 2, la clause « qui exclut un associé totalement du profit » est « réputée non écrite » ; que l'action en déclaration d'une clause réputée non écrite est imprescriptible ; que son inexécution n'est pas une condition de l'action ; que la demande est recevable ; qu'elle est fondée sur le fait que cette clause exclut l'associé retrayant de tout profit, les parts en industrie étant annulées en application de l'article 13 du décret du 20 juillet 1992 à son départ ; que cette clause doit être appréciée au regard de l'ensemble du système de répartition des bénéfices auxquelles M. Bouchard a adhéré ; que les associés ont pu convenir que la répartition des bénéfices s'effectuerait sur la base de l'industrie ; que toute l'économie du système est fondée sur une telle répartition ; que M. Bouchard en a bénéficié ; qu'il a, à l'instar des autres associés, pu profiter au départ de l'un d'eux de cette répartition et de l'exclusion de l'associé partant des bénéfices réalisés après son départ et avant le remboursement de ses parts sociales ; que cette clause n'instaure donc pas un régime spécifique pour l'associé retrayant ; qu'elle n'est que la conséquence de la décision prise par les associés de distribuer les bénéfices en fonction de leur industrie ; qu'enfin, compte-tenu du système convenu, les parts sociales ne confèrent aux associés qu'une vocation à percevoir des bénéfices dont le montant est fixé sur la base de la contribution effective à l'activité de la société ; que la stipulation litigieuse ne supprime pas un droit qu'aurait l'associé retrayant de percevoir effectivement des bénéfices jusqu'au paiement de ses parts, une telle rémunération n'étant pas fondée sur ses apports en capital ; qu'elle n'a donc aucun caractère léonin ; que, sur la nullité de ce système pour défaut de cause, M. Bouchard réclame le paiement de diverses sommes ; qu'il a la qualité de demandeur ; que la SCP [...] lui oppose la convention des parties ; qu'elle n'agit pas en exécution forcée de celle-ci mais l'oppose à la demande ; qu'elle a la qualité de défenderesse ; que M. Bouchard ne peut donc prétendre utilement invoquer la nullité de la clause par voie d'exception ; qu'en outre, l'exception de nullité n'est imprescriptible que lorsque l'acte n'a pas été exécuté même partiellement ; qu'il a été constaté ci-dessus que la convention avait été exécutée en ce qui concerne la répartition des bénéfices ; qu'en conséquence, le délai de prescription de l'action en nullité s'applique ; que le « système ABCJMM » a été porté à la connaissance de M. Bouchard en juin 2002 ; que sa demande formée après son départ, en 2010, est donc prescrite ; que la demande d'annulation de certains de ses paragraphes pour défaut de cause est en conséquence irrecevable ; que, sur les conséquences, le « système ABCJMM » est donc régulier ; qu'il fixe notamment l'étendue des droits du retrayant ; qu'il est applicable à M. Bouchard ; que la demande de M. Bouchard tendant à la perception de bénéfices fondée, après son départ, sur sa proportion dans le capital social sera donc rejetée ;

ET AUX MOTIFS QUE, sur la contribution aux frais fixes, la clause prévoyant cette obligation est opposable à M. Bouchard ; que M. X... s'est acquitté de cette contribution lors de son départ ; qu'elle rend plus difficile l'exercice du droit de tout associé de se retirer de la société ; qu'elle doit donc être proportionnée aux intérêts légitimes de la société ; qu'elle n'a pas pour conséquence, compte-tenu des développements ci-dessus sur la répartition des bénéfices, de faire supporter doublement au retrayant les charges ; que la cooptation de nouveaux associés est insuffisante à rendre cette clause disproportionnée dans la mesure où la participation du retrayant aux frais fixes de la SCP est fondée sur la « part grille » qui résulte de son activité professionnelle au jour de son départ, différente le cas échéant de celle des nouveaux associés ; que cette clause doit être examinée au regard de l'ensemble des droits et obligations des parties ; que, d'une part, les associés retrayants ne sont pas tenus par une clause de non-concurrence ; qu'ils peuvent donc quitter la société en lui faisant perdre une partie de sa clientèle ; que les frais fixes exposés en raison de celle-ci demeurent à la charge du cabinet ; que la SCP perd donc une partie de la clientèle tout en devant supporter les coûts générés par celle-ci ; que la clause litigieuse est ainsi justifiée par la nécessité de protéger la société contre les conséquences financières d'un retrait qu'elle ne peut empêcher et de l'absence de clause de non-concurrence pesant sur le retrayant ; que, d'autre part, elle est assise sur l'importance de l'activité exercée par le retrayant ; qu'il existe donc un lien entre l'intérêt à protéger et la base de son évaluation ; qu'enfin, le retrayant n'est pas tenu au paiement de tous les frais à la charge de la SCP ; que les frais liés à la rémunération des collaborateurs et secrétaires sont exclus ; que seuls certains frais lui sont réclamés ; qu'en conséquence, cette clause n'empêche pas l'associé d'exercer son droit de retrait et est proportionnée aux intérêts légitimes de la société ; que M. Bouchard sera donc condamné au paiement de la somme de 208 000 euros correspondant à la somme due en application de cette clause ;

ALORS, 1°), QUE la part de chaque associé dans les bénéfices de la société se détermine à proportion de sa part dans le capital ; que si les associés peuvent convenir d'une répartition différente, est réputée non écrite la clause ayant pour effet d'exclure totalement un associé ou une catégorie d'associés du profit de la société ; que, par ailleurs, l'associé retrayant a droit à la rétribution de ses apports en capital aussi longtemps que ses droits sociaux ne lui ont pas été remboursés ; qu'en rejetant la demande de M. Bouchard tendant à voir déclarer non écrits les articles 1.02 et 4 du système « ABCJMM » et en faisant application de ces stipulations pour le débouter de sa demande en paiement d'une quote-part des bénéfices réalisés par le cabinet [...] à compter du 31 juillet 2010, après avoir relevé que ce système avait pour effet d'exclure totalement de la répartition des bénéfices l'associé en capital et de le priver de toute rétribution de ses apports au-delà de la date de son retrait, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1832, 1844-1, alinéa 2, 1869 du code civil et 18 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ;

ALORS, 2°), QUE l'exception de nullité est perpétuelle ; qu'en relevant, pour déclarer prescrite la demande en nullité pour absence de cause des articles 1.02 et 4 du système ABCJMM que M. Bouchard ne pouvait prétendre invoquer la nullité par voie d'exception dès lors qu'il était demandeur au paiement, et que le cabinet [...] ne sollicitait pas l'exécution forcée de la convention des parties, après avoir relevé que le cabinet [...] se fondait sur l'application de cette convention pour faire échec à la demande en paiement formée par M. Bouchard, de sorte que la nullité de la convention était bien invoquée par M. Bouchard par voie d'exception, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légale de ses propres constatations, a violé l'article 1304 du code civil, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

ALORS, 3°), QU'en ajoutant que, même invoquée par voie d'exception, la demande en nullité pour absence de cause était prescrite dès lors que la convention avait été exécutée après avoir relevé qu'aucune des dispositions du système ABCJMM (nombre de points, variations dans l'attribution des points, calcul de la valeur des parts lors du départ de M. X...) n'avait jamais été appliquée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 et 1304 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

ALORS, 4°), QU'est nécessairement disproportionnée la clause obligeant l'associé retrayant à supporter, durant l'année suivant son départ de la société, les frais fixes de cette dernière dès lors qu'il est, dans le même temps, privé des bénéfices que lui confère pourtant sa qualité d'associé ; qu'en jugeant, pour condamner M. Bouchard à verser au cabinet [...] la somme de 208 000 euros que la clause imposant à l'associé retrayant de supporter les frais fixes du cabinet durant une année après son départ était proportionnée et devait s'appliquer, après avoir jugé que M. Bouchard, bien qu'il n'ait toujours pas obtenu le remboursement de ses parts sociales, devait être intégralement débouté de sa demande tendant à percevoir la rétribution de ses apports en capital, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR, après avoir ordonné une expertise afin de déterminer la valeur des parts sociales détenues par M. Bouchard, dit que l'expert devra déterminer cette valeur au regard de l'article 4 du système ABCJMM excluant la valeur de la clientèle ;

AUX MOTIFS QUE, sur la valeur des parts sociales, aucun accord sur la valeur de ces parts n'est intervenu entre les parties ; que l'article 4 du système ABCJMM exclut la clientèle civile de l'actif servant à valoriser les parts ; que la SCP ne justifie pas que ce système a été mis en oeuvre pour évaluer les parts d'un associé retrayant ; que la demande d'annulation n'est donc pas prescrite ; que la loi du 18 mars 2011 dispose que, sauf disposition contraire du décret particulier applicable à chaque profession, inexistante en l'espèce, la valeur des parts sociales prend en compte la clientèle civile, sauf décision contraire des associés ; que cette loi était inapplicable lors de l'adoption du système litigieux ; que toutefois, il ne résulte pas de cette disposition que l'absence de prise en compte de la clientèle civile était, jusqu'alors, prohibée ; qu'aucune disposition légale n'interdisait aux associés de déterminer librement les paramètres d'évaluation des parts sociales ; qu'il leur était loisible de prévoir des règles fondées sur l'actif net de la société au jour du retrait sans considérer la valeur de la clientèle ; qu'en l'absence de clause de non-concurrence, une telle exclusion se justifiait par le souci de limiter l'incidence financière du départ d'une partie de la clientèle au bénéfice de l'associé retrayant ; qu'en l'absence d'accord entre les parties, en raison de l'impossibilité pour la cour d'évaluer elle-même ces parts, une mesure d'expertise est nécessaire ; qu'elle sera donc ordonnée ; que l'expert devra prendre en compte les stipulations du système ABCJMM et donc, notamment, l'exclusion de la valeur de la clientèle civile ;

ALORS QUE le bâtonnier qui désigne un expert, en application de l'article 21, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, n'a pas le pouvoir de préciser la méthode d'évaluation des parts sociales, dont le choix appartient à l'expert exclusivement ; qu'en ordonnant à l'expert qu'elle avait désigné pour évaluer la valeur des parts sociales de M. Bouchard de tenir compte des stipulations du système ABCJMM excluant la valeur de la clientèle civile, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé les articles 21, alinéa 3, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 et 1843-4 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014.
Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société [...].

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré « recevables les autres demandes d'annulation » formées par M. Bouchard, et particulièrement d'avoir jugé recevable, comme étant imprescriptible, l'action formée par M. Bouchard aux fins de voir déclarer non écrits les paragraphes 1.02 et 4 du système ABCJMM afférents à la répartition des bénéfices ;

AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article 1844-1 du code civil, alinéa 2, la clause "qui exclut un associé totalement du profit" est "réputée non écrite" ; l'action en déclaration d'une clause réputée non écrite est imprescriptible ; son inexécution n'est pas une condition de l'action ; la demande est recevable » ;

1) ALORS QU'en affirmant que l'action intentée par M. Bouchard aux fins de voir déclarer non écrits les paragraphes 1.02 et 4 du système ABCJMM, stipulations afférentes à la répartition des bénéfices, est imprescriptible, la cour d'appel a violé les articles 1844-1 et 1844-14 du code civil ;

2) ALORS à tout le moins QU'en affirmant que l'action intentée par M. Bouchard aux fins de voir déclarer non écrits les paragraphes 1.02 et 4 du système ABCJMM, stipulations afférentes à la répartition des bénéfices, est imprescriptible, la cour d'appel a violé les articles 1844-1, 2224 nouveau et 2262 ancien du code civil.

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