8 janvier 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-16.463

Chambre sociale - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:SO10019

Texte de la décision

SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 janvier 2020




Rejet non spécialement motivé


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10019 F

Pourvoi n° S 18-16.463







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Coopérative Roussillon La Tour, société coopérative agricole, dont le siège est [...] ,

contre l'arrêt rendu le 14 mars 2018 par la cour d'appel de Montpellier (4e B chambre sociale), dans le litige l'opposant à Mme V... G..., domiciliée [...] ,

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 27 novembre 2019, où étaient présents : M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Coopérative Roussillon La Tour, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme G... ;

Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;


REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Coopérative Roussillon La Tour aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Coopérative Roussillon La Tour à payer à Mme G... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Coopérative Roussillon La Tour

Premier moyen de cassation

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la SCA COOPERATIVE ROUSSILLON LA TOUR à payer à Mme G... la somme de 1 500 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

Aux motifs propres qu'il est constant qu'en juin 2012, la salariée s'est vue retirer une partie de ses attributions, à savoir l'établissement des bons de retour des ventilations des apports par calibres et par producteur ; la salariée qui soutient que ce retrait des tâches n'était pas justifié et qu'elle a été affectée par cette mesure, verse au dossier l'attestation de M. A... Y..., exploitant agricole, lequel indique : « Sociétaire de la coopérative, j'étais amené à rencontrer Mme G... assez souvent vu ses fonctions. Elle gérait toute la comptabilité et les opérations bancaires. Sans aucune explication, alors qu'aucun incident n'avait eu lieu, les ventilations des lots des producteurs lui ont été retirées pour les donner au directeur qui n'avait jamais fait ce travail, puis à une salariée qui ne s'en sortait pas. Conclusion tout a été bloqué plus d'un mois en pleine saison des fruits. Les producteurs se sont plaints mais rien n'a changé. Mme G... a été très affectée par cette situation, surtout que le président M. M... faisait courir le bruit qu'il voulait la "virer" » ; la salariée produit également l'attestation de W... Q... lequel a constaté que M. M... qui devait traverser le bureau de la salariée pour rejoindre le sien ne lui parlait pas et ne lui disait pas bonjour et qu'elle se plaignait de cette situation ; enfin, l'employeur ne conteste pas qu'à la fin de l'année 2012, la salariée n'a pas perçu la prime exceptionnelle comprise entre 500 et 750 € versée aux salariés pour compenser le surcroît de travail causé par la saisonnalité des apports ; ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral ; par conséquent, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; or, l'employeur ne produit par le moindre élément établissant que c'est pour des raisons d'organisation du service qu'il a retiré à la salariée une partie de ses attributions, et que la salariée ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de la prime exceptionnelle versée à la fin de l'année 2012 ; ainsi, il n'est pas démontré que ces mesures étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral ; dans un courrier qu'elle a adressé à son employeur le 11 mars 2013, la salariée s'est plainte de cette situation qui l'a affectée moralement, ainsi que l'on constaté M. Y... et M. Q... ; il convient par conséquent de confirmer la décision déférée qui a jugé que la salariée avait été victime de harcèlement et qui a condamné l'employeur à lui régler des dommages-intérêts, sauf à ramener le montant de ces dommages-intérêts à la somme de 1 500 €, compte tenu du préjudice subi (arrêt, pages 5 et 6) ;

Et aux motifs, à les supposer adoptés, des premiers juges, que la jurisprudence a reconnu que constituent des actes de harcèlement moral les atteintes à son image, à la fonction, à l'autorité ; Mme G... V... indique qu'il lui a été retiré des prérogatives de travail sans raison, et qu'elle a bien été discriminée pour la prime exceptionnelle de fin de saison ; Mme G... V... a sollicité la mise en place d'un médiateur suivant l'article L 1152-6 du code du travail ; malgré sa demande par courrier recommandé le Président de la coopérative s'est abstenu de mettre en oeuvre cette procédure (jugement, page 4) ;

1°/ Alors que seuls peuvent caractériser un harcèlement moral des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible d'altérer sa santé ;

Qu'ainsi, en se bornant à énoncer d'une part que la salariée soutient qu'elle a été affectée par une mesure de l'employeur lui ayant retiré certaines tâches, d'autre part qu'elle se plaignait de ce que M. M... ne lui parlait pas, enfin que dans un courrier du 11 mars 2013, l'intéressée s'est plainte « de cette situation qui l'a affectée moralement », pour en déduire que la salariée a effectivement été victime de harcèlement moral, sans rechercher en quoi, par-delà la perception exprimée par la salariée, les mesures litigieuses reprochées à l'employeur avaient effectivement eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de Mme G..., susceptible d'altérer sa santé, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L 1152-1 du code du travail ;

2°/ Alors que lorsque le salarié apporte des éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, l'employeur ne saurait être condamné de ce chef s'il démontre que les décisions qui lui sont reprochées étaient, en réalité, justifiées par des considérations objectives, étrangères à tout harcèlement ; que, dès lors, il appartient aux juges du fond d'examiner les moyens et éléments invoqués par l'employeur pour justifier par des éléments objectifs les agissements qui lui étaient reprochés ;

Qu'en l'espèce, il résulte des conclusions d'appel de l'exposante, développées oralement à l'audience, d'une part que s'agissant du retrait de certaines attributions, que cette décision a été prise dans le seul intérêt de l'entreprise, en considérant que la charge de travail de Mme G... ne lui permettait plus de délivrer les bons de commandes dans des délais raisonnables (conclusions d'appel, page 12), d'autre part que s'agissant de la prime exceptionnelle litigieuse, celle-ci n'avait pas été versée à tous les salariés, ainsi que l'admet Mme G..., et avait été allouée au regard d'une sujétion particulière liée au fait d'être contraint de travailler régulièrement le samedi, et au fait d'avoir connu des difficultés pendant la période estivale, ce qui n'était pas le cas de Mme G... (conclusions d'appel, pages 14 et 15), de sorte que les décisions incriminées avaient en réalité été prises pour des motifs objectifs étrangers à tout harcèlement moral ;

Que, dès lors, en se bornant à énoncer d'une part que pris dans leur ensemble, les éléments invoqués par la salariée laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral, d'autre part que l'employeur ne produit aucun élément établissant que c'est pour des raisons d'organisation du service qu'il a retiré à la salariée une partie de ses attributions, et que l'intéressée ne remplissait pas les conditions pour bénéficier de la prime exceptionnelle versée à la fin de l'année 2012, sans examiner les éléments susvisés invoqués dans les écritures d'appel de l'exposante, et développés oralement à l'audience, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L 1154-1 du code du travail.

Second moyen de cassation

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Mme G... dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamné l'employeur à lui payer la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QU'aux termes de la lettre de licenciement du 23 avril 2013, qui fixe les limites du litige, il est reproché à la salariée d'avoir outrepassé ses pouvoirs en procédant à des virements entre divers adhérents de la coopérative sans autorisation ; la salariée ne conteste pas que le 2 avril 2013 elle a procédé à des virements au profit des cinq coopérateurs fondateurs à savoir : M. G..., l'EARL [...] , Mme O..., l'EARL LES OLIVIERS et Mme F... ; pour établir qu'elle a procédé à ces virements avec l'autorisation des autorités compétentes, elle verse au dossier : le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 11 mars 2013 dans lequel il est expressément indiqué : « après délibération, le conseil, à l'unanimité, autorise les remboursements demandés et décide qu'ils interviendront à compter de cet exercice à concurrence de 50 % puis de 25 % sur les exercices suivants. A cet effet, le conseil donne tous pouvoirs au président pour procéder au remboursement demandé et généralement faire le nécessaire et décide d'introduire une résolution de réduction de capital par annulation des parts sociales d'épargne » ; l'attestation de M. T... C... qui était alors directeur général, rédigée le 2 janvier 2018, en ces termes : « ayant exercé le poste de directeur général de la coopérative LA TOUR de janvier 2010 à décembre 2014, j'avais comme le stipulent les statuts de la coopérative la responsabilité pleine et entière de la gestion du personnel. Je tiens à préciser que malgré cette responsabilité, je n'ai pas été consulté dans la décision de licencier Mme G... (manquement grave aux règles édictées dans les statuts et le règlement intérieur de la coopérative). Cela m'amène à penser que le licenciement de Mme G... est plus le licenciement de la femme de l'ex-président de la coopérative que le licenciement de la comptable de la coopérative LA TOUR qui a toujours eu un comportement irréprochable au travail. Je précise qu'il n'est pas besoin d'une assemblée générale extraordinaire pour valider la décision du conseil d'administration de rembourser la capitalisation due aux producteurs. Je précise que j'avais informé Mme G... que le conseil d'administration avait donné son accord concernant le remboursement de la capitalisation » ; certes, dans une attestation rédigée en 2013, M. C... avait attesté ne pas avoir ordonné à Mme G... d'effectuer par virement le remboursement de la capitalisation aux membres fondateurs de la coopérative ; cependant, cette attestation n'a pas été établie dans les formes légales et ne comporte pas la mention relative à l'article 441-7 du code pénal ; en outre, s'il existe un doute sur l'autorisation qui aurait été donnée à la salariée par le président, ce doute doit profiter à la salariée ; ainsi, la faute grave qui est reprochée à la salariée n'est pas établie, de sorte que le licenciement apparaît dépourvu de cause réelle et sérieuse ; la décision déférée sera donc réformée ; tenant l'âge de la salariée au moment de la rupture du contrat (49 ans), son ancienneté (31 ans) et son salaire mensuel brut (2 471,50 €), il y a lieu de lui allouer les indemnités de rupture suivantes : 4 943 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois), 494,30 € pour les congés payés afférents, 16 476,60 € à titre d'indemnité de licenciement ; la salariée ne produit aucun élément sur sa situation après la rupture de son contrat de travail, de sorte que l'indemnisation du préjudice subi du fait du caractère abusif du licenciement doit être fixée à la somme de 15 000 € (arrêt, pages 6 à 8) ;

1°/ Alors que tenu de faire respecter et de respecter lui-même le principe de la contradiction, le juge ne saurait fonder sa décision sur une pièce qui n'a pas été communiquée à la partie adverse ;

Qu'en l'espèce, pour dire le licenciement de Mme G... dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est fondée sur une attestation de M. C..., en date du 2 janvier 2018, indiquant que l'intéressé, alors directeur général de la coopérative, avait indiqué à la salariée que le conseil d'administration avait donné son accord concernant le remboursement de la capitalisation ;

Qu'en statuant ainsi, quand il ne résulte ni des conclusions d'appel de la salariée, ni du bordereau de communication de pièces annexé à ces écritures, ni des mentions de l'arrêt attaqué, que cette attestation ait été régulièrement communiquée à l'employeur en temps utile, la cour d'appel a violé le principe de la contradiction, ensemble les articles 15, 16 et 132 du code de procédure civile ;

2°/ Alors, subsidiairement, qu'aux termes de l'attestation du 2 janvier 2018 reproduite par l'arrêt attaqué, M. C... s'est borné à indiquer d'une part qu'il n'est pas besoin d'une assemblée générale extraordinaire pour valider la décision du conseil d'administration de rembourser la capitalisation due aux producteurs, d'autre part que l'intéressé avait informé Mme G... que le conseil d'administration avait donné son accord concernant le remboursement de la capitalisation ;

Qu'en se fondant sur cette attestation pour déduire que la salariée a effectué les virements litigieux avec l'autorisation des autorités compétentes, quand il ne résulte aucunement de ce témoignage que la salariée, en sa qualité de comptable, aurait été personnellement autorisée à exécuter cette opération, ni qu'elle aurait, de ce chef, bénéficié d'une délégation du président de la coopérative qui seul avait reçu tous pouvoirs pour procéder à ce remboursement, la cour d'appel a dénaturé ce document et violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1192 du même code ;

3°/ Alors qu'il résulte du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 11 mars 2013 que tout en autorisant les remboursements demandés par les coopérateurs, ledit conseil avait donné tous pouvoirs au seul président de la coopérative pour procéder auxdits remboursements ;

Qu'ainsi, en déduisant de ce procès-verbal que la salariée avait procédé aux virements litigieux avec l'autorisation des autorités compétentes, la cour d'appel a dénaturé le sens et la portée de cette pièce et, partant, a violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1192 du même code ;

4°/ Alors qu'en relevant, pour dire le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu'il résulte d'une part du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 11 mars 2013 que ledit conseil a autorisé les remboursements litigieux, d'autre part de l'attestation de M. C... en date du 2 janvier 2018 que la tenue d'une assemblée générale extraordinaire n'était pas nécessaire pour procéder auxdits remboursements, et que M. C... avait informé Mme G... que le conseil d'administration avait donné son accord concernant le remboursement de la capitalisation, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions d'appel de l'employeur (pages 7 et 8), développées oralement à l'audience, si le président ou toute autre personne autorisée avait effectivement donné l'ordre à la salariée d'effectuer les virements litigieux, la cour d'appel qui se détermine par une motivation inopérante a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L 1234-1 du code du travail.

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