15 janvier 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-13.877

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:CO00039

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 janvier 2020




Rejet


M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 39 F-D

Pourvoi n° F 18-13.877







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. C... W..., domicilié [...] ,

contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant au chef de service comptable du service des impôts des entreprises de Paris 8e La Madeleine, comptable chargé du recouvrement, domicilié en cette qualité [...],

défendeur à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 19 novembre 2019, où étaient présents : M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller, Mme Pontonnier, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. W..., de la SCP Foussard et Froger, avocat du chef de service comptable du service des impôts des entreprises de Paris 8e La Madeleine, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 décembre 2017), que l'administration fiscale a déclaré au passif de la société Etablissement Abrial (la société), mise en liquidation judiciaire, une créance portant sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la taxe sur les véhicules de société et la contribution foncière des entreprises, dues au titre des années 2012 et 2013 ; que le chef du service des impôts des entreprises de Paris 8e arrondissement (le comptable public) a assigné le gérant de la société, M. W..., sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, afin qu'il soit déclaré solidairement responsable, avec la société, du paiement des dettes fiscales de cette dernière ;

Attendu que M. W... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer, solidairement avec la société, le montant des impositions éludées
alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut déclarer le dirigeant d'une société solidairement responsable des impositions dues par celle-ci sans constater que le comptable public a vainement exercé toutes les mesures de poursuite à sa disposition pour obtenir en temps utile le paiement desdites impositions ; que les avis de mise en recouvrement ne constituent pas des actes de poursuites mais visent seulement à authentifier la créance ; que les mises en demeure sont de simples rappels à l'ordre pouvant valoir commandement de payer dans un délai de trente jours sans emporter saisie ; que seul l'avis à tiers détenteur a le même effet qu'une saisie-attribution ; qu'en se fondant sur le fait que l'administration avait envoyé une douzaine de mises en demeure entre le mois d'août 2012 et le mois d'août 2013, notifié onze avis de mise en recouvrement, et délivré un seul avis à tiers détenteur, le 20 juin 2013, pour juger que l'administration avait fait diligence pour recouvrer sa créance fiscale, sans s'expliquer sur le fait que le comptable n'avait émis qu'un seul avis à tiers détenteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales ;

2°/ qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que l'administration fiscale a délivré le premier avis de mise en recouvrement trois mois après le premier manquement de la société Etablissement Abrial relatif à la taxe sur la valeur ajoutée du mois d'avril 2012, le 8 août 2012 ; que selon l'arrêt attaqué, elle n'a délivré qu'un seul avis à tiers détenteur le 20 juin 2013, soit un an après le premier manquement en mai 2012, et dix mois après le premier avis de mise en recouvrement correspondant ; qu'en ne recherchant pas si l'administration n'avait pas tardé à émettre cet avis de mise en recouvrement, seule véritable mesure de poursuite permettant d'appréhender des fonds, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales ;

3°/ qu'une société est déclarée en cessation de paiement lorsque son actif disponible est inférieur à son passif exigible ; que cette situation n'implique pas nécessairement une absence de trésorerie ; qu'en énonçant qu'à la date de cessation des paiements de la société Etablissement Abrial, fixée au 11 mars 2012, l'avis à tiers détenteur ne pouvait être opérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que l'administration justifiait de l'envoi à la société d'une douzaine de mises en demeure de payer entre les mois d'août 2012 et août 2013 et de la notification de onze avis de mise en recouvrement, qui n'avaient produit, sur un montant total dû de 190 384,80 euros, que deux versements de 6 490 euros, lesquels n'avaient pu être recouvrés en raison de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, l'arrêt relève qu'un avis à tiers détenteur, resté sans effet, a été délivré le 20 juin 2013, que la société a déposé une déclaration de cessation des paiements au mois de juillet 2013, qu'elle a été mise en liquidation judiciaire le 11 septembre 2013 et que la créance fiscale, déclarée le 10 octobre 2013 et admise le 27 juin 2014, a été déclarée irrécouvrable le 7 janvier 2015 ; qu'en déduisant de ces constatations et appréciations, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche, que les diligences accomplies par l'administration fiscale pour recouvrer sa créance étaient suffisamment établies, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche invoquée par la deuxième branche et n'était pas tenue de s'expliquer sur la circonstance, inopérante, tenant au caractère unique de l'avis à tiers détenteur délivré, a légalement justifié sa décision ; que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. W... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. W....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. W... à payer solidairement avec la société Etablissement Abrial, la somme de 190 384,80 euros au titre des impositions éludées par cette société ;

AUX MOTIFS QUE M. W... impute au comptable la responsabilité de l'irrécouvrabilité de la créance fiscale, en invoquant sa négligence, l'absence de démonstration des poursuites engagées alors que la société était solvable jusqu'au dépôt de la déclaration de cessation des paiements, en soutenant que la société Etablissement Abrial disposait d'un actif disponible de 125 645 euros ; qu'il résulte des pièces du dossier que l'administration justifie de l'envoi d'une douzaine de mises en demeure de payer entre les mois d'août 2012 et août 2013, de la notification de 11 AMR qui n'ont produit que deux versements de 6 490 euros, lesquels n'ont pu être recouvrés en raison de la procédure de liquidation judiciaire ; un ATD a été délivré le 20 juin 2013, sans plus de succès ; que la société Etablissement Abrial a régularisé une déclaration de cessation de paiement au mois de juillet 2013, elle a été placée en liquidation judiciaire le 11 septembre 2013, la date de cessation de paiement a été fixée au 11 mars 2012, ce qui démontre que l'ATD ne pouvait opérer ; que la créance de l'administration a été déclarée le 10 octobre 2013 et admise le 27 juin 2014 ; que la créance a été déclarée irrecouvrable le 7 janvier 2015 ; que ces éléments suffisent à démontrer les diligences accomplies par l'administration fiscale ;

1°) ALORS QUE le juge ne peut déclarer le dirigeant d'une société solidairement responsable des impositions dues par celle-ci sans constater que le comptable public a vainement exercé toutes les mesures de poursuite à sa disposition pour obtenir en temps utile le paiement desdites impositions ; que les avis de mise en recouvrement ne constituent pas des actes de poursuites mais visent seulement à authentifier la créance ; que les mises en demeure sont de simples rappels à l'ordre pouvant valoir commandement de payer dans un délai de trente jours sans emporter saisie ; que seul l'avis à tiers détenteur a le même effet qu'une saisie attribution ; qu'en se fondant sur le fait que l'administration avait envoyé une douzaine de mises en demeure entre le mois d'août 2012 et le mois d'août 2013, notifié onze avis de mise en recouvrement, et délivré un seul avis à tiers détenteur, le 20 juin 2013, pour juger que l'administration avait fait diligence pour recouvrer sa créance fiscale, sans s'expliquer sur le fait que le comptable n'avait émis qu'un seul avis à tiers détenteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales ;

2°) ALORS QU' il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que l'administration fiscale a délivré le premier avis de mise en recouvrement trois mois après le premier manquement de la société Etablissement Abrial relatif à la taxe sur la valeur ajoutée du mois d'avril 2012, le 8 août 2012 ; que selon l'arrêt attaqué, elle n'a délivré qu'un seul avis à tiers détenteur le 20 juin 2013, soit un an après le premier manquement en mai 2012, et dix mois après le premier avis de mise en recouvrement correspondant ; qu'en ne recherchant si l'administration n'avait pas tardé à émettre cet avis de mise en recouvrement, seule véritable mesure de poursuite permettant d'appréhender des fonds, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales ;

3°) ALORS QU'une société est déclarée en cessation de paiement lorsque son actif disponible est inférieur à son passif exigible ; que cette situation n'implique pas nécessairement une absence de trésorerie ; qu'en énonçant qu'à la date de cessation des paiements de la société Etablissement Abrial, fixée au 11 mars 2012, l'avis à tiers détenteur ne pouvait être opérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales.

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