30 janvier 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-24.855

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:C200142

Texte de la décision

CIV. 2

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 janvier 2020




Cassation sans renvoi


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 142 F-D

Pourvoi n° P 18-24.855




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2020

M. G... M..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° P 18-24.855 contre l'arrêt rendu le 11 septembre 2018 par la cour d'appel de Lyon (8e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Antinéa courtage d'assurances, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Ginet Courtage d'assurances,

2°/ à M. V... U..., domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de M. M..., de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Antinéa courtage d'assurances et de M. U..., et l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 18 décembre 2019 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brouard-Gallet, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se plaignant d'agissements déloyaux commis par un ancien salarié, M. U..., et la société Ginet courtage d'assurances, devenue la société Antinéa courtage d'assurances, (la société Antinéa), M. M... a saisi le président d'un tribunal de grande instance à fin de voir désigner un huissier de justice pour effectuer diverses mesures sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ; que les requêtes ayant été accueillies, la société Antinéa a saisi un juge des référés pour obtenir la rétractation des deux ordonnances ainsi que la destruction des pièces saisies et l'interdiction faite sous astreinte à M. M... de faire usage des constats d'huissier de justice ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 145 et 812 du code de procédure civile ;

Attendu que pour infirmer l'ordonnance de référé du 27 novembre 2017 et rétracter les ordonnances sur requête rendues les 15 octobre 2013 et 4 juillet 2014 par le président du tribunal de grande instance de Lyon, l'arrêt retient que si les requêtes font état de l'embauche de son ancien salarié par une société concurrente, du transfert des contrats d'assurance de clients du cabinet au profit de la société Ginet courtage au cours du préavis et invoquent des faits de concurrence déloyale et une clause du contrat de M. U... lui interdisant de reprendre les contrats en cas de cessation de ses fonctions, elles ne contiennent aucun argumentaire sur la nécessité de déroger au principe de la contradiction pas même de manière générale, et encore moins de manière spécifique à l'affaire, la simple affirmation que « tel est le cas en l'espèce » n'étant pas susceptible de constituer une motivation de fait, de même que l'argumentaire très général sur le fait d'éveiller les soupçons et l'évocation de manoeuvres sans plus de précisions et qu'enfin, ces circonstances ne peuvent se déduire du simple énoncé des faits reprochés à M. U... et d'une suspicion de parasitisme ou concurrence déloyale ;

Qu'en statuant ainsi, alors que M. M... exposait dans ses requêtes qu'il était fondé à ne pas appeler la partie adverse pour éviter des manoeuvres destinées à faire échec à la démonstration des faits de concurrence déloyale, justifiant que l'effet de surprise était une condition de la réussite de la mesure sollicitée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen :

Attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt relatives à la rétractation des ordonnances rendues sur requête entraîne la cassation, par voie de conséquence, des autres chefs de dispositif, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Confirme l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Lyon du 27 novembre 2017 ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée devant les juges du fond par M. U... et la société Antinéa courtage ;

Dit que les dépens afférents à l'instance d'appel seront supportés par M. U... et la société Antinéa courtage ;

Condamne M. U... et la société Antinéa courtage d'assurances aux dépens de cassation ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. M... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. M...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé l'ordonnance qui lui était déférée et d'AVOIR rétracté les ordonnances sur requête rendues le 15 octobre 2013 et 4 juillet 2014 par le président du tribunal de grande instance de Lyon,

AUX MOTIFS QU'aux termes des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, « s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé » ; que conformément aux termes de l'article 493 du code de procédure civile, « l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse » ; que l'article 812 du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal de grande instance peut ordonner sur requête toutes mesures urgentes « lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement » ; qu'il appartient, au vu des dispositions ci-dessus rappelées, au requérant d'expliciter dans sa demande d'ordonnance sur requête les circonstances justifiant une dérogation au principe de la contradiction et que ces mêmes circonstances doivent également résulter de l'ordonnance du juge ; qu'en l'espèce, les requêtes à fin de constat présentée par M. G... M... indiquent dans leur paragraphe intitulé « A propos de l'urgence », après que les faits aient été exposés et après rappel des dispositions de l'article 802 du code de procédure civile sur l'exigence d'expliciter des circonstances justifiant de déroger au principe du contradictoire, que « tel est le cas en l'espèce. En effet, il convient d'éviter les manoeuvres adverses pour faire échec à la démonstration de la concurrence déloyale dont se rend coupable M. U... » ; qu'elles précisent cependant dans les faits que « pour obtenir cette preuve, M. G... M... peut faire délivrer une sommation interpellative à l'intéressé, M. U..., d'avoir à préciser pour qui il travaille aujourd'hui mais ce serait là éveiller les soupçons et peut être le conduire à manoeuvrer de sorte qu'il soit fait échec ultérieurement à la démonstration de la concurrence déloyale dont il se rend coupable » ; que si la requête fait état de l'embauche son ancien salarié par une société concurrente, du transfert des contrats d'assurance de clients du cabinet au profit de la société Ginet au cours du préavis, et invoque des faits de concurrence déloyale, d'une clause du contrat de M. U... lui interdisant de reprendre les contrats en cas de cessation de ses fonctions, elles ne contiennent aucun argumentaire sur la nécessité de déroger au principe de la contradiction pas même de manière générale, et encore moins de manière spécifique à l'affaire ; que la simple affirmation que tel est le cas en l'espèce ne saurait constituer une quelconque motivation de fait ; qu'il en est de même de l'argumentaire très général sur le fait d'éveiller les soupçons et l'évocation de manoeuvres sans plus de précisions ; que les requêtes ne sont donc pas motivées sur la nécessité de déroger au principe du contradictoire, celle-ci ne pouvant se déduire du simple énoncé des faits reprochés à M. U... et d'une suspicion de parasitisme ou concurrence déloyale ; que l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Lyon désignant l'huissier ne satisfait pas plus aux exigences de motivation posées par les dispositions du code de procédure civile puisqu'elle se borne à viser la requête et les pièces qui y sont annexées sans comporter aucune référence à la dérogation au principe de la contradiction et encore moins une motivation sur les circonstances justifiant d'y déroger ; qu'en conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance rendue le 27 novembre 2017 et de rétracter les ordonnances sur requête du 15 octobre 2013 et 4 juillet 2014, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de contestation soulevés,

1- ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en s'abstenant de répondre au moyen articulé par les conclusions de M. M..., tiré de ce que l'argumentation d'appel de la société Ginet Courtage d'assurances était irrecevable, car contraire à l'argumentation avancée en première instance et donc incompatible avec le principe de cohérence, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

2- ALORS, en tout état de cause, QUE l'ordonnance sur requête est suffisamment motivée, sur la nécessité de déroger au principe de la contradiction, lorsqu'elle renvoie à la requête ayant dénoncé des faits de concurrence déloyale et souligné la nécessité d'avoir recours à une procédure non contradictoire pour garantir un effet de surprise nécessaire à la preuve de ces faits ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la requête initiale de M. M... avait fait état de faits de concurrence déloyale et souligné la nécessité de déroger au principe de la contradiction, en n'ayant pas recours à une « sommation interpellative », et ceci pour ne pas « éveiller les soupçons » et ainsi « éviter les manoeuvres adverses » susceptibles de « faire échec à la démonstration de la concurrence déloyale » ; qu'en jugeant pourtant que la requête, et l'ordonnance qui y renvoyait, n'avaient pas suffisamment motivé la nécessité de déroger au principe de la contradiction, la cour d'appel a violé les articles 145 et 493 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR annulé les opérations de constat et les constats dressés par Me C... Q... les 3 décembre 2013 et 7 août 2014 en exécution des ordonnances rétractées, d'AVOIR ordonné la destruction de l'intégralité des éléments saisis par l'huissier, des procès-verbaux de constat établis en exécution des deux ordonnances, ainsi que de toute copie et interdit toute communication procédurale, d'AVOIR interdit à M. M... de faire état ou usage des constats et de toute pièce annexée ou prélevée et d'AVOIR condamné M. M... à payer à M. U... et à la société Ginet Courtage d'assurances la somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS QUE dans la mesure où les ordonnances sont rétractées, la cour est compétente pour statuer sur les demandes en découlant, à savoir la demande de destruction de l'intégralité des éléments saisis par l'huissier, des procès-verbaux de constat établis en exécution des deux ordonnances, ainsi que de toute copie et en interdire toute communication procédurale, comme l'interdiction à M. M... de faire état ou usage des constats et de toute pièce annexée ou prélevée ; que ces demandes doivent être accueillies dès lors que les ordonnances sont rétractées, les pièces saisies l'ayant été sans titre régulier,

ALORS QUE la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que pour faire droit aux demandes d'annulation des opérations de constat et des constats dressés les 3 décembre 2013 et 7 août 2014, de destruction des éléments saisis et des procès-verbaux dressés, et d'interdiction d'utilisation de ces documents, la cour d'appel s'est fondée sur le fait que, les ordonnances ayant autorisé les mesures d'instruction ayant été rétractées, les pièces avaient été saisies sans titre régulier ; que dès lors, la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen, lequel conteste la rétractation des ordonnances, justifie la cassation des chefs de dispositif attaqués par le présent moyen, par application de l'article 624 du code de procédure civile.

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