29 janvier 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-10.967

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:CO00127

Titres et sommaires

CONCURRENCE - Pratique anticoncurrentielle - Entente illicite - Conditions - Restriction de concurrence par objet - Principe d'interprétation restrictive - Méconnaissance - Applications diverses

La CJUE a rappelé que, s'agissant de la notion de restriction par objet, au sens des articles 101, § 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-1 du code de commerce, elle « a jugé que celle-ci doit être interprétée de manière restrictive et ne peut être appliquée qu'à certains types de coordination entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour qu'il puisse être considéré que l'examen de leurs effets n'est pas nécessaire. Cette jurisprudence tient à la circonstance que certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence » (CJUE, 26 novembre 2015, Sia Maxima Latvija, C-345/14 point 18). Méconnaît ce principe d'interprétation restrictive de la notion de restriction de concurrence par objet la cour d'appel qui, en l'absence d'expérience acquise pour un certain type de commissions interbancaires, se fonde sur la présomption d'une répercussion nécessaire de ces commissions sur les prix finaux, prise du financement du service de chèque par subventions croisées et d'un principe général de répercussion par tout opérateur économique de tout élément de coût sur les prix finaux

UNION EUROPEENNE - Concurrence - Entente et position dominante - Entente - Conditions - Restriction de concurrence par objet - Principe d'interprétation restrictive - Méconnaissance - Applications diverses

Texte de la décision

COMM.

JT



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 29 janvier 2020




Cassation partielle


Mme MOUILLARD, président



Arrêt n° 127 FS-P+B


Pourvois n°
T 18-10.967
E 18-11.001 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 JANVIER 2020

I -

1°/ La société Banque postale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ La Confédération nationale du crédit mutuel, dont le siège est [Adresse 11],

3°/ La société BNP Paribas, société anonyme, dont le siège est [Adresse 5],

4°/ La société BPCE, société anonyme, dont le siège est [Adresse 9],

5°/ La société Crédit industriel et commercial, société anonyme, dont le siège est [Adresse 10],

ont formé le pourvoi n° T 18-10.967 contre l'arrêt rendu le 21 décembre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7) dans le litige les opposant :

1°/ à la présidente de l'Autorité de la concurrence, domiciliée [Adresse 2],

2°/ au ministre de l'économie de l'industrie et du numérique, domicilié [Adresse 12],

défendeurs à la cassation ;

En intervention de :

1°/ La société Le Crédit lyonnais, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],

2°/ La Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8],

3°/ La société Crédit agricole, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ La société Le Crédit du Nord, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7],

5°/ La société HSBC France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

II -

1°/ La Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 8],

2°/ La société Le Crédit agricole, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ La société HSBC France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

4°/ La société Le Crédit du Nord, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7],

5°/ La société Le Crédit Lyonnais, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],

ont formé le pourvoi n° E 18-11.001 contre le même arrêt rendu le 21 décembre 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7) dans le litige les opposant :

1°/ à la présidente de l'Autorité de la concurrence,

2°/ au ministre de l'économie de l'industrie et du numérique,

défendeurs à la cassation ;

Les demanderesses au pourvoi n° T 18-10.967 invoquent, à l'appui de leur recours, six moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les demanderesses au pourvoi n° E 18-11.001 invoquent, à l'appui de leur recours, six moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, de la société Le Crédit agricole, de la société HSBC France, de la société Le Crédit du Nord et de la société Le Crédit Lyonnais, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de La société Banque postale, de la Confédération nationale du crédit mutuel, de la société BNP Paribas, de la société BPCE et de la société Crédit industriel et commercial, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la présidente de l'Autorité de la concurrence, et l'avis de Mme Pénichon, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2019 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, Mmes Darbois, Pomonti, Daubigney, Sudre, M. Ponsot, conseillers, Mmes de Cabarrus, Lion, Lefeuvre, conseillers référendaires, Mme Pénichon, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° T 18-10.967 et n° E 18-11.001 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 décembre 2017), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 14 avril 2015, pourvoi n° 12-15.971), et les productions, le Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence (l'Autorité), s'est, le 29 avril 2003, saisi d'office de la situation de la concurrence concernant les tarifs et les conditions liées appliqués par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis par les entreprises aux fins d'encaissement.

3. Le 14 mars 2008 ont été notifiés, à, notamment, la Confédération du Crédit mutuel, la Caisse nationale des Caisses d'épargne, devenue BPCE, et aux sociétés Crédit agricole, BNP-Paribas, Société générale, Banque fédérale des banques populaires, également devenue BPCE, La Banque postale, LCL (Le Crédit lyonnais), HSBC, Crédit industriel et commercial-CC, Crédit du Nord (les banques), au visa des articles L. 420-1 du code de commerce, 81 du traité CE, devenu 101 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), des griefs pour s'être entendues, à l'occasion de la mise en place d'un système dématérialisé de compensation des chèques, dit « échange image chèque » (EIC), sur l'instauration de diverses commissions interbancaires, soit une commission fixe de 4,3 centimes d'euro par chèque, dite commission d'échange image chèque (CIEC), versée par la banque remettante à la banque tirée à l'occasion de chaque paiement par chèque et destinée à compenser la perte de trésorerie subie par la banque tirée du fait de la réduction du temps de traitement des chèques, pour une période de trois ans, et huit commissions occasionnelles dites commissions pour services connexes (CSC), parmi lesquelles les commissions d'annulation d'opérations compensées à tort (AOCT), également uniformes, liées à certains services rendus par les banques pour l'exécution des paiements par chèques dans le nouveau système.

4. Par une décision n° 10-28 du 20 septembre 2010, l'Autorité a dit que les banques avaient, en instaurant entre elles la CIEC et les commissions AOCT, enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce et celles de l'article 81 du traité CE, devenu l'article 101 § 1 du TFUE, leur a infligé des sanctions pécuniaires et a prononcé des injonctions.

5. Les banques ont formé un recours contre cette décision.

Examen des moyens

Sur les premiers moyens des pourvois n° T 18-10.967 et n° E 18-11. 001, pris en leurs quatrième et septième branches, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé du moyen

6.Les banques font grief à l'arrêt de ne réformer que très partiellement la décision en réduisant les sanctions et de rejeter leur recours pour le surplus alors :

« 1°/ que la notion de restriction de la concurrence « par objet » devant être interprétée de manière stricte et son application ainsi réservée aux types de coordination entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour rendre l'examen de leurs effets superflu, le juge ne saurait tenir pour équivalente à un cartel ayant pour objet la fixation horizontale de prix de vente la pratique consistant, de la part des opérateurs d'un marché, à fixer de concert un simple élément, parmi d'autres, du coût de revient des services qu'ils commercialisent, en se fondant sur un postulat aussi abstrait et incertain que celui qui consiste à présumer que tout commerçant rationnel viendra mécaniquement répercuter tout surcoût qu'il pourrait subir dans les prix de ses services, soit directement, soit indirectement par la voie de subventions croisées ; qu'en retenant néanmoins qu'« une commission versée par la banque du remettant à la banque du tiré est nécessairement de façon directe ou indirecte répercutée sur les prix » et conduit donc « nécessairement à une augmentation des prix finaux », la cour d'appel a méconnu le principe d'interprétation stricte des restrictions de concurrence par objet, violant de plus fort les textes susvisés.

2°/ que ne doivent être considérés comme restrictifs de concurrence par objet que les comportements dont le caractère nocif est, au vu de l'expérience acquise et de la science économique, avéré et facilement décelable ; qu'en se bornant à affirmer, sans citer la moindre source propre à étayer une telle assertion, « qu'une pratique consistant, pour tous les opérateurs d'un secteur, à fixer en commun un élément artificiel de coût, au surplus sans réelle étude des éléments visant à l'évaluation de ce coût » est foncièrement nocive pour le jeu de la concurrence, puis à relever qu'« il ne ressort pas de la jurisprudence de l'Union qu'une commission interbancaire telle que celle de l'espèce aurait été jugée comme non constitutive d'une pratique anticoncurrentielle par objet, au motif qu'elle n'était pas assortie d'un accord de répercussion sur la clientèle » (§. 221), quand il lui appartenait de caractériser de manière positive l'existence d'une pratique décisionnelle ou jurisprudentielle des autorités et juridictions de l'Union qui aurait permis de justifier de ce qu'une commission interbancaire telle que la CEIC présentait le degré de nocivité suffisant pour la concurrence pour rendre l'examen de ses effets superflu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ; »

Réponse de la Cour

Vu les articles 101 § 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce :

7. La CJUE a rappelé que, s'agissant de la notion de restriction par objet, elle « a jugé que celle ci doit être interprétée de manière restrictive et ne peut être appliquée qu'à certains types de coordination entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour qu'il puisse être considéré que l'examen de leurs effets n'est pas nécessaire. Cette jurisprudence tient à la circonstance que certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence » (CJUE, 26 novembre 2015, Sia Maxima Latvija, C-345/14 point 18).

8. Pour décider que la CIEC et les commissions AOCT avaient un objet anticoncurrentiel, réduire les sanctions prononcées contre certaines banques et rejeter les recours pour le surplus, l'arrêt retient que, s'agissant de la CIEC, l'accord prévoyant son instauration a, pour maintenir les équilibres financiers entre les banques, introduit un élément artificiel de coût pour les banques remettantes et de recette pour les banques tirées, ce caractère artificiel résultant de ce que la CIEC ne correspondait à aucun service rendu entre elles. En ce qui concerne les commissions AOCT, il constate que leur montant a été fixé d'un commun accord à un niveau unique, identique d'une banque à l'autre, sans tenir compte des coûts propres de chacune d'entre elles, de sorte que la création de ces commissions a substitué à des profils de coûts diversifiés une charge financière uniforme, commune à toutes les banques pour ces services connexes.

9. Il relève que, pour la rémunération des services qu'elles proposent, les banques recherchent la rentabilité globale au niveau de chaque client et non service par service, qu'ainsi, dans le cadre de cette relation globale, tous les flux de paiement (cartes bancaires, chèques, espèces etc.), les crédits, les placements ou encore la gestion du compte peuvent être pris en compte par la banque afin de déterminer le prix des services bancaires qui seront facturés à un client donné, aboutissant ainsi à ce que, par un système dit de subventions croisées, un service puisse être proposé à un prix impliquant une perte si un autre poste permet de couvrir cette perte.

10. Il retient en conséquence que, par l'accord litigieux, les banques ont fait obstacle à leur liberté de détermination de leurs tarifs, et indirectement des prix, puisque ces commissions devaient nécessairement, compte tenu du système de financement des services bancaires par subventions croisées et du fait que les banques doivent, comme toute entreprise, couvrir leurs coûts, être répercutées sur les prix. Rappelant ensuite que les comportements consistant, pour les opérateurs d'un marché, à se concerter et à fixer ensemble un élément de leurs coûts, en ce qu'ils font obstacle à la libre fixation des prix qui doivent prévaloir sur les marchés, entrent dans la catégorie des accords ayant pour objet la fixation des prix et sont particulièrement nocifs pour le jeu de la concurrence, il en déduit que sont ainsi caractérisées des pratiques anticoncurrentielles par objet.

11. En statuant ainsi, en se fondant sur la présomption, contestée, d'une répercussion nécessaire des commissions litigieuses sur les prix finaux, prise du financement du service de chèque par subventions croisées et d'un principe général de répercussion par tout opérateur économique de tout élément de coût sur les prix finaux, la cour d'appel qui, en l'absence d'expérience acquise pour ce type de commissions interbancaires, a méconnu le principe d'interprétation restrictive de la notion de restriction de concurrence par objet, a violé les textes susvisés.

Et sur ces moyens, pris en leur onzième branche, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé du moyen

12. Les banques font le même grief à l'arrêt alors « que la cour d'appel a constaté que l'accélération des échanges résultant de la dématérialisation des opérations de compensation des chèques avait pour effet mécanique d'entraîner une modification des équilibres de trésorerie entre banques majoritairement tirées et banques majoritairement remettantes, les premières étant débitées plus rapidement et perdant donc plus tôt la disposition des fonds qu'elles plaçaient jusqu'alors à leur profit, et les secondes étant au contraire créditées plus rapidement et pouvant donc placer plus vite ces mêmes fonds à leur profit, et que la commission d'échange d'images chèques (CEIC) avait pour objet de compenser ce transfert de revenus d'une banque à une autre afin de partager les conséquences financières de l'accélération de l'échange des chèques permise par la dématérialisation du système ; qu'en affirmant néanmoins que « l'accord litigieux avait dès lors pour finalité de maintenir les équilibres financiers des banques, et donc aussi les équilibres entre elles sur le marché », sans préciser les éléments sur lesquels elle fondait cette déduction selon laquelle la finalité de l'accord aurait été de figer les parts de marché des banques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce. »

Réponse de la cour

Vu les articles 101 § 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce :

13. Pour décider que la CIEC avait un objet anticoncurrentiel, réduire les sanctions prononcées contre certaines banques et rejeter les recours pour le surplus, l'arrêt constate que l'accélération des échanges résultant de la dématérialisation des opérations de compensation des chèques avait pour effet mécanique d'entraîner une modification des équilibres de trésorerie entre banques majoritairement tirées et banques majoritairement remettantes, les premières étant débitées plus rapidement et perdant donc plus tôt la disposition des fonds qu'elles plaçaient jusqu'alors à leur profit, et les secondes étant au contraire créditées plus rapidement et pouvant donc placer plus vite ces mêmes fonds à leur profit. Il retient que la CIEC ne constitue pas une rémunération mais un transfert de revenus d'une banque à une autre afin de partager les conséquences financières de l'accélération de l'échange des chèques permise par la dématérialisation du système. Il ajoute que la CIEC a introduit pour les banques une charge ayant pour finalité de maintenir les équilibres financiers qui existaient entre elles au moment de l'entrée en vigueur de l'EIC.

14. Il en déduit que les banques ont, par l'instauration de cette commission, fait en sorte que la dématérialisation de l'encaissement, qui entraînait de nombreuses transformations dans leurs méthodes et était porteuse de gains et de pertes, n'emporte aucune modification dans la structure de marché, de sorte que la pratique est particulièrement nocive au regard de son impact sur le jeu de la concurrence et, partant, caractérise une pratique anticoncurrentielle par objet.

15. En se déterminant ainsi, sans préciser les éléments sur lesquels elle se fondait pour affirmer que la recherche du maintien des équilibres financiers entre les banques conduisait à la cristallisation de la structure de marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, réformant la décision n° 10-D-28, il prononce les sanctions pécuniaires suivantes :

- 57 830 000 euros pour le premier grief et de 580 000 euros pour le second grief à l'encontre de la société BNP Paribas,

- 75 800 000 euros pour le premier grief et de 760 000 euros pour le second grief à l'encontre de la société Crédit agricole,

- 29 590 000 euros pour le premier grief et de 290 000 euros pour le second grief à l'encontre de la société La Banque postale,

- 48 260 000 euros pour le premier grief et de 480 000 euros pour le second grief à l'encontre de la société BPCE venant aux droits de la société CE Participations,

et en ce qu'il rejette les recours pour le surplus et toutes autres demandes des parties, l'arrêt rendu, le 21 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la présidente de l'Autorité de la concurrence aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du directeur de greffe de la Cour de cassation, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la Commission européenne, à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'économie en application de l'article R. 470-2 du code de commerce.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille vingt.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour
La société Banque postale, la Confédération nationale du crédit mutuel, la société BNP Paribas, société BPCE et la société Crédit industriel et commercial, demanderesses au pourvoi n° T 18-10.967

PREMIER MOYEN DE CASSATION

- sur l'objet anticoncurrentiel des commissions interbancaires litigieuses -

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les recours formés par les sociétés Confédération Nationale du Crédit Mutuel, (CNCM), et Crédit Industriel et Commercial, (CIC), à l'encontre de la décision n° 10-D-28 rendue le 20 septembre 2010 par l'Autorité de la concurrence et, statuant à l'égard des sociétés Banque Postale, BNP Paribas et BPCE, de n'AVOIR que très partiellement réformé cette décision, en ramenant les sanctions prononcées à leur encontre à hauteur, respectivement, de 29.590.000 euros et 290.000 euros, 57. 830. 000 euros et 580.000 euros et 48. 260. 000 euros et 480. 000 euros, puis rejeté leur recours pour le surplus ;

AUX MOTIFS QUE : Sur la CEIC 180. La Cour de justice a rappelé, aux points 49 à 51 de son arrêt Groupement des cartes bancaires, les principes commandant l'existence d'une restriction par objet :

« 49.[...] il ressort de la jurisprudence de la Cour que certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour qu'il puisse être considéré que l'examen de leurs effets n'est pas nécessaire (voir en ce sens, notamment, arrêts du 30 juin 1966, LTM, 56/65, EU:C:1966:38, points 359 et 360 ; du 20 novembre 2008, Beef Industry Development et Barry Brothers, C-209/07, EU:C:2008:643, point 15 ; ainsi que du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C-32/11, EU:C:2013:160, point 34 et jurisprudence citée).

50. Cette jurisprudence tient à la circonstance que certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (voir en ce sens, notamment, arrêt Allianz Hungária Biztosító e.a., EU:C:2013:160, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

51. Ainsi, il est acquis que certains comportements collusoires, tels que ceux conduisant à la fixation horizontale des prix par des cartels, peuvent être considérés comme étant tellement susceptibles d'avoir des effets négatifs sur, en particulier, le prix, la quantité ou la qualité des produits et des services qu'il peut être considéré inutile, aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, de démontrer qu'ils ont des effets concrets sur le marché (voir en ce sens, notamment, arrêt du 30 janvier 1985, Clair, 123/83, EU:C:1985:33, point 22). En effet, l'expérience montre que de tels comportements entraînent des réductions de la production et des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs. »

181. Aux points 57 et 58 du même arrêt, la Cour de justice a rappelé que « la notion de restriction de concurrence "par objet" ne peut être appliquée qu'à certains types de coordination entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour qu'il puisse être considéré que l'examen de leurs effets n'est pas nécessaire » et elle a précisé que le caractère de nocivité en soi à l'égard de la concurrence de la coordination en cause était le « critère juridique essentiel » pour déterminer que l'examen des effets n'était pas nécessaire.

182. Enfin, elle a précisé, au point 53 dudit arrêt que, « selon la jurisprudence de la Cour, il convient, afin d'apprécier si un accord entre entreprises ou une décision d'association d'entreprises présente un degré suffisant de nocivité pour être considéré comme une restriction de concurrence par "objet" au sens de l'article 81, paragraphe 1,CE de s'attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu'il vise à atteindre ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel il s'insère. Dans le cadre de l'appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question (voir, en ce sens, arrêt Allianz Hungária Biztosító e.a., EU:C:2013:160, point 36 ainsi que jurisprudence citée) » (mentions mises en relief par la cour d'appel).

183. En l'espèce, la cour relève que la décision attaquée énonce au paragraphe 364 que, « pour constituer une infraction par objet, la pratique en cause doit permettre, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'elle puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur la concurrence » et qu' « ainsi, pour être qualifié de restriction de la concurrence par objet, il suffit qu'un accord soit susceptible de produire des effets négatifs sur le jeu de la concurrence ». Cette motivation n'est pas conforme aux principes applicables tels que rappelés par l'arrêt Groupement des cartes bancaires (point 58), intervenu postérieurement à cette décision, aux termes duquel la notion de restriction de concurrence « par objet » ne peut être appliquée « qu'à certains » types de coordination entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour qu'il puisse être considéré que l'examen de leurs effets n'est pas nécessaire. Une telle qualification implique donc que soit déterminé le degré de nocivité de la pratique incriminée.

184. Par ailleurs, la cour relève également que, contrairement à ce que soutiennent plusieurs parties, la Cour de justice, dans l'arrêt Groupement des cartes bancaires, ne limite pas l'examen du contexte à la seule possibilité de conclure que la pratique en cause n'est pas anticoncurrentielle par objet, mais considère expressément, au point 53 de cet arrêt, qu'« (...) il convient, afin d'apprécier si un accord entre entreprises ou une décision d'association d'entreprises présente un degré suffisant de nocivité pour être considéré comme une restriction de concurrence "par objet" au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE de s'attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu'il vise à atteindre ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel il s'insère ».

185. Il convient dès lors, en application de ces principes ci-dessus rappelés, d'examiner la teneur des dispositions de l'accord du 3 février 2000, les objectifs qu'il visait à atteindre, ainsi que le contexte économique et juridique dans lequel il s'insérait afin de déterminer s'il constitue une pratique d'une nocivité potentielle suffisante pour le libre jeu de la concurrence, ce qui dispenserait d'en rechercher les effets concrets.

186. L'accord du 3 février 2000 prévoyait que les banques remettantes verseraient aux banques tirées un montant fixe par chèque tiré de 4,3 centimes d'euros, la CEIC. Il était convenu que ces conditions s'appliqueraient pendant trois ans, mais il n'est pas contesté que les parties à l'accord ne se sont pas réunies pour réévaluer, comme elles l'avaient prévu, le principe et le niveau des commissions et que ce n'est que par une décision collégiale du 4 octobre 2007, que la CEIC a pris fin avec effet rétroactif au 1er juillet 2007.

187. Le fonctionnement du mécanisme impliquait que toutes les banques remettantes et tirées appliqueraient la CEIC sans pouvoir s'en exonérer. Il était toutefois prévu que « le montant de la commission est toujours un maximum. Un établissement peut facturer des montants inférieurs à certains confrères ».

188. Cet accord s'insérait dans le mécanisme économique particulier qu'est le chèque, décrit précédemment au paragraphe 152, c'est à dire caractérisé par la gratuité de la délivrance des formules de chèques, laquelle nécessite que les banques puissent financer cette activité de façon indirecte et qu'elles procèdent, notamment, au financement croisé entre activités.

189. Il n'est pas contesté par les parties que l'objectif premier de la CEIC était de permettre aux banques, en particulier à celles qui étaient majoritairement tirées, de ne pas subir de pertes du fait de l'accélération de l'encaissement des chèques, résultant de la mise en place de sa dématérialisation, et de la perte consécutive de « float » (décision attaquée § 360). L'accord litigieux avait dès lors pour finalité de maintenir les équilibres financiers des banques, et donc aussi les équilibres entre elles sur le marché. Cet objectif ressort clairement du document intitulé « Synthèse du rapport sur les conditions entre banques de l'EIC », établi par le groupe de travail restreint de la CIR (cote 922, page 3) selon lequel :

« Au sein du groupe de travail un nombre significatif d'établissements font l'analyse suivante :

• le maintien global des équilibres interbancaires actuels est justifié pour éviter que l'EIC ne soit une réforme ne profitant qu'aux remettants au détriment de l'ensemble de la profession,

• le règlement à J + 2 qui permettrait de maintenir ces équilibres, ne tiendrait pas devant les pressions basées sur l'argument que le passage des échanges papier à la télétransmission ne doit pas avoir pour effet un allongement du délai entre échange et règlement.

• la combinaison d'une commission fixe versée par la banque du remettant et d'un raccourcissement des délais permet de maintenir les équilibres globaux mais modifie l'équilibre individuel de chaque établissement. C'est toutefois une solution qui va dans la logique de la rémunération des services par des commissions fixes et non par des floats, logique appliquée aux moyens de paiement concurrents ».

190. Pour maintenir les équilibres financiers, l'accord a introduit un élément artificiel de coût pour les banques remettantes et de recette pour les banques tirées, ce caractère artificiel résultant de ce que la CEIC ne correspondait à aucun service rendu entre banques.

191. De cette façon, les banques en cause ont fait obstacle à leur liberté de détermination de leurs tarifs et indirectement des prix, puisque la CEIC devait nécessairement, compte tenu du système de financement des comptes bancaires et du fait que les banques doivent, comme toute entreprise, nécessairement couvrir leurs coûts, être répercutée sur les prix.

192. Or il est connu et reconnu par l'expérience acquise et la science économique que les accords visant à maintenir les équilibres entre opérateurs en concurrence sur un marché sont particulièrement nocifs pour le jeu de la concurrence en ce qu'ils aboutissent à amoindrir le degré de concurrence entre eux et à figer le marché.

193. De même, les comportements consistant pour les opérateurs d'un marché à se concerter et fixer ensemble un élément de leurs coûts sont particulièrement nocifs pour le jeu de la concurrence, car ils font obstacle à la libre fixation des prix qui doit prévaloir sur les marchés. Ainsi, au point 21 des lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité (2004/C 101/08), la Commission européenne cite les pratiques de fixation des prix comme exemple des comportements qui, au regard des objectifs poursuivis par les règles communautaires de concurrence, sont tellement susceptibles d'avoir des effets négatifs sur la concurrence, qu'il est inutile, aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE (devenu l'article 101, paragraphe 3, du TFUE), de démontrer qu'ils ont des effets concrets sur le marché. Dans ses observations d'amicus curiae, devant la Cour de cassation, la Commission européenne a indiqué qu'« un accord qui fixe de façon directe ou indirecte les prix de vente et fausse l'évolution normale des prix sur le marché est une restriction suffisamment grave pour pouvoir être qualifiée de restriction par objet ». Dans un arrêt du 27 avril 2017, FSL e.a./Commission, (C-469/15 P, point 107), la Cour de justice a rappelé que, pour les accords de prix ou les accords ayant pour objet la fixation des prix, « qui constituent des violations particulièrement graves de la concurrence, l'analyse du contexte économique et juridique dans lequel la pratique s'insère peut [...] se limiter à ce qui s'avère strictement nécessaire en vue de conclure à l'existence d'une restriction de la concurrence par objet ».

194. Si elles n'ont pas directement concerné un prix de vente, les pratiques en cause en l'espèce ont néanmoins consisté en la fixation en commun du montant de la commission interbancaire relative à l'encaissement des chèques. Ces pratiques entrent dans la catégorie des accords ayant pour objet la fixation des prix, car elles ont, pour le jeu de la concurrence, les mêmes effets nocifs d'augmentation des prix ou d'entrave à leur baisse.

195. Cette analyse est confirmée par la communication de la Commission européenne relative à l'application des règles de concurrence de la Communauté européenne aux systèmes de virement transfrontaliers (95/C 251/03), qui énonce, au point 40, notamment, que « tout accord sur une commission interbancaire multilatérale est une restriction de la concurrence relevant de l'article 81 paragraphe 1, car il limite de manière importante la liberté des banques d'établir individuellement leur politique de tarification. Cette restriction risque en outre de fausser le comportement des banques vis-à-vis de leurs clients ». Si, comme l'indique la société BNP Paribas, le point 42 de la même communication énonce ensuite que, « si la concurrence entre systèmes est suffisamment forte, les effets de la commission interbancaire sur les tarifs appliqués à la clientèle pourraient en être réduits. Dans une telle situation, l'effet restrictif de la commission interbancaire multilatérale pratiquée dans le cadre d'un seul système pourrait rester négligeable », cette réserve, relative aux effets et non à la nocivité de la pratique, énoncée sous condition d'une vive concurrence entre opérateurs et au conditionnel, n'amoindrit pas le principe précédemment énoncé au point 40.

196. C'est à juste titre que, sur ce point, l'Autorité s'est référée à l'arrêt de la Cour de justice Tmobile Netherlands e.a., précité, qui a rappelé le principe selon lequel une pratique d'entente anticoncurrentielle par objet peut aussi résulter d'une concertation sur un élément de coût et non directement sur les prix.

197. La cour d'appel relève que, si, au point 37 de cet arrêt, la Cour de Justice a retenu, comme le fait observer la société HSBC France, que les rémunérations des vendeurs, sur lesquelles les parties avaient échangé des informations, constituaient des éléments déterminants dans la fixation des prix au consommateur final, cette circonstance propre à cette affaire n'a pas conduit la Cour de Justice à préciser que seule une concertation sur un coût prenant une part importante dans la fixation d'un prix constitue une pratique anticoncurrentielle par objet. Au contraire, elle indique dans le même point qu'il ressort de l'article 81, paragraphe 1, sous a), CE qu'une pratique concertée peut avoir un objet anticoncurrentiel si elle consiste à « fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction » et, au point 39 dudit arrêt, que l'existence d'un objet anticoncurrentiel ne saurait être subordonnée à celle d'un lien direct de la pratique avec les prix à la consommation. Sur ce point, la cour relève encore que la Cour de justice précise, au point 38 de l'arrêt T-Mobile Netherlands e.a., précité, que « l'article 81 CE vise, à l'instar des autres règles de concurrence énoncées dans le traité, à protéger non pas uniquement les intérêts directs des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle ».

198. En l'espèce, les banques en cause ont décidé d'introduire dans les charges des banques remettantes un élément artificiel de coût (voir § 204 et suivants) dont elles avaient fixé le montant en concertation, qui s'appliquait de façon systématique à chaque remise de chèque par toute banque remettante et avait pour vocation reconnue que les effets de la dématérialisation de l'encaissement ne pèsent pas sur les banques tirées et n'entraînent pas des déséquilibres financiers. Ce faisant, elles ont fait en sorte, d'une part, que le jeu de la concurrence ne s'applique pas entre elles à l'occasion de la remise de chèques et, d'autre part, que la dématérialisation de l'encaissement, entraînant de nombreuses transformations dans leurs méthodes et porteuse à la fois de gains et de pertes, n'emporte aucune modification dans la structure du marché.

199. La gratuité de la délivrance des chèques est un élément essentiel et caractéristique de l'espèce. Contrairement aux cartes bancaires, les commissions interbancaires relatives au chèque ne sont pas supposées être répercutées sur les utilisateurs, puisque celui-ci est, par application des dispositions de l'article L. 131-71 du code monétaire et financier, un moyen de paiement gratuit d'utilisation. Cependant, et comme il a été expliqué précédemment, le financement des services rendus par les banques en matière de chèques, est opéré par un mécanisme de subventions croisées lors de la facturation des « frais bancaires », qui sont globaux. Ainsi, dans le cas du chèque, la commission interbancaire ne peut faire l'objet d'une allocation des coûts entre les deux faces du marché (banque de l'émetteur et banque du remettant) puisqu'elle n'est pas dissociable de l'ensemble des frais bancaires, tandis que, s'agissant des cartes bancaires, la commission interbancaire est affectée à l'une ou à l'autre des faces du marché ou aux deux selon une répartition variable.

200. Il est en conséquence inopérant de soutenir une analogie entre la carte bancaire et le chèque, puisque les mécanismes d'allocations des coûts sont différents. Dans le cas du chèque, une commission supplémentaire ne peut qu'être répercutée dans les frais bancaires, alors qu'en matière de carte bancaire, le client paie une commission correspondant à l'ensemble des services qui lui sont rendus à ce titre.

201. Il s'en déduit qu'une commission versée par la banque du remettant à la banque du tiré est nécessairement de façon directe ou indirecte répercutée sur les prix.

202. Il est exact que, comme le font valoir les banques en cause, la CEIC a permis de convaincre les banques qui étaient hostiles à la mise en oeuvre de l'EIC de ne plus s'y opposer et de susciter leur unanimité, alors que deux tentatives antérieures avaient précédemment échoué. Il est tout aussi exact que l'EIC a représenté un progrès économique global pour les banques, mais aussi pour les utilisateurs de ce moyen de paiement. Mais la cour observe que ces éléments de contexte qui seront examinés ci-dessous, mais aussi dans le cadre de la théorie des restrictions accessoires et de l'exemption, conduisant à l'examen des conséquences exonératoires de telles circonstances, n'atténuent ni ne compensent le caractère nocif qui vient d'être relevé.

203. Le comportement ainsi relevé doit, au regard des effets potentiels d'augmentation des prix et d'affaiblissement de l'offre dont il est porteur, être qualifié de particulièrement nocif pour le jeu de la concurrence.

a) Sur la question de savoir si la CEIC a introduit un élément artificiel de coût

204. Les parties contestent que la CEIC puisse être regardée comme introduisant un élément artificiel de coût.

205. Ce moyen n'est pas fondé. Les parties ont elles-mêmes souligné devant l'Autorité que la CEIC ne constituait pas une rémunération que les banques remettantes versaient aux banques tirées en contrepartie d'un service rendu, mais un transfert de revenus d'une banque à une autre afin de partager les conséquences financières de l'accélération de l'échange des chèques permise par la dématérialisation du système. Il se déduit de cette argumentation que la CEIC introduisait pour les banques une charge qui avait pour finalité de maintenir les équilibres financiers qui existaient entre elles au moment de l'entrée en vigueur de l'EIC. Cette charge décidée entre elles et qui n'avait pour origine ni les services qu'elles se rendaient, ni les obligations induites par le fonctionnement du marché, était donc bien artificielle.

206. Elles sont par ailleurs mal fondées à soutenir que l'augmentation des coûts induite par la CEIC était, en tout état de cause, compensée par les gains de trésorerie liés à l'accélération du côté de la remise de chèque, ou que les banques remettantes avaient pu enregistrer un gain net résultant de la différence entre le produit du placement du « float » et le paiement de la CEIC, puisque, sans la CEIC, les banques remettantes auraient bénéficié de ces gains de trésorerie sans subir de coût complémentaire. La CEIC les a donc privées d'au moins une partie de ces gains.

207. En effet, et ainsi qu'il sera démontré ultérieurement, le coût de revient de la remise des chèques découlant de l'accord litigieux doit s'apprécier par rapport au coût qui aurait dû être observé dans le cadre de l'EIC sans CEIC et non par rapport aux coûts observés dans l'ancien système. La hausse de ce coût est donc égale au montant de la commission et empêchait que le coût de remise des chèques baisse à concurrence des économies (gains de trésorerie et gains administratifs) réalisées par les banques remettantes. Pour ces raisons, contrairement à ce que soutient la société Le Crédit industriel et commercial, il ne peut être considéré que la CEIC aurait généré un gain de trésorerie pour des clients.

208. Le fait que, comme le fait observer la société BPCE, les banques remettantes n'aient pas la possibilité d'accepter de façon préférentielle la remise de chèques provenant de telle ou telle banque tirée au motif que celle-ci appliquerait une commission moins élevée qu'une autre banque est, dans ce contexte, inopérant. En effet, si cette situation est exacte, il n'en demeure pas moins que l'introduction d'un coût artificiel et fixe à la remise des chèques fausse le jeu de la concurrence entre les banques puisqu'elle introduit une charge là où il n'y en avait pas auparavant.

209. La Banque postale est par ailleurs infondée à relever que la compensation partielle des coûts récurrents serait antinomique avec un objet anticoncurrentiel et que ce serait par une évaluation inopérante et inexacte que l'Autorité aurait considéré que la CEIC revêtait un caractère artificiel dont la preuve ne serait pas rapportée par l'Autorité. En effet, la CEIC constituait objectivement un élément de coût du service rendu par les banques à leurs clients. Du fait de son caractère uniforme, elle a introduit un élément de coût identique pour toutes les banques, qu'elles soient majoritairement remettantes ou tirées. C'est donc à juste titre que l'Autorité a retenu que la CEIC a grevé les charges d'exploitation de l'ensemble des banques, affectant en conséquence le bilan de chaque opération de remise de chèque. Ce coût ou cette recette, selon la position de chaque banque dans le cadre des opérations d'encaissement de chèques, d'un montant uniforme décidé en commun, étaient en conséquence bien artificiels.

210. De même, cette requérante n'est pas fondée à soutenir que le caractère artificiel de la hausse des coûts pour les banques tirées et des recettes corrélatives pour les banques remettantes ne serait qu'une affirmation péremptoire. En effet, ce caractère artificiel procède de l'économie générale de financement de l'offre bancaire globale précédemment décrite (voir ci-dessus paragraphe 153), qui repose en partie sur un mécanisme de subventions croisées par lequel, notamment, la gratuité de la délivrance des formules de chèques était, à tout le moins à l'époque des faits et jusqu'en 2004, compensée par la libre disposition des dépôts à vue qui ne pouvaient être rémunérés (article L. 312-2 du code monétaire et financier), mais aussi par des rémunérations qui pouvaient être perçues lors de la remise des chèques.

211. Enfin, le fait, relevé par la société le Crédit du Nord, que les banques ne se soient pas coordonnées sur les tarifs de remise de chèque, est, dans le contexte précédemment décrit et compte tenu des motifs qui viennent d'être retenus, inopérant.

b) Sur la question de la répercussion et l'absence de fixation d'un prix plancher

212. Les requérantes exposent que l'accord sur la CEIC ne peut être analysé comme ayant un objet anticoncurrentiel en ce que cette commission n'était pas assortie d'un accord sur sa répercussion sur les clients et ne conduisait pas à la fixation d'un prix plancher ni à la fixation d'un prix final.

213. Concernant l'absence de répercussion sur les clients, la cour rappelle que, ainsi que l'a indiqué la Commission européenne dans les observations qu'elle a adressées à la Cour de cassation dans cette affaire le 29 octobre 2012, en se référant aux principes énoncés par la Cour de justice dans les arrêts précités T-Mobile Netherlands e.a. (points 36 à 38) et GlaxoSmithKline Services e.a./Commission (point 64), la constatation de l'existence de l'objet anticoncurrentiel d'une entente n'est pas subordonnée à la preuve concrète d'un lien direct de cette entente avec les prix supportés par le client final ou les prix à la consommation. De même, l'objet anticoncurrentiel de l'entente ne dépend pas nécessairement du point de savoir si l'accord comporte des inconvénients pour les consommateurs finaux.

214. En tout état de cause, en l'espèce, ainsi qu'il a été relevé précédemment, les banques remettantes peuvent facturer les chèques remis à l'unité ou selon leur valeur, ce qu'elles font en particulier envers les grands remettants ; mais elles peuvent aussi ne pas les facturer directement et rémunérer leur service de remise de chèques dans le cadre de leur offre globale de services bancaires, via le système de subventions croisées. Compte tenu de ce mécanisme, chaque coût entrant dans le fonctionnement d'un compte a nécessairement une répercussion pour le client, sans qu'importe sur ce point que les banques parties à l'accord litigieux n'en aient pas expressément convenu.
215. Dès lors, le fait, invoqué par la société BNP Paribas, qu'elle démontrerait ne pas avoir répercuté la CEIC sur ses clients et que ses tarifs ont baissé dans cette période est sans effet à ce stade de l'analyse. La cour rappelle sur ce point que l'économie générale du chèque repose sur un mécanisme de subventions croisées qui rendait par lui-même inutile la répercussion directe, celle-ci s'opérant nécessairement de façon indirecte.

216. En outre, si, comme le fait observer cette requérante, tout contrat commercial a un coût qui est susceptible d'être répercuté, telle n'est pas la problématique de l'espèce, dans laquelle l'ensemble des banques de la place ont convenu, afin que la dématérialisation de l'encaissement des chèques ne perturbe pas leurs équilibres financiers, d'appliquer une commission interbancaire d'un montant uniforme, faussant ainsi le jeu de la concurrence entre elles.

217. Concernant l'absence de fixation d'un prix plancher, il est sans effet que les parties à l'accord litigieux n'aient pas précisé que la CEIC constituait un prix plancher. La cour rappelle que, ainsi que l'a relevé l'Autorité au paragraphe 359 de la décision attaquée, si cet accord prévoyait que les parties puissent appliquer un montant de commission inférieur à 4,3 centimes d'euros, aucune d'entre elles ne l'a fait et, en pratique, le montant de 4,3 centimes d'euros a fonctionné comme un prix plancher. Il convient de relever, de surcroît, que la possibilité d'appliquer un montant de commission inférieur était formulée dans les termes suivants : « Le montant de la commission est toujours un maximum. Un établissement peut facturer des montants inférieurs à certains confrères ». En réservant la possibilité de facturer des montants inférieurs de commission à « certains confrères » seulement, l'accord litigieux restreignait la possibilité pour les parties d'appliquer, en considération de leurs propres charges et intérêts, un montant de commission inférieur à celui qui avait été fixé en commun.

218. Sur ce point encore, la cour observe que, dès lors qu'il n'existe aucun enregistrement de l'intervention des représentants de la Commission européenne, lors de la séance de l'Autorité, l'affirmation par certaines parties que ceux-ci auraient indiqué qu'une commission interbancaire n'aurait d'objet anticoncurrentiel que s'il est prévu qu'elle constitue un prix plancher, n'est pas démontrée. De surcroît, cette affirmation est démentie par les observations déposées devant la Cour de cassation, dans cette affaire, le 29 octobre 2012, précitées au paragraphe 179 qui ne reprennent pas une telle condition, notamment, lorsqu'elles indiquent, au point 26, que « [l]a CEIC pourrait être définie comme une mesure constituant un obstacle à une réduction des coûts puisque les banques se sont entendues pour maintenir une charge qui n'aurait pas dû subsister avec la réforme » et, au point 27, que la Commission européenne « considère, sur la base des faits disponibles que la CEIC a créé dans le chef des banques tirées une hausse artificielle des revenus qui ne résulte pas de la concurrence par les mérites, mais d'une entente permettant de figer le marché comme si la réforme de la compensation n'avait pas eu lieu et de cristalliser les situations acquises ».

c) Sur l'absence de jurisprudence antérieure

219. Les parties soutiennent encore que la pratique en cause ne peut être considérée comme anticoncurrentielle par objet dès lors qu'aucune commission interbancaire identique n'avait, par le passé, été sanctionnée par les autorités européennes et nationales de concurrence et qu'aucune expérience ne permet d'affirmer la nocivité d'une telle pratique.

220. Cependant, ainsi que l'a relevé le Tribunal de l'Union dans son arrêt du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission (T-471/13, point 319), la possibilité de se référer à la jurisprudence antérieure pour caractériser l'évidence du caractère nocif d'une pratique n'implique pas que celui-ci ait déjà été reconnu pour une pratique totalement identique. Ainsi, il importe peu qu'aucune pratique de commission interbancaire multilatérale n'ait encore été sanctionnée par une autorité de concurrence nationale ou par la Commission européenne et les juridictions européennes au titre des restrictions par objet, mais seulement au regard de leurs effets. Il suffit qu'il soit connu par l'expérience que le type de pratiques auquel se rattache le comportement poursuivi, est suffisamment nocif pour le libre jeu de la concurrence. Or, tel est bien le cas d'une pratique consistant, pour tous les opérateurs d'un secteur, à fixer en commun un élément artificiel de coût, au surplus sans réelle étude des éléments visant à l'évaluation de ce coût. Dans sa dimension restrictive de concurrence, la CEIC ne revêtait dès lors aucun caractère inédit.

221. De même, le constat selon lequel la Commission européenne n'a jusqu'à présent sanctionné que des commissions interbancaires accompagnées d'un accord de répercussion, ne permet pas de conclure qu'un tel accord serait la condition sans laquelle les commissions interbancaires ne peuvent pas être considérées comme constitutives d'une infraction par objet au droit de la concurrence. En effet, d'une part, il ne ressort pas de la jurisprudence de l'Union, et il n'est d'ailleurs pas soutenu par les parties qu'une commission interbancaire telle que celle de l'espèce aurait été jugée comme non constitutive d'une pratique anticoncurrentielle par objet, au motif qu'elle n'était pas assortie d'un accord de répercussion sur la clientèle ; d'autre part, cette affirmation n'est nullement confirmée par les observations adressées par la Commission européenne à la Cour de cassation les 29 octobre 2012 et 17 février 2015.

222. La société BNP Paribas n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée n'aurait pas tenu compte de ce que la Commission européenne a indiqué, dans son XXXème rapport annuel sur la politique de concurrence, que les commissions interbancaires ne contreviendraient pas au Traité UE, alors que l'extrait sur lequel elle fonde cette affirmation ne vise que les commissions payables entre deux banques qui interviennent dans le traitement d'une opération par carte bancaire, et non les commissions multilatérales qui seraient conclues, de façon généralisée, entre toutes les banques nationales et concerneraient les paiements par chèque.

223. Cette requérante n'est pas plus fondée à invoquer une analogie entre la commission interbancaire multilatérale de l'espèce et l'indication, dans l'exposé des motifs du règlement (CE) n° 924/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant les paiements transfrontaliers dans la Communauté et abrogeant le règlement (CE) n° 2560/2001, de la possibilité, afin de faciliter le lancement du système de prélèvement SEPA, de maintenir temporairement les commissions multilatérales d'interchange. Il ne résulte pas de ce maintien provisoire que, par nature, les commissions interbancaires, telle celle de l'espèce, seraient systématiquement admissibles, car sans nocivité pour le jeu de la concurrence.

d) Sur le caractère légitime de l'objectif poursuivi

224. Selon les requérantes, l'EIC s'inscrivant dans un accord de place, sa mise en oeuvre ne pouvait être décidée que par elles, et de surcroît requérait leur unanimité. Elles font valoir que l'objectif de la compensation des pertes subies par les banques tirées était légitime puisqu'il permettait la mise en place du système d'encaissement dématérialisé des chèques, lequel n'aurait pu exister sans cet accord. Elles ajoutent que la commission en cause visait à compenser, pour les banques tirées, les efforts consentis au travers de la perte du « float », au bénéfice des banques remettantes.

225. Néanmoins, la cour rappelle que, comme le précise la Cour de justice au point 70 de son arrêt Groupement des cartes bancaires, le fait que les mesures en cause poursuivent un but légitime n'exclut pas qu'elles puissent être considérées comme ayant un objet restrictif de concurrence.

226. En effet, quoi qu'il en soit de ces objectifs, il n'en demeure pas moins que l'accord litigieux a eu pour objet de fausser le jeu de la concurrence entre les banques, d'une part, en introduisant un élément de coût artificiel pour l'ensemble des banques remettantes faisant ainsi obstacle à la libre fixation tarifaire des parties, d'autre part, en les dispensant de rechercher par l'exercice de la concurrence entre elles des solutions aux effets que devaient produire la mise en place de l'EIC, notamment l'effet prétendu de déséquilibre financier. Par ailleurs, et pour autant que le caractère légitime d'un objectif soit de nature à faire obstacle à la caractérisation d'une infraction par objet, ce ne pourrait être qu'à la condition qu'il soit démontré que la pratique en cause s'est bien inscrite dans la poursuite de cet objectif légitime, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

227. En effet, l'Autorité a relevé, aux paragraphes 442 et suivants de la décision attaquée, et ce constat n'est pas contesté, que la méthode suivie par le groupe de travail restreint de la CIR s'est limitée à étudier la perte de trésorerie subie pour chaque chèque tiré, sans la mettre en regard des gains de trésorerie enregistrés pour chaque chèque remis et des gains d'efficacité retirés par les banques du passage à l'EIC. Il ressort des points 108 et suivants, ainsi que des points 445 et suivants de la décision attaquée, que seules les sociétés Crédit agricole et Le Crédit industriel et commercial ainsi que la Confédération nationale du Crédit mutuel avaient, au moment des négociations au sein de la CIR, effectué en interne des évaluations prévisionnelles du passage à l'EIC, et que seule la société Le Crédit industriel et commercial avait procédé à un bilan qui ne se limitait pas aux pertes de trésorerie.

228. Dans ces conditions, les parties ne démontrent pas que, à la date à laquelle elles ont négocié et se sont accordées sur la CEIC, elles savaient qu'elles subiraient effectivement des pertes du fait de la mise en oeuvre de l'EIC. Dès lors, elles ne peuvent prétendre que l'objectif de compenser les pertes liées au passage à l'EIC légitimait leur accord.

229. Il s'ensuit que, à supposer même que l'objectif d'instauration de l'EIC, la nécessité d'obtenir un accord unanime des banques et les caractéristiques particulières du secteur liées à la gratuité de délivrance des chèques pouvaient conduire à considérer que la pratique visant à instaurer une commission compensatoire des pertes que les banques estimaient devoir subir du fait de la perte de « float » ne constituait pas une pratique anticoncurrentielle par objet, il ne pourrait en l'espèce être procédé à cette analyse, dès lors qu'il n'est pas établi que la CEIC était effectivement de nature à compenser les pertes invoquées.

230. C'est donc de façon inopérante que certaines parties soutiennent que la CEIC était justifiée et économiquement indispensable, car elle assurait à toutes les banques d'entrer dans le mécanisme de la dématérialisation sans subir de pertes.

231. La société La Banque postale fait encore valoir que le contexte de la mise en oeuvre de la pratique présentait une particularité à son seul égard. Elle expose qu'en raison de la structure de sa clientèle, composée essentiellement de personnes à revenus modestes, elle supportait un poids considérable du fait de l'obligation de gratuité du chèque et qu'elle compensait une partie de ce poids par le placement des sommes figurant sur les comptes de dépôt des émetteurs de chèques. La dématérialisation accélérant l'encaissement, la privait donc d'une partie importante de cette compensation. Cette situation, différente de celle des banques remettantes, qui supportent la charge de la gratuité du chèque à moindres coûts, et bénéficient des dépôts supplémentaires obtenus par les chèques présentés à l'encaissement, justifiait, selon elle, qu'elle couvre ses pertes, au moins en partie, par une rémunération versée par les banques remettantes.

232. Toutefois, ainsi qu'il a été relevé précédemment, et qu'il sera développé dans la partie consacrée à l'exemption, il n'est pas établi qu'à la date à laquelle l'accord a été négocié entre les parties et a ensuite été conclu, la société La Banque postale savait qu'elle subirait des pertes du fait de la mise en oeuvre de l'EIC. Le moyen doit en conséquence être rejeté.

233. Il en va de même de la mission d'accessibilité aux services dont est investie La Poste, en général, et par conséquent La Banque postale. Le fait que cette dernière supporte davantage que les autres banques le poids de la gratuité du chèque, qui relève des éléments individuels susceptibles d'être invoqués dans le cadre de l'exemption ou du montant de la sanction, ne constitue pas un élément de contexte à prendre en compte pour l'appréciation du caractère nocif de la pratique.

234. Enfin, s'agissant des coûts de traitement des images chèques que cette requérante reproche à l'Autorité de ne pas avoir pris en compte dans son raisonnement, la cour relève que ce moyen, qui concerne la question de la connaissance par la société La Banque postale de ce qu'elle allait subir des pertes, est développé et rejeté dans le cadre de l'exemption. Il est sans portée à ce stade de l'analyse.

235. La Société générale invoque d'autres éléments de contexte que l'Autorité aurait, selon elle, dû prendre en compte, à savoir, la délégation implicite par les pouvoirs publics de leur rôle de régulateur, leur incitation à voir se réaliser le passage à l'EIC, le rôle du principe de l'interbancarité, le passage à l'euro et l'influence déterminante de la Banque de France dans la conclusion de cet accord. Elle ne développe toutefois pas les raisons pour lesquelles ces circonstances rendraient la pratique en cause moins nocive pour le jeu de la concurrence que les pratiques d'entente portant sur l'instauration d'un coût commun entre les concurrents d'un marché. S'agissant du pouvoir de régulation en matière de systèmes de paiement confié aux banques sous le contrôle de la Banque de France, par la loi, invoqué par les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais, cette délégation de pouvoir, qui explique les concertations entre la quasi-totalité des banques ayant une activité relative au paiement par chèques, ne justifie toutefois pas l'instauration de la CEIC telle qu'elle a été analysée précédemment.

236. Il s'ensuit que les moyens des parties sur l'ensemble de ces points sont rejetés.

237. En conclusion de l'ensemble des considérations qui précèdent, la cour rappelle que la pratique consistant à faire obstacle à ce que chaque opérateur fixe lui-même sa politique tarifaire en fonction de ses propres coûts est particulièrement nocive pour le libre jeu de la concurrence, puisqu'elle altère le principe essentiel de la libre fixation des prix par chaque opérateur au regard de ses propres intérêts économiques.

238. Or l'instauration de la CEIC a introduit un coût artificiel qui, du fait de la spécificité du financement du mode de paiement par chèque, lequel s'opère par subventions croisées, est fortement susceptible d'avoir eu un impact sur les prix des services des banques concernées, mais aussi sur la structure du marché, puisqu'elle visait à la maintenir telle qu'elle était au moment où a été mise en place la dématérialisation de l'encaissement des chèques. Cette pratique est donc particulièrement nocive au regard de son impact sur le jeu de la concurrence.

239. Si, ainsi que le soulignent les parties, l'objectif poursuivi par la mise en place de l'EIC, était légitime, il demeure sans portée dans le cadre de l'espèce sur le caractère particulièrement nocif de la pratique.

240. En l'espèce, le contexte économique et juridique de l'instauration et de la mise en oeuvre de la CEIC, ne modifie pas le caractère particulièrement nocif caractérisé précédemment.

241. Enfin, l'expérience permet de justifier la présomption des effets attendus de telles pratiques et la haute probabilité qu'ils se produisent sur le jeu de la concurrence, en ce qu'elles conduisent nécessairement à une augmentation des prix finaux, mais aussi en ce qu'elles étaient de nature à figer, ne serait-ce que temporairement et partiellement, la structure du marché.

242. C'est donc à juste titre que l'Autorité a considéré, dans la décision attaquée, que la pratique d'instauration puis d'application de la CEIC a constitué une pratique anticoncurrentielle par objet.

Sur les CSC

243. A la différence de la CEIC, les CSC, qui sont également des commissions interbancaires multilatérales, sont destinées à rémunérer des services nouvellement rendus par une catégorie de banques à une autre et à assurer la compensation d'un transfert de charges.

244. En l'espèce, ces huit commissions multilatérales étaient les suivantes : archivage, chèques circulants, demande de télécopie recto, demande de télécopie recto-verso, demande de télécopie recto + original, rejet d'image chèque, annulation d'image chèque, annulation de rejet d'image chèque. Ces deux dernières commissions, annulation d'image chèque et annulation de rejet d'image chèque, seules concernées par le présent arrêt puisque les autres ont été exemptées par la décision attaquée, sont désignées sous l'acronyme AOCT (les commissions AOCT).

245. L'instauration des huit commissions multilatérales avait plus particulièrement trois types d'objectifs.

246. Premièrement, il s'agissait de compenser, pour les banques remettantes, le coût des services mis à leur charge, alors qu'ils étaient auparavant rendus par les banques tirées. Ce transfert de la charge de ces services, résultant de la décision d'arrêter la circulation physique des chèques le plus précocement possible au niveau de la banque remettante, permettait de réduire le coût de traitement des chèques.

247. Deuxièmement, le passage à l'EIC s'est accompagné de la création de nouveaux services pour les banques, telles que le traitement des rejets d'images-chèques et des demandes de télécopie adressées par le banquier tiré au banquier remettant, ou encore le traitement des annulations d'opérations compensées à tort via le Système Interbancaire de Télécompensation. Ces nouveaux services ont engendré des coûts qu'il fallait également compenser.

248. Enfin, troisièmement, les CSC avaient pour objet de compenser les coûts supportés par une banque en raison d'une opération initiée par un autre établissement bancaire ou par son client et, donc, de transférer la charge financière d'une opération aux personnes à l'origine de la transaction en cause afin, notamment, d'inciter les acteurs du système de paiement par chèque à éliminer les erreurs ou les incidents de paiement dont ils sont à l'origine, ceux-ci devant en assumer la charge financière. Il s'agissait, ainsi, d'encourager une utilisation efficiente de ce moyen de paiement.

249. Le contexte factuel, juridique et économique de la mise en place des CSC, est identique à celui de la CEIC et les développements qui précèdent s'appliquent à ces commissions accessoires.

250. Pour chacune des huit prestations susmentionnées, l'accord du 3 février 2000 prévoyait, ainsi qu'il a été dit précédemment, un montant fixe de commission.

251. Ainsi que le relève l'Autorité aux paragraphes 386 et suivants de la décision attaquée, le montant de chacune des CSC a été fixé d'un commun accord à un niveau unique, identique d'une banque à l'autre, donc sans tenir compte des coûts propres de chaque banque, sauf à considérer que toutes les banques avaient le même profil de coûts, ce qui n'est pas établi. La création des commissions AOCT, notamment, a substitué à des profils de coûts diversifiés une charge financière uniforme, commune à toutes les banques, pour ces services connexes. L'accord litigieux a donc, sur ce point, limité la liberté des banques de déterminer de manière indépendante et individuelle le niveau de la commission en fonction de leurs coûts et, indirectement, les prix et autres conditions des services fournis à leurs clients.

252. Une telle pratique a un objet anticoncurrentiel, ainsi qu'il a été précédemment développé pour la CEIC. La cour renvoie aux paragraphes 193 et suivants du présent arrêt par lesquels elle a précisé le caractère particulièrement nocif de tels comportements. Si les commissions AOCT présentent des différences avec la CEIC, notamment en ce qu'elles sont de nature rémunératrices tandis que la CEIC est compensatoire, la cour relève que les effets potentiels de ces pratiques sur la fixation des prix sont identiques, sans qu'importe à ce stade de l'analyse, le montant de la commission en cause, ni la fréquence de son application.

253. Il n'est pas exact de soutenir, comme le font plusieurs parties, que les commissions AOCT ne peuvent constituer une infraction par objet car elles n'auraient pas été susceptibles d'influencer de façon directe ou indirecte les prix finaux, faute d'avoir été répercutées sur les clients tirés. En effet, comme pour la CEIC, le financement du chèque par subventions croisées implique nécessairement cette répercussion, quand bien même ne serait-elle pas prévue, ni annoncée.

254. Par ailleurs, si, comme le souligne la société La Banque postale, les commissions AOCT ne constituent pas un « prix » à proprement parler, dans la mesure où elles ne correspondent pas à une transaction sur un marché, il n'en demeure pas moins qu'en déterminant ensemble le montant fixe de ces commissions, les banques en cause ont bien limité leur liberté de tarification des services qu'elles se rendent entre elles. La cour renvoie sur ce point aux développements relatifs à la CEIC et à la jurisprudence citée.

255. Le fait qu'il n'existe pas de mise en concurrence des banques remettantes par les banques tirées, ni l'inverse, et que les unes et les autres soient des partenaires obligés est inopérant à modifier l'analyse selon laquelle les CSC ont un objet anticoncurrentiel. En effet, en limitant ainsi leur liberté tarifaire, les banques ont permis que le coût des services rendus soit le même pour chacune d'entre elles, ce qui ne peut qu'avoir un effet inflationniste sur le prix de l'ensemble des services rendus à leurs clients.

256. Il n'est pas contesté que l'objectif tant de rémunération de services rendus que, pour certaines des CSC, de prévention afin que les banques concernées veillent à ce que le moins d'erreurs possibles intervienne dans le mécanisme, sont des objectifs légitimes.

257. Toutefois, comme pour la CEIC (§ 225) la légitimité de ces objectifs ne justifie pas que ces commissions soient arrêtées à un montant fixe et unique, sans examen des coûts réels moyens des prestations en cause. En effet, la cour relève sur ce point qu'il résulte, notamment, des développements de la décision attaquée relatifs aux exemptions des CSC, que la seule étude des coûts des opérations concernées par les CSC n'a été réalisée qu'en novembre 2007, soit bien après leur fixation.

258. A ce sujet, la cour relève que, contrairement à ce que soutient la société La Banque postale, les développements relatifs aux accords de production en commun figurant dans la communication (2011/C 011/01) de la Commission européenne intitulée « Lignes directrices sur l'applicabilité de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux accords de coopération horizontale » (JOUE du 14 janvier 2011, n° C 11, p. 1), qui précisent les cas, non concernés en l'espèce, dans lesquels les accords sur les coûts de production ne devront pas être considérés comme des infractions par objet et devront donner lieu à un examen de leurs effets, ne permettent nullement d'affirmer que la fixation en commun d'un coût ne pourrait jamais s'analyser comme une restriction de concurrence par objet. Bien au contraire, ces dispositions précisent qu'en règle générale, les accords qui consistent à fixer les prix, à limiter la production ou à répartir les marchés ou les clients ont un objet restrictif de concurrence.

259. Par ailleurs, il ne peut être reproché à l'Autorité, comme le fait la société Crédit du Nord, d'avoir, en considérant que la fixation des CSC avait fait obstacle à la liberté tarifaire pour les banques concernées, renvoyé, s'agissant des commissions AOCT, à un contrefactuel irréaliste et ingérable consistant en une multiplicité d'accords bilatéraux. En effet, s'il n'est pas contestable que la fixation d'un tarif unique pour les prestations concernées constituait une solution plus pratique et efficiente pour l'ensemble des banques et pouvait, si elle contribuait de façon proportionnée au progrès économique ou permettait des gains d'efficience, être exonérée par application des dispositions prévues à ce titre, il n'en demeure pas moins qu'une telle pratique empêche le jeu de la concurrence entre les opérateurs du marché concerné et constitue, à ce titre, une pratique particulièrement nocive pour la concurrence. Cette circonstance ne constitue donc pas un élément de nature à modifier l'analyse de l'Autorité sur la qualification des CSC comme constituant des restrictions par objet.

260. Le contexte économique et juridique de la pratique en cause, qui est identique à celui relevé pour la CEIC, ne modifie pas le caractère particulièrement nocif caractérisé précédemment.

261. Enfin, ainsi qu'il a été dit pour la CEIC, l'expérience permet de justifier la présomption des effets attendus de telles pratiques et la haute probabilité qu'ils se produisent sur le jeu de la concurrence, en ce qu'elles conduisent nécessairement à une augmentation des prix finaux, sans qu'importe, à ce stade de l'analyse, l'importance de cette hausse.

262. C'est donc à juste titre que la décision attaquée a considéré que la pratique d'instauration puis d'application des CSC a constitué une pratique anticoncurrentielle par objet. Les moyens des parties sont sur ce point rejetés.

263. Il se déduit de l'ensemble de ce qui précède que la CEIC et les CSC ont constitué des pratiques d'entente par objet. Dès lors, il n'y a pas lieu de rechercher quels en ont été les effets, ni de répondre aux différents moyens développés par les parties à ce sujet, y compris ceux qui soutiennent l'irrecevabilité des demandes de l'Autorité tendant à ce que la cour constate que les pratiques ont eu des effets anticoncurrentiels.

1) ALORS QUE la notion de restriction de la concurrence « par objet » doit être interprétée de manière stricte et ne peut être appliquée qu'à certains types de coordinations entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour qu'il puisse être considéré que l'examen de leurs effets n'est pas nécessaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'Autorité avait méconnu ce principe d'interprétation stricte en considérant que « pour constituer une infraction par objet, la pratique en cause doit permettre, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'elle puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur la concurrence » et « [qu']ainsi, pour être qualifié de restriction de la concurrence par objet, il suffit qu'un accord soit susceptible de produire des effets négatifs sur le jeu de la concurrence » ; que, toutefois, pour rejeter les recours dont elle était saisie, la cour d'appel a énoncé que le comportement des banques ayant consisté à instituer la commission d'échange d'images chèques (CEIC) « doit, au regard des effets potentiels d'augmentation des prix et d'affaiblissement de l'offre dont il est porteur, être qualifié de particulièrement nocif pour le jeu de la concurrence » (§.203) et que « si les commissions AOCT présentent des différences avec la CEIC, notamment en ce qu'elles sont de nature rémunératrices tandis que la CEIC est compensatoire, (…) les effets potentiels de ces pratiques sur la fixation des prix sont identiques, sans qu'importe à ce stade de l'analyse, le montant de la commission en cause, ni la fréquence de son application » (§.252) ; qu'en déduisant ainsi le caractère particulièrement nocif pour la concurrence des commissions interbancaires critiquées de l'affirmation d'effets simplement « potentiels » d'augmentation des prix ou d'affaiblissement de l'offre, la cour d'appel, qui a précisément réitéré l'erreur de droit qu'elle avait justement relevée dans la décision de l'Autorité, a violé les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

2) ALORS QUE si les collusions conduisant à la fixation horizontale des prix par des cartels présentent le degré de nocivité requis pour recevoir la qualification de restriction de concurrence par objet, l'expérience démontrant que de tels comportements entraînent invariablement des réductions de la production et des hausses de prix, les comportements consistant, de la part des opérateurs d'un marché, à fixer de concert un simple élément, parmi d'autres, du coût de revient des services qu'ils commercialisent ne peuvent être assimilés à des cartels de prix, sous peine de condamner des accords de coopération dont la nocivité n'est en rien démontrée et qui peuvent être générateurs d'avantages économiques substantiels ou, à tout le moins, d'effets ambivalents à l'égard de la concurrence ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé de manière abstraite et générale que « les comportements consistant pour les opérateurs d'un marché à se concerter et fixer ensemble un élément de leurs coûts sont particulièrement nocifs pour le jeu de la concurrence, car ils font obstacle à la libre fixation des prix qui doit prévaloir sur les marchés » (§. 193), puis a relevé que « si elles n'ont pas directement concerné un prix de vente, les pratiques en cause en l'espèce ont néanmoins consisté en la fixation en commun du montant de la commission interbancaire relative à l'encaissement des chèques », pour conclure enfin que « ces pratiques entrent dans la catégorie des accords ayant pour objet la fixation des prix, car elles ont, pour le jeu de la concurrence, les mêmes effets nocifs d'augmentation des prix ou d'entrave à leur baisse » (§. 194) ; qu'en se prononçant par de tels motifs, quand la pratique consistant, de la part des opérateurs d'un marché, à fixer de concert un simple élément, parmi d'autres, du coût de revient des services qu'ils commercialisent ne pouvait en aucun cas être assimilée, ni par sa nature, ni par son degré de nocivité supposée, à un cartel de prix, la cour d'appel a violé de plus fort les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

3) ALORS QU' il doit, de surcroît, être tenu compte de l'expérience acquise par les autorités de concurrence en vue de déterminer si un accord horizontal relève de la qualification de restriction de concurrence par objet ; qu'ainsi que les banques le soulignaient à l'appui de leurs recours, la pratique décisionnelle de la Commission européenne relative aux commissions interbancaires déterminées par voie d'accords multilatéraux conclus entre les banques adhérentes des réseaux de cartes de paiement révèle que ces commissions n'ont pu être qualifiées de restrictives de concurrence qu'à l'issue d'un examen approfondi de leurs effets ayant fait ressortir que leurs montants élevés limitaient trop fortement les marges de manoeuvre des banques et leur capacité de se livrer une concurrence par les prix dans leurs rapports avec leurs clients (décisions Visa et Mastercard des 24 juillet 2002 et 19 décembre 2007) ; que, pour rejeter néanmoins le moyen par lequel les banques faisait valoir que la démonstration de la nocivité prétendue de la CEIC imposait de rechercher si son coût pour les banques majoritairement remettantes était tel qu'il était de nature à réduire leur capacité de se livrer à une concurrence par les prix à l'égard de leur clientèle au point de faire converger ces prix autour d'un « prix plancher », la cour d'appel a énoncé que l'existence d'un objet anticoncurrentiel ne saurait être subordonnée à celle d'un lien direct de la pratique avec les prix à la consommation (§. 197) et que « l'objet anticoncurrentiel de l'entente ne dépend pas nécessairement du point de savoir si l'accord comporte des inconvénients pour les consommateurs finaux » (§. 213) ; qu'en se prononçant par de tels motifs, inopérants dès lors qu'elle justifiait la nocivité prétendue de la CEIC par l'idée qu'elle avait, « pour le jeu de la concurrence, les mêmes effets nocifs d'augmentation des prix ou d'entrave à leur baisse » qu'une entente de prix (§. 194), la cour d'appel a violé de plus fort les articles du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

4) ALORS QUE la notion de restriction de la concurrence « par objet » devant être interprétée de manière stricte et son application ainsi réservée aux types de coordination entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour rendre l'examen de leurs effets superflu, le juge ne saurait tenir pour équivalente à un cartel ayant pour objet la fixation horizontale de prix de vente la pratique consistant, de la part des opérateurs d'un marché, à fixer de concert un simple élément, parmi d'autres, du coût de revient des services qu'ils commercialisent, en se fondant sur un postulat aussi abstrait et incertain que celui qui consiste à présumer que tout commerçant rationnel viendra mécaniquement répercuter tout surcoût qu'il pourrait subir dans les prix de ses services, soit directement, soit indirectement par la voie de subventions croisées ; qu'en retenant néanmoins qu'« une commission versée par la banque du remettant à la banque du tiré est nécessairement de façon directe ou indirecte répercutée sur les prix » (§§. 201, 214 et 215) et conduit donc « nécessairement à une augmentation des prix finaux » (§. 241), la cour d'appel a méconnu le principe d'interprétation stricte des restrictions de concurrence par objet, violant de plus fort les textes susvisés ;

5) ALORS, en toute hypothèse, QUE la cour d'appel a relevé que c'est l'interdiction légale faite aux banques tirées de se faire rémunérer pour la délivrance des formules de chèques et leur utilisation par leurs clients qui conduit les banques à faire financer les coûts administratifs qu'elles supportent dans leur fonction de banques tirées par la voie de subventions croisées (cf. §. 150 et §. 199), mais a souligné, en revanche, que le service de remise de chèques n'est, exception faite du monopole bancaire, nullement soumis à des contraintes ou à des obligations réglementaires spécifiques (§. 150), ce dont il résulte que les banques remettantes sont libres, dans leurs rapports avec leurs clients, de fixer les prix de leur offre de service de remise de chèques d'après les coûts réels qui grèvent cette activité, sans avoir besoin de recourir à des subventions croisées ; que, dès lors, la cour d'appel n'a pu, sans entacher sa décision d'une contradiction de motifs, affirmer qu'il était inopérant de faire valoir que certaines banques majoritairement remettantes – par hypothèse seule débitrices nettes de la CEIC – n'avaient pas augmenté les prix de leurs services de remises de chèques après l'instauration de la CEIC, puisque « du fait du mécanisme de subventions croisées gouvernant l'économie du chèque », ce surcoût avait été « nécessairement » répercuté par celles-ci par la voie de subventions croisées ; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6) ALORS, en toute hypothèse, QU' il ne suffit pas de constater qu'un accord multilatéral négocié entre les divers opérateurs en situation de concurrence horizontale a instauré un élément de coût commun ayant, comme toute charge d'exploitation, vocation à être répercuté, directement ou indirectement, dans les prix des services commercialisés par ces derniers pour qualifier cette accord de restriction de concurrence « par objet » ; qu'il faut encore concrètement démontrer que cet élément de coût est tel qu'il est de nature à réduire la capacité de ces derniers de se différencier au moyen d'une concurrence par les prix ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même relevé que l'économie des instruments de paiement tels que le chèque se caractérise par le fait que les banques recherchent une rentabilité globale des services qu'elles proposent au niveau de chaque client, et non une rentabilité service par service, ce qui peut les conduire à proposer certains services particuliers à perte, si cette perte est couverte par les produits provenant d'autres services selon un système des subventions croisées (§. 152) ; que, de cette constatation, il s'évinçait que le fait pour les banques remettantes de devoir supporter le coût de la CEIC n'impliquait en aucune manière que cette charge fût couverte par une augmentation uniforme des prix des mêmes services bancaires, en sorte que les banques conservaient une pleine capacité de se différencier au niveau de leurs tarifs ; qu'en jugeant néanmoins que le « surcoût » occasionné par la CEIC induisait mécaniquement des effets équivalents à ceux d'une entente portant sur les prix finaux (§. 194) faussant de la même manière le jeu de la concurrence, quand bien même les banques ne seraient pas convenues de répercuter ce surcoût sur leurs clients (§§. 213 à 216), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, en violation des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

7) ALORS QUE ne doivent être considérés comme restrictifs de concurrence par objet que les comportements dont le caractère nocif est, au vu de l'expérience acquise et de la science économique, avéré et facilement décelable ; qu'en se bornant à affirmer, sans citer la moindre source propre à étayer une telle assertion, « qu'une pratique consistant, pour tous les opérateurs d'un secteur, à fixer en commun un élément artificiel de coût, au surplus sans réelle étude des éléments visant à l'évaluation de ce coût » est foncièrement nocive pour le jeu de la concurrence, puis à relever qu'« il ne ressort pas de la jurisprudence de l'Union qu'une commission interbancaire telle que celle de l'espèce aurait été jugée comme non constitutive d'une pratique anticoncurrentielle par objet, au motif qu'elle n'était pas assortie d'un accord de répercussion sur la clientèle » (§. 221), quand il lui appartenait de caractériser de manière positive l'existence d'une pratique décisionnelle ou jurisprudentielle des autorités et juridictions de l'Union qui aurait permis de justifier de ce qu'une commission interbancaire telle que la CEIC présentait le degré de nocivité suffisant pour la concurrence pour rendre l'examen de ses effets superflu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

8) ALORS QUE ne revêtent pas le caractère d'une restriction de concurrence par objet de simples mesures instaurées par la voie d'un accord multilatéral entre les opérateurs d'un marché biface ayant pour objet d'imposer une contribution financière aux membres de ce marché qui bénéficient des sacrifices consentis par d'autres membres (CJUE, 11 septembre 2014, groupement des cartes bancaires, C-67/13P, §§. 74-75) ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'accélération des échanges résultant de la dématérialisation, alors envisagée par les banques, des opérations de compensation des chèques aurait pour effet mécanique d'entraîner une modification des équilibres de trésorerie entre banques majoritairement tirées et banques majoritairement remettantes, les premières étant débitées plus rapidement et perdant donc plus tôt la disposition des fonds qu'elles plaçaient jusqu'alors à leur profit, et les secondes étant au contraire créditées plus rapidement et pouvant donc placer plus vite ces mêmes fonds à leur profit (p. 5) ; qu'elle a également relevé que la commission d'échange d'images chèques (CEIC) avait pour objet de compenser ce transfert de revenus d'une banque à une autre afin de « partager les conséquences financières de l'accélération de l'échange des chèques permise par la dématérialisation du système » (§. 205) et, enfin, constaté que la CEIC avait permis de convaincre les banques hostiles à la mise en oeuvre de cette dématérialisation de ne plus s'y opposer et de susciter leur unanimité, quand deux tentatives antérieures avaient précédemment échoué, suscitant ainsi un progrès économique global pour les banques, mais aussi pour les utilisateurs de chèques (§. 202) ; que pour qualifier la CEIC de restriction de concurrence par objet, la cour d'appel a néanmoins retenu que l'instauration de cette commission avait introduit « un élément artificiel de coût pour les banques remettantes et de recettes pour les banques tirées », en tant qu'elle « ne correspondait à aucun service rendu entre banques » (§.190 et §.205) ;

qu'en se prononçant de la sorte, quand il s'évinçait de ses propres constatations que la CEIC avait une contrepartie économique bien réelle qui résidait dans le sacrifice consenti par les banques majoritairement tirées d'une partie des revenus que leur procurait le système de compensation manuelle des chèques et dans leur consentement à la mise en place d'un système de compensation dématérialisée impliquant une mise à disposition anticipée, au bénéfice des banques remettantes, de la trésorerie correspondant au montant de chaque chèque, la cour d'appel a violé les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

9) ALORS QUE pour apprécier si un accord doit être considéré comme interdit en raison des altérations du jeu de la concurrence qui en sont l'objet ou l'effet, il y a lieu d'examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se produirait à défaut de l'accord (arrêt Société Technique Minière du 30 juin 1966, 56/65) ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'il était exact que la CEIC avait permis de convaincre les banques hostiles à la mise en oeuvre de l'échange d'images de chèques (EIC) de ne plus s'y opposer et de susciter leur unanimité, quand deux tentatives antérieures avaient précédemment échoué (§.202) ; que, toutefois, pour rejeter le moyen par lequel les banques faisaient valoir que la CEIC ne pouvait être regardée comme un coût « artificiel » puisque ce coût, acquitté par les banques remettantes, était compensé – et même au-delà – par les gains de trésorerie que leur procurait l'accélération des règlements permise par l'instauration de l'EIC, la cour d'appel a énoncé que « le coût de revient de la remise des chèques découlant de l'accord litigieux doit s'apprécier par rapport au coût qui aurait dû être observé dans le cadre de l'EIC sans CEIC et non par rapport aux coûts observés dans l'ancien système » (§. 207), puis a conclu plus bas « que l'accord litigieux a eu pour objet de fausser le jeu de la concurrence entre les banques, d'une part, en introduisant un élément de coût artificiel pour l'ensemble des banques remettantes faisant ainsi obstacle à la libre fixation tarifaire des parties, d'autre part, en les dispensant de rechercher par l'exercice de la concurrence entre elles des solutions aux effets que devaient produire la mise en place de l'EIC » (§. 226) ; qu'en se prononçant de la sorte, sans jamais expliquer comment une réforme conventionnelle telle que le passage à l'EIC aurait pu s'imposer aux banques à défaut de leur accord unanime et donc sans un mécanisme compensatoire tel que celui qui avait conditionné l'adhésion des banques majoritairement tirées, la cour d'appel, qui s'est par là déterminée au regard d'une situation contrefactuelle impossible, au mépris de l'obligation qui lui était faite d'examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se serait produit à défaut de l'accord, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

10) ALORS, en outre, QU' afin d'apprécier si un accord entre entreprises présente le degré suffisant de nocivité pour être qualifié de restriction de concurrence par objet, il convient de s'attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu'il vise à atteindre ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel il s'insère, en prenant en considération les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du marché en question ; qu'il s'ensuit que les conditions rigoureuses de nécessité et de proportionnalité requises pour valider une clause restrictive de concurrence qui est l'un des éléments d'un accord plus global, sur le terrain de la théorie des « restrictions accessoires » ou des dispositions du paragraphe 3 de l'article 101 du TFUE au titre d'une exemption, n'ont lieu d'être vérifiées que pour autant qu'il a été préalablement justifié que cette clause de l'accord considéré était restrictive de concurrence par son objet ou ses effets ; qu'en l'espèce, pour justifier sa décision d'apprécier la nocivité supposée de la CEIC à la seule lumière d'une situation contrefactuelle postulant l'adoption du système de l'échange d'images chèques sans CEIC (« EIC sans CEIC »), la cour d'appel s'est déterminé par un renvoi exprès (§. 207) aux développements ultérieurs de sa décision par lesquels elle a considéré qu'il n'était pas démontré que l'introduction de la CEIC était objectivement nécessaire au passage à l'EIC dans la mesure où il n'était pas établi qu'une au moins des banques majoritairement tirées pouvait, de manière suffisamment réaliste, envisager qu'elle devait subir des pertes en raison de la mise en place de l'EIC (§. 495, renvoyant lui-même aux §§ 276 à 295, renvoyant à leur tour aux §§. 316 à 403) ; qu'en procédant de la sorte, par voie d'interversion de l'ordre des questions qu'imposait la mise en oeuvre des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, la cour d'appel a violé les textes susvisés et entaché sa décision d'une interversion de la charge de la preuve ;

11) ALORS QUE la cour d'appel a constaté que l'accélération des échanges résultant de la dématérialisation des opérations de compensation des chèques avait pour effet mécanique d'entraîner une modification des équilibres de trésorerie entre banques majoritairement tirées et banques majoritairement remettantes, les premières étant débitées plus rapidement et perdant donc plus tôt la disposition des fonds qu'elles plaçaient jusqu'alors à leur profit, et les secondes étant au contraire créditées plus rapidement et pouvant donc placer plus vite ces mêmes fonds à leur profit, (p. 5) et que la commission d'échange d'images chèques (CEIC) avait pour objet de compenser ce transfert de revenus d'une banque à une autre afin de partager les conséquences financières de l'accélération de l'échange des chèques permise par la dématérialisation du système (§. 205) ; qu'en affirmant néanmoins que « l'accord litigieux avait dès lors pour finalité de maintenir les équilibres financiers des banques, et donc aussi les équilibres entre elles sur le marché » (§. 189), sans préciser les éléments sur lesquels elle fondait cette déduction selon laquelle la finalité de l'accord aurait été de figer les parts de marché des banques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

- sur la qualification de restriction accessoire (CEIC) -

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les recours formés par les sociétés Confédération Nationale du Crédit Mutuel, (CNCM), et Crédit Industriel et Commercial, (CIC), à l'encontre de la décision n° 10-D-28 rendue le 20 septembre 2010 par l'Autorité de la concurrence et, statuant à l'égard des sociétés Banque Postale, BNP Paribas et BPCE, de n'AVOIR que très partiellement réformé cette décision, en ramenant les sanctions prononcées à leur encontre à hauteur, respectivement, de 29.590.000 euros et 290.000 euros, 57. 830. 000 euros et 580.000 euros et 48. 260. 000 euros et 480. 000 euros, puis rejeté leur recours pour le surplus ;

AUX MOTIFS QUE sur la qualification de la CEIC et des CSC de restrictions accessoires

264. Consacrée par la jurisprudence communautaire (TUE, arrêt du 18 septembre 2001, M6 e.a./Commission, T-112/99) et reprise par la Commission européenne dans ses lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité, la théorie dite des « restrictions accessoires » soustrait une restriction de concurrence à l'application des articles 101, paragraphe 1, du TFUE, et L. 420-1 du code de commerce, dès lors qu'elle est « directement liée et nécessaire à la réalisation d'une opération principale » qui ne restreint pas la concurrence (TUE, arrêt M6 e.a./Commission, précité, point 115).

265. Devant l'Autorité, les mises en cause ont, dans leurs observations sur les griefs qui leur avaient été notifiés, réclamé le bénéfice de cette théorie, mais les rapporteurs en ont écarté l'application, en considérant que pas plus la CEIC que les CSC n'étaient objectivement nécessaires à la réalisation d'un système dématérialisé de compensation des chèques. De la même manière, l'Autorité a, dans la décision attaquée, refusé de voir dans la CEIC et les CSC des restrictions accessoires, faute que soit démontré leur caractère objectivement nécessaire à la mise en place de l'EIC (décision attaquée § 305 à 322). C'est ainsi qu'elle a relevé, s'agissant de la CEIC, que « l'EIC pouvait être mis en place sans accélération des échanges interbancaires, et, partant, sans modification des équilibres de trésorerie, dès lors que la fixation de la date de règlement interbancaire relevait d'une libre décision des banques » (décision attaquée § 314) et, s'agissant des CSC, que « la rémunération des prestations (...) dans le cadre d'un système de compensation dématérialisé (...) pouvait, en principe, faire l'objet de négociations bilatérales » et que les banques pouvaient « se mettre d'accord sur les modalités de calcul de chaque commission en fonction de paramètres variant d'une banque à l'autre » (décision attaquée § 320 et 321).

266. Les requérantes contestent cette analyse en ce qui concerne tant la définition de l'opération principale (Crédit agricole, Le Crédit lyonnais, Société générale) que le caractère nécessaire à sa réalisation de la CEIC et des CSC.

(…)

b) Sur le caractère objectivement nécessaire de la CEIC et des CSC

- Sur la CEIC

276. Au cas d'espèce, l'Autorité considère que les conditions auxquelles l'application de la théorie des restrictions accessoires est soumise ne sont pas remplies, puisque, si la mise en place de la CEIC était liée à l'opération principale, elle n'était pas nécessaire à sa réalisation. C'est ainsi qu'elle fait valoir, en premier lieu, que l'EIC pouvait être mise en place sans accélération des échanges interbancaires, et donc sans modification des équilibres de trésorerie, et qu'en toute hypothèse, à supposer cette accélération inéluctable, on ne pourrait en conclure a contrario à la nécessité objective de la CEIC. En second lieu, elle souligne que la CEIC n'était objectivement nécessaire au fonctionnement de l'EIC ni d'un point de vue technique, ni d'un point de vue économique, comme en témoigne le fait qu'elle a été abandonnée en 2007, alors que le dispositif continue à fonctionner depuis cette date. L'Autorité en conclut que c'est au stade de l'exemption qu'il faut examiner la prétendue nécessité de la CEIC. (…)

280. Ainsi que l'a rappelé la Cour de justice dans l'arrêt Mastercard e.a./Commission, précité, la mise en oeuvre de la théorie des restrictions accessoires requiert que la restriction concernée soit, d'une part, objectivement nécessaire à la mise en oeuvre de l'opération principale neutre au regard de la concurrence, d'autre part, proportionnée aux objectifs de celle-ci (points 89 et s.). Cet arrêt a encore précisé (point 93) que le critère de nécessité objective porte sur la question de savoir si, à défaut d'une restriction déterminée de l'autonomie commerciale, l'opération principale, qui ne relève pas de l'interdiction posée à l'article 81, paragraphe 1, CE et par rapport à laquelle ladite restriction est secondaire, risque de ne pas se réaliser ou de ne pas se poursuivre. Il s'en déduit que, ainsi que l'a soutenu la Commission européenne dans son avis du 29 octobre 2012 à la Cour de cassation, les restrictions accessoires qui ne sont pas nécessaires à la viabilité de l'opération principale doivent être appréciées au regard de l'article 101, paragraphe 3 du TFUE.

281. Or, en l'espèce, il n'est pas contestable, ni d'ailleurs contesté, que la mise en place de l'EIC était techniquement possible sans CEIC, ainsi que le démontre le fait que tel est le cas depuis 2007. Sur ce point, il n'est pas établi que les banques ne pouvaient pas mettre en place le nouveau système en retardant provisoirement la date de règlement interbancaire, solution d'ailleurs envisagée par le rapport du 22 juin 1999 du groupe de travail restreint de la CIR (décision attaquée, § 97) pour permettre aux banques majoritairement tirées de trouver des solutions leur permettant de ne pas subir les pertes qu'elles invoquaient. Il résulte de surcroît des diverses positions opposées à la mise en place de la CEIC, émises par plusieurs banques et par la Banque de France (décision attaquée § 100 et 101), que la viabilité de l'EIC n'était pas impossible sans la CEIC.

282. Les arguments des parties dans l'affaire en cause portent davantage sur le passage d'un système à l'autre et sur le caractère indispensable de la commission afin d'aboutir à un consensus des banques en raison des pertes que la disparition du « float » allait causer aux banques principalement tirées. Elles font valoir que la CEIC était bien nécessaire à la validité de l'EIC puisque, sans cette commission, plusieurs banques se seraient opposées à la mise en place de l'EIC, ce qui aurait abouti à ce que cette réforme ne voit pas le jour, puisqu'elle requérait leur unanimité.

283. Or ainsi qu'il a été précisé précédemment, la mise en place de la CEIC, ainsi que son montant, ont été décidés sans que les banques en cause procèdent à une analyse pertinente des pertes et gains liés à la mise en place de la dématérialisation et, ainsi qu'il sera démontré ci-dessous dans la partie relative aux exemptions, il n'est pas établi qu'au moment de l'accord litigieux, l'une au moins d'entre elles pouvait raisonnablement envisager qu'elle subirait effectivement des pertes, ni d'ailleurs qu'au regard des éléments d'analyse postérieurs à l'accord, la preuve de pertes soit rapportée.

284. La cour rappelle sur ce point que la justification de la restriction accessoire doit, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, être objective. Tel n'est pas le cas de l'argument avancé par les banques selon lequel la CEIC était nécessaire à la mise en place de l'EIC, parce que celle-ci les privait du « float » et devait leur faire subir des pertes. En effet, pour que la CEIC puisse être considérée comme objectivement nécessaire à la mise en place de l'EIC, il aurait fallu que soit démontré que les banques, ou au moins certaines d'entre elles, pouvaient raisonnablement envisager que l'opération principale leur causerait des pertes. Or cette affirmation de pertes à venir n'était pas appuyée d'éléments qui leur auraient permis de s'assurer de la réalité de celles-ci. Ainsi, cette opposition, quelle qu'en ait été la force, ne constitue pas une justification objective de nature à permettre de qualifier de nécessaire l'instauration de la CEIC. Il est sans portée, compte tenu de ce qui précède, que deux tentatives précédentes d'instaurer l'EIC aient échoué et les observations des parties sur la réitération et la réalité des oppositions ne sont pas opérantes.

285. Sur ce point encore, la cour relève que, contrairement à ce qu'avancent plusieurs parties, la preuve n'est pas rapportée que les sociétés Crédit agricole et La Banque postale, au moins, devaient subir des pertes si aucun mécanisme compensateur n'était mis en place. Il est renvoyé à cet égard aux développements des paragraphes 321 et 355 et suivants du présent arrêt. Il est en outre inopérant que les rapporteurs aient, lors de la séance du 13 avril 2010, indiqué qu'il y aurait pu y avoir « une seule banque éventuellement perdante », La Banque postale, comme le soutient la société BNP Paribas, dès lors que cette affirmation n'est pas restituée dans son contexte, qu'elle n'a été formulée que de manière hypothétique, et qu'ainsi qu'il sera précisé ci-dessous, les données produites par cette banque ne sont pas toutes pertinentes.

286. Les parties soutiennent qu'il résulte du rapport du cabinet d'expertise qu'elles produisent, qu'après correction des incohérences des données prises en compte par les rapporteurs, puis par l'Autorité, au moins les sociétés Crédit agricole et La Banque postale devaient subir des pertes du fait de l'instauration de l'EIC sans mécanisme correcteur. Mais la cour renvoie aux développements par lesquels elle rejette ces moyens aux paragraphes 307 et suivants ci-dessous.

287. La cour relève encore que c'est à juste titre, et sans s'immiscer dans la gestion des banques, que l'Autorité a constaté que la CIR n'avait finalement pas mis en oeuvre la méthode d'évaluation de pertes éventuelles préconisée par son groupe de travail restreint et a considéré pertinemment que seule cette méthode d'évaluation aurait permis d'établir la réalité de pertes liées à la mise en place de l'EIC. C'est, en outre, de manière fondée que l'Autorité a privilégié une approche individuelle de l'évaluation des bilans des parties, puisque, comme la CIR l'avait elle-même reconnu, la mise en place de l'EIC aboutissait à « un jeu à somme nulle » pour la profession. De plus, puisqu'il était nécessaire d'étudier si au moins une banque subissait une perte du fait du passage à l'EIC, seules les évaluations individuelles permettent d'établir les conséquences attendues du passage à l'EIC sans CEIC (décision attaquée, § 435).

288. Les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais ne sont pas fondées à soutenir que le Crédit agricole anticipait une perte de 45,7 millions d'euros, puisque cette évaluation tenait compte de façon injustifiée de la révision des dates de valeur, ainsi qu'il sera exposé au paragraphe 363, la révision de ces dates résultant d'un choix de chaque banque et non de la mise en oeuvre de l'EIC.

289. Ainsi, les prévisions de pertes comprises entre 45 et 78 millions d'euros, invoquées par les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais, ne peuvent-elles être qualifiées de pertes nettes, puisqu'elles prennent en compte le montant de pertes lié à l'abandon des dates de valeur et ne sont pas confrontées aux gains résultant de la mise en oeuvre de l'EIC. En conséquence, ce moyen ne peut qu'être rejeté.

290. En outre, s'agissant de la prise en compte des investissements, la cour renvoie aux paragraphes 397 du présent arrêt, par lesquels elle rejette les moyens développés sur ce point.

291. Pour les mêmes raisons, la preuve de la proportionnalité de la CEIC n'est pas rapportée. En effet, il est impossible de caractériser une prétendue proportionnalité alors que l'étendue des pertes anticipables au jour de l'accord litigieux n'était pas connue. Le fait que le montant ait été fixé au terme d'un compromis entre les banques ne permet pas d'établir le caractère proportionné de la CEIC, d'autant que la cour observe qu'il résulte des calculs de l'Autorité que certaines banques majoritairement remettantes subissaient des pertes du fait de l'instauration de la CEIC, alors qu'elles n'en rencontraient pas sans commission (décision attaquée, § 514 à 519).

292. Si, comme le soulignent les parties, l'appréciation portée à ce sujet par la Commission bancaire, qui, à deux reprises, a indiqué à l'Autorité que la CEIC était nécessaire à la mise en place de l'EIC, doit être prise en compte comme celle d'une autorité publique, il convient toutefois d'observer que son analyse ne repose pas sur les critères propres au droit de la concurrence et, notamment, pas celui de restriction objectivement nécessaire dégagé par la jurisprudence en matière de restrictions accessoires. En conséquence les deux avis adressés par elle à l'Autorité dans le cadre de l'espèce ne peuvent conduire à modifier l'appréciation résultant des éléments retenus précédemment.

293. Plusieurs parties invoquent, dans le cadre des restrictions accessoires, une analogie entre la CEIC et la commission interbancaire multilatérale (CMI) que la Commission européenne a créé par le règlement n° 924/2009, ainsi qu'entre la CEIC et les CMI qui sont validées dans le document de travail de la Commission européenne du 30 octobre 2009 sur l'applicabilité de l'article 81 du traité CE aux paiements interbancaires multilatéraux liés au prélèvement SEPA. Toutefois, cette analogie n'est pas opérante. En effet, le document de travail rappelle, d'une part, que plusieurs de ces CMI font l'objet de procédures antitrust engagées par un certain nombre d'autorités nationales de concurrence (§ 26) et, d'autre part, que, si le règlement n° 924/2009 autorise le maintien des anciennes CMI domestiques, c'est toutefois « sans préjudice des procédures en cours ou futures engagées dans le cadre des règles de concurrence concernant ces CMI nationales qui pourraient alors entraîner une réduction des CMI transitoires en conséquence ». Il s'en déduit que ces commissions interbancaires multilatérales ne sont pas validées, en tant que telles, comme des restrictions accessoires et demeurent soumises, y compris s'agissant de leur éventuelle qualification de restrictions accessoires, à l'appréciation des autorités nationales de concurrence, cette appréciation étant soumise aux critères de nécessité objective et de proportionnalité qui, ainsi qu'il vient d'être retenu, ne sont pas remplis en l'espèce.

294. Si, comme le fait observer la Société générale, le fait que, depuis 2007, le système d'EIC fonctionne sans CEIC ne permet pas à lui seul d'en conclure, contrairement à ce que soutient l'Autorité dans ses observations, que cette commission n'était pas nécessaire au passage du système manuel au système dématérialisé, il n'en demeure pas moins que ce constat montre que, techniquement, la réalisation de l'EIC ne dépendait pas de la CEIC et que pour les motifs qui ont été détaillés ci-dessus, la preuve de la nécessité objective n'est pas rapportée.

295. La cour relève que, contrairement à ce que soutient la société BPCE, l'Autorité n'a pas indirectement admis, au paragraphe 301 de la décision attaquée, que l'instauration de la CEIC et des CSC a été l'élément nécessaire qui a permis l'obtention d'un consensus pour passer au système EIC. En effet, il résulte seulement de ce développement, qui a pour objet de rejeter les moyens relatifs à l'existence d'une contrainte de la part de la Banque de France et, à travers elle, des pouvoirs publics, d'une part, que celle-ci était clairement opposée à l'instauration d'une commission fixe, d'autre part, que si elle est intervenue dans le cadre des négociations de la CIR, en proposant de réduire le niveau de la CEIC ou de la limiter dans le temps, il s'agissait uniquement pour elle de trouver un compromis afin de permettre le passage à l'EIC. Mais le fait que ce compromis ait été trouvé ne permet en rien de considérer que le critère de nécessité objective, dont dépend la qualification de restriction accessoire, ait été rempli. (arrêt, points 264 à 295) ;

1) ALORS QUE la qualification de restriction accessoire suppose que la restriction en cause soit directement liée à l'opération principale, qu'elle soit objectivement nécessaire à la mise en oeuvre de cette opération et qu'elle soit proportionnée aux objectifs de celle-ci ; que le critère de nécessité objective impose de déterminer si, dans le cadre particulier de l'opération principale et à défaut de la restriction en cause, l'opération principale risque de ne pas se réaliser ou de ne pas se poursuivre ; que les banques faisaient valoir que la création de la CEIC avait été objectivement nécessaire à la réalisation de l'EIC puisque l'unanimité, requise pour la signature de cet accord, n'avait pu être obtenue que grâce à l'instauration de cette commission ; qu'en ce qu'elle s'est fondée, pour dire que la mise en place de la CEIC n'était pas constitutive d'une restriction accessoire, sur le constat selon lequel « la mise en place de l'EIC était techniquement possible sans CEIC, ainsi que le démontre le fait que tel est le cas depuis 2007 » et que « la viabilité de l'EIC n'était pas impossible sans la CEIC », quand la restriction était objectivement nécessaire non au fonctionnement, à la viabilité ou à la mise en place technique de l'opération principale mais à sa réalisation, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles 101 §. 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-1 du code de commerce ;

2) ALORS QUE le critère de nécessité objective, requis pour la qualification de restriction accessoire, impose de déterminer si, dans le cadre particulier de l'opération principale et à défaut de la restriction en cause, l'opération principale risque de ne pas se réaliser ou de ne pas se poursuivre ; que si, afin de réfuter le caractère objectivement nécessaire d'une restriction, il peut être recouru à une hypothèse contrefactuelle, encore faut-il que cette hypothèse constitue une alternative réaliste, économiquement et juridiquement viable ; qu'en l'espèce, les banques faisaient valoir devant la cour d'appel que l'hypothèse de la conclusion d'un accord sur l'EIC sans changement de date de règlement interbancaire, retenue par l'Autorité de la concurrence pour écarter le caractère « objectivement nécessaire » de la CEIC, ne pouvait constituer une alternative réaliste dès lors que les banques ne peuvent différer les dates de crédit ou de débit de leurs clients au-delà des délais techniquement nécessaires pour le dénouement de l'opération de paiement ; qu'elles observaient que la solution préconisée par l'Autorité « est d'autant plus surprenante qu'elle aurait eu pour effet d'appliquer aux clients remettants des dates de valeur illicites. En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, les dates de valeur doivent être causées par les délais d'encaissement » et qu'elle « est erronée en droit et contredite par la jurisprudence de la Cour de cassation qui considère que les dates de valeur ne sont licites que lorsqu'elles sont justifiées par un délai technique de traitement » (respectivement, conclusions de la société HSBC France, § 498, conclusions de la société BNP Paribas, § 456 et s.) ; qu'en se bornant, pour écarter le caractère objectivement nécessaire de la CEIC pour la réalisation de l'EIC, à affirmer qu' « il n'est pas établi que les banques ne pouvaient pas mettre en place le nouveau système en retardant provisoirement la date de règlement interbancaire, solution d'ailleurs envisagée par le rapport du 22 juin 1999 du groupe de travail restreint de la CIR (décision attaquée, § 97) pour permettre aux banques majoritairement tirées de trouver des solutions leur permettant de ne pas subir les pertes qu'elles invoquaient », sans répondre au moyen tiré de l'illicéité du maintien de dates de valeur non justifiées par un délai technique, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE les banques faisaient encore valoir devant la cour d'appel que l'hypothèse de la conclusion d'un accord sur l'EIC sans changement de date de règlement interbancaire, retenue par l'Autorité de la concurrence pour écarter le caractère « objectivement nécessaire » de la CEIC, ne pouvait constituer une alternative réaliste dès lors que cet accord aurait eu, à la différence de l'instauration de la CEIC, pour objet et pour effet de priver automatiquement l'ensemble des clients remettants des bénéfices économiques de l'EIC ; qu'elles observaient ainsi que « l'hypothèse que l'Autorité présente dans la Décision comme une alternative, à ses yeux crédibles, à l'instauration de la CEIC aurait donc consisté en une infraction manifeste aux règles de concurrence, privant les consommateurs (les usagers remettants de chèques) du progrès économique attendu de cette réforme. Ce faisant, elle aurait conduit à la création d'une restriction de concurrence beaucoup plus évidente avec un impact négatif cette fois-ci indéniable pour les clients », que « les banques n'avaient en réalité aucun choix que celui de fixer des conditions interbancaires optimisant l'accélération techniquement permise par la dématérialisation des échanges » et qu' « il est pour le moins étonnant de lire que l'Autorité aurait préféré une mise en place de l'EIC sans accélération des échanges interbancaires (et donc le maintien des dates de valeur antérieures au passage à l'EIC) alors même qu'une telle solution aurait été moins favorable aux clients remettants. Un tel accord, sans répercussions sur les clients remettants du bénéfice de l'accélération des échanges permis par l'EIC, aurait pourtant sans doute été considéré comme anticoncurrentiel » (respectivement, conclusions de la société BPCE, § 315, conclusions des sociétés Crédit Agricole et LCL, § 662 et conclusions de la société HSBC France, § 447) ; qu'en se bornant, pour écarter le caractère objectivement nécessaire de la CEIC pour la réalisation de l'EIC, à affirmer qu' « il n'est pas établi que les banques ne pouvaient pas mettre en place le nouveau système en retardant provisoirement la date de règlement interbancaire, solution d'ailleurs envisagée par le rapport du 22 juin 1999 du groupe de travail restreint de la CIR (décision attaquée, § 97) pour permettre aux banques majoritairement tirées de trouver des solutions leur permettant de ne pas subir les pertes qu'elles invoquaient », sans répondre au moyen tiré de l'illicéité, au regard du droit de la concurrence, du maintien de dates de valeur privant du bénéfice économique, généré par l'accélération des délais techniques, l'ensemble des consommateurs, bénéficiaires de chèques, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4) ALORS QUE le critère de nécessité objective suppose de déterminer si, dans le cadre particulier de l'opération principale et à défaut de la restriction en cause, l'opération principale risque de ne pas se réaliser ou de ne pas se poursuivre ; que le motif ou la légitimité du refus d'une partie à la réalisation de l'opération principale sans la restriction est sans incidence sur l'appréciation du risque objectif d'absence de réalisation de l'opération principale, partant du caractère objectivement nécessaire de la restriction ;
que les banques faisaient valoir, preuves à l'appui, que la réalisation de la dématérialisation des chèques supposait un accord unanime, qu'il existait une divergence de positions à cet égard, un certain nombre de banques subordonnant leur accord à la mise en place d'une compensation des banques tirées, que des négociations identiques avaient déjà, à deux reprises, échoué, faute d'accord et que l'EIC n'avait pu être conclu, après des négociations de sept mois, que grâce à un compromis, négocié sous l'égide de la Banque de France, prévoyant la mise en place, à titre transitoire, d'une commission d'un montant maximal de 0,043 € par chèque non circulant au profit de la banque tirée ; que la cour d'appel a elle-même constaté que « dans le passé, les banques avaient tenté à deux reprises, en 1988 et 1991, de remplacer ce système d'échanges manuels et physiques, (des chèques), jugé archaïque et source d'importants coûts administratifs, par un échange dématérialisé », que « ces tentatives ont cependant échoué l'une et l'autre, pour des raisons d'ordre principalement financier », qu' « une troisième tentative de dématérialisation, qui aboutira la mise en place en 2002 de l'EIC, a été engagée à partir de 1999 », « que les négociations qui ont conduit à l'adoption du nouveau système ont été menées au sein de deux commissions réunissant les principales banques », qu'elles « ont porté sur les points suivants : l'heure d'échange des chèques, (HAJE, ou heure d'arrêté de la journée d'échange) ; l'écart entre la date d'échange d'échecs et la date de règlement interbancaire ; le sens, le montant et les modalités de calcul d'une commission interbancaire ; les conditions applicables aux opérations connexes », que « les banques sont parvenues à un accord qui a été acté lors de la réunion de la CIR du 3 février 2000 », que la Banque de France « est intervenue dans le cadre des négociations de la CIR, en proposant de réduire le niveau de la CEIC ou de la limiter dans le temps », pour « trouver un compromis afin de permettre le passage à l'EIC » (arrêt, p. 5 et 6 et p.61, point 295) et qu' « il n'est pas contesté que, dans les faits, la CEIC a décidé les banques réticentes au passage au système de l'EIC à l'accepter finalement » (arrêt, point 495) ; qu'en affirmant cependant, pour écarter la qualification de restriction accessoire, que « pour que la CEIC puisse être considérée comme objectivement nécessaire à la mise en place de l'EIC, il aurait fallu que soit démontré que les banques, ou au moins certaines d'entre elles, pouvaient raisonnablement envisager que l'opération principale leur causerait des pertes » et qu' « il est sans portée, compte tenu de ce qui précède, que deux tentatives précédentes d'instaurer l'EIC aient échoué et les observations des parties sur la réitération et la réalité des opérations ne sont pas opérantes » et que « si elle (la banque de France) est intervenue dans le cadre des négociations de la CIR, en proposant de réduire le niveau de la CEIC ou de la limiter dans le temps, il s'agissait uniquement pour elle de trouver un compromis afin de permettre le passage à l'EIC. Mais le fait que ce compromis ait été trouvé ne permet en rien de considérer que le critère de nécessité objective, dont dépend la qualification de restriction accessoire, ait été rempli » (arrêt, points 284 et 295), quand la seule preuve exigée portait sur l'impossibilité de réaliser l'EIC sans l'accord unanime des banques dont les positions étaient contraires, partant sans le compromis trouvé, la cour d'appel, qui a subordonné le constat du caractère « objectivement nécessaire » de la restriction à la réalisation de l'opération principale, à la preuve du caractère objectivement justifié de la restriction, la cour d'appel a ajouté aux dispositions de l'article 101 §. 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tel qu'interprété par le juge communautaire, violant ainsi ce texte ainsi que l'article L. 420-1 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE 363. Plusieurs parties contestent le refus de l'Autorité de prendre en compte, dans son appréciation des bilans prévisionnels réalisés par les banques, les pertes éventuelles de la société Crédit agricole liées à la disparition des dates de valeur (décision attaquée, § 443). Les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais exposent sur ce point que la jurisprudence de la Cour de cassation n'admet la légitimité des dates de valeur qu'au regard de la justification que constitue les délais d'encaissement. Elles rappellent que le législateur a fixé, à l'article L. 131-1-1 du code monétaire et financier, la date de valeur d'une opération de paiement par chèque libellé en euros en précisant que « [l]a date de valeur d'une opération de paiement par chèque libellée en euros ne peut différer de plus d'un jour ouvré la date retenue pour sa comptabilisation sur un compte de dépôts ou sur un compte de paiement ». Selon elles, la société Crédit agricole était donc fondée à considérer les pertes liées au passage à l'EIC en prenant en compte celles engendrées par la disparition des dates de valeur.

364. Cependant, les dates de valeur, ou jours de banque, se définissent comme le délai entre le mouvement du compte de la banque et le mouvement du compte du client. Ce mécanisme, qui consiste dans l'application d'un décalage temporel entre le moment ou une banque encaisse (ou décaisse) le montant d'un chèque et celui où elle crédite (ou débite) le compte de son client, relève donc de la seule volonté de chaque banque et des relations contractuelles qu'elle a nouées avec sa clientèle. C'est donc à juste titre que l'Autorité a, au paragraphe 443 de la décision attaquée, considéré que cette pratique, « qui relève du libre choix commercial des banques », est indépendante de la vitesse des échanges interbancaires et que sa disparition, qui n'est d'ailleurs pas démontrée, ne constitue pas une conséquence de l'accord pour le passage à l'EIC. La jurisprudence et le texte cités par les parties et rappelés ci-dessus, qui ne concernent que la mesure dans laquelle est admise la pratique des dates de valeur, sont sans portée sur le bien-fondé de l'analyse de l'Autorité sur ce point, dès lors que la pratique des dates de valeur est demeurée en dépit de cette jurisprudence ;

5) ALORS QUE les banques ne peuvent différer les dates de crédit ou de débit de leurs clients au-delà des délais techniquement nécessaires pour le dénouement de l'opération de paiement ; que, dans leurs conclusions, les banques rappelaient, preuves à l'appui, que le Crédit Agricole, à l'époque des négociations, anticipait des pertes causées par le passage à l'EIC ; qu'elles produisaient l'étude à usage interne, établie par le comité de direction du CEDICAM pour ses séances du 8 décembre 1999 et du 15 juin 1999, comprenant des simulations des conséquences - gains et pertes attendus - du passage à l'EIC et dont il ressortait que la banque envisageait une perte annuelle nette d'un montant minimal de 45,7 millions d'euros ; qu'en affirmant, pour écarter les prévisions de pertes du Crédit Agricole, que « cette évaluation tenait compte de façon injustifiée de la révision des dates de valeur, (…), la révision de ces dates résultant d'un choix de chaque banque et non de la mise en oeuvre de l'EIC » et qu'« ainsi, les prévisions de pertes comprises entre 45 et 78 millions d'euros, invoquées par les sociétés Crédit Agricole et le Crédit Lyonnais ne peuvent-elles être qualifiées de pertes nettes, puisqu'elles prennent en compte le montant de pertes liées à l'abandon des dates de valeur », la cour d'appel a violé les articles 1131 du code civil, dans sa rédaction alors applicable, ensemble et par refus d'application les articles 101 §. 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-1 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE 353. la cour précise que les constats et contestations fondés sur des données de 2002 sont inopérants, dès lors qu'ils s'appuient sur des données postérieures aux pratiques et qui ne pouvaient donc être connues des parties au moment de l'accord litigieux. Il est sans portée sur ce point que l'année 2002 ait été l'année du passage à l'EIC, puisque c'est le 3 février 2000 qu'a été prise la décision et qu'a été constituée la pratique d'entente prohibée ;

6) ALORS QUE le caractère réaliste et justifié d'une anticipation de pertes, en suite de la mise en oeuvre d'un accord devant intervenir deux années plus tard, peut être établi par le constat que la mise en oeuvre de cet accord a effectivement généré des pertes ; que les banques ont établi que, même en adoptant la méthodologie utilisée par l'Autorité de la concurrence, le Crédit Agricole avait effectivement subi des pertes en 2002 du fait du passage à l'EIC ; qu'en affirmant, pour dire qu'aucune banque ne démontrait avoir pu raisonnablement envisager que l'opération principale lui causerait des pertes, que « les constats et contestations fondés sur des données de 2002 sont inopérants, dès lors qu'ils s'appuient sur des données postérieures aux pratiques et qui ne pouvaient donc être connues des parties au moment de l'accord litigieux » et qu'« il est sans portée sur ce point que l'année 2002 ait été l'année du passage à l'EIC, puisque c'est le 3 février 2000 qu'a été prise la décision et qu'a été constituée la pratique d'entente prohibée », quand ces éléments étaient de nature à établir la réalité des projections et craintes des banques, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 101 §. 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-1 du code de commerce

ET AUX MOTIFS QUE 356. Les parties renvoient à l'étude économique de leur expert économiste, qui démontrerait qu'au moins une banque, la société Crédit agricole, aurait eu un bilan négatif, en utilisant les données de 1998, de 2000 ou de 2002.

357. Elles font valoir que, sur la base de données temporellement cohérentes et tout en conservant les autres hypothèses utilisées par l'Autorité, cette étude démontre que, sans CEIC, la société Crédit agricole aurait subi des pertes annuelles de 0,5 million d'euros (sur la base des données de 1998 et des hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée), de 0,9 million d'euros (sur la base des données de 2000 et des hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée) et de 2,4 millions d'euros (sur la base des données de 2002 et des hypothèses du paragraphe 514 de la décision attaquée) ou de 8,1 millions d'euros (sur la base des données de 2002 et des hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée).

358. L'objection des parties n'est pas fondée. En effet, il ressort des chiffrages de l'expert des parties que l'application des paramètres du paragraphe 514 de la décision attaquée aboutit à un résultat positif de l'application de l'EIC sans CEIC (point 30 page 11 du rapport du 22 octobre 2010). Ce n'est que dans le cadre des hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée, c'est-à-dire de données corrigées pour modifier les parts en valeur des entreprises optimisant leur trésorerie à l'émission et des entreprises optimisant leur trésorerie à la remise, que le bilan devient alors négatif de moins d'un million d'euros. Or cette réserve doit encore être relativisée.

359. En effet, ainsi que le fait observer l'Autorité, les hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée retiennent une valeur d'accélération de 1,4 jour ouvré qui est probablement surévaluée puisque ne prenant pas en compte une catégorie de remettants dont les chèques encaissés ont vu leur règlement interbancaire avancer plus faiblement que la moyenne retenue. Ces remettants sont en particulier les grands remettants qui, avant le passage à l'EIC, avaient mis en place une organisation leur permettant de présenter les chèques en compensation dès le lendemain de leur présentation et de réduire au maximum le délai d'encaissement. Pour ces derniers, le seul facteur d'accélération se trouvait être la réduction de l'écart entre compensation et règlement interbancaire pour les chèques anciennement hors place. Or, si, ainsi que le précise l'Autorité dans la note de son service économique du 2 mai 2016, on applique aux paramètres du paragraphe 519 de la décision attaquée une valeur d'accélération de 1,2 jour ouvré (au lieu de 1,4) le bilan pour la société Crédit agricole, corrigé par les données de l'expertise des parties, est positif pour cette banque.

360. La critique des parties sur cette modification de la valeur d'accélération, qui reproche à l'Autorité de modifier les paramètres de calcul de façon arbitraire, afin de défendre coûte que coûte ses conclusions, n'est pas fondée. À ce sujet la cour observe que cette question de la surévaluation était déjà évoquée aux paragraphes 491 et 492 de la décision attaquée, qui précisent que « l'accélération du règlement interbancaire a été initialement évaluée entre 1,1 et 1,6 jour ouvré par le groupe de travail restreint de la CIR (cote 924), cette estimation est probablement surévaluée car elle ne prend pas en compte l'existence d'une catégorie de grands remettants, encaissant d'importants volumes de chèques, qui ont bénéficié de l'accélération du règlement interbancaire principalement pour la compensation des chèques " hors place " (cf. point 81) (...) », et que les études économiques des parties des 26 mai 2008 et 30 octobre 2009 se fondaient sur l'hypothèse d'une accélération de 1,2 jour ouvré. L'Autorité a encore indiqué dans la décision attaquée que, sur ce point, plusieurs hypothèses seraient testées ce qu'elle a fait, notamment au paragraphe 516, dans le cadre duquel elle précise que le bilan de la méthode du paragraphe 514, qui fait apparaître qu'aucune banque ne devait subir de pertes du fait du passage à l'EIC sans CEIC, est identique si l'on applique une accélération de l,2 jour ouvré au lieu de 1,4.

361. Il s'en déduit que l'Autorité avait, dans la décision attaquée, bien envisagé que l'accélération de l,2 jour ouvré puisse être plus pertinente que celle de 1,4 retenue initialement pour le bénéfice des parties et il ne saurait lui être fait grief de modifier les paramètres de son appréciation pour soutenir la décision attaquée. En outre, l'application, aux hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée, des données corrigées par l'étude de l'expert des parties d'une accélération de 1,2 jour ouvré du règlement interbancaire au lieu de 1,4 conduit effectivement et de façon justifiée à constater un bilan positif de l'EIC sans CEIC pour la société Crédit agricole.

362. Dans ces circonstances, et compte tenu de ce qui vient d'être observé, il n'est pas démontré que la société Crédit agricole pouvait envisager de manière suffisamment réaliste qu'elle subirait des pertes du fait du passage à l'EIC ;

7) ALORS QUE, la cour d'appel a retenu que la preuve du caractère objectivement nécessaire de la CEIC à la mise en place de l'EIC imposait que soit établi que certaines banques pouvaient raisonnablement envisager que l'opération principale leur causerait des pertes ; que, dans sa décision, l'Autorité de la concurrence a établi des bilans individuels des banques fondés, notamment, sur une accélération des délai de règlement interbancaire de 1,4 jour, qui était celle retenue par la commission interbancaire, (CIR), lors des négociations de l'accord, et en envisageant deux hypothèses possibles, selon qu'était retenue une part (en valeur) des entreprises optimisant leur trésorerie à l'émission et à la remise de 25 %, (hypothèse du § 514) ou selon qu'était retenue une part (en valeur) des entreprises optimisant leur trésorerie de 10% à l'émission et de 40 % à la remise, (hypothèse du § 519) ; qu'après avoir démontré que les bilans individuels, mentionnés dans la décision entreprise pour dire que le passage à l'EIC n'avait généré aucune perte, étaient erronés pour être basés sur des données temporellement incohérentes, les banques ont établi que, même en adoptant la méthodologie utilisée par l'Autorité de la concurrence dans sa décision, le passage à l'EIC générait des pertes pour la banque Crédit Agricole dans l'hypothèse retenue par l'Autorité au § 519 de sa décision, que l'on se fonde sur les données de l' année 1998 ou de l'année 2000 ; que la cour d'appel a elle-même constaté que le bilan du Crédit Agricole était négatif « dans le cadre des hypothèses du paragraphe 519 de la décision » (arrêt, § 358) ; qu'en écartant cependant, pour dire que la preuve du caractère objectivement nécessaire de la CEIC n'était pas rapportée, le bilan individuel de la banque Crédit Agricole établissant les pertes, aux motifs inopérants que le délai d'accélération du règlement interbancaire, de 1,4 jour était « probablement surévalué » et que si on applique un délai d'accélération d'1,2 jour, le bilan devient alors positif, quand cette circonstance n'était pas de nature à venir modifier le caractère « raisonnable » du délai de 1,4 jour ouvré, estimé par la CIR lors des négociations de l'accord et retenu par l'Autorité dans sa décision, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 101 §. du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-1 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE 369. Les parties soutiennent que le calcul des gains administratifs de la société La Banque Postale par l'Autorité est erroné et qu'en utilisant les données que cette banque avait fournies lors de l'instruction, son bilan du passage à l'EIC sans CEIC était négatif. Elles s'appuient sur l'étude du cabinet d'expertise du 22 octobre 2010, qui indique, au point 37, qu'en appliquant les données fournies par la société La Banque Postale à la méthode de l'Autorité décrite aux paragraphes 514 et 519 de la décision attaquée le bilan aurait été négatif.

370. Le service économique de l'Autorité, aux points 44 à 46 de sa note du 2 mai 2016, jointe aux observations, soutient que les chiffres utilisés dans la décision attaquée concernant la société La Banque Postale sont issus des données internes de celle-ci que l'Autorité a dû retraiter, car les données transmises tiennent compte de deux paramètres, d'une part, les économies dans le traitement standard des chèques, d'autre part, les transferts de charges du fait de la non-circulation physique du chèque (à l'origine des CSC), lesquelles n'auraient pas dû y figurer.

371. Il n'est pas sérieusement contesté que, ainsi qu'il est observé aux points 45 et suivants de la note du service économique de l'Autorité du 2 mai 2016, les montants fixés pour les CSC sont, pour la société La Banque postale, supérieurs aux coûts des prestations correspondantes. Ainsi, par exemple, s'agissant des chèques impayés, la commission est de 30 % supérieure aux coûts (l'extraction des impayés et l'établissement des avis et attestation de rejet coûtait à la société La Banque postale environ 15,3 francs par impayé, tandis que le niveau de CSC correspondante était de 20 francs), ou encore la commission pour chèques circulants a été surévaluée de façon à être dissuasive (décision attaquée, § 586). Or la société La Banque Postale doit en payer plus qu'elle n'en reçoit, ce qui a pour conséquence que le déficit lié à l'établissement des CSC accroît de manière artificielle les pertes de cette banque. Dans cette situation, intégrer les CSC dans le calcul du bilan du passage à l'EIC revient à faire compenser le montant élevé de ces commissions par la CEIC et, ainsi que le soutient à juste titre l'Autorité dans la note de son service économique, il ne serait pas justifié d'instaurer un mécanisme tel que la CEIC, dont l'objectif n'est que de compenser les pertes de trésorerie générées par la perte du « float », pour remédier au niveau trop élevé des CSC pour les banques majoritairement tirées. Sur ce point, le fait que les CSC aient, à l'exception des commissions AOCT, été considérées comme proportionnées à leur coût moyen et au progrès économique qu'elles ont permis, est sans portée sur le constat d'une éventuelle surévaluation par rapport à leurs coûts réels. C'est en conséquence à juste titre que l'Autorité a refusé de prendre en compte les CSC dans le calcul des bilans individuels des banques, et notamment de la société La Banque Postale, pour déterminer la nécessité de la CEIC. Les moyens développés sur ce point doivent donc être rejetés ;

8) ALORS QUE quel que soit le contexte ou le but dans lequel il est recouru à une hypothèse contrefactuelle, il importe que cette hypothèse soit appropriée à la question qu'elle est censée éclairer et que le postulat sur lequel elle repose ne soit pas irréaliste ; que la cour d'appel a retenu que la preuve du caractère objectivement nécessaire de la CEIC à la mise en place de l'EIC imposait que soit démontré que « les banques ou au moins certaines d'entre elles, pouvaient raisonnablement envisager que l'opération principale leur causerait des pertes » ; que la Banque Postale, qui avait effectué un bilan des coûts et gains administratifs du passage à l'EIC, a établi, sur la base des données de l'année 2000 et en suivant la même méthodologie que l'Autorité, que le passage à l'EIC sans CEIC avait pour conséquence, quelle que soit la part de clients remettants optimisant leur trésorerie, des pertes financières très importantes ; qu'en écartant cependant, pour dire que la banque postale n'aurait pas subi de pertes dans l'hypothèse d'un passage à l'EIC sans CEIC, partant que la preuve du caractère objectivement nécessaire de la CEIC n'était pas établie, du bilan de la banque, les coûts des CSC, aux motifs inopérants que « ces montants sont supérieurs aux coûts des prestations correspondantes », que « la société La Banque Postale doit en payer plus qu'elle n'en reçoit, ce qui a pour conséquence que le déficit lié à l'établissement des CSC accroît de manière artificielle les pertes de cette banque » et que « intégrer les CSC dans le calcul du bilan du passage à l'EIC revient à faire compenser le montant élevé de ces commissions par la CEIC », quand la Banque Postale n'avait pas d'autre choix, une fois l'accord conclu, que d'acquitter le montant de ses CSC, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 101 §. 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tel qu'interprété par le juge communautaire, ensemble l'article L. 420-1 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE 397. La société BPCE reproche à l'Autorité d'avoir refusé de prendre en compte les investissements réalisés pour le passage à l'EIC dans les bilans individuels. Elle expose que ce refus est contraire aux lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité. Elle fait valoir que l'Autorité ne pouvait se fonder sur le fait que les banques n'auraient fourni aucune évaluation des montants des investissements réalisés dans le cadre de la mise en place de l'EIC, alors qu'elle relève dans la même phrase que ce constat ne vaut qu'à l'exception des sociétés Le Crédit lyonnais, BNP Paribas, HSBC France et des Banques Populaires.

398. La cour relève toutefois que ce grief pris de la contradiction interne de la décision attaquée manque en fait. En effet, si l'Autorité a indiqué, au paragraphe 504 de la décision attaquée, que, « à l'exception de LCL (investissements totaux de [75 – 100 millions de francs], amortis dans une fourchette annuelle de [25 – 50 millions de francs] cote 36523), BNP Paribas, HSBC et des Banques Populaires », les parties n'ont fourni aucune évaluation des investissements qu'elles avaient consenti à l'occasion du passage à l'EIC, elle précise toutefois dans la suite de sa phrase que les évaluations des trois dernières, soit les sociétés BNP Paribas, HSBC France et Banques Populaires n'étaient assorties d'aucun élément justificatif.

399. C'est ensuite par une juste motivation, que la cour adopte, que l'Autorité a considéré, au paragraphe 505 de la décision attaquée, que la prise en compte des investissements ne pourrait être intégrale et devrait en tout état de cause être réduite du montant net des investissements qui auraient dû être réalisés si l'EIC ne s'était pas concrétisé. Elle a relevé de manière pertinente sur ce point que, sans passage à l'EIC, la duplication du système d'échange papier pour le besoin des chèques en euros aurait été nécessaire pendant la période de coexistence des deux monnaies, ce qui aurait été onéreux. Or, faute d'éléments justifiant le montant des investissements prétendus, cette analyse ne pouvait, et ne peut à ce jour, être réalisée. La cour relève à ce sujet qu'il n'est, en outre, pas soutenu que les pièces fournies par la société Le Crédit lyonnais auraient été suffisantes à rapporter la preuve de ses investissements ;

9) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des conclusions des parties ; que les sociétés LCL et Crédit Agricole faisaient valoir, devant la cour d'appel, que l'Autorité de la concurrence avait, de manière erronée, refusé d'intégrer, dans les coûts du passage à l'ECI les investissements effectués par les banques ; qu'elle rappelait que « la société LCL avait estimé le coût des investissements nécessaires à la mise en place de l'EIC à 87 MFRF et des économies annuelles récurrentes dans une fourchette de 31 à 46 MFRF, selon les hypothèses énoncées dans le plan marketing de LCL sur le passage à l'EIC joint en Annexe 3 au Mémoire en réponse de CASA et LCL, (cote 36673 et svts) » (conclusions, point 780) ; qu'en affirmant cependant que « faute d'éléments justifiant le montant des investissements prétendus, cette analyse ne pouvait et ne peut, à ce jour, être réalisée » et que « la cour relève, à ce sujet qu'il n'est, en outre pas soutenu que les pièces fournies par la société Le Crédit Lyonnais auraient été suffisantes à rapporter la preuve de ses investissements », la cour d'appel a dénaturé les conclusions qui lui étaient soumises violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile;

10) ALORS QU'il appartient à la cour d'appel, saisie d'un recours en réformation dirigé contre une décision de l'Autorité de la concurrence, de statuer en fait et en droit sur les éléments qui lui sont soumis ; qu'en affirmant, pour écarter le moyen tiré de l'absence de prise en compte des investissements initiaux dans le calcul des banques, que « la cour relève, à ce sujet qu'il n'est, en outre pas soutenu que les pièces fournies par la société Le Crédit Lyonnais auraient été suffisantes à rapporter la preuve de ses investissements », sans rechercher, elle-même, s'il ne ressortait pas des pièces visées dans les conclusions la preuve des investissements de la banque, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 12 du code de procédure civile ;

11) ALORS QUE la qualification de restriction accessoire suppose que la restriction en cause soit directement liée à l'opération principale, qu'elle soit objectivement nécessaire à la mise en oeuvre de cette opération et qu'elle soit proportionnée aux objectifs sous-tendant cette opération principale ; que l'exigence de proportionnalité, qui s'apprécie au regard des objectifs de l'opération principale et en tenant compte du contexte économique et juridique de cette opération, impose l'examen de l'importance matérielle, temporelle, éventuellement géographique de la restriction, en sorte que cette restriction n'excède pas ce qui est nécessaire à la réalisation de l'opération principale ; qu'en affirmant, pour retenir que l'instauration de la CEIC n'était pas proportionnée, qu' « il est impossible de caractériser une prétendue proportionnalité alors que l'étendue des pertes anticipables au jour de l'accord litigieux n'était pas connue », et que « le fait que le montant ait été fixé au terme d'un compromis entre les banques ne permet pas d'établir le caractère proportionné de la CEIC », la cour d'appel, qui a examiné la proportionnalité du montant de la commission au regard des pertes anticipables par les banques, quand il lui appartenait de rechercher si l'instauration de cette commission et ses modalités, son montant, sa durée et son caractère subsidiaire, notamment, excédaient ce qui était nécessaire à l'adoption du passage à l'ECI, a violé les dispositions de l'article 101 §. 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tel qu'interprété par le juge communautaire, ensemble l'article L. 420-1 du code de commerce ;

12) ALORS QUE le critère de proportionnalité, requis pour qu'une restriction de concurrence puisse être qualifiée de restriction accessoire d'une opération principale, qui s'apprécie au regard de l'objectif de réalisation de l'opération principale, ne se confond pas avec la condition, exigée pour qu'une restriction de concurrence prohibée soit exemptée, selon laquelle cette restriction doit être proportionnée à la réalisation des gains d'efficacité ; qu' à supposer que la cour d'appel ait, pour écarter la proportionnalité de la CEIC, partant dire que l'instauration de cette commission ne pouvait pas être qualifiée de restriction accessoire, statué par référence aux motifs de l'arrêt ayant écarté l'exemption de l'accord, la cour d'appel a encore violé, par refus d'application les articles 101 §. 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-1 du code de commerce, ensemble et par fausse application les articles 101 § 3 du même traité et L. 420-4 du même code ;

13) ALORS QUE si l'Autorité de concurrence peut, afin de réfuter le caractère accessoire d'une restriction, s'appuyer sur l'existence d'alternatives réalistes, encore fautil qu'elle établisse que ces alternatives sont effectivement moins restrictives de concurrence ; que les banques ont fait valoir, preuves à l'appui, que le montant de la CEIC, fruit d'un compromis, aboutissait à une compensation seulement transitoire et partielle des pertes de trésorerie ; qu' à supposer que la cour d'appel se soit fondée, par référence aux motifs de l'arrêt ayant écarté l'exemption de l'accord et pour dire qu'une commission proportionnelle aurait été moins restrictive de concurrence, sur la seule affirmation selon laquelle « la commission n'aurait alors bénéficié qu'aux seules entreprises qui subissaient réellement des pertes et n'aurait pas pesé excessivement sur les banques remettantes », sans rechercher, ni constater que l'alternative proposée, soit l'instauration d'une commission proportionnelle à la valeur des chèques, aurait eu effectivement un impact anticoncurrentiel plus faible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 §. 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tel qu'interprété par le juge communautaire, et L. 420-1 du code de commerce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

- Sur les restrictions accessoires (CSC) -

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les recours formés par les sociétés Confédération Nationale du Crédit Mutuel, (CNCM), et Crédit Industriel et Commercial, (CIC), à l'encontre de la décision n° 10-D-28 rendue le 20 septembre 2010 par l'Autorité de la concurrence et, statuant à l'égard des sociétés Banque Postale, BNP Paribas et BPCE, de n'AVOIR que très partiellement réformé cette décision, en ramenant les sanctions prononcées à leur encontre à hauteur, respectivement, de 29.590.000 euros et 290.000 euros, 57. 830. 000 euros et 580.000 euros et 48. 260. 000 euros et 480. 000 euros, puis rejeté leur recours pour le surplus ;

AUX MOTIFS QUE 296. Les sociétés BPCE et Le Crédit industriel et commercial ainsi que la Confédération nationale du Crédit mutuel font valoir que la décision attaquée serait entachée de contradiction en ce qu'elle admet le caractère nécessaire des CSC dans le cadre de l'examen de l'exemption, que ce soit en raison des caractéristiques même du passage à l'EIC, de l'impossibilité pratique de les négocier sur une base bilatérale ou de la nécessité de déterminer un coût fixe, mais qu'elle rejette ce caractère dans le cadre de l'analyse sur les restrictions accessoires aux motifs, d'une part, que les CSC auraient pu être instaurées sur une base bilatérale et non multilatérale et, d'autre part, que les banques auraient pu s'accorder uniquement sur des modalités de calcul de chaque CSC en fonction de paramètres variant d'une banque à l'autre.

297. Par ailleurs, l'ensemble des parties soutiennent qu'il était indispensable, pour permettre le passage à l'EIC, que les banques trouvent un accord sur les modalités de rémunération des prestations de services rendus par les banques remettantes aux banques tirées et que, dans ces conditions, l'Autorité aurait dû retenir que ces commissions constituaient des restrictions accessoires.

298. Le Ministre chargé de l'Économie expose que, sans les accords sur la CEIC et les CSC, le passage à l'EIC n'aurait pas été possible ou, tout au moins, aurait été très difficilement réalisable. Selon lui, les CSC comme la CEIC apparaissent, compte tenu de la nécessaire unanimité des banques et des résistances qui persistaient après les deux tentatives échouées « objectivement et raisonnablement nécessaires à la réalisation de l'EIC ».

299. L'Autorité dans ses observations conclut au rejet de ces critiques.

300. Au point 91 de son arrêt MasterCard e.a./Commission, précité, la Cour de justice a précisé que « lorsqu'il s'agit de déterminer si une restriction anticoncurrentielle peut échapper à la prohibition prévue à l'article 81, paragraphe 1, CE au motif qu'elle constitue l'accessoire d'une opération principale dépourvue d'un tel caractère anticoncurrentiel, il convient de rechercher si la réalisation de cette opération serait impossible en l'absence de la restriction en question. Contrairement à ce que prétendent les requérantes, le fait que ladite opération soit simplement rendue plus difficilement réalisable voire moins profitable en l'absence de la restriction en cause ne saurait être considéré comme conférant à cette restriction le caractère " objectivement nécessaire" » requis afin de pouvoir être qualifiée d'accessoire. En effet, une telle interprétation reviendrait à étendre cette notion à des restrictions qui ne sont pas strictement indispensables à la réalisation de l'opération principale. Un tel résultat porterait atteinte à l'effet utile de la prohibition prévue à l'article 81, paragraphe 1, CE (...) ».

301.Or, ainsi que l'a retenu l'Autorité dans la décision attaquée (§ 320), les CSC, commissions destinées à rémunérer les divers services liés à la dématérialisation que les banques peuvent se rendre entre elles, pourraient, sur le plan technique, être déterminées de façon bilatérale, quand bien même cette solution serait-elle très complexe et la moins efficiente économiquement. Dans ces circonstances, il est exact et conforme à la jurisprudence qui vient d'être rappelée de considérer que le passage à l'EIC n'aurait pas été impossible en l'absence de fixation des commissions multilatérales que sont les CSC. C'est donc à juste titre que l'Autorité a considéré que les moyens selon lesquels des négociations bilatérales auraient engendré des coûts de transaction importants relevaient de l'appréciation relative à l'exemption et non de celle des restrictions accessoires.

302. La cour relève sur ce point que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Le Crédit lyonnais et Crédit agricole, il n'est pas établi que le refus par une seule banque des conditions proposées par une autre aurait empêché le système de fonctionner, puisque les désaccords sur les commissions des services annexes pouvaient se résoudre par des négociations entre ces banques, lesquelles pouvaient, s'agissant de services autres que la délivrance des chèques, répercuter leurs montants sur les clients, y compris les émetteurs de chèques.

303. Il n'existe, par ailleurs, compte tenu des exigences de cette jurisprudence, pas de contradiction interne de la décision attaquée, contrairement à ce que soutiennent certaines parties, entre l'appréciation portée sur la qualification de restrictions accessoires et l'exemption des pratiques en cause. En effet, ces analyses, qui reposent sur des fondements différents, ne portent pas sur les mêmes questions. Les restrictions accessoires visent en effet à ne pas appliquer les dispositions de l'article 101, paragraphe 1 du TFUE à des pratiques qui se rattachent de manière nécessaire et proportionnée à une opération principale qui ne pourrait être réalisée sans la mise en oeuvre de la pratique en cause, tandis que l'exemption suppose que la pratique reprochée soit indispensable à l'obtention du progrès économique ou de gains d'efficacité, à savoir l'optimalisation de l'allocation des coûts entre les utilisateurs du chèque (décision attaquée § 541 à 549), et la réduction des coûts de transaction (décision attaquée § 550 à 553), permis par l'opération principale.

304. C'est ainsi sans contradiction que l'Autorité a, au paragraphe 555 de la décision attaquée, considéré que l'instauration, sur une base multilatérale, des CSC à coût fixe était nécessaire à l'obtention des gains attendus du passage à l'EIC, mais que, dans la mesure où il n'était pas démontré que des négociations bilatérales pour fixer les montants de ces commissions entre les banques étaient impossibles, ces commissions ne pouvaient être qualifiées de restrictions accessoires.

305. En effet, elle a par cela estimé, d'un côté, que l'instauration sur une base multilatérale des CSC était indispensable non pour réaliser le passage à l'EIC mais pour atteindre les gains d'efficacité économique qui en étaient attendus, et, de l'autre, que, dans la mesure où les commissions en cause auraient aussi pu être décidées dans des rapports bilatéraux, ce qui n'était pas impossible, l'EIC aurait pu aussi être réalisée sans de telles commissions, ce dont il devait être déduit que les CSC n'étaient pas nécessaires au sens de la jurisprudence relative aux restrictions accessoires.

306. Les moyens des parties sur ces points sont en conséquence rejetés ;

1) ALORS QUE la qualification de la restriction accessoire suppose que la restriction en cause soit directement liée à l'opération principale, qu'elle soit objectivement nécessaire à la mise en oeuvre de cette opération et qu'elle soit proportionnée aux objectifs de celle-ci ; que le critère de nécessité objective impose de déterminer si, dans le cadre particulier de l'opération principale et à défaut de la restriction en cause, cette opération principale risque de ne pas se réaliser ou de ne pas se poursuivre ; que la réalisation de l'EIC, qui supposait l'accord de toutes les banques, a induit la création de charges nouvelles et le transfert de charges d'ores et déjà existantes, dont le coût devait être attribué ; qu'en se bornant, pour dire que l'accord conclu entre les banques sur les CSC, préalablement à la mise en place de l'EIC, n'était pas objectivement nécessaire à la réalisation de l'EIC, à affirmer, de manière inopérante, qu' « il n'est pas établi que le refus par une seule banque des conditions proposées par une autre aurait empêché le système de fonctionner, puisque les désaccords sur les commissions des services annexes pouvaient se résoudre par des négociations entre ces banques, lesquelles pouvaient, s'agissant de services autres que la délivrance de chèques, répercuter leurs montants sur les clients, y compris les émetteurs de chèques », sans rechercher si, en l'absence d'accord préalable entre les banques sur la répartition des charges induites par l'EIC, la dématérialisation de la compensation des chèques risquait de ne pas se réaliser, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-1 du code de commerce ;

2) ALORS QUE le critère de nécessité objective, requis pour la qualification de restriction accessoire, impose de déterminer si, dans le cadre particulier de l'opération principale et à défaut de la restriction en cause, l'opération principale risque de ne pas se réaliser ou de ne pas se poursuivre ; que si, afin de réfuter le caractère objectivement nécessaire d'une restriction, il peut être recouru à une hypothèse contrefactuelle, encore faut-il que cette hypothèse constitue une alternative réaliste, permettant la réalisation, dans son contexte économique et juridique, de l'opération principale ; que la cour d'appel a constaté que les négociations visant à la réalisation de la dématérialisation de la compensation des chèques s'étaient inscrites dans le contexte de l'arrivée de l'euro au 1er janvier 2002, ce qui impliquait la réalisation effective de l'EIC, partant l'accord préalable des banques sur la répartition et le coût de la prise en charge des frais induits par l'EIC ; qu'en se bornant, pour dire que l'accord conclu entre les banques sur les CSC, préalablement à la mise en place de l'EIC, n'était pas objectivement nécessaire à la réalisation de l'EIC, à affirmer, par pure pétition que « les CSC, commissions destinées à rémunérer les divers services liés à la dématérialisation que les banques peuvent se rendre entre elles, pourraient, sur le plan technique, être déterminées de façon bilatérale, quand bien même cette solution serait-elle très complexe et la moins efficiente économiquement » et que « dans ces conditions (…) le passage à l'EIC n'aurait pas été impossible en l'absence de fixation des commissions multilatérales que sont les CSC », sans rechercher, ni constater que la fixation des commissions par des accords bilatéraux aurait été effectivement possible dans le délai imparti pour la réalisation de l'EIC avant le passage à l'euro, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 101 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-1 du code de commerce.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

- Sur l'exemption (CEIC) -

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les recours formés par les sociétés Confédération Nationale du Crédit Mutuel, (CNCM), et Crédit Industriel et Commercial, (CIC), à l'encontre de la décision n° 10-D-28 rendue le 20 septembre 2010 par l'Autorité de la concurrence et, statuant à l'égard des sociétés Banque Postale, BNP Paribas et BPCE, de n'AVOIR que très partiellement réformé cette décision, en ramenant les sanctions prononcées à leur encontre à hauteur, respectivement, de 29.590.000 euros et 290.000 euros, 57. 830. 000 euros et 580.000 euros et 48. 260. 000 euros et 480. 000 euros, puis rejeté leur recours pour le surplus ;

AUX MOTIFS QUE 307. Aux termes des articles L. 420-4 du code de commerce et 81, paragraphe 3, CE, les accords entre entreprises qui relèvent des articles L. 420-1 du code de commerce et 81, paragraphe 1, CE peuvent faire l'objet d'une exemption s'ils satisfont aux quatre conditions cumulatives suivantes, prévues par ces dispositions, et dont les parties doivent rapporter la preuve. L'accord doit contribuer au progrès économique, il doit être nécessaire et proportionné à la réalisation des gains d'efficacité, il doit réserver aux utilisateurs une partie équitable du profit en résultant et il ne doit pas donner aux entreprises la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.

308. Les parties ont invoqué devant l'Autorité le bénéfice de cette exemption et leurs demandes ont été rejetées par la décision attaquée en ce qui concerne la CEIC et les commissions AOCT.

309. Aux paragraphes 390 à 531 de la décision attaquée, l'Autorité, après avoir retenu que le procédé EIC constituait bien un progrès économique, a considéré que les parties ne démontraient pas que la CEIC était nécessaire à la réalisation du progrès économique constaté, d'une part, en ce qu'il n'était pas démontré qu'à la date des négociations de la CIR, l'une des banques prévoyait une perte nette liée au passage à l'EIC, d'autre part, en ce que l'instauration d'une commission fixe à la transaction n'était, en tout état de cause, pas de nature à compenser les pertes de trésorerie attendues.

310. Elle a ensuite retenu que le bilan économique du passage à l'EIC pour chacune des banques concernées confirmait cette analyse. Sur ce point, elle a estimé, en premier lieu, que l'étude menée par son service économique permettait de constater qu'aucune des banques majoritairement tirées en volume (La Banque postale, Crédit agricole, Confédération nationale du Crédit mutuel, Caisses d'Épargne) ne présentait un bilan négatif hors mécanisme de compensation, en deuxième lieu, que les deux banques présentant un bilan négatif hors mécanisme de compensation sont des banques majoritairement remettantes en volume, la mise en oeuvre du mécanisme de compensation ayant aggravé leur bilan, au lieu de l'améliorer, contrairement à ce que prétendaient les requérantes, en troisième lieu, enfin, que trois autres banques majoritairement remettantes en volume, dont le bilan aurait été positif sans le mécanisme de compensation, présentaient un bilan négatif.

311. Selon l'Autorité, les simulations effectuées par les services d'instruction corroborent les enseignements résultant de l'examen des documents de travail de la CIR, ainsi que les chiffrages des banques, et confirment que la mise en place d'une commission fixe avait des effets extrêmement variables suivant les volumes et valeurs de chèques émis et remis, avec pour conséquence de dégrader le bilan de certaines banques, dont la position résultant du passage à l'EIC, en terme d'équilibre de trésorerie, était pourtant moins favorable que leurs concurrentes, alors qu'à l'inverse, certaines banques voyaient un bilan particulièrement favorable s'améliorer encore du fait de l'instauration de la commission (décision attaquée, § 524).

312. La mise en place d'une commission fixe apparaissant dès lors incohérente au regard de l'objectif d'incitations individuelles des banques à accepter le passage à l'EIC, l'Autorité a estimé que la preuve de la nécessité de cette commission n'était pas rapportée.

313. Sur ce point, la cour relève que, contrairement à ce que soutiennent certaines parties l'Autorité n'a pas soutenu qu'il était démontré qu'aucune des banques n'établissait avoir subi de perte du fait de l'instauration de la CEIC, mais a seulement retenu que les parties ne démontraient pas qu'à la date de l'accord litigieux, soit le 3 février 2000, elles estimaient de façon suffisamment réaliste qu'elles encouraient des pertes, ce qui aurait permis d'établir que l'accord était nécessaire à la réalisation du progrès économique invoqué.

314. Contrairement à ce que soutient la société BNP Paribas, l'Autorité n'a, ainsi, pas mis en oeuvre une doctrine différente de celle appliquée par elle ou par les autorités de l'Union précédemment rappelée. Il est, par ailleurs, inopérant que l'Autorité ait, comme le relèvent plusieurs parties, contredit l'avis de la Commission bancaire, laquelle avait indiqué que la fixation des commissions était rendue nécessaire par le passage à l'EIC, dès lors qu'ainsi qu'il a déjà été précisé (paragraphe 292), l'avis de cette Commission n'est pas fondé sur une analyse de la nécessité conforme à celle qui doit être menée au regard des critères du droit de la concurrence.

315. Le fait que la CEIC ait contribué au progrès économique, en permettant la mise en place de la dématérialisation de l'encaissement des chèques, comme le fait qu'il était nécessaire que toutes les banques de la place, soient d'accord pour que le passage au nouveau système puisse de réaliser ont été reconnus par l'Autorité et ne sont pas contestés. Il n'est donc pas nécessaire d'analyser ces questions.

1. Sur le bilan global de l'instauration de la CEIC

316. Ainsi que le rappelle l'Autorité, au paragraphe 432 de la décision attaquée, il était rationnel pour chacune des banques participant aux négociations de la CIR de n'accepter le passage à l'EIC qu'à la condition qu'elle estime de manière suffisamment réaliste (souligné par la cour) ne pas subir de pertes du fait du changement. A défaut, la mise en place d'un mécanisme permettant d'indemniser ces pertes pourrait être admise, à titre transitoire, afin de donner aux établissements perdants une incitation à accepter la transition vers le nouveau système de compensation des chèques, et donc de permettre la réalisation des gains d'efficacité qui en étaient attendus. C'est la raison pour laquelle il convient de vérifier si au moment de la mise en place de l'accord litigieux, les parties ont estimé de façon suffisamment réaliste qu'elles, ou certaines d'entre elles, subiraient des pertes.

317. Il convient toutefois d'affiner le principe précédemment énoncé, car il ne vaut que pour les banques principalement tirées. En effet, l'analyse des situations des banques, dont il sera fait état dans des développements ultérieurs, peut montrer que certaines banques majoritairement remettantes pouvaient envisager subir des pertes du fait du passage à l'EIC. Toutefois, pour celles-ci et du fait de leur caractéristique de banque majoritairement remettante, la mise en place d'une commission ne pouvait qu'accroître leurs pertes. Dans ce cas, la CEIC ne pouvait avoir l'effet incitatif soutenu et le fait qu'elles aient pu subir des pertes ne démontre pas à soi seul que la CEIC était, d'une part, nécessaire, d'autre part, proportionnée.

318. Ainsi que le prévoit le point 44 des lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité, et comme le soutiennent certaines parties, le caractère nécessaire de la restriction exemptable doit être établi par les entreprises alléguant le bénéfice de l'exemption, au moyen de l'examen de circonstances concrètes du marché au moment où l'accord « s'est produit » et sur la base des faits existants à ce moment donné. Si toutes les circonstances entourant la conclusion de l'accord litigieux doivent être considérées, il n'y a pas lieu, contrairement à ce que soutient la société BPCE, de prendre en compte des éléments postérieurs à celui-ci, dès lors qu'il est uniquement soutenu que la CEIC était nécessaire pour créer l'incitation à conclure l'accord interbancaire ayant permis le passage à l'EIC. En conséquence, c'est à juste titre que l'Autorité n'a tenu compte que des éléments qui pouvaient être connus par les parties au moment de la conclusion de l'accord litigieux ainsi que des projections qu'elles pouvaient effectuer, et non des circonstances qui seraient advenues ultérieurement. Sur ce point, la cour relève que contrairement à ce que soutient la société BPCE, l'Autorité n'avait pas à renvoyer l'affaire à l'instruction à la suite des études d'experts produites par les parties et elle pouvait sans porter atteinte aux droits de la défense et au principe du contradictoire répondre aux objections de ces rapports et en tirer les conséquences qu'elle estimait fondées. À ce sujet l'analogie opérée par la société BPCE avec l'analyse effectuée par la Cour de justice dans son arrêt du 17 septembre 1985, Ford/Commission, (25/84 et 26/84), relative à une demande d'exemption par catégorie, est inopérante. II n'y a, en outre, pas lieu d'examiner si l'existence de pertes, dans la suite de la mise en oeuvre de l'accord litigieux, devait justifier octroi d'une exemption pour cette période, les parties ne le demandant pas.

319. Il s'en déduit que l'Autorité n'a commis aucune erreur de droit à ce sujet.

320. Selon les requérantes, il est incontestable que l'accélération du traitement et du paiement des chèques entraînait mécaniquement et inéluctablement une réduction du « float » du côté de la partie tirée de l'activité des banques, et donc des pertes pour les banques majoritairement tirées. S'appuyant sur le rapport des cabinets d'expertise économique des 22 octobre 2010 et 22 juillet 2016, les parties soutiennent qu'il est établi qu'au moins deux réseaux bancaires, le Crédit Agricole et La Banque postale, majoritairement tirés, allaient subir des pertes du fait de la mise en place de la CEIC.

321. Cette affirmation n'est toutefois pas démontrée. Il est certain que le passage à l'EIC devait avoir pour effet une accélération de l'encaissement des chèques, qui avait elle-même pour conséquence que les banques majoritairement tirées devaient perdre le bénéfice de la durée pendant laquelle elles gardaient ces sommes à leur disposition, dont le placement leur permettait de se rémunérer, mais cette perte du « float » n'était pas le seul effet de cette réforme, qui en comportait de nombreux autres et s'inscrivait dans une réalité plus complexe.

322. Ainsi que le rappelle l'Autorité au paragraphe 440 de la décision attaquée, le groupe de travail restreint de la CIR a défini les éléments pertinents qu'il convenait de prendre en compte pour réaliser le bilan prospectif des effets de la mise en place de l'EIC et précisé que chaque établissement devait ajouter aux éléments de perte ou de gains en termes de « float » et à ceux résultant « de ses capacités à profiter mieux ou moins bien que les autres des possibilités d'encaissements rapides offertes par le nouveau système (...) », « – les économies et surcoûts administratifs de traitement des opérations en tant que banquier remettant et en tant que banquier tiré,– les conséquences que pourraient avoir les nouvelles règles interbancaires sur les transferts potentiels de flux de clientèle (…). Ces calculs, dont on sait la part d'incertitude qu'ils comportent, sont à faire en régime de croisière en intégrant l'amortissement des surcoûts liés au passage d'un système à l'autre ».

323. Or ce n'est finalement pas la méthode qui a été appliquée par le groupe de travail restreint, qui a calculé le montant de la CEIC par le produit du montant moyen du chèque, de l'accélération du délai de règlement interbancaire prévue (1,1 à 1,6 jour ouvré) et du taux d'intérêt auquel la banque peut placer les sommes dont elle a la disposition (3 %). Ainsi, ce calcul a pris en compte les seules pertes de trésorerie de la partie tirée de l'activité des banques, non corrigées par les gains de trésorerie enregistrés sur la part remettante des banques, ni par les gains administratifs retirés de la dématérialisation des échanges.

324. Par ailleurs, et comme le relève justement l'Autorité au paragraphe 444 de la décision attaquée, il ne ressort pas des documents préparatoires à l'accord litigieux que la réalité de pertes nettes subies par certains établissements majoritairement tirés du fait du passage à l'EIC ait été débattue au cours des négociations relatives à l'instauration de la CEIC, alors que la CIR s'est contentée, pour justifier l'instauration d'une commission interbancaire, de tenir compte de la perte brute de trésorerie sur la partie tirée de l'activité des banques.

325. De plus, aucun des trois établissements (Crédit agricole, Le Crédit industriel et commercial et la Confédération nationale du Crédit mutuel) ayant réalisé en interne, au moment des négociations, des bilans du passage à l'EIC en prenant en compte, outre les pertes de trésorerie par chèque tiré, les gains de trésorerie par chèque remis, ainsi que les gains administratifs retirés du nouveau système, sans mécanisme de compensation, ne prévoyait de perte liée au passage à l'EIC (décision attaquée, § 445). Les autres banques n'ont pas produit, au cours de la procédure, de document interne faisant état d'un bilan de l'ensemble des conséquences attendues du passage à l'EIC et ne peuvent donc soutenir qu'elles pouvaient envisager, à l'époque des négociations, que le passage à l'EIC entraînerait pour elles une perte nette dont la compensation exigeait l'instauration d'une commission.

326. Enfin, c'est à juste titre que l'Autorité a relevé, dans la décision attaquée (§ 449 et suivants), que, si les banques majoritairement tirées étaient convaincues de subir des pertes du fait de la mise en place de l'EIC, il est alors incohérent et irrationnel qu'ait été mise en place une commission générale et fixe pour chaque chèque remis, déconnectée de la valeur globale des chèques qui seule aurait permis de compenser les pertes invoquées.

327. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais, cette analyse ne constitue pas un fondement accessoire, mais majeur des raisons pour lesquelles la CEIC ne peut être considérée comme nécessaire à la mise en place de l'EIC et proportionnée, le bilan économique, qui sera abordé dans les développements qui suivent, ne venant que confirmer les conclusions de l'analyse faite précédemment.

328. Contrairement encore à ce que soutiennent ces parties, l'Autorité, en relevant, au paragraphe 425 de la décision attaquée, que « (...) le passage à l'EIC dans le cadre d'une convention-cadre interbancaire ne pouvait être décidé qu'à l'unanimité des banques participant au circuit dématérialisé de traitement des chèques », n'a pas admis que l'accord litigieux en lui-même était nécessaire pour la mise en place de l'EIC, mais a reconnu qu'il était nécessaire qu'une solution unanime soit trouvée.

329. Lesdites parties reprochent à l'Autorité de s'être concentrée exclusivement sur la question de savoir si la CEIC était ou non nécessaire pour parvenir à l'accord des banques pour le passage à l'EIC, ce qui l'a conduite à apprécier de manière incorrecte la CEIC au regard de l'exemption, car elle aurait dû seulement rechercher si la création de la CEIC permettait de générer des gains d'efficacité que l'EIC n'aurait pas permis en l'absence de CEIC. Or, selon elles, la CEIC était indispensable pour réaliser l'accélération des délais d'encaissement, puisque, si cette option n'avait pas été retenue, les parties à l'accord litigieux auraient décidé le maintien de délais de règlement artificiellement longs, renonçant ainsi à l'accélération pour ne pas modifier les équilibres de trésorerie.

330. Toutefois, ce reproche est infondé. En effet, la CEIC a été invoquée par les parties comme permettant la mise en place de l'EIC, dont l'un des effets était la perte du « float » résultant de l'accélération des délais d'encaissement. Or la décision attaquée a, par l'analyse précédemment rappelée et adoptée par la cour, examiné précisément si la CEIC était nécessaire et proportionnée à la réalisation de ce progrès économique. Il n'y avait pas lieu de prendre en compte l'avantage procuré par la CEIC en comparaison de la solution alternative qu'aurait été d'adopter l'EIC en maintenant des délais d'encaissement artificiels, solution que les banques avaient elles-mêmes écartée.

331. Par ailleurs, si, comme le soutiennent ces parties, les pertes subies du fait de l'accélération des encaissements par les banques pouvaient justifier que soit mise en place une compensation, encore eût-il fallu que les banques en cause aient fait une analyse leur permettant de savoir qu'elles subiraient effectivement ces pertes. Or, ainsi qu'il a été rappelé précédemment, il n'est pas démontré qu'à la date des négociations de la CIR, l'une des banques prévoyait une perte nette liée au passage à l'EIC.

332. Il ne peut valablement être soutenu sur ce point que le « float » était la seule rémunération des banques tirées pour compenser les coûts du service d'émission dès lors que, ainsi qu'il a été précisé précédemment, cette rémunération pouvait aussi se réaliser par la voie des subventions croisées dans le cadre de la rémunération des comptes courants.

333. Par ailleurs, si la société Crédit agricole prévoyait non pas des « bénéfices », comme l'a retenu l'Autorité, mais que les conséquences de l'EIC seraient « couvertes par les gains que l'on pouvait attendre sur les traitements », cette affirmation permet néanmoins de constater que cette banque ne prévoyait pas de subir des pertes du fait de la mise en oeuvre de l'EIC et c'est, dès lors, à juste titre que la décision attaquée a retenu qu'il n'était pas démontré qu'au moment des négociations, puis de l'accord du 3 février 2000, la société Crédit agricole prévoyait de subir des pertes du fait de la mise en place de la dématérialisation de l'encaissement des chèques ;

1) ALORS QU' est exempté du principe de prohibition des accords anticoncurrentiels tout accord restrictif de concurrence qui permet des gains d'efficacité, en réserve une partie équitable du profit aux consommateurs, sans éliminer la concurrence et à la condition que la restriction soit indispensable pour atteindre ces objectifs ; que constitue une restriction indispensable, la restriction qui s'avère raisonnablement nécessaire pour faire converger les incitations des parties et assurer la réalisation des gains d'efficacité ; que la cour d'appel a constaté qu'après deux échecs des négociations entre banques sur la dématérialisation de la compensation des chèques, « les banques sont parvenues à un accord qui a été acté lors de la réunion de la CIR du 3 février 2000 », que la Banque de France « est intervenue dans le cadre des négociations de la CIR, en proposant de réduire le niveau de la CEIC ou de la limiter dans le temps », pour « trouver un compromis afin de permettre le passage à l'EIC » (arrêt, p. 5 et 6 et p.61, point 295), que le fait que « la CEIC ait contribué au progrès économique, en permettant la mise en place de la dématérialisation de l'encaissement des chèques, comme le fait qu'il était nécessaire que toutes les banques de la place, soient d'accord pour que le passage au nouveau système puisse de réaliser ont été reconnus par l'Autorité et ne sont pas contestés » (ibid, point 315) et qu' « il n'est pas contesté que, dans les faits, la CEIC a décidé les banques réticentes au passage au système de l'EIC à l'accepter finalement » (ibid, point 495) ; qu'en affirmant cependant, pour écarter le bénéfice de l'exemption, qu' « il était rationnel pour chacune des banques participant aux négociations de la CIR de n'accepter le passage à l'EIC qu'à la condition qu'elle estime de manière suffisamment réaliste (souligné par la cour) ne pas subir de pertes du fait du changement » et que « c'est la raison pour laquelle il convient de vérifier si au moment de la mise en place de l'accord litigieux, les parties ont estimé de façon suffisamment réaliste qu'elles, ou certaines d'entre elles, subiraient des pertes », quand le caractère indispensable de la restriction dépendait de la seule nécessité de la CEIC pour permettre la réalisation des gains d'efficacité générés par la dématérialisation de la compensation des chèques, la cour d'appel a ajouté aux dispositions de l'article 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en violation de ce texte et de l'article L 420-4 du code de commerce ;

2) ALORS, subsidiairement, QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des écrits qui lui sont soumis ; que le procès-verbal du comité de direction du Cedicam, (Crédit Agricole), en date du 11 juin 1999, indiquait : « les conséquences de l'organisation des images chèques dans les conditions interbancaires restent mesurées et sont couvertes par les gains que l'on peut attendre sur les traitements. Par contre, les modifications induites sur les relations avec la clientèle sont très importantes. Il faut essayer de les minimiser » et le procès-verbal du comité de direction du Cedicam en date du 8 décembre 1999 mentionnait « pour le Crédit Agricole, le seul équilibre des relations interbancaires serait atteint avec une commission de 18 centimes. Toutefois, compte tenu des difficultés qu'il y aura de répercuter sur les clients tant remettants que tireurs l'incidence des dates de valeur, il y a lieu de rechercher une commission d'un montant plus élevé » ; qu'en affirmant cependant qu' « aucun des trois établissements (Crédit agricole, Le Crédit industriel et commercial et la Confédération nationale du Crédit mutuel) ayant réalisé en interne, au moment des négociations, des bilans du passage à l'EIC en prenant en compte, outre les pertes de trésorerie par chèque tiré, les gains de trésorerie par chèque remis, ainsi que les gains administratifs retirés du nouveau système, sans mécanisme de compensation, ne prévoyait de perte liée au passage à l'EIC », qu' « ainsi qu'il a été rappelé précédemment, il n'est pas démontré qu'à la date des négociations de la CIR, l'une des banques prévoyait une perte nette liée au passage à l'EIC » et que « si la société Crédit agricole prévoyait non pas des « bénéfices », comme l'a retenu l'Autorité, mais que les conséquences de l'EIC seraient « couvertes par les gains que l'on pouvait attendre sur les traitements », cette affirmation permet néanmoins de constater que cette banque ne prévoyait pas de subir des pertes du fait de la mise en oeuvre de l'EIC », la cour d'appel a dénaturé ces procès-verbaux, en violation du principe selon lequel le juge ne peut pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;

ET AUX MOTIFS QUE Sur les bilans individuels,

340. Afin de conforter les conclusions de son analyse précédemment validée, l'Autorité a examiné le bilan individuel des conséquences de l'instauration de l'EIC pour les banques, réalisé par les services d'instruction.

341. Elle a défini pour ce faire une méthodologie consistant à établir la différence entre, d'une part, la perte moyenne de trésorerie par chèque tiré (décision attaquée, § 478 à 495), d'autre part, le gain de trésorerie moyen par chèque remis (décision attaquée, § 496 à 501), différence corrigée par les gains administratifs générés par le passage à l'EIC ainsi que les investissements nécessaires à la mise en place du nouveau système.

342. La perte moyenne correspond, pour chaque banque, au produit du montant moyen des chèques tirés dont elle a été privée aux fins de placement pour son propre compte (T), de la durée de l'accélération du règlement interbancaire (A, exprimée en jours ouvrés) et, partant, du débit des chèques sur les comptes des émetteurs, multiplié par le taux d'intérêt (i) auquel elle pouvait placer ces sommes à son profit. Symétriquement, le gain de trésorerie moyen par chèque remis correspond, pour chaque banque, au produit du montant moyen des chèques remis dont elle a bénéficié aux fins de placement pour son propre compte (R), de la durée de l'accélération du règlement interbancaire et, partant, du crédit des chèques sur les comptes des bénéficiaires (A, exprimée en jours ouvrés), multiplié par le taux d'intérêt journalier auquel elle pouvait placer ces sommes à son profit (i).

343. L'Autorité a ensuite procédé à l'étude de l'impact de l'accélération des échanges interbancaires au paragraphe 514 de la décision attaquée, en retenant les hypothèses d'accélération du règlement interbancaire de 1,4 jour ouvré, c'est-à-dire l'estimation moyenne retenue par la CIR, d'une proportion de particuliers à découvert de 5 %, et d'une part (en valeur) des entreprises optimisant leur trésorerie à l'émission et à la remise de 25 %.

344. Au paragraphe 519 de la décision attaquée, elle a tenu compte de l'argument présenté par les banques selon lequel le nombre d'entreprises optimisant leur trésorerie à l'émission est plus faible que celui des entreprises optimisant leur trésorerie à la remise dès lors, notamment, que la population des entreprises remettantes est différente de celle des entreprises tirées, et comprend notamment les entreprises de la grande distribution, qui disposent généralement d'un service de gestion de trésorerie. Elle a donc réalisé un autre bilan en retenant les mêmes hypothèses que celui du paragraphe 514, excepté la part (en valeur) des entreprises optimisant leur trésorerie à l'émission et la part (en valeur) des entreprises optimisant leur trésorerie à la remise, évaluées dans cette nouvelle estimation respectivement à 10 % et 40 %.

345. Les parties ne contestent pas la méthodologie appliquée mais les données qui ont été retenues par l'Autorité. Elles fondent leurs critiques sur deux rapports de cabinets d'expertise des 22 octobre 2010 et 25 juillet 2016, qu'elles produisent.

346. La cour rappelle, à titre liminaire, qu'il appartient aux parties de rapporter la preuve que les conditions du bénéfice de l'exemption sont remplies et qu'en l'espèce il leur incombe de démontrer qu'au moins l'une d'entre elles pouvait de manière suffisamment réaliste estimer que la mise en oeuvre de l'EIC lui causerait des pertes. À cet égard, il est insuffisant que, comme le relèvent le Ministre chargé de l'Économie et le ministère public, les conclusions de l'analyse de l'expert économiste des parties « ne paraissent pas permettre, en l'état des éléments du dossier, d'exclure la potentialité de pertes qui auraient été subies par la Banque Postale et le Crédit Agricole sans l'instauration de l'EIC ».

347. Les parties contestent de nombreuses données retenues par l'Autorité. Elles font valoir que celle-ci n'a pas retenu les mêmes éléments chiffrés que les rapporteurs, puis les a ensuite modifiés dans ses observations devant la cour, toujours en défaveur des parties et au prix d'incohérences. Toutes soutiennent que la décision attaquée n'utilise pas de données cohérentes temporellement, et qu'en appliquant des données cohérentes rétablies par leur expert à la méthode décrite aux paragraphe 514 et 519 de la décision attaquée, le bilan de certaines banques serait négatif au passage de l'EIC sans CEIC.

Sur les données retenues

348. S'agissant des paramètres analysés, la Société générale expose que l'Autorité ne pouvait, ainsi qu'elle a fait, conduire son appréciation en corrigeant les éléments que les parties ont utilisés dans leur analyse préalable à l'accord litigieux, car seuls ceux-ci ont déterminé le choix des banques.

349. Ce moyen doit être rejeté, car, si la recherche du caractère effectivement incitatif de la CEIC pour la réalisation du progrès économique que constitue l'EIC doit être menée au regard des seuls éléments dont les banques avaient connaissance au moment où elles ont pris la décision de créer la CEIC, encore faut-il que ces éléments aient pu les conduire à une appréciation légitime et suffisamment réaliste. C'est donc à juste titre que l'Autorité, sous le contrôle de la cour d'appel, a corrigé certaines des hypothèses retenues dans l'appréciation des banques, lorsqu'elle estimait que celles-ci étaient erronées ou incomplètes au regard de ce que devaient comprendre ces bilans.

350. Il est justement précisé, au paragraphe 477 de la décision attaquée, que l'établissement des bilans individuels nécessite la prise en compte de données contemporaines de l'époque des négociations afin de mesurer la réalité des incitations au moment de la conclusion de l'accord litigieux. L'Autorité a indiqué, à ce sujet, dans le même paragraphe, que, pour effectuer les simulations, elle s'est fondée sur les données communiquées par les banques en cause ou, à défaut, a utilisé les données les plus proches de l'année 1999/2000. Elle ajoute qu'en cas d'absence de communication de données, elle a réalisé les bilans sur la base de plusieurs hypothèses. En pratique et dans ce contexte, l'Autorité a retenu, pour le calcul des hypothèses des paragraphes 514 et 519 de la décision attaquée, notamment, des volumes de chèques relatifs à l'année 2002 et, pour effectuer son appréciation sur des données homogènes avec les volumes, des montants moyens datant de l'année la plus proche de 2000, corrigée de l'inflation (décision attaquée, page 99, note de bas de page 28).

351. Ces choix sont critiqués par les parties, qui affirment que, pour les banques Crédit Agricole et La Banque Postale, il existait des données cohérentes temporellement (1998, ou 2000 ou 2002), et que, si les données communiquées avaient été retenues, les résultats des bilans individuels de ces deux banques auraient démontré que celles-ci devaient subir des pertes au passage à l'EIC (selon la méthode décrite aux paragraphes 514 et 519 de la décision attaquée).

352. De façon générale, s'il est exact que la cohérence temporelle des données est indispensable pour la pertinence d'analyses telles que celles auxquelles a procédé l'Autorité, ilne peut toutefois lui être reproché d'avoir conduit ses analyses, lorsque les banques en cause ne pouvaient (ou ne souhaitaient) pas transmettre les données pertinentes, en procédant à des projections et des estimations sur la base des données les plus proches temporellement des données communiquées par les parties. Tel a été le cas des sociétés BNP Paribas, Crédit Agricole, Le Crédit Lyonnais et Société générale ainsi que de la Confédération nationale du Crédit mutuel, auxquelles les rapporteurs ont proposé, à défaut de données contemporaines des pratiques, qu'elles leur transmettent les valeurs les plus récentes. À ce sujet, la cour relève que toutes les projections utilisées dans la décision attaquée ont été connues des parties et soumises au contradictoire.

353. Par ailleurs, la cour précise que les constats et contestations fondés sur des données de 2002 sont inopérants, dès lors qu'ils s'appuient sur des données postérieures aux pratiques et qui ne pouvaient donc être connues des parties au moment de l'accord litigieux. Il est sans portée sur ce point que l'année 2002 ait été l'année du passage à l'EIC, puisque c'est le 3 février 2000 qu'a été prise la décision et qu'a été constituée la pratique d'entente prohibée.

354. Par ailleurs, il ne peut être reproché à l'Autorité d'avoir retenu, dans la décision attaquée, des données différentes de celles utilisées par les rapporteurs ou le service économique dans leurs rapports préalables à la séance ou lors de la séance, qui étaient contestées par les parties et que l'Autorité a, en conséquence des observations de ces dernières, corrigées par d'autres données contenues dans le dossier. Il ne peut non plus lui être fait grief de présenter des observations qui invoquent des données différentes de celles précédemment retenues dans la décision attaquée pour répondre aux critiques des parties. La cour relève, à ce sujet, que tous les éléments utilisés par les parties et par l'Autorité ont été contradictoirement débattus tant à l'écrit, dans les conclusions et les observations, qu'à l'oral, lors de l'audience.

355. S'agissant plus précisément des bilans des sociétés Crédit agricole et La Banque postale invoqués par les parties, la cour relève que les conclusions de l'expert économique des parties, qui se fondent sur des données corrigées pour rétablir une cohérence temporelle dans la mesure où ces deux banques avaient transmis des données utilisables antérieures à l'année 2000, ne permettent néanmoins pas de conclure que ces deux banques pouvaient de manière suffisamment réaliste envisager qu'elles subiraient des pertes. En effet, les motifs qui seront exposés ci-dessous, conduisent à écarter soit certaines données, soit certaines conclusions retenues par l'expert, faute de pertinence pour la recherche effectuée (arrêt, points 340 à 355).

3) ALORS, en tout état de cause, QUE constitue une restriction indispensable, justifiant le bénéfice de l'exemption, la restriction qui s'avère raisonnablement nécessaire pour faire converger les incitations des parties et assurer la réalisation des gains d'efficacité ; que l'évaluation de l'accord restrictif s'effectue dans le cadre réel où il se produit, à la lumière des circonstances propres à l'affaire, en tenant compte de l'ensemble des éléments du contexte y compris les données postérieures à sa conclusion ; que ce n'est que dans l'hypothèse où l'accord restrictif est irréversible qu'il ne peut être apprécié que sur la base des faits de l'époque de sa mise en oeuvre ; qu'en affirmant cependant, pour procéder à l'évaluation de l'accord, qu' « il n'y a pas lieu, contrairement à ce que soutient la société BPCE, de prendre en compte des éléments postérieurs à celui-ci, dès lors qu'il est uniquement soutenu que la CEIC était nécessaire pour créer l'incitation à conclure l'accord interbancaire ayant permis le passage à l'EIC », qu'« en conséquence, c'est à juste titre que l'Autorité n'a tenu compte que des éléments qui pouvaient être connus par les parties au moment de la conclusion de l'accord litigieux ainsi que des projections qu'elles pouvaient effectuer, et non des circonstances qui seraient advenues ultérieurement » et que « les constats et contestations fondés sur des données de 2002 sont inopérants, dès lors qu'ils s'appuient sur des données postérieures aux pratiques et qui ne pouvaient donc être connues des parties au moment de l'accord litigieux » (arrêt, points 318 et 353), quand l'accord instaurant la CEIC n'était pas irréversible, la cour d'appel a violé les articles 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-4 du code de commerce ;

4) ALORS, en tout état de cause, QUE constitue une restriction indispensable, justifiant le bénéfice de l'exemption, la restriction qui s'avère raisonnablement nécessaire pour faire converger les incitations des parties et assurer la réalisation des gains d'efficacité ; que l'évaluation de l'accord restrictif s'effectue dans le cadre réel où il se produit, à la lumière des circonstances propres à l'affaire, en tenant compte de l'ensemble des éléments du contexte y compris les données postérieures à sa conclusion dans leurs conclusions, les banques, qui demandaient la réformation de la décision ayant prononcé à leur encontre une sanction, ont fait valoir que la mise en oeuvre de la dématérialisation de la compensation des chèques sans la compensation instaurée par la CEIC avait généré pour le Crédit Agricole, la Banque Postale et les Caisses d'Epargne des pertes globales s'étalant dans le temps ; qu'en se fondant, pour écarter les constatations de pertes établies sur des données postérieures à la date de conclusion de l'accord restrictif, partant pour écarter le caractère indispensable de la restriction, nécessaire pour faire converger les incitations des parties, sur le constat inopérant selon lequel « il est uniquement soutenu que la CEIC était nécessaire pour créer l'incitation à conclure l'accord interbancaire ayant permis le passage à l'EIC » et qu' « II n'y a, en outre, pas lieu d'examiner si l'existence de pertes, dans la suite de la mise en oeuvre de l'accord litigieux, devait justifier l'octroi d'une exemption pour cette période, les parties ne le demandant pas » (arrêt, point 318), quand l'existence de pertes, établie sur le fondement des données contemporaines à la mise en oeuvre effective de l'EIC était de nature à établir le caractère légitime et raisonnable des anticipations de pertes de certaines banques, partant le caractère indispensable de la restriction permettant de faire converger les incitations des parties et d'assurer la réalisation des gains d'efficacité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-4 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE 363. Plusieurs parties contestent le refus de l'Autorité de prendre en compte, dans son appréciation des bilans prévisionnels réalisés par les banques, les pertes éventuelles de la société Crédit agricole liées à la disparition des dates de valeur (décision attaquée, § 443). Les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais exposent sur ce point que la jurisprudence de la Cour de cassation n'admet la légitimité des dates de valeur qu'au regard de la justification que constitue les délais d'encaissement. Elles rappellent que le législateur a fixé, à l'article L. 131-1-1 du code monétaire et financier, la date de valeur d'une opération de paiement par chèque libellé en euros en précisant que « la date de valeur d'une opération de paiement par chèque libellée en euros ne peut différer de plus d'un jour ouvré la date retenue pour sa comptabilisation sur un compte de dépôts ou sur un compte de paiement ». Selon elles, la société Crédit agricole était donc fondée à considérer les pertes liées au passage à l'EIC en prenant en compte celles engendrées par la disparition des dates de valeur.

364. Cependant, les dates de valeur, ou jours de banque, se définissent comme le délai entre le mouvement du compte de la banque et le mouvement du compte du client. Ce mécanisme, qui consiste dans l'application d'un décalage temporel entre le moment ou une banque encaisse (ou décaisse) le montant d'un chèque et celui où elle crédite (ou débite) le compte de son client, relève donc de la seule volonté de chaque banque et des relations contractuelles qu'elle a nouées avec sa clientèle. C'est donc à juste titre que l'Autorité a, au paragraphe 443 de la décision attaquée, considéré que cette pratique, « qui relève du libre choix commercial des banques », est indépendante de la vitesse des échanges interbancaires et que sa disparition, qui n'est d'ailleurs pas démontrée, ne constitue pas une conséquence de l'accord pour le passage à l'EIC. La jurisprudence et le texte cités par les parties et rappelés ci-dessus, qui ne concernent que la mesure dans laquelle est admise la pratique des dates de valeur, sont sans portée sur le bien-fondé de l'analyse de l'Autorité sur ce point, dès lors que la pratique des dates de valeur est demeurée en dépit de cette jurisprudence.

365. Les moyens sont en conséquence rejetés ;

5) ALORS QUE les banques ne peuvent différer les dates de crédit ou de débit de leurs clients au-delà des délais techniquement nécessaires pour le dénouement de l'opération de paiement ; qu'en affirmant cependant, pour écarter les prévisions de pertes du Crédit Agricole, que « Ce mécanisme, qui consiste dans l'application d'un décalage temporel entre le moment ou une banque encaisse (ou décaisse) le montant d'un chèque et celui où elle crédite (ou débite) le compte de son client, relève donc de la seule volonté de chaque banque et des relations contractuelles qu'elle a nouées avec sa clientèle », que « C'est donc à juste titre que l'Autorité a, au paragraphe 443 de la décision attaquée, considéré que cette pratique, « qui relève du libre choix commercial des banques », est indépendante de la vitesse des échanges interbancaire et que sa disparition, qui n'est d'ailleurs pas démontrée, ne constitue pas une conséquence de l'accord pour le passage à l'EIC » et que « La jurisprudence et le texte cités par les parties et rappelés ci-dessus, qui ne concernent que la mesure dans laquelle est admise la pratique des dates de valeur, sont sans portée sur le bien-fondé de l'analyse de l'Autorité sur ce point, dès lors que la pratique des dates de valeur est demeurée en dépit de cette jurisprudence », (arrêt, point 364), la cour d'appel a violé les articles 1131 du code civil, dans sa rédaction alors applicable, ensemble et par refus d'application 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-4 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE 356. Les parties renvoient à l'étude économique de leur expert économiste, qui démontrerait qu'au moins une banque, la société Crédit agricole, aurait eu un bilan négatif, en utilisant les données de 1998, de 2000 ou de 2002.

357. Elles font valoir que, sur la base de données temporellement cohérentes et tout en conservant les autres hypothèses utilisées par l'Autorité, cette étude démontre que, sans CEIC, la société Crédit agricole aurait subi des pertes annuelles de 0,5 million d'euros (sur la base des données de 1998 et des hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée), de 0,9 million d'euros (sur la base des données de 2000 et des hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée) et de 2,4 millions d'euros (sur la base des données de 2002 et des hypothèses du paragraphe 514 de la décision attaquée) ou de 8,1 millions d'euros (sur la base des données de 2002 et des hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée).

358. L'objection des parties n'est pas fondée. En effet, il ressort des chiffrages de l'expert des parties que l'application des paramètres du paragraphe 514 de la décision attaquée aboutit à un résultat positif de l'application de l'EIC sans CEIC (point 30 page 11 du rapport du 22 octobre 2010). Ce n'est que dans le cadre des hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée, c'est-à-dire de données corrigées pour modifier les parts en valeur des entreprises optimisant leur trésorerie à l'émission et des entreprises optimisant leur trésorerie à la remise, que le bilan devient alors négatif de moins d'un million d'euros. Or cette réserve doit encore être relativisée.

359. En effet, ainsi que le fait observer l'Autorité, les hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée retiennent une valeur d'accélération de 1,4 jour ouvré qui est probablement surévaluée puisque ne prenant pas en compte une catégorie de remettants dont les chèques encaissés ont vu leur règlement interbancaire avancer plus faiblement que la moyenne retenue. Ces remettants sont en particulier les grands remettants qui, avant le passage à l'EIC, avaient mis en place une organisation leur permettant de présenter les chèques en compensation dès le lendemain de leur présentation et de réduire au maximum le délai d'encaissement. Pour ces derniers, le seul facteur d'accélération se trouvait être la réduction de l'écart entre compensation et règlement interbancaire pour les chèques anciennement hors place. Or, si, ainsi que le précise l'Autorité dans la note de son service économique du 2 mai 2016, on applique aux paramètres du paragraphe 519 de la décision attaquée une valeur d'accélération de 1,2 jour ouvré (au lieu de 1,4) le bilan pour la société Crédit agricole, corrigé par les données de l'expertise des parties, est positif pour cette banque.

360. La critique des parties sur cette modification de la valeur d'accélération, qui reproche à l'Autorité de modifier les paramètres de calcul de façon arbitraire, afin de défendre coûte que coûte ses conclusions, n'est pas fondée. À ce sujet la cour observe que cette question de la surévaluation était déjà évoquée aux paragraphes 491 et 492 de la décision attaquée, qui précisent que « l'accélération du règlement interbancaire a été initialement évaluée entre 1,1 et 1,6 jour ouvré par le groupe de travail restreint de la CIR (cote 924), cette estimation est probablement surévaluée car elle ne prend pas en compte l'existence d'une catégorie de grands remettants, encaissant d'importants volumes de chèques, qui ont bénéficié de l'accélération du règlement interbancaire principalement pour la compensation des chèques " hors place " (cf. point 81) (...) », et que les études économiques des parties des 26 mai 2008 et 30 octobre 2009 se fondaient sur l'hypothèse d'une accélération de 1,2 jour ouvré. L'Autorité a encore indiqué dans la décision attaquée que, sur ce point, plusieurs hypothèses seraient testées ce qu'elle a fait, notamment au paragraphe 516, dans le cadre duquel elle précise que le bilan de la méthode du paragraphe 514, qui fait apparaître qu'aucune banque ne devait subir de pertes du fait du passage à l'EIC sans CEIC, est identique si l'on applique une accélération de l,2 jour ouvré au lieu de 1,4.

361. Il s'en déduit que l'Autorité avait, dans la décision attaquée, bien envisagé que l'accélération de 1,2 jour ouvré puisse être plus pertinente que celle de 1,4 retenue initialement pour le bénéfice des parties et il ne saurait lui être fait grief de modifier les paramètres de son appréciation pour soutenir la décision attaquée. En outre, l'application, aux hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée, des données corrigées par l'étude de l'expert des parties d'une accélération de 1,2 jour ouvré du règlement interbancaire au lieu de 1,4 conduit effectivement et de façon justifiée à constater un bilan positif de l'EIC sans CEIC pour la société Crédit agricole.

362. Dans ces circonstances, et compte tenu de ce qui vient d'être observé, il n'est pas démontré que la société Crédit agricole pouvait envisager de manière suffisamment réaliste qu'elle subirait des pertes du fait du passage à l'EIC ;

6) ALORS, en tout état de cause, QUE la cour d'appel a retenu que la preuve du caractère indispensable de la CEIC à la mise en place de l'EIC imposait que soit établi que certaines banques pouvaient raisonnablement envisager que l'opération principale leur causerait des pertes ; que, dans sa décision, l'Autorité de la concurrence a établi des bilans individuels des banques fondés, notamment, sur une accélération des délai de règlement interbancaire de 1,4 jour, qui était celle retenue par la commission interbancaire, (CIR), lors des négociations de l'accord, et en envisageant deux hypothèses possibles, selon qu'était retenue une part (en valeur) des entreprises optimisant leur trésorerie à l'émission et à la remise de 25 %, (hypothèse du § 514) ou selon qu'était retenue une part (en valeur) des entreprises optimisant leur trésorerie de 10 % à l'émission et de 40 % à la remise, (hypothèse du § 519) ; qu'après avoir démontré que les bilans individuels, mentionnés dans la décision entreprise pour dire que le passage à l'EIC n'avait généré aucune perte, étaient erronés pour être fondés sur des données temporellement incohérentes, les banques ont établi que, même en adoptant la méthodologie utilisée par l'Autorité de la concurrence dans sa décision, le passage à l'EIC générait des pertes pour la banque Crédit Agricole dans l'hypothèse, retenue par l'Autorité au § 519 de sa décision, que l'on se fonde sur les données de l' année 1998 ou de l'année 2000 ; que la cour d'appel a elle-même constaté que le bilan du Crédit Agricole était négatif « dans le cadre des hypothèses du paragraphe 519 de la décision » (arrêt, point 358) ; qu'en écartant cependant, pour dire que la preuve du caractère indispensable de la CEIC n'était pas rapportée, le bilan individuel de la banque Crédit Agricole établissant les pertes, aux motifs inopérants que le délai d'accélération du règlement interbancaire, de 1,4 jour était « probablement surévalué » et que si on applique un délai d'accélération d'1,2 jour, le bilan devient alors positif, quand cette circonstance n'était pas de nature à venir modifier le caractère « raisonnable » du délai de 1,4 jour ouvré, estimé par la CIR lors des négociations de l'accord et retenu par l'Autorité dans sa décision, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-4 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE 369. Les parties soutiennent que le calcul des gains administratifs de la société La Banque Postale par l'Autorité est erroné et qu'en utilisant les données que cette banque avait fournies lors de l'instruction, son bilan du passage à l'EIC sans CEIC était négatif. Elles s'appuient sur l'étude du cabinet d'expertise du 22 octobre 2010, qui indique, au point 37, qu'en appliquant les données fournies par la société La Banque postale à la méthode de l'Autorité décrite aux paragraphes 514 et 519 de la décision attaquée le bilan aurait été négatif.

370. Le service économique de l'Autorité, aux points 44 à 46 de sa note du 2 mai 2016, jointe aux observations, soutient que les chiffres utilisés dans la décision attaquée concernant la société La Banque postale sont issus des données internes de celle-ci que l'Autorité a dû retraiter, car les données transmises tiennent compte de deux paramètres, d'une part, les économies dans le traitement standard des chèques, d'autre part, les transferts de charges du fait de la non-circulation physique du chèque (à l'origine des CSC), lesquelles n'auraient pas dû y figurer.

371. Il n'est pas sérieusement contesté que, ainsi qu'il est observé aux points 45 et suivants de la note du service économique de l'Autorité du 2 mai 2016, les montants fixés pour les CSC sont, pour la société La Banque postale, supérieurs aux coûts des prestations correspondantes. Ainsi, par exemple, s'agissant des chèques impayés, la commission est de 30 % supérieure aux coûts (l'extraction des impayés et l'établissement des avis et attestation de rejet coûtait à la société La Banque postale environ 15,3 francs par impayé, tandis que le niveau de CSC correspondante était de 20 francs), ou encore la commission pour chèques circulants a été surévaluée de façon à être dissuasive (décision attaquée, § 586). Or la société La Banque Postale doit en payer plus qu'elle n'en reçoit, ce qui a pour conséquence que le déficit lié à l'établissement des CSC accroît de manière artificielle les pertes de cette banque. Dans cette situation, intégrer les CSC dans le calcul du bilan du passage à l'EIC revient à faire compenser le montant élevé de ces commissions par la CEIC et, ainsi que le soutient à juste titre l'Autorité dans la note de son service économique, il ne serait pas justifié d'instaurer un mécanisme tel que la CEIC, dont l'objectif n'est que de compenser les pertes de trésorerie générées par la perte du « float », pour remédier au niveau trop élevé des CSC pour les banques majoritairement tirées. Sur ce point, le fait que les CSC aient, à l'exception des commissions AOCT, été considérées comme proportionnées à leur coût moyen et au progrès économique qu'elles ont permis, est sans portée sur le constat d'une éventuelle surévaluation par rapport à leurs coûts réels. C'est en conséquence à juste titre que l'Autorité a refusé de prendre en compte les CSC dans le calcul des bilans individuels des banques, et notamment de la société La Banque postale, pour déterminer la nécessité de la CEIC. Les moyens développés sur ce point doivent donc être rejetés (arrêt, points 369 à 371).

7) ALORS QUE quel que soit le contexte ou le but dans lequel il est recouru à une hypothèse contrefactuelle, il importe que cette hypothèse soit appropriée à la question qu'elle est censée éclairer et que le postulat sur lequel elle repose ne soit pas irréaliste ; que la cour d'appel a retenu que la preuve du caractère indispensable de la CEIC à la mise en place de l'EIC imposait que soit démontré que « les banques ou au moins certaines d'entre elles, pouvaient raisonnablement envisager que l'opération principale leur causerait des pertes » ; que la Banque Postale, qui avait effectué un bilan des coûts et gains administratifs du passage à l'EIC, a établi, sur la base des données de l'année 2000 et en suivant la même méthodologie que l'Autorité, que le passage à l'EIC sans CEIC avait pour conséquence, quelle que soit la part de clients remettants optimisant leur trésorerie, des pertes financières très importantes ; qu'en écartant cependant, pour dire que la Banque Postale n'aurait pas subi de pertes dans l'hypothèse d'un passage à l'EIC sans CEIC, partant que la preuve du caractère indispensable de la CEIC n'était pas établie, du bilan de la banque, les coûts des CSC, aux motifs inopérants que « ces montants sont supérieurs aux coûts des prestations correspondantes », que « la société La Banque Postale doit en payer plus qu'elle n'en reçoit, ce qui a pour conséquence que le déficit lié à l'établissement des CSC accroît de manière artificielle les pertes de cette banque » et que « intégrer les CSC dans le calcul du bilan du passage à l'EIC revient à faire compenser le montant élevé de ces commissions par la CEIC », quand la Banque Postale n'avait pas d'autre choix, une fois l'accord conclu, que d'acquitter le montant de ses CSC, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tel qu'interprété par le juge communautaire, ensemble l'article L 420-4 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE 397. La société BPCE reproche à l'Autorité d'avoir refusé de prendre en compte les investissements réalisés pour le passage à l'EIC dans les bilans individuels. Elle expose que ce refus est contraire aux lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité. Elle fait valoir que l'Autorité ne pouvait se fonder sur le fait que les banques n'auraient fourni aucune évaluation des montants des investissements réalisés dans le cadre de la mise en place de l'EIC, alors qu'elle relève dans la même phrase que ce constat ne vaut qu'à l'exception des sociétés Le Crédit lyonnais, BNP Paribas, HSBC France et des Banques Populaires.

398. La cour relève toutefois que ce grief pris de la contradiction interne de la décision attaquée manque en fait. En effet, si l'Autorité a indiqué, au paragraphe 504 de la décision attaquée, que, « à l'exception de LCL (investissements totaux de 75 – 100 millions de francs, amortis dans une fourchette annuelle de 25 – 50 millions de francs, cote 36523), BNP Paribas, HSBC et des Banques Populaires », les parties n'ont fourni aucune évaluation des investissements qu'elles avaient consenti à l'occasion du passage à l'EIC, elle précise toutefois dans la suite de sa phrase que les évaluations des trois dernières, soit les sociétés BNP Paribas, HSBC France et Banques Populaires n'étaient assorties d'aucun élément justificatif.

399. C'est ensuite par une juste motivation, que la cour adopte, que l'Autorité a considéré, au paragraphe 505 de la décision attaquée, que la prise en compte des investissements ne pourrait être intégrale et devrait en tout état de cause être réduite du montant net des investissements qui auraient dû être réalisés si l'EIC ne s'était pas concrétisé. Elle a relevé de manière pertinente sur ce point que, sans passage à l'EIC, la duplication du système d'échange papier pour le besoin des chèques en euros aurait été nécessaire pendant la période de coexistence des deux monnaies, ce qui aurait été onéreux. Or, faute d'éléments justifiant le montant des investissements prétendus, cette analyse ne pouvait, et ne peut à ce jour, être réalisée. La cour relève à ce sujet qu'il n'est, en outre, pas soutenu que les pièces fournies par la société Le Crédit lyonnais auraient été suffisantes à rapporter la preuve de ses investissements (arrêt, points 397 à 399).

8) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des conclusions des parties ; que les sociétés LCL et Crédit Agricole faisaient valoir, devant la cour d'appel, que l'Autorité de la concurrence avait, de manière erronée, refusé d'intégrer, dans les coûts du passage à l'ECI les investissements effectués par les banques ; qu'elles rappelaient que « la société LCL avait estimé le coût des investissements nécessaires à la mise en place de l'EIC à 87 MFRF et des économies annuelles récurrentes dans une fourchette de 31 à 46 MFRF, selon les hypothèses énoncées dans le plan marketing de LCL sur le passage à l'EIC joint en Annexe 3 au Mémoire en réponse de CASA et LCL, (cote 36673 et svts) » (conclusions, point 780) ; qu'en affirmant cependant que « faute d'éléments justifiant le montant des investissements prétendus, cette analyse ne pouvait et ne peut, à ce jour, être réalisée » et que « la cour relève, à ce sujet qu'il n'est, en outre pas soutenu que les pièces fournies par la société Le Crédit Lyonnais auraient été suffisantes à rapporter la preuve de ses investissements », la cour d'appel a dénaturé les conclusions qui lui étaient soumises, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

9) ALORS QU' il appartient à la cour d'appel, saisie d'un recours en réformation de la décision entreprise, de statuer en fait et en droit sur les éléments qui lui sont soumis ; qu'en affirmant, pour écarter le moyen tiré de l'absence de prise en compte des investissements initiaux dans le calcul des banques, que « la cour relève, à ce sujet qu'il n'est, en outre pas soutenu que les pièces fournies par la société Le Crédit Lyonnais auraient été suffisantes à rapporter la preuve de ses investissements », sans rechercher, elle-même, s'il ne ressortait pas des pièces visées dans les conclusions la preuve des investissements de la banque, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 12 du code de procédure civile ;

10) ALORS QUE constitue une restriction indispensable, justifiant le bénéfice de l'exemption, la restriction qui s'avère raisonnablement nécessaire pour faire converger les incitations des parties et assurer la réalisation des gains d'efficacité ; que l'appréciation de l'existence d'un autre moyen économiquement réalisable et moins restrictif, partant du caractère indispensable ou non de la restriction, doit être effectuée, de manière réaliste, en prenant en compte l'ensemble des circonstances du cadre réel dans lequel l'accord restrictif est conclu ; que les banques qui rappelaient que, par deux fois les négociations sur la dématérialisation de la compensation des chèques avaient échoué, faisaient valoir que l'instauration, à titre transitoire, d'une commission compensatoire d'un montant fixe était le fruit d'un compromis, trouvé sous l'égide de la Banque de France qui, seul, avait permis d'obtenir l'unanimité requise pour la réalisation de l'EIC et des gains économiques générés en conséquence ; qu'elles observaient que la plupart des banques, qui ne disposaient pas de toutes les données permettant de chiffrer l'impact exact, pour chacune d'entre elles, du passage à l'EIC et qui refusaient l'assujetissement à la TVA ne voulaient pas d'une commission proportionnelle et que certaines des banques, entendaient subordonner leur accord à une compensation d'un montant plus élevé, (cf. notamment, conclusions de la banque BNP Paribas, points 491 et s. ; conclusions de la banque BPCE, points 461 et s. ; conclusions des banques Crédit Agricole et Le Crédit Lyonnais, points 826 et s.) ; qu'en se bornant, pour dire que l'instauration de la CEIC n'était pas nécessaire pour permettre la réalisation des gains d'efficacité générés par la mise en place de l'EIC, à affirmer, de manière théorique et inopérante, que « si les banques majoritairement tirées étaient convaincues de subir des pertes du fait de la mise en place de l'EIC, il est alors incohérent et irrationnel qu'ait été mise en place une commission générale et fixe pour chaque chèque remis, déconnectée de la valeur globale des chèques qui seule aurait permis de compenser les pertes invoquées », qu' « aucun élément du dossier ne permet de constater qu'il a été sérieusement envisagé de mettre en place une compensation proportionnelle, seule à même de compenser véritablement la perte subie par les banques majoritairement tirées. La raison invoquée qu'une telle commission aurait été soumise à la TVA n'était en soi nullement un obstacle à un examen plus approfondi de la question. Le fait que ce seul motif ait été invoqué pour écarter la mise en place d'une commission proportionnelle démontre que les banques en cause ne souhaitaient pas explorer cette piste », que « rien ne démontre, en outre, qu'au regard de l'avantage de précision de la compensation, la mise en place d'une commission proportionnelle au montant des chèques tirés aurait été plus complexe et plus onéreuse que la mise en place de la commission fixe retenue », qu' « une telle solution était moins restrictive de concurrence, dans la mesure où la commission en cause n'aurait alors bénéficié qu'aux entreprises qui subissaient réellement des pertes et n'aurait pas pesé excessivement sur les banques remettantes, notamment celles pour lesquelles la mise en place de l'EIC devait causer des pertes, aggravées par la CEIC » et qu' « il est donc suffisamment établi que cette alternative moins restrictive de concurrence, réaliste et accessible, permettait d'atteindre le progrès économique que constituait l'EIC » (arrêt, points 326 et 335 et s), sans rechercher, concrètement, si, au regard du délai fixé pour la mise en place éventuelle de l'EIC et de la nécessité d'un accord unanime des banques, compte-tenu de la divergence de positions des banques et de l'exigence de certaines d'entre elles subordonnant leur accord à la mise en place de l'EIC à la création d' une commission compensatoire fixe, un accord pouvait effectivement être trouvé sur l'instauration d'une commission proportionnelle, qui aurait permis la réalisation de l'EIC et des gains d'efficacité subséquents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-4 du code de commerce ;

11) ALORS, en tout état de cause, QUE constitue une restriction indispensable, justifiant le bénéfice de l'exemption, la restriction qui s'avère raisonnablement nécessaire pour faire converger les incitations des parties et assurer la réalisation des gains d'efficacité ; que si l'existence d'un autre moyen permettant d'assurer les mêmes gains d'efficacité peut exclure le caractère « indispensable » de la restriction en cause, encore faut-il que ce moyen ait un impact anticoncurrentiel moindre ; que les banques faisaient valoir, preuves à l'appui, que l'impact anticoncurrentiel d'une commission proportionnelle au montant des chèques aurait eu sensiblement le même impact que la CEIC ; qu'en affirmant cependant, pour écarter le bénéfice de l'exemption qu' « il est inopérant sur ce point qu'il ne soit pas établi que l'impact d'une commission proportionnelle aurait été sensiblement différent de la CEIC, comme le soutient la société BNP Paribas » (arrêt, point 335), la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-4 du code de commerce ;

12) ALORS QUE le caractère susceptible d'exemption d'un accord s'apprécie au regard de ses termes et non de l'absence de respect ultérieur, par les parties à l'accord, de ses stipulations ; que la cour d'appel a constaté que l'accord prévoyait que la commission était instituée pour une durée de trois ans à compter du passage à l'EIC ; qu'en affirmant cependant, pour écarter le bénéfice de l'exemption, que « c'est encore à juste titre que l'Autorité a retenu que, si la décision initiale prévoyait que la CEIC serait temporaire, elle ne l'a finalement pas été, ce qui fait obstacle à ce que ce caractère puisse être retenu dans l'analyse conduite sur le bénéfice de l'exemption, quand bien même le maintien de la commission a été, par la force des choses, ultérieur à la décision constituant l'accord litigieux » (arrêt, point 339), la cour d'appel a encore violé les articles 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-4 du code de commerce.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

- Sur l'exemption (AOCT) -

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les recours formés par les sociétés Confédération Nationale du Crédit Mutuel, (CNCM), et Crédit Industriel et Commercial, (CIC), à l'encontre de la décision n° 10-D-28 rendue le 20 septembre 2010 par l'Autorité de la concurrence et, statuant à l'égard des sociétés Banque Postale, BNP Paribas et BPCE, de n'AVOIR que très partiellement réformé cette décision, en ramenant les sanctions prononcées à leur encontre à hauteur, respectivement, de 29.590.000 euros et 290.000 euros, 57. 830. 000 euros et 580.000 euros et 48. 260. 000 euros et 480. 000 euros, puis rejeté leur recours pour le surplus ;

AUX MOTIFS QUE 404. la cour rappelle que, s'agissant des CSC, l'Autorité a estimé (décision attaquée, § 532 à 579), qu'il était nécessaire que les banques prenant part aux opérations de compensation s'accordent sur les modalités de répartition des frais ou de compensation des services rendus par l'une d'entre elles à une autre. Elle a, en outre, retenu qu'en compensant les coûts engagés par une banque à raison d'une opération initiée par un autre établissement bancaire ou par son client, et donc en transférant la charge financière aux personnes à l'origine de la transaction, ces commissions permettaient, notamment, « d'inciter les acteurs du système de paiement par chèque à éliminer les erreurs ou les incidents de paiement dont ils sont à l'origine, puisqu'ils doivent en assumer la charge financière, et, partant, à encourager une utilisation efficiente de ce moyen de paiement » (décision attaquée, § 537). Elle a estimé que le caractère indispensable des CSC afin d'obtenir des gains d'efficacité attendus était établi (décision attaquée, § 555). Puis, examinant les montants de chacune de ces commissions au regard de leurs coûts, elle a estimé, qu'à l'exception des commissions AOCT, elles étaient proportionnées et pouvaient justifier en conséquence le bénéfice de l'exemption.

405. La cour examinera donc la question des exemptions pour les seules commissions AOCT.

406. Les commissions AOCT ont vocation à compenser les charges supportées par les banques, lorsqu'elles effectuent la contre-passation d'une opération initiale émise à tort. L'Autorité a relevé que leur montant avait été fixé par analogie avec les mêmes commissions relatives à d'autres moyens de paiement, ce qui n'est pas contesté. En l'absence de fixation de ce montant en fonction de critères objectifs reposant sur les coûts des services rendus, elle a considéré que ce montant n'était pas proportionné et que les commissions n'étaient pas susceptibles de bénéficier de l'exemption.

407. Les parties contestent cette analyse.

408. Plusieurs d'entre elles soutiennent qu'en exécution de l'injonction prononcée à l'article 5 de la décision attaquée, qui, pour mémoire, leur a imposé de procéder à la révision du montant des commissions AOCT, dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision attaquée et d'en « fixer le montant sur la base du coût de traitement des opérations AOCT auquel parvient la banque la plus efficace, tel que vérifié par une étude de coûts réalisée auprès d'un échantillon représentatif de banques et vérifiée par un expert indépendant », elles ont fait procéder à cette étude par un cabinet indépendant. Or cet expert a conclu que, selon les options qu'il a défini pour caractériser « la banque la plus efficace », le coût unitaire le plus bas pour les opérations d'annulation d'image chèque ou de rejet image chèque s'établit à 0,87 euros ou à 1,48 euros par opération, ce qui excède le taux des commissions AOCT que l'Autorité a sanctionné et qui était de 0,61 euros. Elles en déduisent que cette expertise démontre que le taux n'était pas disproportionné et que, dans ces conditions, puisque les commissions AOCT remplissent toutes les autres exigences de l'octroi du bénéfice de l'exemption, celui-ci doit leur être accordé.

409. Toutefois la cour relève que cette expertise, réalisée par les parties en exécution de l'injonction prononcée par l'Autorité à l'article 5 de la décision attaquée, a été réalisée en 2011, soit sur la base de données qui ne sont pas contemporaines des pratiques et de leur mise en oeuvre ; cette expertise ne démontre en conséquence pas qu'à la date des pratiques, le montant des commissions AOCT était proportionné.

410. Les sociétés Le Crédit lyonnais et Crédit agricole soutiennent aussi que les commissions AOCT correspondaient davantage à une indemnisation pour la charge générée par une opération réalisée à tort par une autre banque, ainsi qu'à une sanction du participant au système qui compense à tort des opérations. Dans ces conditions, selon elles, les coûts de service n'avaient pas à être étudiés.

411. La cour relève toutefois qu'il n'est pas contesté que les commissions AOCT ont été fixées par seule référence au montant de la même commission fixée pour d'autres moyens de paiement et sans aucune étude des charges générées par une opération réalisée à tort, ni de ce que pouvait représenter une sanction pour l'auteur d'une telle compensation. Il est en conséquence impossible de déterminer le caractère proportionné de cette commission au regard du progrès économique réalisé. Les circonstances, invoquées par plusieurs parties, que le nombre d'opérations annulées à la suite d'erreurs a été sensiblement réduit entre 2002 et 2006, ou que les commissions AOCT sont identiques pour tous les moyens de paiement, sont sur ce point inopérantes, aucun élément ne démontrant que les coûts de ces annulations seraient identiques et que, de ce fait, les commissions AOCT auraient été proportionnées aux coûts ainsi qu'aux objectifs de réparation et d'incitation poursuivis. Sur ce dernier point, la cour relève que c'est à juste titre que l'Autorité observe que le montant d'une commission ne saurait être fixé à un montant arbitraire sous le prétexte qu'elle remplirait un objectif dissuasif.

412. De même, il importe peu que les coûts soient difficiles à mesurer exactement ou qu'il existe plusieurs estimations possibles comme le souligne la société BNP Paribas, en se référant à l'expertise précitée, postérieure à la décision attaquée, dès lors qu'en tout état de cause aucune étude de ces coûts n'a été effectuée.

413. En outre, contrairement à ce que soutient la société Crédit du Nord, la proportionnalité exigée par la jurisprudence et recherchée par l'Autorité dans la décision attaquée devait être examinée aussi bien au regard des coûts des opérations que des bénéfices de réduction des erreurs et d'indemnisation des opérateurs concernés. En l'absence du moindre examen, ne serait-ce que des coûts, c'est à juste titre que l'Autorité a considéré que la condition de proportionnalité n'était pas remplie.

414. Enfin, le faible impact des commissions AOCT, invoqué par la société BNP Paribas ainsi que la critique développée par cette requérante sur le caractère présumé du dommage à l'économie, relèvent de ce paramètre qui sera examiné ultérieurement dans le cadre de l'examen des moyens sur les sanctions.

415. Il se déduit de l'ensemble de ce qui précède que les moyens des parties relatifs à l'exemption des commissions AOCT sont rejetés.

1) ALORS QUE l'octroi de l'exemption est subordonnée au constat que la restriction de concurrence est raisonnablement nécessaire pour la réalisation des gains d'efficacité ; que l'absence d'étude préalable du coût de traitement d'une annulation n'est pas de nature, en soi, à écarter le caractère raisonnablement nécessaire d'une commission instituée dans le but de dissuader les banques de commettre des erreurs et de les inciter à effectuer les investissements nécessaires à cette fin ; qu'en l'espèce, les banques faisaient valoir que les commissions d'annulation des opérations compensées à tort, (AOCT), dont le montant, identique à celui des commissions d' annulation d'autres moyens de paiement, avait été fixé à la somme de 0,61 €, avaient pour vocation d'assurer le bon fonctionnement du système de compensation en obligeant les banques à diminuer le nombre d'erreurs commises ; qu'elles observaient, et le fait n'était pas contesté, que les commissions AOCT s'étaient révélées nécessaires et adaptées aux gains d'efficacité poursuivis puisque le nombre d'erreurs commises avaient sensiblement diminué entre 2002 et 2006 ; qu'en se bornant cependant, pour écarter le bénéfice de l'exemption, à relever que « les commissions AOCT ont été fixées par seule référence au montant de la même commission fixée pour d'autres moyens de paiement et sans aucune étude des charges générées par une opération réalisée à tort, ni de ce que pouvait représenter une sanction pour l'auteur d'une telle compensation », qu' « il est en conséquence impossible de déterminer le caractère proportionné de cette commission au regard du progrès économique réalisé », que « la proportionnalité exigée par la jurisprudence et recherchée par l'Autorité dans la décision attaquée devait être examinée aussi bien au regard des coûts des opérations que des bénéfices de réduction des erreurs et d'indemnisation des opérateurs concernés » et qu' « en l'absence du moindre examen, ne serait-ce que des coûts, c'est à juste titre que l'Autorité a considéré que la condition de proportionnalité n'était pas remplie », quand l'existence d'une étude préalable des coûts n'était pas une condition nécessaire au bénéfice de l'exemption et sans rechercher si, au regard du montant de commissions AOCT et des gains d'efficacité réalisés par la baisse du nombre d'erreurs commises, ces commissions ne s'étaient pas révélées indispensables aux gains d'efficacité, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-4 du code de commerce ;

2) ALORS, en tout état de cause, QUE l'octroi de l'exemption est subordonnée au constat que la restriction de concurrence est raisonnablement nécessaire pour la réalisation des gains d'efficacité ; que les banques, condamnées par la décision entreprise à procéder dans les six mois à la révision des commissions AOCT et à en « fixer le montant sur la base du coût de traitement des opérations AOCT auquel parvient la banque la plus efficace, tel que vérifié par une étude de coûts réalisée auprès d'un échantillon représentatif de banques et vérifiée par un expert indépendant », ont produit devant la cour d'appel l'étude de coûts réalisée par un cabinet indépendant et établissant que, quelle que soit l'acceptation des termes « la banque la plus efficace », le coût unitaire le plus bas par opération s'élevait à 0,87 € ou 1,48 €, soit un montant bien supérieur au montant retenu de 0,61 € par opération ; qu'en se bornant, pour écarter le bénéfice de l'exemption, à relever que l'expertise a été réalisée en 2011, « soit sur la base de données qui ne sont pas contemporaines des pratiques et de leur mise en oeuvre » et que « cette expertise ne démontre en conséquence pas qu'à la date des pratiques, le montant des commissions AOCT était proportionné », sans rechercher si les résultats de cette expertise, même effectuée sur des données de l'année 2011, n'était pas, en l'absence de tout changement notable entre 2002 et 2011, de nature à établir que le montant des AOCT n'était pas disproportionné au regard des gains d'efficacité permis, la cour d'appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard des articles 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-4 du code de commerce.

SIXIEME MOYEN DE CASSATION

- Sur la sanction -

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les recours formés par les sociétés Confédération Nationale du Crédit Mutuel, (CNCM), et Crédit Industriel et Commercial, (CIC), à l'encontre de la décision n° 10-D-28 rendue le 20 septembre 2010 par l'Autorité de la concurrence et, statuant à l'égard des sociétés Banque Postale, BNP Paribas et BPCE, de n'AVOIR que très partiellement réformé cette décision, en ramenant les sanctions prononcées à leur encontre à hauteur, respectivement, de 29.590.000 euros et 290.000 euros, 57. 830. 000 euros et 580.000 euros et 48. 260.000 euros et 480. 000 euros, puis rejeté leur recours pour le surplus ;

AUX MOTIFS QUE Sur le principe même d'une sanction (…)

La difficulté de qualifier les pratiques au regard du droit de la concurrence

417. Les requérantes font valoir qu'en l'état de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence applicables lors des négociations de l'accord du 3 février 2000, elles ont pu légitimement considérer que l'instauration de la CEIC était conforme au droit de la concurrence. Elles exposent, en particulier, que les autorités de concurrence n'avaient jamais affirmé que les commissions interbancaires multilatérales étaient anticoncurrentielles par objet, qu'elles acceptaient de les exempter et qu'elles ne s'étaient jamais prononcées sur une commission de nature compensatoire telle que la CEIC. Elles ajoutent que la qualification de restriction de concurrence était au contraire fonction des effets des commissions sur les tarifs appliqués à la clientèle et que, lorsque de telles commission avaient été qualifiées au regard du droit des ententes, elles avaient bénéficié d'une exemption.

418. Dans ces circonstances d'absence de pratique des autorités de concurrence quant au caractère restrictif des commissions interbancaires il aurait été, selon certaines d'entre elles, justifié de ne pas prononcer de sanction pécuniaire, comme l'a décidé le Tribunal de l'Union dans l'arrêt du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission (T-191/98 et T-212/98 à T-214/98).

419. Certaines requérantes ajoutent que leur appréciation de la licéité de la CEIC au regard du droit de la concurrence a été confortée par la position prise par la DGCCRF, qui, informée de l'ensemble du projet EIC dans toutes ses composantes techniques et économiques dès son entrée en vigueur, n'a diligenté aucune enquête.

420. L'affirmation selon laquelle les commissions interbancaires n'avaient jamais posé de difficultés quant à leur compatibilité avec les dispositions nationales et européennes relatives aux ententes anticoncurrentielles n'est pas exacte.

421. En effet, ainsi que l'a relevé l'Autorité aux paragraphes 659 et 660 de la décision attaquée, de telles commissions avaient déjà été sanctionnées par le Conseil de la concurrence, dans une décision n° 88-D-37 du 15 octobre 1988, et par la Commission européenne, dans une décision du 25 mars 1992 (IV/30.717-A - Eurocheque: accord d'Helsinki 92/212/CEE), laquelle a été confirmée partiellement par un arrêt du Tribunal de l'Union du 23 février 1994, Groupement des cartes bancaires « CB » et Europay International/Commission (T-39/92 et T-40/92).

422. De plus, la Commission européenne a précisé, au point 40 de sa communication du 27 septembre 1995 relative à l'application des règles de concurrence de la Communauté européenne aux systèmes de virement transfrontaliers, que « (...) tout accord sur une commission interbancaire multilatérale est une restriction de la concurrence relevant de l'article 85 paragraphe 1, car il limite de manière importante la liberté des banques d'établir individuellement leur politique de tarification. Cette restriction risque en outre de fausser le comportement des banques vis-à-vis de leurs clients. (...) ».

423. En outre, ces principes ont été appliqués par la Commission européenne dans la décision GSA du 8 septembre 1999 (1999/687/CE), et ce n'est que parce que la commission interbancaire en cause n'était pas de nature à affecter le commerce entre États membres et que l'accord lui avait été notifié, qu'elle a décidé de ne pas intervenir en application de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE.

424. La Cour observe à ce sujet que la décision de la Commission européenne du 10 décembre 1984, dans l'affaire Eurochèques uniformes, aff. IV/30.717, citée par la société HSBC France, précise au point 33 que « les accord et décisions établis dans le cadre du système Eurochèque qui ont pour objet de fixer le prix d'un service constituent une entente explicitement visée par l'interdiction édictée par l'article 85 paragraphe 1 du Traité CEE. Ils ont pour effet d'empêcher la concurrence entre les banques de tous pays et notamment de tout État membre, pour l'encaissement d'Eurochèques uniformes tirés sur des banques d'autres pays. (...) ». Si cet accord n'a pas été sanctionné, c'est parce qu'il a bénéficié d'une exemption au titre du paragraphe 3 de l'article 85 du traité CEE (devenu l'article 101 du TFUE).

425. Il en est de même s'agissant de la décision de la Commission européenne du 12 décembre 1986, ABI, aff. IV/31.356, citée par la même requérante, dans laquelle la Commission européenne a énoncé, au point 36, au sujet des commissions interbancaires en paiement de services rendus qui lui avaient été notifiées, que « la fixation de la rémunération constitue une restriction de concurrence en ce sens que la liberté des banques de déterminer le prix de la prestation tant du côté de l'offre que de la demande se trouve éliminée. En outre, une telle fixation pourrait, indirectement, influencer aussi la fixation des conditions à l'égard des clients et, donc, limiter la liberté des banques de déterminer les prix à payer par leurs clients ». Puis, la Commission européenne a considéré que les accords en cause n'affectaient pas de façon sensible le commerce entre États membres et ne les a dès lors pas retenu comme relevant du droit communautaire. Cette décision précise aussi au point 42 que trois autres accords qui lui étaient soumis « (...) restreignent, voire éliminent la liberté des membres de l'ABI [association des banques italiennes] de déterminer individuellement la rémunération des services bancaires demandés ou offerts. Chaque membre de l'ABI, qu'il soit une banque qui demande le service ou une banque à laquelle il est demandé de fournir le service, doit respecter les commissions et les dates de valeur indiquées par les accords. La concurrence sur un élément essentiel de comportement commercial des banques, c'est-à-dire le prix, est empêchée de jouer normalement. Cette fixation de commissions et des dates de valeur influence les possibilités pour les participants de décider les conditions qu'ils entendent réserver à leur clientèle, en fonction de leur situation interne de rentabilité – notamment du prix de revient des opérations – , de leur spécialisation et de leur politique commerciale (...) ». Si la Commission européenne a ensuite accordé une exemption à ces accords au regard de leur contribution à un progrès économique en application de l'article 85, paragraphe 3 du traité CEE (devenu, depuis, l'article 101 du TFUE), cette décision était tout à fait claire sur l'entrave à la libre concurrence que constituent les commissions interbancaires et il ne peut être soutenu que de telles commissions n'avaient jamais posé de difficultés.

426. Ainsi, les parties étaient parfaitement renseignées sur le caractère anticoncurrentiel des commissions interbancaires que l'autorité nationale avait déjà affirmé dans la décision n° 88-D-37 du 15 octobre 1988 et que les autorités communautaires avaient maintes fois répété.

427. Le fait que les pratiques concernées par ces espèces aient fait l'objet d'exemptions ne permettait pas de considérer que toutes les commissions interbancaires, quelles qu'elles soient, bénéficiaient d'un principe d'exemption, d'autant que, d'une part, ces exemptions ont été accordées au terme d'un examen précis au cas par cas et que, d'autre part, comme l'indiquent les banques en cause, la CEIC était différente des commissions concernées par ces espèces, puisqu'elle ne rémunérait aucun service rendu, mais avait pour objectif de maintenir les équilibres financiers du secteur et donc la position de chacune sur le marché.

428. Au regard de ces éléments, mais aussi du contexte dans lequel la CEIC a été décidée, c'est à dire sans examen objectif des pertes invoquées par les banques pour justifier de la mise en place de cette commission, l'Autorité, à laquelle incombe la mission de veiller à l'effectivité de la mise en oeuvre du droit de la concurrence sur les marchés, a légitimement pu décider qu'il était justifié de prononcer une sanction et, pour l'ensemble de ces raisons, les moyens des parties sur ce point sont rejetés.

429. Par ailleurs, l'Autorité a justement précisé, au paragraphe 663 de la décision attaquée, qu'elle tenait compte dans le prononcé de la sanction du doute invoqué par les entreprises quant à la qualification des pratiques. Il convient effectivement de prendre en considération le fait que les banques en cause pouvaient, à bon ou mauvais escient, escompter qu'elles bénéficieraient d'une exemption dans le cas où les autorités de concurrence viendraient à examiner les commissions instaurées par l'accord du 3 février 2000, dès lors que plusieurs pratiques de commissions interbancaires avaient, par le passé, fait l'objet d'une exemption. Il n'y a, sur ce point, pas de contradiction entre, d'un côté, le constat que les banques ne pouvaient, compte tenu de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence précitée, ignorer le caractère anticoncurrentiel des commissions interbancaires et, de l'autre, l'affirmation qu'il devait être tenu compte, dans l'appréciation de la gravité des pratiques, de l'incertitude que pouvaient nourrir les parties sur une possibilité d'exemption de ces pratiques. En outre, l'Autorité n'était pas tenue de motiver davantage la façon dont elle tenait compte de cet élément d'atténuation, et l'importance du montant des sanctions, fondée sur un ensemble complexe d'éléments et d'appréciations, qui seront examinés ci-dessous, ne permet pas d'affirmer, comme le font certaines parties, qu'il n'a en réalité pas été tenu compte de cet élément.

430. S'agissant du nombre peu important de décisions de sanction, invoqué par les parties, la cour précise que l'Autorité, investie de la mission de contrôler la libre concurrence sur les marchés et d'en faire respecter les principes, exerce son appréciation sur la nécessité de prononcer des amendes comme instrument d'application de la politique de concurrence. Cette appréciation s'étend nécessairement à l'opportunité d'infliger ou non une sanction.

431. Par ailleurs, la cour relève que si, dans plusieurs cas, la Commission européenne n'a pas sanctionné l'instauration de commissions interbancaires, c'est au motif, soit qu'elles n'affectaient pas le commerce entre États membres, soit qu'elles pouvaient bénéficier d'une exemption. Elle a néanmoins, dans chaque dossier, clairement affirmé le caractère anticoncurrentiel des accords sur des commissions interbancaires. En outre, ainsi qu'il a déjà été relevé précédemment, elle a prononcé en 1992, soit sept ans avant les négociations en cause, une sanction dans l'affaire dite de l'accord d'Helsinki (décision du 25 mars 1992, 92/212/CEE précitée). Si, dans ce cas d'espèce, la commission était directement perçue auprès des clients, rien dans cette décision ne permet d'affirmer que seule cette circonstance avait motivé le prononcé de la sanction. En outre si l'une des sanctions a été annulée par le Tribunal de l'Union, par l'arrêt Groupement des cartes bancaires « CB » et Europay International/Commission, précité, c'est au motif d'une violation des droits de la défense et non en raison du caractère non fondé de l'appréciation au fond.

432. En outre, la cour relève que la CEIC constitue un cas spécifique par rapport aux précédents, car elle était destinée non à rémunérer une prestation entre banques, ce à quoi tendaient toutes les commissions concernées par la pratique décisionnelle et la jurisprudence antérieure, mais elle était de nature compensatoire afin de maintenir les équilibres financiers entre les banques.

433. Enfin, l'absence de sanction précédente ne justifie pas qu'aucune sanction ne soit jamais prononcée. Au contraire, ces jurisprudences constituaient autant d'avertissements et il ne peut être reproché à l'Autorité de ne pas avoir pris le parti d'une approche « pédagogique », comme le fait la société Le Crédit industriel et commercial dans ses conclusions.

434. Sur ce point encore, c'est en vain que la société HSBC France invoque une note intitulée « Echange d'Images chèques : la commission entre banques vis-à-vis des règles de la concurrence », produite en annexe 1 au compte rendu de la CIR du 3 février 2000 (annexe 12 au rapport, cotes 944 à 946), en indiquant que, sur la base de cette note, les banques pouvaient légitimement penser que la pratique ne posait pas de difficulté au regard du droit de la concurrence.

435. En effet, les requérantes ne peuvent prétendre qu'elles pouvaient penser que la pratique concernée était conforme aux règles de concurrence et que, dans ces conditions, le prononcé d'une sanction ne serait pas justifié, en se fondant sur cette note de nature purement interne, de surcroît superficielle et lacunaire, qui ne comporte aucune présentation de la jurisprudence et ne fait qu'évoquer, sans aucune référence précise, la pratique décisionnelle de la Commission et du Conseil de la concurrence.

436. Les moyens des parties sur l'ensemble de ces points sont en conséquence rejetés.

(…)

Sur l'appréciation portée sur les critères de détermination énoncés par l'article L. 464-2 du code de commerce

445. Il résulte de l'article L. 464-2 du code de commerce que les sanctions prononcées par l'Autorité de la concurrence doivent être « (...) proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ».

446. Ces parties critiquent la mise en oeuvre de chacun de ces paramètres, qui seront tour à tour examinés.

1. Sur la gravité des pratiques

La CEIC

447. L'Autorité a caractérisé la gravité des pratiques au regard de plusieurs éléments: leur nature (décision attaquée, § 647 à 657), la connaissance par les parties de leur caractère anticoncurrentiel (décision attaquée, § 658 à 663), la durée des pratiques (décision attaquée, § 664 à 666), le marché affecté (décision attaquée, § 667 à 675) et enfin l'affectation des finances publiques (décision attaquée, § 676).

a) La nature de la pratique

448. L'Autorité a rappelé, au paragraphe 648 de la décision attaquée, que les accords portant sur la CEIC et les commissions AOCT constituent une entente horizontale, qui est l'une des pratiques les plus graves ; elle a pondéré cette appréciation au regard de plusieurs critères.

449. Elle a précisé que la CEIC a été perçue par les banques tirées lors de chaque transaction interbancaire par chèque, qu'elle ne correspond à aucun service rendu aux banques remettantes, ni à aucun coût particulier subi par les banques tirées à l'occasion de cette transaction et que cette commission est venue accroître de manière purement artificielle le coût de la remise de chèques, pesant ainsi indirectement sur le niveau des prix. Sur ce dernier point, elle a précisé que, si les parties n'étaient pas tenues, aux termes de l'accord litigieux, de répercuter le montant des commissions versées sur leurs clients, la facturation du service de remise de chèques, directe ou indirecte, est adossée aux charges pesant sur les banques remettantes. Dès lors que le solde de CEIC perçue et versée représente une charge nette pour les banquiers majoritairement remettants en volume (nombre de chèques), ce surcoût a nécessairement pesé sur la formation des prix, directs ou indirects, du service de la remise de chèques ou, compte tenu des spécificités de la tarification des services bancaires, sur l'équilibre global de la relation de la banque avec son client. Ainsi, l'instauration de la CEIC a favorisé à la hausse la formation des prix des services bancaires, empêchant la détermination des prix par le libre jeu du marché.

450. Au titre des éléments d'atténuation de la gravité, l'Autorité a retenu que l'accord litigieux ne constituait pas une entente sur les prix finaux (décision attaquée, § 652), qu'il était limité aux relations interbancaires (décision attaquée, § 655), que la Banque de France, autorité de tutelle des établissements bancaires, avait exercé un rôle influent dans sa (décision attaquée, § 656) et qu'il n'était pas assimilable à un cartel secret (décision attaquée, § 657).

451. La cour adopte ces motifs.

(…)

462. S'il est exact que, comme le soulignent les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais, l'offre de chèque s'inscrit dans une offre globale et que la concurrence entre les banques s'exerce sur le service bancaire dans son ensemble, il s'ensuit que les pratiques mises en oeuvre sur le service de chèque ont une répercussion sur l'ensemble de l'offre et ne peuvent qu'affecter le jeu de la concurrence sur l'ensemble de l'offre globale. Par ailleurs, ainsi que le rappelle l'Autorité dans ses observations, le paiement par chèque représentait, à l'époque de la mise en oeuvre des pratiques en cause, de 37 à 26 % de l'ensemble des moyens de paiement, ce qui implique que le service de chèque représentait plus du quart de l'offre liée au compte bancaire et conduit à confirmer que les pratiques ont concerné une part importante de cette offre et qu'elles s'inscrivent donc dans la catégorie des pratiques les plus graves, sans toutefois être « très graves » ou « particulièrement graves ».

(…)

d) Les autres éléments

476. La société Crédit du Nord fait encore grief à la décision attaquée de ne pas avoir pris en compte la situation qui prévalait avant la mise en place de l'EIC et le progrès considérable que ce nouveau système a apporté.

477. Cependant, ainsi qu'il a été retenu précédemment, il n'a pas été démontré que l'instauration de la CEIC était nécessaire au passage à l'EIC. Dans cette circonstance, le progrès apporté par l'EIC ne peut être pris en compte pour minorer le caractère de gravité des pratiques. Sur ce point, les éléments invoqués par la société Crédit du Nord, à savoir, l'inefficience du système antérieur, le nombre particulièrement élevé de paiement par chèques en France et la nécessité de rationnaliser cette particularité, la réglementation par des conventions internationales, la nécessité d'un accord de toutes les banques, y compris des réseaux les plus réticents, sont inopérants. La cour rappelle à ce titre que l'intervention des pouvoirs publics est prise en compte dans l'appréciation de la gravité des pratiques.

478. Par ailleurs, c'est à juste titre que l'Autorité a refusé de tenir compte de la cessation des pratiques en 2007 comme élément de minoration de la gravité des pratiques. En effet, d'une part, ainsi qu'elle le précise, cette cessation est intervenue à la suite des mesures d'enquêtes et non de manière spontanée, d'autre part, l'accord du 3 février 2000 prévoyait que la CEIC devait être appliquée pendant une durée de trois ans. Sa mise en application ayant débuté au 1er janvier 2002, elle aurait dû cesser au 1er janvier 2005, ce qui n'a pas été le cas. Cette persistance justifie l'analyse de l'Autorité sur ce point, sans qu'importe que la cessation soit intervenue avant la notification de griefs à un moment où les parties pouvaient envisager qu'elles bénéficieraient d'une exemption.

479. Plusieurs parties reprochent à l'Autorité de ne pas avoir tenu compte, dans son appréciation de la gravité, du faible nombre de cas avérés de répercussion de la CEIC et de l'absence de démonstration que les pratiques en cause aient pu avoir un effet sensible sur le marché. Cependant, ces circonstances relèvent non de la gravité de la pratique, mais du dommage à l'économie qui sera examiné dans les développements qui suivent.

480. La Société générale soutient que l'Autorité aurait dû prendre en compte, au titre des éléments de minoration de la gravité, que les parties ont activement recherché un compromis pour permettre le passage à l'EIC. Elle reproche à l'Autorité de ne pas avoir pris en considération l'absence d'intentionnalité des parties de mettre en oeuvre une pratique anticoncurrentielle.

481. Cependant, et pour autant que l'absence d'intention de mettre en oeuvre une pratique anticoncurrentielle puisse constituer un élément de minoration de la gravité des pratiques, il résulte des développements qui précèdent que les parties ne pouvaient ignorer, au regard de la jurisprudence antérieure, que les commissions interbancaires constituaient une pratique anticoncurrentielle, la seule incertitude qu'elles pouvaient avoir étant celle de la possibilité de bénéficier d'une exemption au titre du progrès économique. Par ailleurs, dans ce contexte, elles n'ont pas recherché quelles seraient les pertes nettes qu'elles étaient susceptibles de subir pour justifier la mise en place de la CEIC, alors même que cette démarche était préconisée par le groupe de travail de la CIR. Au surplus, elles n'ont pas mis un terme à la CEIC en 2005, alors que la perception de cette commission ne devait durer que trois ans. Enfin l'objectif affiché de la CEIC, tendant à ce que la mise en place de la dématérialisation ne puisse porter atteinte aux équilibres financiers du secteur, constitue un objectif d'obstruction au jeu de la concurrence. Au regard de l'ensemble de ces éléments, les banques en cause ne sont pas fondées à invoquer l'absence d'intention anticoncurrentielle.

482.Enfin, contrairement à ce que soutiennent les parties, l'Autorité n'avait pas à chiffrer un pourcentage retenu au titre de la gravité ou des éléments atténuant cette gravité, le coefficient de 0,2625 % appliqué permettant de constater qu'elle a bien tenu compte de l'ensemble des éléments retenus à ce titre.

1) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération ; que la cour d'appel a constaté que « les banques en cause pouvaient, à bon ou mauvais escient, escompter qu'elles bénéficieraient d'une exemption dans le cas où les autorités de concurrence viendraient à examiner les commissions instaurées par l'accord du 3 février 2000, dès lors que plusieurs pratiques de commissions interbancaires avaient, par le passé, fait l'objet d'une exemption » (arrêt, point 429) ; qu'en retenant cependant, par motifs adoptés de la décision entreprise, au titre de la gravité des pratiques, la connaissance par les parties du caractère anticoncurrentiel des commissions, (arrêt, point 447), et en affirmant qu' « il n'y a pas de contradiction entre, d'un côté, le constat que les banques ne pouvaient, compte tenu de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence précitée, ignorer le caractère anticoncurrentiel des commissions interbancaires et, de l'autre, l'affirmation qu'il devait être tenu compte, dans l'appréciation de la gravité des pratiques, de l'incertitude que pouvaient nourrir les parties sur une possibilité d'exemption de ces pratiques », quand le constat opéré de ce que les banques pouvaient escompter une exemption excluait qu'il puisse être retenu, à titre de gravité de la sanction, la connaissance du caractère infractionnel de la pratique, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L 464-2 du code de commerce ;

2) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération ; que la gravité des faits s'apprécie de manière objective et concrète en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce ; que la cour d'appel a constaté que « dans les faits, la CEIC a décidé les banques réticentes au passage au système de l'EIC à l'accepter finalement » (arrêt, point 495) ; qu'en affirmant cependant, pour refuser de prendre en compte le progrès apporté par l'EIC pour minorer la gravité des faits, qu' « il n'a pas été démontré que l'instauration de la CEIC était nécessaire au passage à l'EIC » (arrêt, point 477), quand l'absence de caractère accessoire ou d'exemption de la restriction n'était pas de nature à écarter le caractère minorant des faits reprochés, tiré de ce que l'instauration de la CEIC avait, « dans les faits », permis le passage au système de l'EIC, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 464-2 du code de commerce ;

3) ALORS QUE tenue de prononcer des sanctions strictement proportionnées, notamment à la gravité des pratiques reprochées, l'Autorité ne saurait laisser incertain le degré de gravité qu'elle entend attribuer à celles-ci ; qu'en énonçant néanmoins que les pratiques poursuivies en l'espèce s'inscrivaient « dans la catégorie des pratiques les plus graves, sans toutefois être "très graves" ou "particulièrement graves" » (arrêt, pt. 462), la cour d'appel s'est prononcée par des motifs qui laissent subsister une incertitude sur le degré de gravité qu'elle entendait attribuer aux pratiques en cause et a, par-là, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce, ensemble les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

AUX MOTIFS QUE, sur l'importance du dommage causé à l'économie,

486. La cour rappelle que l'importance du dommage causé à l'économie ne se confond pas avec le préjudice qu'ont pu subir les victimes des pratiques en cause, mais s'apprécie en fonction de la perturbation générale qu'elles sont de nature à engendrer pour l'économie.

487. Ni l'Autorité, ni la cour dans son office de contrôle d'une décision de l'Autorité, ne sont tenues de chiffrer précisément le dommage causé à l'économie. Elles doivent en revanche procéder à une appréciation de son existence et de son importance, en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l'économie engendrée par les pratiques en cause.

488. En présence d'une pratique anticoncurrentielle par objet et pour laquelle les effets ne sont pas caractérisés par la décision, le dommage à l'économie doit être apprécié de la même façon en prenant en compte les effets potentiels que la pratique est susceptible d'avoir sur le ou les marchés, notamment, au regard de l'ampleur de l'infraction, telle que caractérisée, entre autres, par la taille du marché affecté, des caractéristiques économiques pertinentes du secteur ou du marché concerné, ainsi que de ses conséquences conjoncturelles ou structurelles. Par ailleurs, les effets, tant avérés que potentiels, de la pratique peuvent être pris en considération à ce titre. La référence à des effets potentiels ne conduit pas, contrairement à ce que soutiennent les parties, à présumer le dommage à l'économie, dès lors qu'elle est étayée par des éléments objectifs et matériels vérifiables et crédibles.

La CEIC

489. En l'espèce l'Autorité a précisé que le dommage à l'économie doit être apprécié par rapport à la situation de concurrence qui aurait prévalu dans l'hypothèse d'un passage à l'EIC sans CEIC, et non celle qui aurait été observée dans l'hypothèse du maintien d'un système manuel de compensation des chèques (décision attaquée, § 679).

490. Sur la taille du marché affecté, l'Autorité a précisé qu'en raison de l'opacité de la tarification bancaire, il n'est pas possible d'évaluer précisément la valeur des ventes réalisées par les banques à raison des services d'émission et de remise de chèques affectés par les pratiques en cause. Mais elle a rappelé que les chèques représentaient en 2002, soit au début de la mise en oeuvre de la pratique, 37 % des moyens de paiement scripturaux utilisés en France, et 26 % en 2006. Elle en a déduit qu'ils représentaient donc nécessairement une part non négligeable des coûts des banques afférents à la gestion des moyens de paiement de leurs clients ou à la gestion de leurs flux créditeurs. La facturation des services bancaires étant adossée aux coûts des banques, le chèque représentait donc une part significative du prix facturé pour ces services, dans le cadre de l'équilibre global de la relation entre la banque et son client (décision attaquée, § 683 et 684).

491. L'Autorité a aussi relevé que la pratique avait eu deux effets potentiels, la hausse du prix de la remise du chèque et la raréfaction de l'offre de remise de chèques. Elle a évalué la hausse du prix de la remise du chèque à 220 millions d'euros sur l'ensemble de la période considérée (entre le 1er janvier 2002 et l'automne 2007, en tenant toutefois compte d'un effet retard tant lors du commencement de la pratique qu'à sa cessation). Elle a, à cet égard, examiné les données dont elle disposait selon les différentes catégories de clients remettants (Trésor Public, « grands remettants », autres entreprises, particuliers) démontrant l'effectivité d'une répercussion. Sur la raréfaction de l'offre de remise de chèque, l'Autorité a relevé que, lorsque la CEIC n'a pas été répercutée intégralement sur les clients remettants, la rentabilité de l'offre de services bancaires de remise de chèque était de ce fait dégradée, ce qui était de nature à réduire l'incitation des banques à se faire concurrence sur le marché de la remise de chèques, au détriment des grandes entreprises remettantes (décision attaquée, § 710).

492. Les parties contestent le contrefactuel retenu, ainsi que les éléments d'appréciation tant en ce qui concerne la taille du marché que les effets potentiels.)

Le contrefactuel « EIC sans CEIC » pour apprécier les effets de l'infraction.

493. La Société générale et la société HSBC soulignent que sans la CEIC, l'EIC n'aurait pas pu être mis en place. C'est donc, selon elles, au regard de la situation qui aurait prévalu sans la CEIC, c'est-à-dire au regard de la situation antérieure, que l'Autorité aurait dû examiner les effets de la commission en cause. Selon ces requérantes et la société Le Crédit industriel et commercial, en n'adoptant pas ce contrefactuel, l'Autorité a surévalué le dommage, puisqu'elle n'a pas pris en compte les gains permis par le passage à l'EIC.

493. Ce moyen n'est pas fondé. En effet, pour apprécier l'impact concret d'une infraction sur le marché, il convient de se référer au jeu de la concurrence qui aurait normalement existé en l'absence de l'infraction (TUE arrêts du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T-73/04, Rec. p. II-2661, point 83, et la jurisprudence citée, et Visa Europe et Visa International Service/Commission, précité, point 271).

494. En l'espèce, il n'est pas contesté que, dans les faits, la CEIC a décidé les banques réticentes au passage au système de l'EIC à l'accepter finalement. Toutefois, ainsi qu'il a été vu aux paragraphes 276 et suivants, il n'est pas démontré que la CEIC était objectivement nécessaire au passage à ce nouveau système, dans la mesure où, d'une part, les banques en cause n'ont pas recherché, au moyen d'un bilan des pertes et des gains liés au passage à l'EIC, si elles allaient subir des pertes de ce fait, d'autre part, il n'est pas établi qu'une au moins des banques majoritairement tirées pouvait, de manière suffisamment réaliste, envisager qu'elle devait subir des pertes en raison de la mise en place de l'EIC. À ce sujet, le fait que, comme le fait observer la Société générale, la décision de mise en oeuvre de l'EIC relevait de la seule volonté des banques ne change rien, car, dès lors que les banques en cause décidaient de mettre en oeuvre l'EIC, elles devaient le faire dans le respect du droit de la concurrence et donc à condition de rechercher et de constater que l'une au moins d'entre elles pouvait de façon suffisamment réaliste envisager qu'elle allait subir des pertes.

496. Dans ces circonstances, il n'est pas établi que les gains apportés par la mise en place de l'EIC n'auraient pas pu être réalisés sans perception de la CEIC, et c'est donc à juste titre que l'Autorité a considéré que le contrefactuel qui devait être retenu était la situation résultant de la mise en place de l'EIC sans CEIC, cette commission ne représentant pas seulement un manque à gagner, mais des pertes pour elles et leurs clients et, à ce titre, un dommage à l'économie.

497. Par ailleurs, dans les circonstances précédemment relevées, il n'y a pas lieu, contrairement à ce que soutient la Société générale, de prendre en considération le fait que le bilan net pour le secteur bancaire dans son ensemble aurait été négatif. Cette affirmation est en tout état de cause contredite par le rapport de la CIR qui considérait que la mise en place de l'EIC aboutissait à « un jeu à somme nulle » pour la profession (voir ci-dessus § 287).

498. C'est aussi à juste titre que l'Autorité a considéré que l'évaluation du dommage à l'économie devait porter sur l'ensemble des chèques interbancaires compensés par les établissements de crédit en France, et non sur les seuls montants remis par les entreprises. En effet, et contrairement à ce que soutient la Société générale, le rapport de l'expert économiste des parties du 11 août 2009 ne montre pas que les clients particuliers des banques n'ont subi aucun préjudice du fait de l'application de la CEIC.

499. En outre, contrairement à ce que soutient la société HSBC France, le dommage à l'économie ne porte pas sur le solde net entre les montants de CEIC versés par les banques remettantes et les montants perçus par les banques tirées, dont le résultat serait d'ailleurs nul. En effet, le versement de ces commissions a causé un dommage à l'économie en ce que, constituant une charge artificielle pour les banques remettantes, il a nécessairement été répercuté, de façon directe ou indirecte, sur les prix des services bancaires. À l'inverse, les sommes perçues, destinées à compenser pour les banques tirées la perte de la rémunération apportée par le placement du « float », n'avaient pas vocation à être répercutées sur les clients et il n'est d'ailleurs ni soutenu, ni établi qu'elles l'aient été.

500. Enfin, contrairement à ce que soutient la société HSBC France, l'ampleur du dommage à l'économie n'est pas estimée par la décision attaquée en retenant un postulat selon lequel la mise en place de l'EIC sans CEIC se serait caractérisée par une baisse des prix égale aux économies de coûts et une transmission au client de 100 % de l'accélération de trésorerie.
L'examen du contrefactuel de l'EIC sans CEIC conduit à examiner quelle aurait été la situation si la mise en place de l'EIC ne s'était pas accompagnée de la perception de la commission et donc à regarder si cette commission a eu un effet d'augmentation des prix des services bancaires, en tenant compte de ce que, compte tenu de la baisse des coûts entraînée par la dématérialisation, les prix auraient dû à tout le moins rester stables. De même, c'est à juste titre que l'Autorité a, dans la décision attaquée, considéré que les banques auraient dû (ou pu) faire bénéficier leurs clients de l'accélération de l'encaissement, dès lors que les fonds en cause appartiennent à ces clients, et non à la banque qui encaisse les chèques.

(…)

c) La hausse du prix de la remise de chèques

(…)

iii) Sur la répercussion concernant les autres entreprises et les particuliers

540. L'Autorité a, par une juste analyse que la cour adopte, considéré qu'il était certain que les entreprises qui n'appartenaient pas à la catégorie des grands remettants et qui, de ce fait, d'une part, ne disposaient que d'un pouvoir de négociation limité vis-à-vis de leur établissement bancaire, d'autre part, étaient peu informées des modalités indirectes de facturation des services bancaires et du prix réel de ceux-ci, avaient subi la plus forte augmentation tarifaire du fait de la répercussion de la CEIC.

541. Les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais opposent à ce sujet que l'hypothèse d'une plus forte répercussion d'une hausse de coût sur les prix facturés aux clients ayant un moindre pouvoir de négociation est contredite par la théorie économique, comme l'a rappelé le rapport de leur expert économiste du 22 octobre 2010. Selon ce rapport, invoqué par ces requérantes ainsi que par la société HSBC France, un pouvoir de négociation réduit impliquerait une moindre réactivité des prix aux « chocs de coûts ».

542. Cependant, la cour observe que cette affirmation de l'expert économiste des parties n'est pas explicitée ni étayée que ce soit par lui, ou par les parties. Par ailleurs, si la répercussion d'un choc de coût serait, ainsi que l'affirme l'expert économiste des parties, plus importante sur les marchés pour lesquels la concurrence est forte et les prix bas, il n'en demeure pas moins que les entreprises qui n'ont pas de pouvoir de négociation ou un pouvoir amoindri, ont une faible capacité à résister à une augmentation de prix qui leur est imposée par un de leurs partenaires économiques. En outre, cette tendance a été en l'espèce confirmée par l'observation du sondage de prix, qui a établi que l'ampleur de la répercussion de la CEIC était inversement proportionnelle au volume des chèques remis, ce qui correspond à la situation des entreprises n'ayant pas le statut de grand remettant. De plus, la forte concurrence entre elles qu'invoquent les parties, ne les a pas empêchées en l'espèce de s'accorder sur la création, le montant et la mise en oeuvre de la CEIC.

543. S'agissant des particuliers, la société HSBC France soutient que les présomptions les concernant sont « hors sujet », car la saisine d'office ne portait que sur les « tarifs et conditions liées appliquées par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis par les entreprises aux fins d'encaissement ». Ce grief n'est pas fondé. En effet, la limitation du champ de la saisine concerne la ou les pratiques visées, mais ne saurait limiter le champ du dommage à l'économie causé par la ou les pratiques, quand bien même serait-il constaté sur un marché ou un secteur différent de celui concerné par les pratiques.

544. La décision attaquée (§ 707) a retenu sur ce point que l'ampleur de la répercussion n'est pas quantifiable. Il n'est toutefois pas contesté que celle-ci s'est traduite par une accélération des encaissements moindre que ce qu'aurait permis l'accélération du règlement interbancaire, portant ainsi un préjudice aux clients à découvert et à ceux optimisant leur trésorerie, le préjudice des autres clients étant difficile à monétiser. Cette difficulté ne permet toutefois pas de conclure que le dommage à l'économie n'aurait pas été constitué au regard des clients particuliers. Le fait que ceux-ci soient davantage tirés que remettants n'en réduit pas moins leur préjudice à néant car ils sont aussi remettants. Il n'y a en outre, et pour le même motif, pas lieu de considérer que le dommage à l'économie ne devait être examiné qu'au regard des chèques remis par les entreprises et non au regard des chèques remis par les particuliers.

545. Enfin, c'est en vain que certaines banques font valoir que leurs clients n'ont pu subir aucun préjudice du fait de la CEIC, dès lors que le dommage à l'économie est causé de manière globale par tous les participants à l'entente et ne recouvre pas le préjudice qu'ont pu subir tel ou tel client des entreprises auteures des pratiques.

546. Il se déduit de l'ensemble de ce qui précède que, quand bien même ne serait-il pas quantifiable, l'Autorité a suffisamment établi le dommage à l'économie résultant d'un effet de hausse des prix de la remise du chèque et, de façon plus générale, des services bancaires en raison du mécanisme de subventions croisées. Les moyens des parties sur ce point sont rejetés.

4) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées, notamment, à l'ampleur économique de l'infraction ; que le dommage causé à l'économie s'apprécie de manière objective et concrète en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce ; que la cour d'appel a constaté que « dans les faits, la CEIC a décidé les banques réticentes au passage au système de l'EIC à l'accepter finalement » (arrêt, point 495) ; qu'en affirmant cependant, pour dire que c'est « à juste titre que l'Autorité a considéré que le contrefactuel qui devait être retenu était la situation résultant de la mise en place de l'EIC sans CEIC », qu' « il n'est pas démontré que la CEIC était objectivement nécessaire au passage à ce nouveau système, dans la mesure où, d'une part, les banques en cause n'ont pas recherché, au moyen d'un bilan des pertes et des gains liés au passage à l'EIC, si elles allaient subir des pertes de ce fait, d'autre part, il n'est pas établi qu'une au moins des banques majoritairement tirées pouvait, de manière suffisamment réaliste, envisager qu'elle devait subir des pertes en raison de la mise en place de l'EIC », quand l'absence de caractère accessoire ou d'exemption de la restriction n'était pas de nature à écarter le constat que, dans les faits, seule l'instauration de la commission avait permis l'acceptation par les banques réticentes, dont le consentement était nécessaire, du passage à l'EIC, de sorte que le contrefactuel pertinent ne pouvait être que la situation antérieure à l'EIC, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L 464-2 du code de commerce ;

5) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées, notamment, à l'ampleur économique de l'infraction; que le dommage causé à l'économie s'apprécie de manière objective et concrète en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce ; que la cour d'appel a constaté que « dans les faits, la CEIC a décidé les banques réticentes au passage au système de l'EIC à l'accepter finalement » (arrêt, point 495) ; qu'en affirmant cependant, pour dire que c'est « à juste titre que l'Autorité a considéré que le contrefactuel qui devait être retenu était la situation résultant de la mise en place de l'EIC sans CEIC », que « le fait que, comme le fait observer la Société générale, la décision de mise en oeuvre de l'EIC relevait de la seule volonté des banques ne change rien, car, dès lors que les banques en cause décidaient de mettre en oeuvre l'EIC, elles devaient le faire dans le respect du droit de la concurrence et donc à condition de rechercher et de constater que l'une au moins d'entre elles pouvait de façon suffisamment réaliste envisager qu'elle allait subir des pertes », quand il ressortait de ses constatations que la décision des banques de mettre en oeuvre l'EIC résultait précisément de l'accord trouvé dans l'instauration de la CEIC, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L 464-2 du code de commerce ;

6) ALORS QUE le droit à un procès équitable, lequel inclut le respect du principe d'égalité des armes, le respect du principe du contradictoire et, en matière répressive au sens de la Convention européenne des droits de l'homme, le droit de tout accusé à être informé de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui, exclut que l'autorité de jugement puisse, dans la décision qu'elle prononce, venir modifier, même indirectement, la définition des faits reprochés ; que la communication des griefs, qui est la garantie procédurale essentielle, pour le respect des droits de la défense de l'entreprise à l'encontre de laquelle l'Autorité de concurrence envisage d'infliger une sanction pour violation des règles de concurrence, doit contenir les éléments essentiels retenus à l'encontre de l'entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve ; que l'Autorité de concurrence a, par actes du 14 mars 2008, adressé aux banques exposantes une notification de griefs « relative à la situation de la concurrence concernant les tarifs et les conditions liées appliqués par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis par les entreprises aux fins d'encaissement » ; que, dans ses conclusions, la société HSBC a fait valoir que l'Autorité de la concurrence avait, de manière erronée, pris en compte, pour déterminer le dommage causé à l'économie par les faits reprochés, les répercussions sur les clients particuliers des banques alors que la notification de griefs visait exclusivement « les tarifs et les conditions liées…pour le traitement des chèques remis par les entreprises aux fins d'encaissement » ; qu'en affirmant cependant, pour entériner l'appréciation portée par la décision entreprise sur le dommage causé à l'économie, incluant celui causé aux clients particuliers, que « la limitation du champ de la saisine concerne la ou les pratiques visées, mais ne saurait limiter le champ du dommage à l'économie causé par la ou les pratiques, quand bien même serait-il constaté sur un marché ou un secteur différent de celui concerné par les pratiques » et qu' il n'y a « pas lieu de considérer que le dommage à l'économie ne devait être examiné qu'au regard des chèques remis par les entreprises et non au regard des chèques remis par les particuliers » (arrêt, points 543 et 544), quand la notification de griefs, limitée aux tarifs et conditions appliqués pour le traitement des chèques remis par les entreprises, excluait l'examen des conséquences économiques du traitement des chèques remis par les particuliers, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 et 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L 464-2 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE Sur les commissions AOCT

550. L'Autorité a, s'agissant des commissions AOCT, retenu que, faute d'éléments sur le niveau de coût exposés à l'occasion des opérations d'annulation à tort, le dommage à l'économie ne pouvait être quantifié avec précision, mais que ce dommage était de faible ampleur et significativement moindre que celui causé par la CEIC (décision attaquée, § 711).

551. L'Autorité a rappelé à ce sujet que les commissions AOCT sont prélevées sur une minorité d'opérations de compensation de chèques interbancaires et que la potentialité des effets anticoncurrentiels était limitée du fait du montant des commissions collectées, d'une part, et de la nature de la pratique, d'autre part. La cour relève que le montant de ces commissions représente moins de 0,3 % du montant de la CEIC (décision attaquée, § 713 et 715).

552. En outre, la décision attaquée a rappelé que les commissions AOCT constituent une charge d'exploitation pesant sur les résultats des banques dont une partie peut être répercutée sur les clients finaux via une facturation directe ou indirecte. Le montant de ces commissions n'ayant pas été fixé au regard des coûts exposés, ils sont susceptibles de conduire indirectement à une inflation du prix des services bancaires. Cependant, seule une fraction du montant des commissions AOCT, correspondant à la différence entre leur tarif et le coût réel du service, représente un surcoût imposé à la banque qui doit acquitter ces commissions, lequel est susceptible d'entraîner un dommage à l'économie.

553. Il résulte de l'ensemble de ces éléments objectifs que les commissions AOCT ont causé un dommage à l'économie qui, s'il est faible, n'en est pas pour le moins existant.

554. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais, le fait que les commissions AOCT contribuent à assurer le bon fonctionnement du système, puisqu'elles compensent la charge pour les banques concernées des coûts engagés en cas d'opération compensées à tort, n'implique pas nécessairement que leur perception n'a pas pu causer de dommage à l'économie. En effet, dans l'impossibilité de connaître les coûts réels de ces services, au moment de la création et de la perception de ces commissions jusqu'au prononcé de la décision attaquée, rien ne permet de dire que celles-ci étaient proportionnées aux coûts et, éventuellement, à l'objectif d'incitation à la limitation des erreurs et, partant qu'elles n'ont pas fait supporter aux banques, ainsi qu'aux clients auxquels ces commissions étaient facturées, un surcoût, constitutif d'un dommage à l'économie.

555. Par ailleurs, ce dommage ne peut être évalué à l'aune des constatations effectuées par l'expert indépendant désigné par les parties pour se conformer à l'injonction de l'article 5 de la décision attaquée, dès lors que celui-ci n'a pas travaillé sur les coûts des banques supportés à l'époque des faits.

556. Il se déduit de l'ensemble de ces éléments, que la cour adopte, que l'Autorité a, à juste titre, considéré que le dommage à l'économie causé par les commissions AOCT a été de faible ampleur.

7) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées, notamment, à l'ampleur de l'infraction ; que le dommage à l'économie ne peut être présumé ; qu'en affirmant, pour retenir l'existence d'un dommage à l'économie causé par les commissions AOCT, que « dans l'impossibilité de connaître les coûts réels de ces services, au moment de la création et de la perception de ces commissions jusqu'au prononcé de la décision attaquée, rien ne permet de dire que celles-ci étaient proportionnées aux coûts et, éventuellement, à l'objectif d'incitation à la limitation des erreurs et, partant qu'elles n'ont pas fait supporter aux banques, ainsi qu'aux clients auxquels ces commissions étaient facturées, un surcoût, constitutif d'un dommage à l'économie », la cour d'appel, qui a présumé de l'existence du dommage, a violé l'article L 464-2 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE Sur la méthode de détermination des sanctions

557. Pour déterminer le montant des sanctions, l'Autorité a pris en compte, non la valeur des ventes de produits ou services en relation avec l'infraction, mais, s'agissant des banques autres que la Banque de France, leur part sur le marché de l'émission et de la remise de chèques et leur produit net bancaire, au moyen d'une formule de calcul intégrant aussi le produit net bancaire de l'ensemble des banques mises en cause et un coefficient multiplicateur.

558. Les sociétés HSBC France, Société générale, BPCE, Crédit agricole et Le Crédit lyonnais prétendent que la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation en ce qui concerne l'application de cette méthode de détermination du montant des sanctions qui leur ont été infligées ; la société HSBC France soutient, par ailleurs, que cette méthode a été mise en oeuvre au mépris du principe du contradictoire.

(…)

Sur la motivation de la décision attaquée

565. Les sociétés HSBC France, BPCE, Crédit Agricole, Le Crédit Lyonnais, et Société Générale soutiennent que l'Autorité n'a pas satisfait à son obligation de motivation, en ce qui concerne tant sa décision d'écarter le critère de la valeur des ventes, que l'application de la formule de calcul qu'elle lui a substituée. Elles en concluent que la décision attaquée doit être annulée.

a) Sur la décision d'écarter le critère de la valeur des ventes

566. Les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais soutiennent que l'Autorité n'a pas motivé, de manière claire et précise, sa décision de ne pas s'appuyer sur la valeur des ventes des services concernés pour calculer le montant de base des sanctions et qu'elle n'a donc pas satisfait à son obligation de motivation.

567. Sur ce point, la cour rappelle au préalable, comme elle l'a fait plus haut, que, si la prise en compte de la valeur des ventes de biens ou services en relation avec l'infraction, pour calculer un montant de base de la sanction, est une méthode habituellement appliquée par les autorités de concurrence, et parmi celles-ci l'Autorité, comme en témoigne sa pratique décisionnelle, elle ne s'imposait nullement à l'Autorité, qui pouvait choisir d'appliquer toute autre méthode qu'elle jugeait plus appropriée au cas d'espèce, dans le respect des dispositions de l'article L 464-2 du code de commerce relatives au montant maximal des sanctions et à leur proportionnalité.

568. La cour relève, ensuite, que, contrairement à ce qu'allèguent les requérantes, il ressort de la décision attaquée que l'Autorité y a exposé les motifs qui l'ont conduite, au cas particulier, à ne pas asseoir le montant de base des sanctions qu'elle a prononcées sur la valeur des ventes et à lui substituer une autre méthode de calcul. C'est ainsi que l'Autorité a constaté, au paragraphe 750 de la décision attaquée, que, compte tenu des spécificités du secteur bancaire, la détermination de la valeur des ventes, consistant ici dans la valeur des ventes des services d'émission et de remise de chèques, s'avérait impossible.

569. Elle a justifié cette impossibilité en constatant que la tarification de ces services était l'objet de diverses modalités, directes et indirectes, et était caractérisée par l'existence de subventions croisées ; elle a, aux paragraphes 31 et 32 de la décision attaquée, explicité ces spécificités, en relevant, d'une part, que les banques recherchaient la rentabilité globale de leurs services au niveau de chaque client, et non service par service, de sorte qu'un service pouvait être fourni à perte, si un autre poste permettait de couvrir cette perte, et, d'autre part, que les modes de rémunération des services de chèques étaient variés – consistant dans une tarification directe de la remise de chèques au moyen de commission à la transaction, dans le bénéfice du « float », c'est-à-dire du produit de placement par la banque et pour son propre compte des sommes disponibles au crédit des comptes courants non rémunérés de ses clients et dans des commissions de mouvement –, et pouvaient être combinés entre eux.

570.L'Autorité a considéré qu'il en résultait une « opacité » de la tarification, empêchant « d'évaluer précisément la valeur des ventes réalisées par les banques à raison des services d'émission et de remise de chèques affectés par les pratiques en cause » (décision attaquée, § 683).

571. Il ressort de ces éléments de motivation que l'Autorité a exposé, avec suffisamment de clarté et de précision, les raisons qui l'ont conduite, au cas d'espèce, à ne pas calculer le montant de base des sanctions à partir de la valeur des ventes de biens et services concernés. Le moyen soutenu de ce chef par les sociétés Crédit Agricole et Le Crédit Lyonnais doit donc être rejeté.

b) Sur le produit net bancaire de chaque banque

572. La société BPCE rappelle que l'Autorité a, au paragraphe 751 de la décision attaquée, justifié la prise en compte, dans la formule de calcul, du produit net bancaire réalisé par chaque banque sur le territoire national par la circonstance que l'effet des pratiques en cause s'était étendu « au-delà du seul marché du chèque, pour toucher l'ensemble des activités bancaires des mises en cause ». Elle souligne que, pourtant, l'Autorité avait précédemment relevé que les marchés affectés étaient ceux de l'émission et de la remise de chèques, ainsi au paragraphe 670 de la décision attaquée, dans lequel elle indique que les commissions ont affecté « les différentes faces du marché, à savoir le marché de la remise de chèque et le marché de l'émission du chèque ». Elle reproche, par ailleurs, à l'Autorité de ne pas avoir expliqué en quoi le produit net bancaire refléterait la taille et la puissance économique d'une banque, alors qu'il est habituellement considéré, y compris par la Commission européenne, que la taille et la puissance économique d'une entreprise sont reflétées par son chiffre d'affaires. La société BPCE en conclut que la décision attaquée est affectée d'un défaut de motivation.

573. Sans doute l'Autorité a-t-elle effectivement considéré que les pratiques en cause avaient affecté le marché de la remise de chèques et le marché de l'émission de chèques, ceux-ci constituant « deux faces » du marché des services liés au paiement par chèques (décision attaquée, § 254 et 670) ; mais cette analyse n'est nullement contradictoire avec le constat, fait au paragraphe 751 de la décision attaquée, que, du fait des spécificités du secteur bancaire, tenant en particulier à l'existence de subventions croisées, les effets de ces pratiques ont touché l'ensemble des activités bancaires des mises en cause. L'Autorité a, ainsi, suffisamment motivé la prise en compte, pour le calcul du montant de base des sanctions, du produit net bancaire des mises en cause, celui-ci reflétant leur taille et leur puissance économique, au regard de l'ensemble de leurs activités bancaires, d'une façon plus appropriée que le chiffre d'affaires, habituellement retenu pour apprécier la taille des entreprises non financières.

c) Sur le produit net bancaire total des banques mises en cause

574. La société BPCE fait valoir que l'Autorité, après avoir exposé, au paragraphe 751 de la décision attaquée, qu'elle retiendrait deux éléments, la part de marché de chaque banque sur le marché de l'émission et de la remise de chèques et le produit net bancaire de chaque banque, s'est ensuite appuyée, « sans explication », sur le produit net bancaire total des banques en cause, qu'elle a intégré dans la formule de calcul présentée au paragraphe 755 de la décision attaquée, manquant ainsi à son obligation de motivation.

575. Mais la cour observe que, si le produit net bancaire total des mises en cause figurant dans la formule de calcul n'est pas explicitement mentionné au paragraphe 751 de la décision attaquée, dans lequel l'Autorité présente les éléments qu'elle retiendra, par préférence à la valeur des ventes, pour calculer le montant de base des sanctions, sa signification s'impose avec évidence, puisqu'il consiste dans l'addition du produit net bancaire de chacune des banques en cause, celui-ci permettant de tenir compte « de la taille et de la puissance économique de chaque banque et, partant, de ses capacités contributives » (décision attaquée, § 751).

3. Sur le bien-fondé de la formule de calcul des sanctions

576. En application de la méthode définie au paragraphe 755 de la décision attaquée, le montant de base de la sanction a été calculé ainsi : [(part relative de la banque concernée sur le marché de l'émission et de la remise de chèques x produit net bancaire total des mises en cause) + produit net bancaire de la banque concernée] x coefficient multiplicateur.

a) Sur la présentation de la formule de calcul :

577. Les parties soutiennent que cette formule est obscure et font grief à l'Autorité de ne pas avoir explicité les étapes du raisonnement.

578. Cette critique n'est pas fondée. En effet, chaque étape du raisonnement est explicitée par la formule de calcul précisée au paragraphe 755 de la décision attaquée, puis par les données propres à chacune des banques (coefficient et parts de marché sur le total de produit net bancaire en millions d'euros) aux paragraphes qui les concernent. Les données non précisées dans la décision attaquée sont ainsi reconstituables à partir des données propres à chaque banque (décision attaquée, § 759 à 787).

579. Dans le cadre de cette méthode, l'Autorité a appliqué au montant de base un coefficient qu'un calcul par application de la règle de trois permet de chiffrer à 0,2625 %, ainsi qu'il ressort du tableau suivant :



Banque
Parts de marché
Parts de marché
(M €)
Produit net bancaire
(M €)
montant de base de la sanction
(M €)
coefficient multiplicateur
référence décision attaquée


BNP-Paribas
11,48 %
7766
10778
48,68
0,2625 %
§ 759


BPCE-BP Participations
10,77 %
7286
7225
38,09
0,2625 %
§ 762


BPCE-CE Participations
8,68 %
5872
9603
40,62
0,2625 %
§ 764


Crédit agricole
24,02 %
16249
8057
63,8
0,2625 %
§ 768


LCL
6,30 %
4262
2382
17,44
0,2625 %
§ 772


HSBC
1,23 %
832
2614
9,05
0,2625 %
§ 775


Le Crédit industriel et commercial
6,12 %
4140
3917
21,15
0,2625 %
§ 777


Crédit Mutuel
10,23 %
6920
6374
34,9
0,2625 %
§ 779


Société Générale
9,47 %
6406
10570
44,56
0,2625 %
§ 782


Crédit du Nord
1,69 %
1143
1516
6,98
0,2625 %
§ 785


La Banque postale
10,01 %
6772
4612
29,88
0,2625 %
§ 787


Total
100,00 %
67647
67647
355,15
0,2625 %




580. Au regard des données de ce tableau, le calcul à effectuer pour connaître le coefficient est le suivant : Montant de base de la sanction de la banque (Part de marché de la banque X produit net total des banques) + produit net de la banque

581. Les moyens développés à ce sujet sont en conséquence rejetés.

b) Sur le choix du produit net bancaire au lieu de la valeur des ventes

582. Les parties reprochent à l'Autorité de s'être écartée de la valeur des ventes qui avait été évaluée par les rapporteurs.

583. Cependant, outre que l'Autorité n'est pas tenue de reprendre à son compte les évaluations proposées par les rapporteurs, il convient d'observer que celle présentée était insuffisamment fiable concernant l'évaluation de la valeur des ventes sur le marché de la remise de chèques, d'une part, en ce qu'elle ne couvrait pas l'ensemble des canaux de facturation indirecte du service, d'autre part, en ce qu'elle reposait sur des hypothèses incertaines en raison du manque de données disponibles. Il ne peut être reproché à l'Autorité de ne pas avoir demandé la communication des montants de valeur des ventes, qui n'avaient pas été transmis par les parties, puisque le produit net bancaire constituait, en tout état de cause, ainsi qu'il sera précisé ci-dessous, une assiette davantage justifiée au regard des exigences de proportionnalité de la sanction.

584. À ce sujet, la cour rappelle encore que le mécanisme de rémunération des services liés au chèque reposant en partie sur le système de subventions croisées déjà décrit, rendait nécessairement incertaine la détermination de la valeur des ventes de services liés aux chèques. De surcroît, la détermination de la sanction au regard de la seule valeur des ventes n'aurait pas permis de proportionner la sanction dans la mesure où la CEIC, compte tenu de ce financement, a eu des répercussions sur l'ensemble des services rendus par les banques à leurs clients.

585. Par ailleurs, si l'expert économiste des parties a procédé à sa propre évaluation de la valeur des ventes sur la face de l'émission des chèques, cette évaluation ne peut être retenue, dès lors que, comme l'oppose l'Autorité, elle ne prend pas en compte la valeur des services de chèque fournis aux particuliers, elle se limite à l'étude des prix faciaux et des jours de banque sans prendre en compte les modalités de tarification indirecte, telles que les commissions de mouvement, et elle repose sur l'exploitation exclusive des données du sondage de prix, lesquelles ne sont pas représentatives de l'ensemble des entreprises, dont la facturation est incomparable s'agissant des grands remettants ou des PME.

586. La Société générale, ainsi que les sociétés Crédit agricole, Le Crédit lyonnais et HSBC France soutiennent que la référence au produit net bancaire ne permettait ni de répondre à l'exigence de proportionnalité de la sanction, ni de traduire la taille et la puissance économique de chaque banque. La société HSBC France indique que cette méthode de calcul aboutit à un niveau de sanction déconnecté à la fois de la valeur du marché affecté et de l'effet des pratiques concernées.

587. Toutefois, c'est à juste titre que l'Autorité s'est référée au produit net bancaire.

588. En effet, cette donnée, qui, selon la définition de l'INSEE, mesure la contribution spécifique des banques à l'augmentation de la richesse nationale et peut, en cela, être rapprochée de la valeur ajoutée dégagée par les entreprises non financières (décision attaquée, § 630), est le résultat de la différence entre les produits et les charges d'exploitation bancaire. Il donne ainsi la mesure de l'activité de la banque et permet à la fois de mesurer sa puissance économique, sa place sur le marché global des services bancaires et sa faculté contributive. Cette donnée permet donc à la fois de déterminer la part prise par chaque banque au dommage à l'économie et de proportionner la sanction, d'une part, à la participation à l'infraction de chaque banque, d'autre part, à ses facultés contributives.

589. Par ailleurs, si le produit net bancaire est d'un montant plus élevé que la valeur des ventes des services de remise et d'émission de chèques, la référence à celui-ci se justifie dans les circonstances de l'espèce où les pratiques ont porté sur un service rémunéré par des subventions croisées et dont les effets se sont donc reportés sur l'ensemble de l'activité. De surcroît, ce choix de méthode est compensé par l'application d'un coefficient de faible portée permettant ainsi de minorer le montant de la sanction et de le proportionner à la gravité des pratiques et au dommage à l'économie.

590. En outre, si pour certaines banques (Crédit agricole, Le Crédit industriel et commercial, la Confédération nationale du Crédit mutuel, HSBC France et La Banque postale), le montant de la part de marché appliqué au produit net bancaire total excède le montant de leur produit net bancaire propre, ce constat ne reflète pas une incohérence de la formule employée, mais constitue le résultat de ce que, leur part sur le marché de la remise et de l'émission de chèques étant supérieure à ce qu'elle représente pour les autres banques, leur participation à la pratique a davantage impacté le marché.

591. Enfin, si, postérieurement à la décision attaquée, l'Autorité a, dans son communiqué sanctions, énoncé que la taille et la puissance économique seraient examinées comme un facteur d'aggravation ou d'atténuation de la sanction, cette prise de position n'invalide pas pour autant l'analyse différente, adoptée en l'espèce et consistant à estimer, en premier lieu, la part prise par chaque société participante au dommage à l'économie, compte tenu de sa part sur le marché du chèque, puis en second lieu, sa puissance économique traduite par son produit net bancaire.

592. Il s'ensuit que les critiques des parties sur ces points ne sont pas fondées.

c) Sur la combinaison des deux termes du calcul : parts de marché et produit net bancaire

593. L'Autorité a décidé, ainsi qu'il été dit précédemment, d'asseoir le montant de base de la sanction sur deux éléments, à savoir, d'une part, la part de marché de chaque banque sur le marché de l'émission et de la remise de chèques (traduite par la multiplication de la part de marché de l'émission et de la remise de chèques par le total du produit net bancaire) et, d'autre part, le produit net bancaire réalisé par chaque banque sur le seul territoire national.

594. Elle a précisé à juste titre, par une analyse que la cour adopte, que le premier élément permet de tenir compte de la position spécifique de chaque banque sur le marché affecté et que le second élément traduit la taille et la puissance économique de chaque banque et, partant, de ses capacités contributives.

595. La combinaison de ces deux éléments permet également de tenir compte de la circonstance que l'effet des pratiques en litige s'est étendu au-delà du seul marché du chèque, pour toucher l'ensemble des activités bancaires des mises en cause, en raison des modalités spécifiques de tarification de ces activités (subventions croisées).

596. Contrairement à ce que soutiennent certaines parties, il n'est pas incohérent d'appliquer les parts détenues par les banques en cause sur le marché de l'émission et de la remise de chèques au montant total des produits net bancaires. En effet, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, d'une part, l'Autorité ne disposait pas de données suffisamment fiables sur le marché de la remise des chèques, d'autre part, compte tenu du mécanisme de subventions croisées permettant le financement du chèque, la perception ou le paiement des commissions a nécessairement eu un effet sur le financement de l'ensemble des services rendus par les banques.

597. Par ailleurs, plusieurs parties font valoir qu'il n'est pas possible de prendre en compte un tel marché affecté dans la mesure où ni la saisine ni les griefs notifiés, ne concernaient le marché de l'émission de chèques et que, dans ces circonstances, l'Autorité n'était pas fondée à étendre le marché affecté au marché de l'émission de chèques.

598. Cependant, la notification de griefs a clairement énoncé au paragraphe 108 que « le marché de produit est donc celui du chèque à l'exclusion des autres moyens de paiement en euros », ce qui conduit à considérer que ce marché était visé dans sa globalité. En outre, le rapport du 14 septembre 2008 indique, au paragraphe 541, que, pour donner un ordre de grandeur du dommage à l'économie, il convient d'apprécier la taille des marchés affectés et que le marché pertinent « est constitué de deux sous-ensembles distincts, celui de l'émission des formules de chèques et celui de la remise de ces formules qui sont eux-mêmes interdépendants. ». Si, dans la suite de ce paragraphe, les rapporteurs se bornent à estimer la valeur des ventes de la remise de chèque, il n'en demeure pas moins qu'il est préalablement précisé que la remise et l'émission sont interdépendants et que l'Autorité n'était pas tenue, ainsi qu'il a été retenu précédemment, par cette analyse des services d'instruction. Il est sans portée à ce sujet que la saisine d'office ait été intitulée comme étant relative « aux tarifs et aux conditions liées appliqués par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis aux fins d'encaissement » et que les deux rapports ultérieurs des rapporteurs aient repris cet intitulé, dès lors que le marché pertinent n'a, à aucun moment de la procédure, été restreint au marché de la remise de chèques. En effet, cet intitulé n'exclut en rien que les pratiques en cause aient aussi, en miroir, concerné l'émission de chèques, qui constitue l'autre face du marché. Cette activité est en lien avec l'infraction dès lors que la CEIC commission versée par les banques remettantes aux banques émettrices (les banques tirées) apportait une recette artificielle à ces dernières, faussant ainsi pour elles le jeu de la concurrence tout autant que, pour les banques remettantes, le coût artificiel du paiement de la CEIC. À ce titre, au surplus, la cour rappelle que la CEIC a été instaurée afin que les équilibres financiers des banques ne soient pas modifiés par la mise en place de l'EIC. Il s'en déduit que cette commission a affecté les activités de remise et d'émission, quand bien même aurait-elle pu favoriser une baisse des prix sur le segment de marché de la remise, ainsi que le soutient la société BPCE.

599. Pour les mêmes motifs, il est sans effet que la CEIC n'ait pas été perçue pour les chèques intrabancaires.

600. Les parties soutiennent encore que cette méthode aboutirait à intégrer à deux reprises le même produit net bancaire, lequel est d'abord multiplié par la part de marché avant d'être une seconde fois additionné au total.

601. Toutefois, ainsi qu'il a été retenu précédemment, la méthode appliquée, qui tient compte de l'ensemble constitué par la part de marché de chaque banque sur le total des produits net bancaires de toutes, puis, dans un second temps, du montant du produit net bancaire de chacune, est justifiée en ce qu'elle permet ainsi d'individualiser les sanctions tout en tenant compte dans leur montant, d'une part, d'un montant représentatif de son activité individuelle sur le marché affecté par les pratiques et, d'autre part, de la valeur ajoutée réalisée par chaque banque traduisant sa puissance économique.

d) Le coefficient

602. Les parties font valoir qu'aucun élément ne vient expliquer ou justifier la provenance du coefficient. La cour relève toutefois, d'une part, que le montant du coefficient appliqué par l'Autorité, s'il eût certes été préférable qu'il soit précisé dans la décision attaquée, est facilement reconstituable par l'application mathématique de la règle de trois, ainsi qu'il a été relevé précédemment (§ 579). Par ailleurs, ce coefficient constitue la traduction chiffrée de l'ensemble des éléments retenus tant au titre de la gravité de la pratique qu'en ce qui concerne le dommage à l'économie. Sur ce point, l'Autorité, qui a détaillé à la fois la méthode, mais aussi les éléments chiffrés qu'elle a pris en compte, puis les éléments retenus au titre des pratiques et du dommage à l'économie, n'avait pas à apporter d'autres précisions.

e) Sur la surévaluation prétendue des sanctions

603. Il ressort de ce qui précède que les paramètres retenus par l'Autorité pour la fixation de la sanction sont justifiés et fondés. Il est, dans ces conditions, sans effet que les sanctions prononcées aient été plus élevées que ce qu'elles auraient été si l'Autorité avait seulement retenu comme base de la sanction la valeur des ventes sur le marché de l'émission. C'est en vain que la société BNP Paribas reproche à l'Autorité de ne pas avoir tenu compte du montant des commissions perçues par elle « au titre du traitement de l'encaissement de chèques par des entreprises facturées à l'opération », communiqué à plusieurs reprises, puisque cette donnée n'est que très parcellaire au regard de la portée de la pratique. Il est indifférent que cette méthode aboutisse à sanctionner les pratiques au-delà des profits que les banques auraient pu tirer de la perception des commissions en cause.

604. C'est aussi à tort que les parties invoquent d'autres affaires dans lesquelles les méthodes ou les coefficients appliqués auraient été différents, chaque espèce présentant ses spécificités propres, notamment, en ce qui concerne l'appréciation de la nécessité de prévenir les pratiques. Sur ce point, la cour relève que, si les dispositions de l'article L. 464-2 du code de commerce ne font pas référence à la fonction dissuasive de la sanction dans les critères de détermination qu'elles énoncent, il n'en demeure pas moins qu'il ne peut être reproché à l'Autorité d'avoir expliqué la sévérité des paramètres de calculs choisis, et que la cour approuve, en invoquant la nécessité de prendre en considération cet objectif de dissuasion, inhérent par principe à toute sanction.

8) ALORS QUE le droit à un procès équitable emporte l'obligation pour le juge de motiver sa décision ; que la formule, retenue par l'Autorité de la concurrence pour fixer le montant des sanctions, soit « [(part relative de la banque concernée sur le marché de l'émission et de la remise de chèques x produit net bancaire total des mises en cause) + produit net bancaire de la banque concernée] x coefficient multiplicateur », ne permettait pas, ainsi que le faisait valoir les banques dans leurs mémoires, d'établir le lien entre le montant de la sanction prononcée et la prise en compte de la gravité des faits, des éléments d'atténuation de cette gravité et du dommage à l'économie, tels qu'analysés par la décision ; qu'en affirmant cependant, pour confirmer la méthode de détermination du montant de la sanction utilisée, que « chaque étape du raisonnement est explicitée par la formule de calcul précisée au paragraphe 755 de la décision attaquée, puis par les données propres à chacune des banques (coefficient et parts de marché sur le total de produit net bancaire en millions d'euros) aux paragraphes qui les concernent », que « les données non précisées dans la décision attaquée sont ainsi reconstituables à partir des données propres à chaque banque (décision attaquée, § 759 à 787) », que «dans le cadre de cette méthode l'Autorité a appliqué au montant de base un coefficient qu'un calcul par application de la règle de trois permet de chiffrer à 0,2625 % », que « ce coefficient constitue la traduction chiffrée de l'ensemble des éléments retenus tant au titre de la gravité de la pratique qu'en ce qui concerne le dommage à l'économie », que « sur ce point, l'Autorité, qui a détaillé à la fois la méthode, mais aussi les éléments chiffrés qu'elle a pris en compte, puis les éléments retenus au titre des pratiques et du dommage à l'économie, n'avait pas à apporter d'autres précisions », que « l'Autorité n'était pas tenue de motiver davantage la façon dont elle tenait compte de cet élément d'atténuation, et l'importance du montant des sanctions, fondée sur un ensemble complexe d'éléments et d'appréciations, qui seront examinés ci-dessous, ne permet pas d'affirmer, comme le font certaines parties, qu'il n'a en réalité pas été tenu compte de cet élément » et qu'« enfin, contrairement à ce que soutiennent les parties, l'Autorité n'avait pas à chiffrer un pourcentage retenu au titre de la gravité ou des éléments atténuant cette gravité, le coefficient de 0,2625 % appliqué permettant de constater qu'elle a bien tenu compte de l'ensemble des éléments retenus à ce titre » (arrêt, points 578, 579, 602, 429 et 482), quand il appartenait à l'Autorité de la concurrence et à la cour d'appel, sur recours, de motiver leur décision de sorte que l'application d'un coefficient de « 0,2625 % » apparaisse compréhensible et que le lien avec la gravité des faits, les éléments d'atténuation de cette gravité et l'importance du dommage à l'économie soit établi, la cour d'appel a encore méconnu le droit de tout justiciable à un procès équitable, en violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L 464-2 du code de commerce ;

9) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération ; que la cour d'appel a retenu que « le système dans lequel s'inscrit l'utilisation du moyen de paiement par chèque est un système global, les services proposés étant rémunérés de façon forfaitaire et négociés au niveau de chaque client et non pas service par service » et que « du fait du système de subventions croisées, les effets de la CEIC se sont répercutés sur l'ensemble des services bancaires, au-delà des seuls services liés au chèque » (arrêt, points 503 et 504) ; qu'en se fondant cependant, pour fixer le montant de la sanction, sur le produit net bancaire, lequel inclut non seulement les marges et commissions sur les « services bancaires », au sens strict du terme, mais également les marges et commissions des banques sur les activités de marché et les flux d'intérêts perçus sur les prêts interbancaires et portefeuilles pour compte, qui n'étaient pas impactés par la pratiques reprochée, la cour d'appel a intégré des valeurs sans lien avec l'infraction et le dommage qui en est résulté, en violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L 464-2 du code de commerce ;

10) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération ; que les banques ont fait valoir le caractère incohérent de la formule retenue par l'Autorité de la concurrence, pour déterminer du montant de la sanction, qui, au titre du premier élément permettant « de tenir compte de la position spécifique de chaque banque sur le marché affecté », a retenu la multiplication de la part de la banque sur le marché de l'émission et de la remise du chèque par le produit net bancaire de l'ensemble des banques, bien que ce dernier élément soit sans lien avec l'infraction et le dommage qui en est résulté, et a abouti, pour certaines banques, à un montant supérieur à leur propre produit net bancaire ; qu'en retenant cependant la formule adoptée par l'Autorité de la concurrence pour déterminer le montant de la sanction, au motif, erroné, que ce constat « constitue le résultat de ce que leur part sur le marché de la remise et de l'émission de chèques étant supérieure à ce qu'elle représente pour les autres banques, leur participation à la pratique a davantage impacté le marché », sans rechercher si ce constat ne résultait pas directement de ce que le produit net bancaire de l'ensemble des banques intégrait les marges et commissions des banques ayant d'importantes activités de marché, partant était sans lien avec le manquement, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L 464-2 du code de commerce ;

11) ALORS QUE le droit à un procès équitable, lequel inclut le respect du principe d'égalité des armes, le respect du principe du contradictoire et, en matière répressive au sens de la Convention européenne des droits de l'homme, le droit de tout accusé à être informé de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui, exclut que l'autorité de jugement puisse, dans la décision qu'elle prononce, venir modifier, même indirectement, la définition des faits reprochés ; que la communication des griefs, qui est la garantie procédurale essentielle, pour le respect des droits de la défense de l'entreprise à l'encontre de laquelle l'Autorité de concurrence envisage d'infliger une sanction pour violation des règles de concurrence, doit contenir les éléments essentiels retenus à l'encontre de l'entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée, de sorte que seuls les faits reprochés et le dommage à l'économie qui en est résulté peuvent fonder la sanction ; que, par décision n° 03-SO-01 du 29 avril 2003, le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office de « la situation de la concurrence concernant les tarifs et les conditions liées appliqués par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis aux fins d'encaissement » ; que, par actes du 14 mars 2018, l'Autorité de concurrence a, adressé aux banques une notification de griefs « relative à la situation de la concurrence concernant les tarifs et les conditions liées appliqués par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis par les entreprises aux fins d'encaissement »; qu'en confirmant cependant la méthode de détermination du montant de la sanction fondée, non seulement sur la part de chacune des banques sur le marché de la remise des chèques, mais également sur la part de chacune des banques sur le marché de l'émission des chèques, aux motifs erronés et inopérants que « la notification de griefs a clairement énoncé au paragraphe 108 que « le marché de produit est donc celui du chèque à l'exclusion des autres moyens de paiement en euros », ce qui conduit à considérer que ce marché était visé dans sa globalité », qu' « en outre, le rapport du 14 septembre 2008 indique, au paragraphe 541, que, pour donner un ordre de grandeur du dommage à l'économie, il convient d'apprécier la taille des marchés affectés et que le marché pertinent « est constitué de deux sous-ensembles distincts, celui de l'émission des formules de chèques et celui de la remise de ces formules qui sont eux-mêmes interdépendants », que « si, dans la suite de ce paragraphe, les rapporteurs se bornent à estimer la valeur des ventes de la remise de chèque, il n'en demeure pas moins qu'il est préalablement précisé que la remise et l'émission sont interdépendants et que l'Autorité n'était pas tenue, ainsi qu'il a été retenu précédemment, par cette analyse des services d'instruction », qu' « il est sans portée à ce sujet que la saisine d'office ait été intitulée comme étant relative « aux tarifs et aux conditions liées appliqués par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis aux fins d'encaissement » et que les deux rapports ultérieurs des rapporteurs aient repris cet intitulé, dès lors que le marché pertinent n'a, à aucun moment de la procédure, été restreint au marché de la remise de chèques », que « cet intitulé n'exclut en rien que les pratiques en cause aient aussi, en miroir, concerné l'émission de chèques, qui constitue l'autre face du marché », que « cette activité est en lien avec l'infraction dès lors que la CEIC commission versée par les banques remettantes aux banques émettrices (les banques tirées) apportait une recette artificielle à ces dernières, faussant ainsi pour elles le jeu de la concurrence tout autant que, pour les banques remettantes, le coût artificiel du paiement de la CEIC », qu' « au surplus, la cour rappelle que la CEIC a été instaurée afin que les équilibres financiers des banques ne soient pas modifiés par la mise en place de l'EIC » et qu' « il s'en déduit que cette commission a affecté les activités de remise et d'émission, quand bien même aurait-elle pu favoriser une baisse des prix sur le segment de marché de la remise, ainsi que le soutient la société BPCE » (arrêt, point 598), la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 et 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L 464-2 du code de commerce ;

12) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération ; que les commissions d'échange image chèque (CEIC) et d'annulation d'opérations compensées à tort (AOCT), commissions interbancaires, ont été sans application aucune dans le cas des chèques intrabancaires, tirés et remis à la même banque ; que les banques ont fait valoir que la formule, retenue par l'Autorité de la concurrence, pour déterminer du montant de la sanction, prenait en compte le marché des chèques intrabancaires alors même que ce marché était sans lien avec l'infraction ; qu'en affirmant, pour confirmer la méthode de détermination du montant de la sanction que l'activité d'émission de chèque « est en lien avec l'infraction dès lors que la CEIC commission versée par les banques remettantes aux banques émettrices (les banques tirées) apportait une recette artificielle à ces dernières, faussant ainsi pour elles le jeu de la concurrence tout autant que, pour les banques remettantes, le coût artificiel du paiement de la CEIC », qu' « au surplus, la cour rappelle que la CEIC a été instaurée afin que les équilibres financiers des banques ne soient pas modifiés par la mise en place de l'EIC » et que « pour les mêmes motifs, il est sans effet que la CEIC n'ait pas été perçue pour les chèques intrabancaires » (arrêt, points 598 et 599), quand aucune commission CEIC ou AOCT ne pouvait être versée ou perçue à l'occasion de l'émission ou de la remise d'un chèque intrabancaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L 464-2 du code de commerce ;

13) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération ; que l'intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l'infraction ; que, dans leurs mémoires, les banques ont fait valoir que la méthode de détermination du montant de la sanction, qui intégrait des données sans lien avec l'ampleur économique de l'infraction, aboutissait au prononcé de sanctions d'un montant manifestement excessif au point d'en être disproportionné ; qu'en se bornant, pour confirmer la méthode de détermination du montant des sanctions, à affirmer que « si les dispositions de l'article L 464-2 du code de commerce ne font pas référence à la fonction dissuasive de la sanction dans les critères de détermination qu'elles énoncent, il n'en demeure pas moins qu'il ne peut être reproché à l'Autorité d'avoir expliqué la sévérité des paramètres de calculs choisis, et que la cour approuve, en invoquant la nécessité de prendre en considération cet objectif de dissuasion, inhérent par principe à toute sanction », quand l'objectif de dissuasion ne permet pas de décider de manière arbitraire et en retenant dans leur détermination des éléments sans lien avec l'infraction et le dommage économique causé, un montant de sanctions excessif au point d'en être disproportionné, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L 464-2 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE Sur la réitération

608. L'Autorité a considéré que les sociétés Caisses d'Epargne, Crédit agricole, Le Crédit lyonnais, BNP Paribas et Société générale, ainsi que la Confédération nationale du Crédit mutuel, se trouvaient en situation de réitération, au sens de l'article L. 464-2 du code de commerce. Elle a rappelé à ce sujet que, par décision n° 00-D-28 du 19 septembre 2000, ces mêmes établissements avaient été précédemment condamnés par le Conseil de la concurrence à des sanctions pécuniaires pour avoir mis en oeuvre des pratiques prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 420-1 du code de commerce, sur le marché du crédit immobilier aux particuliers, en constituant entre elles un « pacte de non-agression », tendant à restreindre les possibilités de renégociation des prêts immobiliers de leur clientèle, pacte qui a conduit ces divers organismes à adopter des politiques commerciales similaires. Elle en a conclu que cette décision, devenue définitive, constituait un « constat d'infraction antérieur » portant sur des pratiques similaires aux pratiques en cause dans la présente affaire et que les conditions d'une majoration des sanctions prononcées pour réitération étaient donc réunies. Au vu des circonstances de l'espèce, elle a fixé à 20 % le montant de cette majoration.

609. Les sociétés BNP Paribas, Crédit agricole, Le Crédit lyonnais, BPCE et Société générale demandent à la cour de réformer sur ce point la décision attaquée. Elles soutiennent, en effet, que les conditions d'une majoration de la sanction pour réitération ne sont pas remplies.

610. C'est ainsi qu'elles font valoir que la décision précitée du Conseil de la concurrence ne saurait être retenue à titre de constat d'infraction antérieur, puisque, rendue le 19 septembre 2000, elle est postérieure à l'accord du 3 février 2000 ayant instauré les commissions litigieuses.

611. Cependant, cette simple constatation ne fait pas obstacle à la prise en compte de cette décision ; en effet, ce qui, pour l'Autorité, caractérise la réitération n'est pas la conclusion de l'accord du 3 février 2000, mais, s'agissant de pratiques de nature continue, la poursuite, après cette décision, de l'entente « scellée » par ce même accord, lequel a été mis en oeuvre du 1er janvier 2002 au 1er juillet 2007, s'agissant de la CEIC, et depuis le 1er juillet 2002, s'agissant des commissions AOCT. À cet égard, l'Autorité invoque la pratique décisionnelle des autorités de concurrence et la jurisprudence, tant internes (Cons. conc. décis. n° 07-D-50 du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution de jouets, CA Paris 28 janv. 2009, rejetant le pourvoi contre cette décision) que communautaires (TUE, arrêt du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T-54/03, confirmé par CJUE, arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C-413/08 P) ; elle souligne que dans ces différentes espèces, ont été majorées, au titre de la réitération, les sanctions pécuniaires infligées pour des pratiques qui avaient débuté avant la décision constatant et sanctionnant des pratiques identiques ou similaires, mais qui s'étaient poursuivies postérieurement.

612. La cour précise que la décision n° 00-D-28, du 19 septembre 2000, invoquée par l'Autorité, est devenue définitive, la cour d'appel de Paris ayant, par arrêt du 27 novembre 2001, rejeté les recours dont elle avait été l'objet et la Cour de cassation ayant, par arrêt du 23 juin 2004 (Chambre commerciale financière et économique, pourvois n° 01-17.928 et 02-10.066), rejeté les pourvois formés contre cet arrêt.

613. Par ailleurs, la cour rappelle que cette précédente décision portait sur des pratiques d'entente anticoncurrentielle entre plusieurs banques consistant dans le fait d'avoir conclu entre elles un pacte de non-agression sur le marché de la renégociation des prêts immobiliers, par lequel elles avaient convenu de ne pas accepter l'offre de clients proposant, à l'occasion de la baisse des taux de crédit immobilier, de changer de banque moyennant la renégociation de leurs prêts à un taux de crédit inférieur à celui obtenu auprès d'une banque partenaire de l'accord. La décision n° 00-D-28 précise que ces pratiques avaient un objet anticoncurrentiel et qu'elles ont porté une atteinte sensible au jeu de la concurrence et à l'intérêt des consommateurs.

614. Les pratiques reprochées aux banques en l'espèce sont similaires à celles sanctionnées par la décision n° 00-D-28, précitée et devenue définitive, en ce que leurs finalités ont été identiques. En effet, comme les pratiques sanctionnées en 2000, ces banques, face à une évolution du secteur de nature à modifier leurs situations sur le marché, tendu, ont, par une mesure concertée maintenu artificiellement les équilibres financiers existant entre elles et faussé ainsi le jeu de la concurrence.

615. Il est sans portée sur ce point que le marché de la renégociation des crédits immobiliers soit distinct de celui de la remise et de l'encaissement des chèques, ou que la jurisprudence ne se soit pas encore prononcée sur une commission identique ou similaire à la CEIC, ou encore que la DGCCRF, n'ait pas alerté les banques de la situation, alors qu'elle avait été informée de l'accord, et que celui-ci n'ait pas été secret, à la différence de la pratique sanctionnée en 2000.

616. Enfin, les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais font valoir que l'accord du 3 février 2000 s'imposait à toutes les banques françaises participant au système obligatoire de compensation et qu'il n'aurait pu être modifié que par une décision de l'ensemble de celles-ci et de la Banque de France, ce qui empêchait les parties de s'affranchir de son exécution ainsi que de s'y opposer.

617. Toutefois, la situation ainsi invoquée, si elle est réelle, ne constitue qu'une circonstance inopérante à l'existence objective d'une réitération. La cour observe sur ce point, à titre surabondant, qu'en tout état de cause aucune des banques concernées n'a alerté ses partenaires à l'entente ou manifesté à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 24 juin 2004 rendant définitive la décision 00-D-28 du Conseil de la concurrence, le moindre désaccord avec la pratique de la CEIC.

618. Il s'ensuit que les moyens des parties sont rejetés.

14) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération ; que la réitération, qui suppose qu'une infraction précédente a été constatée avant la commission de nouvelles pratiques, ne peut être retenue que si son auteur peut ne pas participer ou s'affranchir de la pratique reprochée ; que, dans leur mémoire, les banques Crédit Agricole et Le Crédit Lyonnais ont fait valoir que si la mise en oeuvre des accords conclus en 2000, instaurant les commissions CEIC et AOCT, s'est poursuivie postérieurement à la date à laquelle une précédente infraction a été définitivement constatée, la suppression de ces commissions supposait l'accord unanime des banques, de sorte qu'aucune d'entre elles ne pouvait unilatéralement y mettre fin ; qu'en affirmant cependant, pour retenir la réitération que « la situation ainsi invoquée, si elle est réelle, ne constitue qu'une circonstance inopérante à l'existence objective d'une réitération », la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L 464-2 du code du commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE Sur l'intégration du produit net bancaire du Crédit Coopératif dans le montant de base du calcul de la sanction infligée à la société BPCE venant aux droits de la société BP Participations

637. La société BPCE rappelle que, durant l'instruction de l'affaire, il avait été reproché aux rapporteurs de ne pas avoir mis en cause toutes les entreprises qui avaient pris part, y compris par l'intermédiaire d'un mandataire, aux décisions de la CIR ou les avaient appliquées. Elle souligne que, sur ce point, l'Autorité avait répondu, au paragraphe 291 de la décision attaquée, qu'une « double condition » avait été retenue et que les griefs avaient été notifiés aux banques qui, d'une part, avaient été membres de la CIR et, d'autre part, avaient appliqué l'accord litigieux.

638. Elle fait valoir que, si les Banques Populaires, aux droits desquelles elle vient, remplissaient bien ces deux conditions, tel n'était pas le cas du Crédit Coopératif. Elle soutient que, dès lors, c'est à tort que celui-ci, qui ne s'est affilié au réseau des Banques Populaires qu'en 2003, a pourtant été pris en compte, pour le calcul du montant de base de la sanction, dans leur produit net bancaire et dans leur part sur le marché de l'émission et de la remise de chèques. Elle en conclut qu'il convient de soustraire de la sanction prononcée les éléments relatifs au Crédit Coopératif, en en réduisant le montant de 1,7 million d'euros au titre de la CEIC et dans une proportion d'au moins 5 % au titre des commissions AOCT.

639. Mais il convient de distinguer, d'une part, les critères selon lesquels les entreprises ont été mises en cause pour avoir participé aux pratiques poursuivies et, d'autre part, la détermination des données entrant dans le calcul, à la date de la sanction, du montant de base. Le Crédit Coopératif faisant partie, à cette date, du réseau des Banques Populaires, l'Autorité, pour calculer le montant de base de la sanction prononcée contre celles-ci a, à juste titre et sans se contredire, pris en compte le produit net bancaire de cet établissement et sa part sur le marché du chèque.

15) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération ; que l'Autorité de concurrence n'a décidé de poursuivre que les banques membres de la CIR ; que, dans son mémoire, la société BPCE faisait valoir que la banque Crédit Coopératif, qui ne s'était affilié qu'à compter du 30 janvier 2003, au groupe Banque Populaire, n'était pas membre de la CIR, de sorte qu'aucune sanction n'était encourue du fait du Crédit Coopératif ; qu'elle en déduisait qu'il devait être retiré, pour le calcul du montant de la sanction qui lui était infligée, fondée sur les données 2008, la part de marché du Crédit Coopératif sur le marché de l' émission et de la remise de chèques et son produit net bancaire ; qu'en affirmant cependant, pour refuser de faire droit à la demande de la banque qu' « il convient de distinguer, d'une part, les critères selon lesquels les entreprises ont été mises en cause pour avoir participé aux pratiques poursuivies et, d'autre part, la détermination des données entrant dans le calcul, à la date de la sanction, du montant de base » et que « le Crédit Coopératif faisant partie, à cette date, du réseau des Banques Populaires, l'Autorité, pour calculer le montant de base de la sanction prononcée contre celles-ci a, à juste titre et sans se contredire, pris en compte le produit net bancaire de cet établissement et sa part sur le marché du chèque », la cour d'appel, qui a méconnu les exigences de proportionnalité de la sanction à la gravité des faits et du dommage économique qui en est résulté ainsi que l'exigence d'individualisation de la sanction, a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L 464-2 du code de commerce.


Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Société générale, la société Le Crédit agricole, la société HSBC France, la société Le Crédit du Nord et la société Le Crédit Lyonnais, demanderesses au pourvoi n° E 18-11.001

PREMIER MOYEN DE CASSATION

- sur l'objet anticoncurrentiel des commissions interbancaires litigieuses -

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les recours formés par les sociétés LCL – Le Crédit Lyonnais, Société Générale, Crédit du Nord et HSBC France à l'encontre de la décision n° 10-D-28 rendue le 20 septembre 2010 par l'Autorité de la concurrence et, statuant à l'égard du Crédit Agricole, de n'AVOIR que très partiellement réformé cette décision, en ramenant les sanctions prononcées à son encontre à hauteur de 75.800.000 euros et 760.000 euros, puis rejeté son recours pour le surplus ;

AUX MOTIFS QUE : Sur la CEIC 180. La Cour de justice a rappelé, aux points 49 à 51 de son arrêt Groupement des cartes bancaires, les principes commandant l'existence d'une restriction par objet :

« 49.[...] il ressort de la jurisprudence de la Cour que certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour qu'il puisse être considéré que l'examen de leurs effets n'est pas nécessaire (voir en ce sens, notamment, arrêts du 30 juin 1966, LTM, 56/65, EU:C:1966:38, points 359 et 360 ; du 20 novembre 2008, Beef Industry Development et Barry Brothers, C-209/07, EU:C:2008:643, point 15 ; ainsi que du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., C-32/11, EU:C:2013:160, point 34 et jurisprudence citée).

50. Cette jurisprudence tient à la circonstance que certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence (voir en ce sens, notamment, arrêt Allianz Hungária Biztosító e.a., EU:C:2013:160, point 35 ainsi que jurisprudence citée).

51. Ainsi, il est acquis que certains comportements collusoires, tels que ceux conduisant à la fixation horizontale des prix par des cartels, peuvent être considérés comme étant tellement susceptibles d'avoir des effets négatifs sur, en particulier, le prix, la quantité ou la qualité des produits et des services qu'il peut être considéré inutile, aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, CE, de démontrer qu'ils ont des effets concrets sur le marché (voir en ce sens, notamment, arrêt du 30 janvier 1985, Clair, 123/83, EU:C:1985:33, point 22). En effet, l'expérience montre que de tels comportements entraînent des réductions de la production et des hausses de prix, aboutissant à une mauvaise répartition des ressources au détriment, en particulier, des consommateurs. »

181. Aux points 57 et 58 du même arrêt, la Cour de justice a rappelé que « la notion de restriction de concurrence "par objet" ne peut être appliquée qu'à certains types de coordination entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour qu'il puisse être considéré que l'examen de leurs effets n'est pas nécessaire » et elle a précisé que le caractère de nocivité en soi à l'égard de la concurrence de la coordination en cause était le « critère juridique essentiel » pour déterminer que l'examen des effets n'était pas nécessaire.

182. Enfin, elle a précisé, au point 53 dudit arrêt que, « selon la jurisprudence de la Cour, il convient, afin d'apprécier si un accord entre entreprises ou une décision d'association d'entreprises présente un degré suffisant de nocivité pour être considéré comme une restriction de concurrence par "objet" au sens de l'article 81, paragraphe 1,CE de s'attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu'il vise à atteindre ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel il s'insère. Dans le cadre de l'appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question (voir, en ce sens, arrêt Allianz Hungária Biztosító e.a., EU:C:2013:160, point 36 ainsi que jurisprudence citée) » (mentions mises en relief par la cour d'appel).

183. En l'espèce, la cour relève que la décision attaquée énonce au paragraphe 364 que, « pour constituer une infraction par objet, la pratique en cause doit permettre, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'elle puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur la concurrence » et qu' « ainsi, pour être qualifié de restriction de la concurrence par objet, il suffit qu'un accord soit susceptible de produire des effets négatifs sur le jeu de la concurrence ». Cette motivation n'est pas conforme aux principes applicables tels que rappelés par l'arrêt Groupement des cartes bancaires (point 58), intervenu postérieurement à cette décision, aux termes duquel la notion de restriction de concurrence « par objet » ne peut être appliquée « qu'à certains » types de coordination entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour qu'il puisse être considéré que l'examen de leurs effets n'est pas nécessaire. Une telle qualification implique donc que soit déterminé le degré de nocivité de la pratique incriminée.

184. Par ailleurs, la cour relève également que, contrairement à ce que soutiennent plusieurs parties, la Cour de justice, dans l'arrêt Groupement des cartes bancaires, ne limite pas l'examen du contexte à la seule possibilité de conclure que la pratique en cause n'est pas anticoncurrentielle par objet, mais considère expressément, au point 53 de cet arrêt, qu'« (...) il convient, afin d'apprécier si un accord entre entreprises ou une décision d'association d'entreprises présente un degré suffisant de nocivité pour être considéré comme une restriction de concurrence "par objet" au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE de s'attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu'il vise à atteindre ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel il s'insère ».

185. Il convient dès lors, en application de ces principes ci-dessus rappelés, d'examiner la teneur des dispositions de l'accord du 3 février 2000, les objectifs qu'il visait à atteindre, ainsi que le contexte économique et juridique dans lequel il s'insérait afin de déterminer s'il constitue une pratique d'une nocivité potentielle suffisante pour le libre jeu de la concurrence, ce qui dispenserait d'en rechercher les effets concrets.

186. L'accord du 3 février 2000 prévoyait que les banques remettantes verseraient aux banques tirées un montant fixe par chèque tiré de 4,3 centimes d'euros, la CEIC. Il était convenu que ces conditions s'appliqueraient pendant trois ans, mais il n'est pas contesté que les parties à l'accord ne se sont pas réunies pour réévaluer, comme elles l'avaient prévu, le principe et le niveau des commissions et que ce n'est que par une décision collégiale du 4 octobre 2007, que la CEIC a pris fin avec effet rétroactif au 1er juillet 2007.

187. Le fonctionnement du mécanisme impliquait que toutes les banques remettantes et tirées appliqueraient la CEIC sans pouvoir s'en exonérer. Il était toutefois prévu que « le montant de la commission est toujours un maximum. Un établissement peut facturer des montants inférieurs à certains confrères ».

188. Cet accord s'insérait dans le mécanisme économique particulier qu'est le chèque, décrit précédemment au paragraphe 152, c'est à dire caractérisé par la gratuité de la délivrance des formules de chèques, laquelle nécessite que les banques puissent financer cette activité de façon indirecte et qu'elles procèdent, notamment, au financement croisé entre activités.

189. Il n'est pas contesté par les parties que l'objectif premier de la CEIC était de permettre aux banques, en particulier à celles qui étaient majoritairement tirées, de ne pas subir de pertes du fait de l'accélération de l'encaissement des chèques, résultant de la mise en place de sa dématérialisation, et de la perte consécutive de « float » (décision attaquée § 360). L'accord litigieux avait dès lors pour finalité de maintenir les équilibres financiers des banques, et donc aussi les équilibres entre elles sur le marché. Cet objectif ressort clairement du document intitulé « Synthèse du rapport sur les conditions entre banques de l'EIC », établi par le groupe de travail restreint de la CIR (cote 922, page 3) selon lequel :

« Au sein du groupe de travail un nombre significatif d'établissements font l'analyse suivante :

• le maintien global des équilibres interbancaires actuels est justifié pour éviter que l'EIC ne soit une réforme ne profitant qu'aux remettants au détriment de l'ensemble de la profession,

• le règlement à J + 2 qui permettrait de maintenir ces équilibres, ne tiendrait pas devant les pressions basées sur l'argument que le passage des échanges papier à la télétransmission ne doit pas avoir pour effet un allongement du délai entre échange et règlement.

• la combinaison d'une commission fixe versée par la banque du remettant et d'un raccourcissement des délais permet de maintenir les équilibres globaux mais modifie l'équilibre individuel de chaque établissement. C'est toutefois une solution qui va dans la logique de la rémunération des services par des commissions fixes et non par des floats, logique appliquée aux moyens de paiement concurrents ».

190. Pour maintenir les équilibres financiers, l'accord a introduit un élément artificiel de coût pour les banques remettantes et de recette pour les banques tirées, ce caractère artificiel résultant de ce que la CEIC ne correspondait à aucun service rendu entre banques.

191. De cette façon, les banques en cause ont fait obstacle à leur liberté de détermination de leurs tarifs et indirectement des prix, puisque la CEIC devait nécessairement, compte tenu du système de financement des comptes bancaires et du fait que les banques doivent, comme toute entreprise, nécessairement couvrir leurs coûts, être répercutée sur les prix.

192. Or il est connu et reconnu par l'expérience acquise et la science économique que les accords visant à maintenir les équilibres entre opérateurs en concurrence sur un marché sont particulièrement nocifs pour le jeu de la concurrence en ce qu'ils aboutissent à amoindrir le degré de concurrence entre eux et à figer le marché.

193. De même, les comportements consistant pour les opérateurs d'un marché à se concerter et fixer ensemble un élément de leurs coûts sont particulièrement nocifs pour le jeu de la concurrence, car ils font obstacle à la libre fixation des prix qui doit prévaloir sur les marchés. Ainsi, au point 21 des lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité (2004/C 101/08), la Commission européenne cite les pratiques de fixation des prix comme exemple des comportements qui, au regard des objectifs poursuivis par les règles communautaires de concurrence, sont tellement susceptibles d'avoir des effets négatifs sur la concurrence, qu'il est inutile, aux fins de l'application de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE (devenu l'article 101, paragraphe 3, du TFUE), de démontrer qu'ils ont des effets concrets sur le marché. Dans ses observations d'amicus curiae, devant la Cour de cassation, la Commission européenne a indiqué qu'« un accord qui fixe de façon directe ou indirecte les prix de vente et fausse l'évolution normale des prix sur le marché est une restriction suffisamment grave pour pouvoir être qualifiée de restriction par objet ». Dans un arrêt du 27 avril 2017, FSL e.a./Commission, (C-469/15 P, point 107), la Cour de justice a rappelé que, pour les accords de prix ou les accords ayant pour objet la fixation des prix, « qui constituent des violations particulièrement graves de la concurrence, l'analyse du contexte économique et juridique dans lequel la pratique s'insère peut [...] se limiter à ce qui s'avère strictement nécessaire en vue de conclure à l'existence d'une restriction de la concurrence par objet ».

194. Si elles n'ont pas directement concerné un prix de vente, les pratiques en cause en l'espèce ont néanmoins consisté en la fixation en commun du montant de la commission interbancaire relative à l'encaissement des chèques. Ces pratiques entrent dans la catégorie des accords ayant pour objet la fixation des prix, car elles ont, pour le jeu de la concurrence, les mêmes effets nocifs d'augmentation des prix ou d'entrave à leur baisse.

195. Cette analyse est confirmée par la communication de la Commission européenne relative à l'application des règles de concurrence de la Communauté européenne aux systèmes de virement transfrontaliers (95/C 251/03), qui énonce, au point 40, notamment, que « tout accord sur une commission interbancaire multilatérale est une restriction de la concurrence relevant de l'article 81 paragraphe 1, car il limite de manière importante la liberté des banques d'établir individuellement leur politique de tarification. Cette restriction risque en outre de fausser le comportement des banques vis-à-vis de leurs clients ». Si, comme l'indique la société BNP Paribas, le point 42 de la même communication énonce ensuite que, « si la concurrence entre systèmes est suffisamment forte, les effets de la commission interbancaire sur les tarifs appliqués à la clientèle pourraient en être réduits. Dans une telle situation, l'effet restrictif de la commission interbancaire multilatérale pratiquée dans le cadre d'un seul système pourrait rester négligeable », cette réserve, relative aux effets et non à la nocivité de la pratique, énoncée sous condition d'une vive concurrence entre opérateurs et au conditionnel, n'amoindrit pas le principe précédemment énoncé au point 40.

196. C'est à juste titre que, sur ce point, l'Autorité s'est référée à l'arrêt de la Cour de justice Tmobile Netherlands e.a., précité, qui a rappelé le principe selon lequel une pratique d'entente anticoncurrentielle par objet peut aussi résulter d'une concertation sur un élément de coût et non directement sur les prix.

197. La cour d'appel relève que, si, au point 37 de cet arrêt, la Cour de Justice a retenu, comme le fait observer la société HSBC France, que les rémunérations des vendeurs, sur lesquelles les parties avaient échangé des informations, constituaient des éléments déterminants dans la fixation des prix au consommateur final, cette circonstance propre à cette affaire n'a pas conduit la Cour de Justice à préciser que seule une concertation sur un coût prenant une part importante dans la fixation d'un prix constitue une pratique anticoncurrentielle par objet. Au contraire, elle indique dans le même point qu'il ressort de l'article 81, paragraphe 1, sous a), CE qu'une pratique concertée peut avoir un objet anticoncurrentiel si elle consiste à « fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction » et, au point 39 dudit arrêt, que l'existence d'un objet anticoncurrentiel ne saurait être subordonnée à celle d'un lien direct de la pratique avec les prix à la consommation. Sur ce point, la cour relève encore que la Cour de justice précise, au point 38 de l'arrêt T-Mobile Netherlands e.a., précité, que « l'article 81 CE vise, à l'instar des autres règles de concurrence énoncées dans le traité, à protéger non pas uniquement les intérêts directs des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle ».

198. En l'espèce, les banques en cause ont décidé d'introduire dans les charges des banques remettantes un élément artificiel de coût (voir § 204 et suivants) dont elles avaient fixé le montant en concertation, qui s'appliquait de façon systématique à chaque remise de chèque par toute banque remettante et avait pour vocation reconnue que les effets de la dématérialisation de l'encaissement ne pèsent pas sur les banques tirées et n'entraînent pas des déséquilibres financiers. Ce faisant, elles ont fait en sorte, d'une part, que le jeu de la concurrence ne s'applique pas entre elles à l'occasion de la remise de chèques et, d'autre part, que la dématérialisation de l'encaissement, entraînant de nombreuses transformations dans leurs méthodes et porteuse à la fois de gains et de pertes, n'emporte aucune modification dans la structure du marché.

199. La gratuité de la délivrance des chèques est un élément essentiel et caractéristique de l'espèce. Contrairement aux cartes bancaires, les commissions interbancaires relatives au chèque ne sont pas supposées être répercutées sur les utilisateurs, puisque celui-ci est, par application des dispositions de l'article L. 131-71 du code monétaire et financier, un moyen de paiement gratuit d'utilisation. Cependant, et comme il a été expliqué précédemment, le financement des services rendus par les banques en matière de chèques, est opéré par un mécanisme de subventions croisées lors de la facturation des « frais bancaires », qui sont globaux. Ainsi, dans le cas du chèque, la commission interbancaire ne peut faire l'objet d'une allocation des coûts entre les deux faces du marché (banque de l'émetteur et banque du remettant) puisqu'elle n'est pas dissociable de l'ensemble des frais bancaires, tandis que, s'agissant des cartes bancaires, la commission interbancaire est affectée à l'une ou à l'autre des faces du marché ou aux deux selon une répartition variable.

200. Il est en conséquence inopérant de soutenir une analogie entre la carte bancaire et le chèque, puisque les mécanismes d'allocations des coûts sont différents. Dans le cas du chèque, une commission supplémentaire ne peut qu'être répercutée dans les frais bancaires, alors qu'en matière de carte bancaire, le client paie une commission correspondant à l'ensemble des services qui lui sont rendus à ce titre.

201. Il s'en déduit qu'une commission versée par la banque du remettant à la banque du tiré est nécessairement de façon directe ou indirecte répercutée sur les prix.

202. Il est exact que, comme le font valoir les banques en cause, la CEIC a permis de convaincre les banques qui étaient hostiles à la mise en oeuvre de l'EIC de ne plus s'y opposer et de susciter leur unanimité, alors que deux tentatives antérieures avaient précédemment échoué. Il est tout aussi exact que l'EIC a représenté un progrès économique global pour les banques, mais aussi pour les utilisateurs de ce moyen de paiement. Mais la cour observe que ces éléments de contexte qui seront examinés ci-dessous, mais aussi dans le cadre de la théorie des restrictions accessoires et de l'exemption, conduisant à l'examen des conséquences exonératoires de telles circonstances, n'atténuent ni ne compensent le caractère nocif qui vient d'être relevé.

203. Le comportement ainsi relevé doit, au regard des effets potentiels d'augmentation des prix et d'affaiblissement de l'offre dont il est porteur, être qualifié de particulièrement nocif pour le jeu de la concurrence.

a) Sur la question de savoir si la CEIC a introduit un élément artificiel de coût

204. Les parties contestent que la CEIC puisse être regardée comme introduisant un élément artificiel de coût.

205. Ce moyen n'est pas fondé. Les parties ont elles-mêmes souligné devant l'Autorité que la CEIC ne constituait pas une rémunération que les banques remettantes versaient aux banques tirées en contrepartie d'un service rendu, mais un transfert de revenus d'une banque à une autre afin de partager les conséquences financières de l'accélération de l'échange des chèques permise par la dématérialisation du système. Il se déduit de cette argumentation que la CEIC introduisait pour les banques une charge qui avait pour finalité de maintenir les équilibres financiers qui existaient entre elles au moment de l'entrée en vigueur de l'EIC. Cette charge décidée entre elles et qui n'avait pour origine ni les services qu'elles se rendaient, ni les obligations induites par le fonctionnement du marché, était donc bien artificielle.

206. Elles sont par ailleurs mal fondées à soutenir que l'augmentation des coûts induite par la CEIC était, en tout état de cause, compensée par les gains de trésorerie liés à l'accélération du côté de la remise de chèque, ou que les banques remettantes avaient pu enregistrer un gain net résultant de la différence entre le produit du placement du « float » et le paiement de la CEIC, puisque, sans la CEIC, les banques remettantes auraient bénéficié de ces gains de trésorerie sans subir de coût complémentaire. La CEIC les a donc privées d'au moins une partie de ces gains.

207. En effet, et ainsi qu'il sera démontré ultérieurement, le coût de revient de la remise des chèques découlant de l'accord litigieux doit s'apprécier par rapport au coût qui aurait dû être observé dans le cadre de l'EIC sans CEIC et non par rapport aux coûts observés dans l'ancien système. La hausse de ce coût est donc égale au montant de la commission et empêchait que le coût de remise des chèques baisse à concurrence des économies (gains de trésorerie et gains administratifs) réalisées par les banques remettantes. Pour ces raisons, contrairement à ce que soutient la société Le Crédit industriel et commercial, il ne peut être considéré que la CEIC aurait généré un gain de trésorerie pour des clients.

208. Le fait que, comme le fait observer la société BPCE, les banques remettantes n'aient pas la possibilité d'accepter de façon préférentielle la remise de chèques provenant de telle ou telle banque tirée au motif que celle-ci appliquerait une commission moins élevée qu'une autre banque est, dans ce contexte, inopérant. En effet, si cette situation est exacte, il n'en demeure pas moins que l'introduction d'un coût artificiel et fixe à la remise des chèques fausse le jeu de la concurrence entre les banques puisqu'elle introduit une charge là où il n'y en avait pas auparavant.

209. La Banque postale est par ailleurs infondée à relever que la compensation partielle des coûts récurrents serait antinomique avec un objet anticoncurrentiel et que ce serait par une évaluation inopérante et inexacte que l'Autorité aurait considéré que la CEIC revêtait un caractère artificiel dont la preuve ne serait pas rapportée par l'Autorité. En effet, la CEIC constituait objectivement un élément de coût du service rendu par les banques à leurs clients. Du fait de son caractère uniforme, elle a introduit un élément de coût identique pour toutes les banques, qu'elles soient majoritairement remettantes ou tirées. C'est donc à juste titre que l'Autorité a retenu que la CEIC a grevé les charges d'exploitation de l'ensemble des banques, affectant en conséquence le bilan de chaque opération de remise de chèque. Ce coût ou cette recette, selon la position de chaque banque dans le cadre des opérations d'encaissement de chèques, d'un montant uniforme décidé en commun, étaient en conséquence bien artificiels.

210. De même, cette requérante n'est pas fondée à soutenir que le caractère artificiel de la hausse des coûts pour les banques tirées et des recettes corrélatives pour les banques remettantes ne serait qu'une affirmation péremptoire. En effet, ce caractère artificiel procède de l'économie générale de financement de l'offre bancaire globale précédemment décrite (voir ci-dessus paragraphe 153), qui repose en partie sur un mécanisme de subventions croisées par lequel, notamment, la gratuité de la délivrance des formules de chèques était, à tout le moins à l'époque des faits et jusqu'en 2004, compensée par la libre disposition des dépôts à vue qui ne pouvaient être rémunérés (article L. 312-2 du code monétaire et financier), mais aussi par des rémunérations qui pouvaient être perçues lors de la remise des chèques.

211. Enfin, le fait, relevé par la société le Crédit du Nord, que les banques ne se soient pas coordonnées sur les tarifs de remise de chèque, est, dans le contexte précédemment décrit et compte tenu des motifs qui viennent d'être retenus, inopérant.

b) Sur la question de la répercussion et l'absence de fixation d'un prix plancher

212. Les requérantes exposent que l'accord sur la CEIC ne peut être analysé comme ayant un objet anticoncurrentiel en ce que cette commission n'était pas assortie d'un accord sur sa répercussion sur les clients et ne conduisait pas à la fixation d'un prix plancher ni à la fixation d'un prix final.

213. Concernant l'absence de répercussion sur les clients, la cour rappelle que, ainsi que l'a indiqué la Commission européenne dans les observations qu'elle a adressées à la Cour de cassation dans cette affaire le 29 octobre 2012, en se référant aux principes énoncés par la Cour de justice dans les arrêts précités T-Mobile Netherlands e.a. (points 36 à 38) et GlaxoSmithKline Services e.a./Commission (point 64), la constatation de l'existence de l'objet anticoncurrentiel d'une entente n'est pas subordonnée à la preuve concrète d'un lien direct de cette entente avec les prix supportés par le client final ou les prix à la consommation. De même, l'objet anticoncurrentiel de l'entente ne dépend pas nécessairement du point de savoir si l'accord comporte des inconvénients pour les consommateurs finaux.

214. En tout état de cause, en l'espèce, ainsi qu'il a été relevé précédemment, les banques remettantes peuvent facturer les chèques remis à l'unité ou selon leur valeur, ce qu'elles font en particulier envers les grands remettants ; mais elles peuvent aussi ne pas les facturer directement et rémunérer leur service de remise de chèques dans le cadre de leur offre globale de services bancaires, via le système de subventions croisées. Compte tenu de ce mécanisme, chaque coût entrant dans le fonctionnement d'un compte a nécessairement une répercussion pour le client, sans qu'importe sur ce point que les banques parties à l'accord litigieux n'en aient pas expressément convenu.

215. Dès lors, le fait, invoqué par la société BNP Paribas, qu'elle démontrerait ne pas avoir répercuté la CEIC sur ses clients et que ses tarifs ont baissé dans cette période est sans effet à ce stade de l'analyse. La cour rappelle sur ce point que l'économie générale du chèque repose sur un mécanisme de subventions croisées qui rendait par lui-même inutile la répercussion directe, celleci s'opérant nécessairement de façon indirecte.

216. En outre, si, comme le fait observer cette requérante, tout contrat commercial a un coût qui est susceptible d'être répercuté, telle n'est pas la problématique de l'espèce, dans laquelle l'ensemble des banques de la place ont convenu, afin que la dématérialisation de l'encaissement des chèques ne perturbe pas leurs équilibres financiers, d'appliquer une commission interbancaire d'un montant uniforme, faussant ainsi le jeu de la concurrence entre elles.

217. Concernant l'absence de fixation d'un prix plancher, il est sans effet que les parties à l'accord litigieux n'aient pas précisé que la CEIC constituait un prix plancher. La cour rappelle que, ainsi que l'a relevé l'Autorité au paragraphe 359 de la décision attaquée, si cet accord prévoyait que les parties puissent appliquer un montant de commission inférieur à 4,3 centimes d'euros, aucune d'entre elles ne l'a fait et, en pratique, le montant de 4,3 centimes d'euros a fonctionné comme un prix plancher. Il convient de relever, de surcroît, que la possibilité d'appliquer un montant de commission inférieur était formulée dans les termes suivants : « Le montant de la commission est toujours un maximum. Un établissement peut facturer des montants inférieurs à certains confrères ». En réservant la possibilité de facturer des montants inférieurs de commission à « certains confrères » seulement, l'accord litigieux restreignait la possibilité pour les parties d'appliquer, en considération de leurs propres charges et intérêts, un montant de commission inférieur à celui qui avait été fixé en commun.

218. Sur ce point encore, la cour observe que, dès lors qu'il n'existe aucun enregistrement de l'intervention des représentants de la Commission européenne, lors de la séance de l'Autorité, l'affirmation par certaines parties que ceux-ci auraient indiqué qu'une commission interbancaire n'aurait d'objet anticoncurrentiel que s'il est prévu qu'elle constitue un prix plancher, n'est pas démontrée. De surcroît, cette affirmation est démentie par les observations déposées devant la Cour de cassation, dans cette affaire, le 29 octobre 2012, précitées au paragraphe 179 qui ne reprennent pas une telle condition, notamment, lorsqu'elles indiquent, au point 26, que « [l]a CEIC pourrait être définie comme une mesure constituant un obstacle à une réduction des coûts puisque les banques se sont entendues pour maintenir une charge qui n'aurait pas dû subsister avec la réforme » et, au point 27, que la Commission européenne « considère, sur la base des faits disponibles que la CEIC a créé dans le chef des banques tirées une hausse artificielle des revenus qui ne résulte pas de la concurrence par les mérites, mais d'une entente permettant de figer le marché comme si la réforme de la compensation n'avait pas eu lieu et de cristalliser les situations acquises ».

c) Sur l'absence de jurisprudence antérieure

219. Les parties soutiennent encore que la pratique en cause ne peut être considérée comme anticoncurrentielle par objet dès lors qu'aucune commission interbancaire identique n'avait, par le passé, été sanctionnée par les autorités européennes et nationales de concurrence et qu'aucune expérience ne permet d'affirmer la nocivité d'une telle pratique.

220. Cependant, ainsi que l'a relevé le Tribunal de l'Union dans son arrêt du 8 septembre 2016, Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission (T-471/13, point 319), la possibilité de se référer à la jurisprudence antérieure pour caractériser l'évidence du caractère nocif d'une pratique n'implique pas que celui-ci ait déjà été reconnu pour une pratique totalement identique. Ainsi, il importe peu qu'aucune pratique de commission interbancaire multilatérale n'ait encore été sanctionnée par une autorité de concurrence nationale ou par la Commission européenne et les juridictions européennes au titre des restrictions par objet, mais seulement au regard de leurs effets. Il suffit qu'il soit connu par l'expérience que le type de pratiques auquel se rattache le comportement poursuivi, est suffisamment nocif pour le libre jeu de la concurrence. Or, tel est bien le cas d'une pratique consistant, pour tous les opérateurs d'un secteur, à fixer en commun un élément artificiel de coût, au surplus sans réelle étude des éléments visant à l'évaluation de ce coût. Dans sa dimension restrictive de concurrence, la CEIC ne revêtait dès lors aucun caractère inédit.

221. De même, le constat selon lequel la Commission européenne n'a jusqu'à présent sanctionné que des commissions interbancaires accompagnées d'un accord de répercussion, ne permet pas de conclure qu'un tel accord serait la condition sans laquelle les commissions interbancaires ne peuvent pas être considérées comme constitutives d'une infraction par objet au droit de la concurrence. En effet, d'une part, il ne ressort pas de la jurisprudence de l'Union, et il n'est d'ailleurs pas soutenu par les parties qu'une commission interbancaire telle que celle de l'espèce aurait été jugée comme non constitutive d'une pratique anticoncurrentielle par objet, au motif qu'elle n'était pas assortie d'un accord de répercussion sur la clientèle ; d'autre part, cette affirmation n'est nullement confirmée par les observations adressées par la Commission européenne à la Cour de cassation les 29 octobre 2012 et 17 février 2015.

222. La société BNP Paribas n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée n'aurait pas tenu compte de ce que la Commission européenne a indiqué, dans son XXXème rapport annuel sur la politique de concurrence, que les commissions interbancaires ne contreviendraient pas au Traité UE, alors que l'extrait sur lequel elle fonde cette affirmation ne vise que les commissions payables entre deux banques qui interviennent dans le traitement d'une opération par carte bancaire, et non les commissions multilatérales qui seraient conclues, de façon généralisée, entre toutes les banques nationales et concerneraient les paiements par chèque.

223. Cette requérante n'est pas plus fondée à invoquer une analogie entre la commission interbancaire multilatérale de l'espèce et l'indication, dans l'exposé des motifs du règlement (CE) n° 924/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 concernant les paiements transfrontaliers dans la Communauté et abrogeant le règlement (CE) n° 2560/2001, de la possibilité, afin de faciliter le lancement du système de prélèvement SEPA, de maintenir temporairement les commissions multilatérales d'interchange. Il ne résulte pas de ce maintien provisoire que, par nature, les commissions interbancaires, telle celle de l'espèce, seraient systématiquement admissibles, car sans nocivité pour le jeu de la concurrence.

d) Sur le caractère légitime de l'objectif poursuivi

224. Selon les requérantes, l'EIC s'inscrivant dans un accord de place, sa mise en oeuvre ne pouvait être décidée que par elles, et de surcroît requérait leur unanimité. Elles font valoir que l'objectif de la compensation des pertes subies par les banques tirées était légitime puisqu'il permettait la mise en place du système d'encaissement dématérialisé des chèques, lequel n'aurait pu exister sans cet accord. Elles ajoutent que la commission en cause visait à compenser, pour les banques tirées, les efforts consentis au travers de la perte du « float », au bénéfice des banques remettantes.

225. Néanmoins, la cour rappelle que, comme le précise la Cour de justice au point 70 de son arrêt Groupement des cartes bancaires, le fait que les mesures en cause poursuivent un but légitime n'exclut pas qu'elles puissent être considérées comme ayant un objet restrictif de concurrence.

226. En effet, quoi qu'il en soit de ces objectifs, il n'en demeure pas moins que l'accord litigieux a eu pour objet de fausser le jeu de la concurrence entre les banques, d'une part, en introduisant un élément de coût artificiel pour l'ensemble des banques remettantes faisant ainsi obstacle à la libre fixation tarifaire des parties, d'autre part, en les dispensant de rechercher par l'exercice de la concurrence entre elles des solutions aux effets que devaient produire la mise en place de l'EIC, notamment l'effet prétendu de déséquilibre financier. Par ailleurs, et pour autant que le caractère légitime d'un objectif soit de nature à faire obstacle à la caractérisation d'une infraction par objet, ce ne pourrait être qu'à la condition qu'il soit démontré que la pratique en cause s'est bien inscrite dans la poursuite de cet objectif légitime, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

227. En effet, l'Autorité a relevé, aux paragraphes 442 et suivants de la décision attaquée, et ce constat n'est pas contesté, que la méthode suivie par le groupe de travail restreint de la CIR s'est limitée à étudier la perte de trésorerie subie pour chaque chèque tiré, sans la mettre en regard des gains de trésorerie enregistrés pour chaque chèque remis et des gains d'efficacité retirés par les banques du passage à l'EIC. Il ressort des points 108 et suivants, ainsi que des points 445 et suivants de la décision attaquée, que seules les sociétés Crédit agricole et Le Crédit industriel et commercial ainsi que la Confédération nationale du Crédit mutuel avaient, au moment des négociations au sein de la CIR, effectué en interne des évaluations prévisionnelles du passage à l'EIC, et que seule la société Le Crédit industriel et commercial avait procédé à un bilan qui ne se limitait pas aux pertes de trésorerie.

228. Dans ces conditions, les parties ne démontrent pas que, à la date à laquelle elles ont négocié et se sont accordées sur la CEIC, elles savaient qu'elles subiraient effectivement des pertes du fait de la mise en oeuvre de l'EIC. Dès lors, elles ne peuvent prétendre que l'objectif de compenser les pertes liées au passage à l'EIC légitimait leur accord.

229. Il s'ensuit que, à supposer même que l'objectif d'instauration de l'EIC, la nécessité d'obtenir un accord unanime des banques et les caractéristiques particulières du secteur liées à la gratuité de délivrance des chèques pouvaient conduire à considérer que la pratique visant à instaurer une commission compensatoire des pertes que les banques estimaient devoir subir du fait de la perte de « float » ne constituait pas une pratique anticoncurrentielle par objet, il ne pourrait en l'espèce être procédé à cette analyse, dès lors qu'il n'est pas établi que la CEIC était effectivement de nature à compenser les pertes invoquées.

230. C'est donc de façon inopérante que certaines parties soutiennent que la CEIC était justifiée et économiquement indispensable, car elle assurait à toutes les banques d'entrer dans le mécanisme de la dématérialisation sans subir de pertes.

231. La société La Banque postale fait encore valoir que le contexte de la mise en oeuvre de la pratique présentait une particularité à son seul égard. Elle expose qu'en raison de la structure de sa clientèle, composée essentiellement de personnes à revenus modestes, elle supportait un poids considérable du fait de l'obligation de gratuité du chèque et qu'elle compensait une partie de ce poids par le placement des sommes figurant sur les comptes de dépôt des émetteurs de chèques. La dématérialisation accélérant l'encaissement, la privait donc d'une partie importante de cette compensation. Cette situation, différente de celle des banques remettantes, qui supportent la charge de la gratuité du chèque à moindres coûts, et bénéficient des dépôts supplémentaires obtenus par les chèques présentés à l'encaissement, justifiait, selon elle, qu'elle couvre ses pertes, au moins en partie, par une rémunération versée par les banques remettantes.

232. Toutefois, ainsi qu'il a été relevé précédemment, et qu'il sera développé dans la partie consacrée à l'exemption, il n'est pas établi qu'à la date à laquelle l'accord a été négocié entre les parties et a ensuite été conclu, la société La Banque postale savait qu'elle subirait des pertes du fait de la mise en oeuvre de l'EIC. Le moyen doit en conséquence être rejeté.

233. Il en va de même de la mission d'accessibilité aux services dont est investie La Poste, en général, et par conséquent La Banque postale. Le fait que cette dernière supporte davantage que les autres banques le poids de la gratuité du chèque, qui relève des éléments individuels susceptibles d'être invoqués dans le cadre de l'exemption ou du montant de la sanction, ne constitue pas un élément de contexte à prendre en compte pour l'appréciation du caractère nocif de la pratique.

234. Enfin, s'agissant des coûts de traitement des images chèques que cette requérante reproche à l'Autorité de ne pas avoir pris en compte dans son raisonnement, la cour relève que ce moyen, qui concerne la question de la connaissance par la société La Banque postale de ce qu'elle allait subir des pertes, est développé et rejeté dans le cadre de l'exemption. Il est sans portée à ce stade de l'analyse.

235. La Société générale invoque d'autres éléments de contexte que l'Autorité aurait, selon elle, dû prendre en compte, à savoir, la délégation implicite par les pouvoirs publics de leur rôle de régulateur, leur incitation à voir se réaliser le passage à l'EIC, le rôle du principe de l'interbancarité, le passage à l'euro et l'influence déterminante de la Banque de France dans la conclusion de cet accord. Elle ne développe toutefois pas les raisons pour lesquelles ces circonstances rendraient la pratique en cause moins nocive pour le jeu de la concurrence que les pratiques d'entente portant sur l'instauration d'un coût commun entre les concurrents d'un marché. S'agissant du pouvoir de régulation en matière de systèmes de paiement confié aux banques sous le contrôle de la Banque de France, par la loi, invoqué par les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais, cette délégation de pouvoir, qui explique les concertations entre la quasi-totalité des banques ayant une activité relative au paiement par chèques, ne justifie toutefois pas l'instauration de la CEIC telle qu'elle a été analysée précédemment.

236. Il s'ensuit que les moyens des parties sur l'ensemble de ces points sont rejetés.

237. En conclusion de l'ensemble des considérations qui précèdent, la cour rappelle que la pratique consistant à faire obstacle à ce que chaque opérateur fixe lui-même sa politique tarifaire en fonction de ses propres coûts est particulièrement nocive pour le libre jeu de la concurrence, puisqu'elle altère le principe essentiel de la libre fixation des prix par chaque opérateur au regard de ses propres intérêts économiques.

238. Or l'instauration de la CEIC a introduit un coût artificiel qui, du fait de la spécificité du financement du mode de paiement par chèque, lequel s'opère par subventions croisées, est fortement susceptible d'avoir eu un impact sur les prix des services des banques concernées, mais aussi sur la structure du marché, puisqu'elle visait à la maintenir telle qu'elle était au moment où a été mise en place la dématérialisation de l'encaissement des chèques. Cette pratique est donc particulièrement nocive au regard de son impact sur le jeu de la concurrence.

239. Si, ainsi que le soulignent les parties, l'objectif poursuivi par la mise en place de l'EIC, était légitime, il demeure sans portée dans le cadre de l'espèce sur le caractère particulièrement nocif de la pratique.

240. En l'espèce, le contexte économique et juridique de l'instauration et de la mise en oeuvre de la CEIC, ne modifie pas le caractère particulièrement nocif caractérisé précédemment.

241. Enfin, l'expérience permet de justifier la présomption des effets attendus de telles pratiques et la haute probabilité qu'ils se produisent sur le jeu de la concurrence, en ce qu'elles conduisent nécessairement à une augmentation des prix finaux, mais aussi en ce qu'elles étaient de nature à figer, ne serait-ce que temporairement et partiellement, la structure du marché.

242. C'est donc à juste titre que l'Autorité a considéré, dans la décision attaquée, que la pratique d'instauration puis d'application de la CEIC a constitué une pratique anticoncurrentielle par objet.

Sur les CSC

243. A la différence de la CEIC, les CSC, qui sont également des commissions interbancaires multilatérales, sont destinées à rémunérer des services nouvellement rendus par une catégorie de banques à une autre et à assurer la compensation d'un transfert de charges.

244. En l'espèce, ces huit commissions multilatérales étaient les suivantes : archivage, chèques circulants, demande de télécopie recto, demande de télécopie recto-verso, demande de télécopie recto + original, rejet d'image chèque, annulation d'image chèque, annulation de rejet d'image chèque. Ces deux dernières commissions, annulation d'image chèque et annulation de rejet d'image chèque, seules concernées par le présent arrêt puisque les autres ont été exemptées par la décision attaquée, sont désignées sous l'acronyme AOCT (les commissions AOCT).

245. L'instauration des huit commissions multilatérales avait plus particulièrement trois types d'objectifs.

246. Premièrement, il s'agissait de compenser, pour les banques remettantes, le coût des services mis à leur charge, alors qu'ils étaient auparavant rendus par les banques tirées. Ce transfert de la charge de ces services, résultant de la décision d'arrêter la circulation physique des chèques le plus précocement possible au niveau de la banque remettante, permettait de réduire le coût de traitement des chèques.

247. Deuxièmement, le passage à l'EIC s'est accompagné de la création de nouveaux services pour les banques, telles que le traitement des rejets d'images-chèques et des demandes de télécopie adressées par le banquier tiré au banquier remettant, ou encore le traitement des annulations d'opérations compensées à tort via le Système Interbancaire de Télécompensation. Ces nouveaux services ont engendré des coûts qu'il fallait également compenser.

248. Enfin, troisièmement, les CSC avaient pour objet de compenser les coûts supportés par une banque en raison d'une opération initiée par un autre établissement bancaire ou par son client et, donc, de transférer la charge financière d'une opération aux personnes à l'origine de la transaction en cause afin, notamment, d'inciter les acteurs du système de paiement par chèque à éliminer les erreurs ou les incidents de paiement dont ils sont à l'origine, ceux-ci devant en assumer la charge financière. Il s'agissait, ainsi, d'encourager une utilisation efficiente de ce moyen de paiement.

249. Le contexte factuel, juridique et économique de la mise en place des CSC, est identique à celui de la CEIC et les développements qui précèdent s'appliquent à ces commissions accessoires.

250. Pour chacune des huit prestations susmentionnées, l'accord du 3 février 2000 prévoyait, ainsi qu'il a été dit précédemment, un montant fixe de commission.

251. Ainsi que le relève l'Autorité aux paragraphes 386 et suivants de la décision attaquée, le montant de chacune des CSC a été fixé d'un commun accord à un niveau unique, identique d'une banque à l'autre, donc sans tenir compte des coûts propres de chaque banque, sauf à considérer que toutes les banques avaient le même profil de coûts, ce qui n'est pas établi. La création des commissions AOCT, notamment, a substitué à des profils de coûts diversifiés une charge financière uniforme, commune à toutes les banques, pour ces services connexes. L'accord litigieux a donc, sur ce point, limité la liberté des banques de déterminer de manière indépendante et individuelle le niveau de la commission en fonction de leurs coûts et, indirectement, les prix et autres conditions des services fournis à leurs clients.

252. Une telle pratique a un objet anticoncurrentiel, ainsi qu'il a été précédemment développé pour la CEIC. La cour renvoie aux paragraphes 193 et suivants du présent arrêt par lesquels elle a précisé le caractère particulièrement nocif de tels comportements. Si les commissions AOCT présentent des différences avec la CEIC, notamment en ce qu'elles sont de nature rémunératrices tandis que la CEIC est compensatoire, la cour relève que les effets potentiels de ces pratiques sur la fixation des prix sont identiques, sans qu'importe à ce stade de l'analyse, le montant de la commission en cause, ni la fréquence de son application.

253. Il n'est pas exact de soutenir, comme le font plusieurs parties, que les commissions AOCT ne peuvent constituer une infraction par objet car elles n'auraient pas été susceptibles d'influencer de façon directe ou indirecte les prix finaux, faute d'avoir été répercutées sur les clients tirés. En effet, comme pour la CEIC, le financement du chèque par subventions croisées implique nécessairement cette répercussion, quand bien même ne serait-elle pas prévue, ni annoncée.

254. Par ailleurs, si, comme le souligne la société La Banque postale, les commissions AOCT ne constituent pas un « prix » à proprement parler, dans la mesure où elles ne correspondent pas à une transaction sur un marché, il n'en demeure pas moins qu'en déterminant ensemble le montant fixe de ces commissions, les banques en cause ont bien limité leur liberté de tarification des services qu'elles se rendent entre elles. La cour renvoie sur ce point aux développements relatifs à la CEIC et à la jurisprudence citée.

255. Le fait qu'il n'existe pas de mise en concurrence des banques remettantes par les banques tirées, ni l'inverse, et que les unes et les autres soient des partenaires obligés est inopérant à modifier l'analyse selon laquelle les CSC ont un objet anticoncurrentiel. En effet, en limitant ainsi leur liberté tarifaire, les banques ont permis que le coût des services rendus soit le même pour chacune d'entre elles, ce qui ne peut qu'avoir un effet inflationniste sur le prix de l'ensemble des services rendus à leurs clients.

256. Il n'est pas contesté que l'objectif tant de rémunération de services rendus que, pour certaines des CSC, de prévention afin que les banques concernées veillent à ce que le moins d'erreurs possibles intervienne dans le mécanisme, sont des objectifs légitimes.

257. Toutefois, comme pour la CEIC (§ 225) la légitimité de ces objectifs ne justifie pas que ces commissions soient arrêtées à un montant fixe et unique, sans examen des coûts réels moyens des prestations en cause. En effet, la cour relève sur ce point qu'il résulte, notamment, des développements de la décision attaquée relatifs aux exemptions des CSC, que la seule étude des coûts des opérations concernées par les CSC n'a été réalisée qu'en novembre 2007, soit bien après leur fixation.

258. A ce sujet, la cour relève que, contrairement à ce que soutient la société La Banque postale, les développements relatifs aux accords de production en commun figurant dans la communication (2011/C 011/01) de la Commission européenne intitulée « Lignes directrices sur l'applicabilité de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux accords de coopération horizontale » (JOUE du 14 janvier 2011, n° C 11, p. 1), qui précisent les cas, non concernés en l'espèce, dans lesquels les accords sur les coûts de production ne devront pas être considérés comme des infractions par objet et devront donner lieu à un examen de leurs effets, ne permettent nullement d'affirmer que la fixation en commun d'un coût ne pourrait jamais s'analyser comme une restriction de concurrence par objet. Bien au contraire, ces dispositions précisent qu'en règle générale, les accords qui consistent à fixer les prix, à limiter la production ou à répartir les marchés ou les clients ont un objet restrictif de concurrence.

259. Par ailleurs, il ne peut être reproché à l'Autorité, comme le fait la société Crédit du Nord, d'avoir, en considérant que la fixation des CSC avait fait obstacle à la liberté tarifaire pour les banques concernées, renvoyé, s'agissant des commissions AOCT, à un contrefactuel irréaliste et ingérable consistant en une multiplicité d'accords bilatéraux. En effet, s'il n'est pas contestable que la fixation d'un tarif unique pour les prestations concernées constituait une solution plus pratique et efficiente pour l'ensemble des banques et pouvait, si elle contribuait de façon proportionnée au progrès économique ou permettait des gains d'efficience, être exonérée par application des dispositions prévues à ce titre, il n'en demeure pas moins qu'une telle pratique empêche le jeu de la concurrence entre les opérateurs du marché concerné et constitue, à ce titre, une pratique particulièrement nocive pour la concurrence. Cette circonstance ne constitue donc pas un élément de nature à modifier l'analyse de l'Autorité sur la qualification des CSC comme constituant des restrictions par objet.

260. Le contexte économique et juridique de la pratique en cause, qui est identique à celui relevé pour la CEIC, ne modifie pas le caractère particulièrement nocif caractérisé précédemment.

261. Enfin, ainsi qu'il a été dit pour la CEIC, l'expérience permet de justifier la présomption des effets attendus de telles pratiques et la haute probabilité qu'ils se produisent sur le jeu de la concurrence, en ce qu'elles conduisent nécessairement à une augmentation des prix finaux, sans qu'importe, à ce stade de l'analyse, l'importance de cette hausse.

262. C'est donc à juste titre que la décision attaquée a considéré que la pratique d'instauration puis d'application des CSC a constitué une pratique anticoncurrentielle par objet. Les moyens des parties sont sur ce point rejetés.

263. Il se déduit de l'ensemble de ce qui précède que la CEIC et les CSC ont constitué des pratiques d'entente par objet. Dès lors, il n'y a pas lieu de rechercher quels en ont été les effets, ni de répondre aux différents moyens développés par les parties à ce sujet, y compris ceux qui soutiennent l'irrecevabilité des demandes de l'Autorité tendant à ce que la cour constate que les pratiques ont eu des effets anticoncurrentiels.

1) ALORS QUE la notion de restriction de la concurrence « par objet » doit être interprétée de manière stricte et ne peut être appliquée qu'à certains types de coordinations entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour qu'il puisse être considéré que l'examen de leurs effets n'est pas nécessaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que l'Autorité avait méconnu ce principe d'interprétation stricte en considérant que « pour constituer une infraction par objet, la pratique en cause doit permettre, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'elle puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur la concurrence » et « [qu']ainsi, pour être qualifié de restriction de la concurrence par objet, il suffit qu'un accord soit susceptible de produire des effets négatifs sur le jeu de la concurrence » ; que, toutefois, pour rejeter les recours dont elle était saisie, la cour d'appel a énoncé que le comportement des banques ayant consisté à instituer la commission d'échange d'images chèques (CEIC) « doit, au regard des effets potentiels d'augmentation des prix et d'affaiblissement de l'offre dont il est porteur, être qualifié de particulièrement nocif pour le jeu de la concurrence » (§.203) et que « si les commissions AOCT présentent des différences avec la CEIC, notamment en ce qu'elles sont de nature rémunératrices tandis que la CEIC est compensatoire, (…) les effets potentiels de ces pratiques sur la fixation des prix sont identiques, sans qu'importe à ce stade de l'analyse, le montant de la commission en cause, ni la fréquence de son application » (§.252) ; qu'en déduisant ainsi le caractère particulièrement nocif pour la concurrence des commissions interbancaires critiquées de l'affirmation d'effets simplement « potentiels » d'augmentation des prix ou d'affaiblissement de l'offre, la cour d'appel, qui a précisément réitéré l'erreur de droit qu'elle avait justement relevée dans la décision de l'Autorité, a violé les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

2) ALORS QUE si les collusions conduisant à la fixation horizontale des prix par des cartels présentent le degré de nocivité requis pour recevoir la qualification de restriction de concurrence par objet, l'expérience démontrant que de tels comportements entraînent invariablement des réductions de la production et des hausses de prix, les comportements consistant, de la part des opérateurs d'un marché, à fixer de concert un simple élément, parmi d'autres, du coût de revient des services qu'ils commercialisent ne peuvent être assimilés à des cartels de prix, sous peine de condamner des accords de coopération dont la nocivité n'est en rien démontrée et qui peuvent être générateurs d'avantages économiques substantiels ou, à tout le moins, d'effets ambivalents à l'égard de la concurrence ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a énoncé de manière abstraite et générale que « les comportements consistant pour les opérateurs d'un marché à se concerter et fixer ensemble un élément de leurs coûts sont particulièrement nocifs pour le jeu de la concurrence, car ils font obstacle à la libre fixation des prix qui doit prévaloir sur les marchés » (§. 193), puis a relevé que « si elles n'ont pas directement concerné un prix de vente, les pratiques en cause en l'espèce ont néanmoins consisté en la fixation en commun du montant de la commission interbancaire relative à l'encaissement des chèques », pour conclure enfin que « ces pratiques entrent dans la catégorie des accords ayant pour objet la fixation des prix, car elles ont, pour le jeu de la concurrence, les mêmes effets nocifs d'augmentation des prix ou d'entrave à leur baisse » (§. 194) ; qu'en se prononçant par de tels motifs, quand la pratique consistant, de la part des opérateurs d'un marché, à fixer de concert un simple élément, parmi d'autres, du coût de revient des services qu'ils commercialisent ne pouvait en aucun cas être assimilée, ni par sa nature, ni par son degré de nocivité supposée, à un cartel de prix, la cour d'appel a violé de plus fort les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

3) ALORS QU' il doit, de surcroît, être tenu compte de l'expérience acquise par les autorités de concurrence en vue de déterminer si un accord horizontal relève de la qualification de restriction de concurrence par objet ; qu'ainsi que les banques le soulignaient à l'appui de leurs recours, la pratique décisionnelle de la Commission européenne relative aux commissions interbancaires déterminées par voie d'accords multilatéraux conclus entre les banques adhérentes des réseaux de cartes de paiement révèle que ces commissions n'ont pu être qualifiées de restrictives de concurrence qu'à l'issue d'un examen approfondi de leurs effets ayant fait ressortir que leurs montants élevés limitaient trop fortement les marges de manoeuvre des banques et leur capacité de se livrer une concurrence par les prix dans leurs rapports avec leurs clients (décisions Visa et Mastercard des 24 juillet 2002 et 19 décembre 2007) ; que, pour rejeter néanmoins le moyen par lequel les banques faisait valoir que la démonstration de la nocivité prétendue de la CEIC imposait de rechercher si son coût pour les banques majoritairement remettantes était tel qu'il était de nature à réduire leur capacité de se livrer à une concurrence par les prix à l'égard de leur clientèle au point de faire converger ces prix autour d'un « prix plancher », la cour d'appel a énoncé que l'existence d'un objet anticoncurrentiel ne saurait être subordonnée à celle d'un lien direct de la pratique avec les prix à la consommation (§. 197) et que « l'objet anticoncurrentiel de l'entente ne dépend pas nécessairement du point de savoir si l'accord comporte des inconvénients pour les consommateurs finaux » (§. 213) ; qu'en se prononçant par de tels motifs, inopérants dès lors qu'elle justifiait la nocivité prétendue de la CEIC par l'idée qu'elle avait, « pour le jeu de la concurrence, les mêmes effets nocifs d'augmentation des prix ou d'entrave à leur baisse » qu'une entente de prix (§. 194), la cour d'appel a violé de plus fort les articles du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

4) ALORS QUE la notion de restriction de la concurrence « par objet » devant être interprétée de manière stricte et son application ainsi réservée aux types de coordination entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l'égard de la concurrence pour rendre l'examen de leurs effets superflu, le juge ne saurait tenir pour équivalente à un cartel ayant pour objet la fixation horizontale de prix de vente la pratique consistant, de la part des opérateurs d'un marché, à fixer de concert un simple élément, parmi d'autres, du coût de revient des services qu'ils commercialisent, en se fondant sur un postulat aussi abstrait et incertain que celui qui consiste à présumer que tout commerçant rationnel viendra mécaniquement répercuter tout surcoût qu'il pourrait subir dans les prix de ses services, soit directement, soit indirectement par la voie de subventions croisées ; qu'en retenant néanmoins qu'« une commission versée par la banque du remettant à la banque du tiré est nécessairement de façon directe ou indirecte répercutée sur les prix » (§§. 201, 214 et 215) et conduit donc « nécessairement à une augmentation des prix finaux » (§. 241), la cour d'appel a méconnu le principe d'interprétation stricte des restrictions de concurrence par objet, violant de plus fort les textes susvisés ;

5) ALORS, en toute hypothèse, QUE la cour d'appel a relevé que c'est l'interdiction légale faite aux banques tirées de se faire rémunérer pour la délivrance des formules de chèques et leur utilisation par leurs clients qui conduit les banques à faire financer les coûts administratifs qu'elles supportent dans leur fonction de banques tirées par la voie de subventions croisées (cf. §. 150 et §. 199), mais a souligné, en revanche, que le service de remise de chèques n'est, exception faite du monopole bancaire, nullement soumis à des contraintes ou à des obligations réglementaires spécifiques (§. 150), ce dont il résulte que les banques remettantes sont libres, dans leurs rapports avec leurs clients, de fixer les prix de leur offre de service de remise de chèques d'après les coûts réels qui grèvent cette activité, sans avoir besoin de recourir à des subventions croisées ; que, dès lors, la cour d'appel n'a pu, sans entacher sa décision d'une contradiction de motifs, affirmer qu'il était inopérant de faire valoir que certaines banques majoritairement remettantes – par hypothèse seule débitrices nettes de la CEIC – n'avaient pas augmenté les prix de leurs services de remises de chèques après l'instauration de la CEIC, puisque « du fait du mécanisme de subventions croisées gouvernant l'économie du chèque », ce surcoût avait été « nécessairement » répercuté par celles-ci par la voie de subventions croisées ; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

6) ALORS, en toute hypothèse, QU' il ne suffit pas de constater qu'un accord multilatéral négocié entre les divers opérateurs en situation de concurrence horizontale a instauré un élément de coût commun ayant, comme toute charge d'exploitation, vocation à être répercuté, directement ou indirectement, dans les prix des services commercialisés par ces derniers pour qualifier cette accord de restriction de concurrence « par objet » ; qu'il faut encore concrètement démontrer que cet élément de coût est tel qu'il est de nature à réduire la capacité de ces derniers de se différencier au moyen d'une concurrence par les prix ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même relevé que l'économie des instruments de paiement tels que le chèque se caractérise par le fait que les banques recherchent une rentabilité globale des services qu'elles proposent au niveau de chaque client, et non une rentabilité service par service, ce qui peut les conduire à proposer certains services particuliers à perte, si cette perte est couverte par les produits provenant d'autres services selon un système des subventions croisées (§. 152) ; que, de cette constatation, il s'évinçait que le fait pour les banques remettantes de devoir supporter le coût de la CEIC n'impliquait en aucune manière que cette charge fût couverte par une augmentation uniforme des prix des mêmes services bancaires, en sorte que les banques conservaient une pleine capacité de se différencier au niveau de leurs tarifs ; qu'en jugeant néanmoins que le « surcoût » occasionné par la CEIC induisait mécaniquement des effets équivalents à ceux d'une entente portant sur les prix finaux (§. 194) faussant de la même manière le jeu de la concurrence, quand bien même les banques ne seraient pas convenues de répercuter ce surcoût sur leurs clients (§§. 213 à 216), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui découlaient de ses propres constatations, en violation des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

7) ALORS QUE ne doivent être considérés comme restrictifs de concurrence par objet que les comportements dont le caractère nocif est, au vu de l'expérience acquise et de la science économique, avéré et facilement décelable ; qu'en se bornant à affirmer, sans citer la moindre source propre à étayer une telle assertion, « qu'une pratique consistant, pour tous les opérateurs d'un secteur, à fixer en commun un élément artificiel de coût, au surplus sans réelle étude des éléments visant à l'évaluation de ce coût » est foncièrement nocive pour le jeu de la concurrence, puis à relever qu'« il ne ressort pas de la jurisprudence de l'Union qu'une commission interbancaire telle que celle de l'espèce aurait été jugée comme non constitutive d'une pratique anticoncurrentielle par objet, au motif qu'elle n'était pas assortie d'un accord de répercussion sur la clientèle » (§. 221), quand il lui appartenait de caractériser de manière positive l'existence d'une pratique décisionnelle ou jurisprudentielle des autorités et juridictions de l'Union qui aurait permis de justifier de ce qu'une commission interbancaire telle que la CEIC présentait le degré de nocivité suffisant pour la concurrence pour rendre l'examen de ses effets superflu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

8) ALORS QUE ne revêtent pas le caractère d'une restriction de concurrence par objet de simples mesures instaurées par la voie d'un accord multilatéral entre les opérateurs d'un marché biface ayant pour objet d'imposer une contribution financière aux membres de ce marché qui bénéficient des sacrifices consentis par d'autres membres (CJUE, 11 septembre 2014, groupement des cartes bancaires, C-67/13P, §§. 74-75) ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'accélération des échanges résultant de la dématérialisation, alors envisagée par les banques, des opérations de compensation des chèques aurait pour effet mécanique d'entraîner une modification des équilibres de trésorerie entre banques majoritairement tirées et banques majoritairement remettantes, les premières étant débitées plus rapidement et perdant donc plus tôt la disposition des fonds qu'elles plaçaient jusqu'alors à leur profit, et les secondes étant au contraire créditées plus rapidement et pouvant donc placer plus vite ces mêmes fonds à leur profit (p. 5) ; qu'elle a également relevé que la commission d'échange d'images chèques (CEIC) avait pour objet de compenser ce transfert de revenus d'une banque à une autre afin de « partager les conséquences financières de l'accélération de l'échange des chèques permise par la dématérialisation du système » (§. 205) et, enfin, constaté que la CEIC avait permis de convaincre les banques hostiles à la mise en oeuvre de cette dématérialisation de ne plus s'y opposer et de susciter leur unanimité, quand deux tentatives antérieures avaient précédemment échoué, suscitant ainsi un progrès économique global pour les banques, mais aussi pour les utilisateurs de chèques (§. 202) ; que pour qualifier la CEIC de restriction de concurrence par objet, la cour d'appel a néanmoins retenu que l'instauration de cette commission avait introduit « un élément artificiel de coût pour les banques remettantes et de recettes pour les banques tirées », en tant qu'elle « ne correspondait à aucun service rendu entre banques » (§.190 et §.205) ; qu'en se prononçant de la sorte, quand il s'évinçait de ses propres constatations que la CEIC avait une contrepartie économique bien réelle qui résidait dans le sacrifice consenti par les banques majoritairement tirées d'une partie des revenus que leur procurait le système de compensation manuelle des chèques et dans leur consentement à la mise en place d'un système de compensation dématérialisée impliquant une mise à disposition anticipée, au bénéfice des banques remettantes, de la trésorerie correspondant au montant de chaque chèque, la cour d'appel a violé les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

9) ALORS QUE pour apprécier si un accord doit être considéré comme interdit en raison des altérations du jeu de la concurrence qui en sont l'objet ou l'effet, il y a lieu d'examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se produirait à défaut de l'accord (arrêt Société Technique Minière du 30 juin 1966, 56/65) ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé qu'il était exact que la CEIC avait permis de convaincre les banques hostiles à la mise en oeuvre de l'échange d'images de chèques (EIC) de ne plus s'y opposer et de susciter leur unanimité, quand deux tentatives antérieures avaient précédemment échoué (§.202) ; que, toutefois, pour rejeter le moyen par lequel les banques faisaient valoir que la CEIC ne pouvait être regardée comme un coût « artificiel » puisque ce coût, acquitté par les banques remettantes, était compensé – et même au-delà – par les gains de trésorerie que leur procurait l'accélération des règlements permise par l'instauration de l'EIC, la cour d'appel a énoncé que « le coût de revient de la remise des chèques découlant de l'accord litigieux doit s'apprécier par rapport au coût qui aurait dû être observé dans le cadre de l'EIC sans CEIC et non par rapport aux coûts observés dans l'ancien système » (§. 207), puis a conclu plus bas « que l'accord litigieux a eu pour objet de fausser le jeu de la concurrence entre les banques, d'une part, en introduisant un élément de coût artificiel pour l'ensemble des banques remettantes faisant ainsi obstacle à la libre fixation tarifaire des parties, d'autre part, en les dispensant de rechercher par l'exercice de la concurrence entre elles des solutions aux effets que devaient produire la mise en place de l'EIC » (§. 226) ; qu'en se prononçant de la sorte, sans jamais expliquer comment une réforme conventionnelle telle que le passage à l'EIC aurait pu s'imposer aux banques à défaut de leur accord unanime et donc sans un mécanisme compensatoire tel que celui qui avait conditionné l'adhésion des banques majoritairement tirées, la cour d'appel, qui s'est par là déterminée au regard d'une situation contrefactuelle impossible, au mépris de l'obligation qui lui était faite d'examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se serait produit à défaut de l'accord, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

10) ALORS, en outre, QU' afin d'apprécier si un accord entre entreprises présente le degré suffisant de nocivité pour être qualifié de restriction de concurrence par objet, il convient de s'attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu'il vise à atteindre ainsi qu'au contexte économique et juridique dans lequel il s'insère, en prenant en considération les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du marché en question ; qu'il s'ensuit que les conditions rigoureuses de nécessité et de proportionnalité requises pour valider une clause restrictive de concurrence qui est l'un des éléments d'un accord plus global, sur le terrain de la théorie des « restrictions accessoires » ou des dispositions du paragraphe 3 de l'article 101 du TFUE au titre d'une exemption, n'ont lieu d'être vérifiées que pour autant qu'il a été préalablement justifié que cette clause de l'accord considéré était restrictive de concurrence par son objet ou ses effets ; qu'en l'espèce, pour justifier sa décision d'apprécier la nocivité supposée de la CEIC à la seule lumière d'une situation contrefactuelle postulant l'adoption du système de l'échange d'images chèques sans CEIC (« EIC sans CEIC »), la cour d'appel s'est déterminé par un renvoi exprès (§. 207) aux développements ultérieurs de sa décision par lesquels elle a considéré qu'il n'était pas démontré que l'introduction de la CEIC était objectivement nécessaire au passage à l'EIC dans la mesure où il n'était pas établi qu'une au moins des banques majoritairement tirées pouvait, de manière suffisamment réaliste, envisager qu'elle devait subir des pertes en raison de la mise en place de l'EIC (§. 495, renvoyant lui-même aux §§ 276 à 295, renvoyant à leur tour aux §§. 316 à 403) ; qu'en procédant de la sorte, par voie d'interversion de l'ordre des questions qu'imposait la mise en oeuvre des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, la cour d'appel a violé les textes susvisés et entaché sa décision d'une interversion de la charge de la preuve ;

11) ALORS QUE la cour d'appel a constaté que l'accélération des échanges résultant de la dématérialisation des opérations de compensation des chèques avait pour effet mécanique d'entraîner une modification des équilibres de trésorerie entre banques majoritairement tirées et banques majoritairement remettantes, les premières étant débitées plus rapidement et perdant donc plus tôt la disposition des fonds qu'elles plaçaient jusqu'alors à leur profit, et les secondes étant au contraire créditées plus rapidement et pouvant donc placer plus vite ces mêmes fonds à leur profit, (p. 5) et que la commission d'échange d'images chèques (CEIC) avait pour objet de compenser ce transfert de revenus d'une banque à une autre afin de partager les conséquences financières de l'accélération de l'échange des chèques permise par la dématérialisation du système (§. 205) ; qu'en affirmant néanmoins que « l'accord litigieux avait dès lors pour finalité de maintenir les équilibres financiers des banques, et donc aussi les équilibres entre elles sur le marché » (§. 189), sans préciser les éléments sur lesquels elle fondait cette déduction selon laquelle la finalité de l'accord aurait été de figer les parts de marché des banques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

- sur la qualification de restriction accessoire (CEIC) -

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les recours formés par les sociétés LCL – Le Crédit Lyonnais, Société Générale, Crédit du Nord et HSBC France à l'encontre de la décision n° 10-D-28 rendue le 20 septembre 2010 par l'Autorité de la concurrence et, statuant à l'égard du Crédit Agricole, de n'AVOIR que très partiellement réformé cette décision, en ramenant les sanctions prononcées à son encontre à hauteur de 75.800.000 euros et 760.000 euros, puis rejeté son recours pour le surplus ;

AUX MOTIFS QUE sur la qualification de la CEIC et des CSC de restrictions accessoires

264. Consacrée par la jurisprudence communautaire (TUE, arrêt du 18 septembre 2001, M6 e.a./Commission, T-112/99) et reprise par la Commission européenne dans ses lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité, la théorie dite des « restrictions accessoires » soustrait une restriction de concurrence à l'application des articles 101, paragraphe 1, du TFUE, et L. 420-1 du code de commerce, dès lors qu'elle est « directement liée et nécessaire à la réalisation d'une opération principale » qui ne restreint pas la concurrence (TUE, arrêt M6 e.a./Commission, précité, point 115).

265. Devant l'Autorité, les mises en cause ont, dans leurs observations sur les griefs qui leur avaient été notifiés, réclamé le bénéfice de cette théorie, mais les rapporteurs en ont écarté l'application, en considérant que pas plus la CEIC que les CSC n'étaient objectivement nécessaires à la réalisation d'un système dématérialisé de compensation des chèques. De la même manière, l'Autorité a, dans la décision attaquée, refusé de voir dans la CEIC et les CSC des restrictions accessoires, faute que soit démontré leur caractère objectivement nécessaire à la mise en place de l'EIC (décision attaquée § 305 à 322). C'est ainsi qu'elle a relevé, s'agissant de la CEIC, que « l'EIC pouvait être mis en place sans accélération des échanges interbancaires, et, partant, sans modification des équilibres de trésorerie, dès lors que la fixation de la date de règlement interbancaire relevait d'une libre décision des banques » (décision attaquée § 314) et, s'agissant des CSC, que « la rémunération des prestations (...) dans le cadre d'un système de compensation dématérialisé (...) pouvait, en principe, faire l'objet de négociations bilatérales » et que les banques pouvaient « se mettre d'accord sur les modalités de calcul de chaque commission en fonction de paramètres variant d'une banque à l'autre » (décision attaquée § 320 et 321).

266. Les requérantes contestent cette analyse en ce qui concerne tant la définition de l'opération principale (Crédit agricole, Le Crédit lyonnais, Société générale) que le caractère nécessaire à sa réalisation de la CEIC et des CSC.

(…)

b) Sur le caractère objectivement nécessaire de la CEIC et des CSC

- Sur la CEIC

276. Au cas d'espèce, l'Autorité considère que les conditions auxquelles l'application de la théorie des restrictions accessoires est soumise ne sont pas remplies, puisque, si la mise en place de la CEIC était liée à l'opération principale, elle n'était pas nécessaire à sa réalisation. C'est ainsi qu'elle fait valoir, en premier lieu, que l'EIC pouvait être mise en place sans accélération des échanges interbancaires, et donc sans modification des équilibres de trésorerie, et qu'en toute hypothèse, à supposer cette accélération inéluctable, on ne pourrait en conclure a contrario à la nécessité objective de la CEIC. En second lieu, elle souligne que la CEIC n'était objectivement nécessaire au fonctionnement de l'EIC ni d'un point de vue technique, ni d'un point de vue économique, comme en témoigne le fait qu'elle a été abandonnée en 2007, alors que le dispositif continue à fonctionner depuis cette date. L'Autorité en conclut que c'est au stade de l'exemption qu'il faut examiner la prétendue nécessité de la CEIC. (…)

280. Ainsi que l'a rappelé la Cour de justice dans l'arrêt Mastercard e.a./Commission, précité, la mise en oeuvre de la théorie des restrictions accessoires requiert que la restriction concernée soit, d'une part, objectivement nécessaire à la mise en oeuvre de l'opération principale neutre au regard de la concurrence, d'autre part, proportionnée aux objectifs de celle-ci (points 89 et s.). Cet arrêt a encore précisé (point 93) que le critère de nécessité objective porte sur la question de savoir si, à défaut d'une restriction déterminée de l'autonomie commerciale, l'opération principale, qui ne relève pas de l'interdiction posée à l'article 81, paragraphe 1, CE et par rapport à laquelle ladite restriction est secondaire, risque de ne pas se réaliser ou de ne pas se poursuivre. Il s'en déduit que, ainsi que l'a soutenu la Commission européenne dans son avis du 29 octobre 2012 à la Cour de cassation, les restrictions accessoires qui ne sont pas nécessaires à la viabilité de l'opération principale doivent être appréciées au regard de l'article 101, paragraphe 3 du TFUE.

281. Or, en l'espèce, il n'est pas contestable, ni d'ailleurs contesté, que la mise en place de l'EIC était techniquement possible sans CEIC, ainsi que le démontre le fait que tel est le cas depuis 2007. Sur ce point, il n'est pas établi que les banques ne pouvaient pas mettre en place le nouveau système en retardant provisoirement la date de règlement interbancaire, solution d'ailleurs envisagée par le rapport du 22 juin 1999 du groupe de travail restreint de la CIR (décision attaquée, § 97) pour permettre aux banques majoritairement tirées de trouver des solutions leur permettant de ne pas subir les pertes qu'elles invoquaient. Il résulte de surcroît des diverses positions opposées à la mise en place de la CEIC, émises par plusieurs banques et par la Banque de France (décision attaquée § 100 et 101), que la viabilité de l'EIC n'était pas impossible sans la CEIC.

282. Les arguments des parties dans l'affaire en cause portent davantage sur le passage d'un système à l'autre et sur le caractère indispensable de la commission afin d'aboutir à un consensus des banques en raison des pertes que la disparition du « float » allait causer aux banques principalement tirées. Elles font valoir que la CEIC était bien nécessaire à la validité de l'EIC puisque, sans cette commission, plusieurs banques se seraient opposées à la mise en place de l'EIC, ce qui aurait abouti à ce que cette réforme ne voit pas le jour, puisqu'elle requérait leur unanimité.

283. Or ainsi qu'il a été précisé précédemment, la mise en place de la CEIC, ainsi que son montant, ont été décidés sans que les banques en cause procèdent à une analyse pertinente des pertes et gains liés à la mise en place de la dématérialisation et, ainsi qu'il sera démontré ci-dessous dans la partie relative aux exemptions, il n'est pas établi qu'au moment de l'accord litigieux, l'une au moins d'entre elles pouvait raisonnablement envisager qu'elle subirait effectivement des pertes, ni d'ailleurs qu'au regard des éléments d'analyse postérieurs à l'accord, la preuve de pertes soit rapportée.

284. La cour rappelle sur ce point que la justification de la restriction accessoire doit, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, être objective. Tel n'est pas le cas de l'argument avancé par les banques selon lequel la CEIC était nécessaire à la mise en place de l'EIC, parce que celle-ci les privait du « float » et devait leur faire subir des pertes. En effet, pour que la CEIC puisse être considérée comme objectivement nécessaire à la mise en place de l'EIC, il aurait fallu que soit démontré que les banques, ou au moins certaines d'entre elles, pouvaient raisonnablement envisager que l'opération principale leur causerait des pertes. Or cette affirmation de pertes à venir n'était pas appuyée d'éléments qui leur auraient permis de s'assurer de la réalité de celles-ci. Ainsi, cette opposition, quelle qu'en ait été la force, ne constitue pas une justification objective de nature à permettre de qualifier de nécessaire l'instauration de la CEIC. Il est sans portée, compte tenu de ce qui précède, que deux tentatives précédentes d'instaurer l'EIC aient échoué et les observations des parties sur la réitération et la réalité des oppositions ne sont pas opérantes.

285. Sur ce point encore, la cour relève que, contrairement à ce qu'avancent plusieurs parties, la preuve n'est pas rapportée que les sociétés Crédit agricole et La Banque postale, au moins, devaient subir des pertes si aucun mécanisme compensateur n'était mis en place. Il est renvoyé à cet égard aux développements des paragraphes 321 et 355 et suivants du présent arrêt. Il est en outre inopérant que les rapporteurs aient, lors de la séance du 13 avril 2010, indiqué qu'il y aurait pu y avoir « une seule banque éventuellement perdante », La Banque postale, comme le soutient la société BNP Paribas, dès lors que cette affirmation n'est pas restituée dans son contexte, qu'elle n'a été formulée que de manière hypothétique, et qu'ainsi qu'il sera précisé ci-dessous, les données produites par cette banque ne sont pas toutes pertinentes.

286. Les parties soutiennent qu'il résulte du rapport du cabinet d'expertise qu'elles produisent, qu'après correction des incohérences des données prises en compte par les rapporteurs, puis par l'Autorité, au moins les sociétés Crédit agricole et La Banque postale devaient subir des pertes du fait de l'instauration de l'EIC sans mécanisme correcteur. Mais la cour renvoie aux développements par lesquels elle rejette ces moyens aux paragraphes 307 et suivants ci-dessous.

287. La cour relève encore que c'est à juste titre, et sans s'immiscer dans la gestion des banques, que l'Autorité a constaté que la CIR n'avait finalement pas mis en oeuvre la méthode d'évaluation de pertes éventuelles préconisée par son groupe de travail restreint et a considéré pertinemment que seule cette méthode d'évaluation aurait permis d'établir la réalité de pertes liées à la mise en place de l'EIC. C'est, en outre, de manière fondée que l'Autorité a privilégié une approche individuelle de l'évaluation des bilans des parties, puisque, comme la CIR l'avait elle-même reconnu, la mise en place de l'EIC aboutissait à « un jeu à somme nulle » pour la profession. De plus, puisqu'il était nécessaire d'étudier si au moins une banque subissait une perte du fait du passage à l'EIC, seules les évaluations individuelles permettent d'établir les conséquences attendues du passage à l'EIC sans CEIC (décision attaquée, § 435).

288. Les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais ne sont pas fondées à soutenir que le Crédit agricole anticipait une perte de 45,7 millions d'euros, puisque cette évaluation tenait compte de façon injustifiée de la révision des dates de valeur, ainsi qu'il sera exposé au paragraphe 363, la révision de ces dates résultant d'un choix de chaque banque et non de la mise en oeuvre de l'EIC.

289. Ainsi, les prévisions de pertes comprises entre 45 et 78 millions d'euros, invoquées par les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais, ne peuvent-elles être qualifiées de pertes nettes, puisqu'elles prennent en compte le montant de pertes lié à l'abandon des dates de valeur et ne sont pas confrontées aux gains résultant de la mise en oeuvre de l'EIC. En conséquence, ce moyen ne peut qu'être rejeté.

290. En outre, s'agissant de la prise en compte des investissements, la cour renvoie aux paragraphes 397 du présent arrêt, par lesquels elle rejette les moyens développés sur ce point.

291. Pour les mêmes raisons, la preuve de la proportionnalité de la CEIC n'est pas rapportée. En effet, il est impossible de caractériser une prétendue proportionnalité alors que l'étendue des pertes anticipables au jour de l'accord litigieux n'était pas connue. Le fait que le montant ait été fixé au terme d'un compromis entre les banques ne permet pas d'établir le caractère proportionné de la CEIC, d'autant que la cour observe qu'il résulte des calculs de l'Autorité que certaines banques majoritairement remettantes subissaient des pertes du fait de l'instauration de la CEIC, alors qu'elles n'en rencontraient pas sans commission (décision attaquée, § 514 à 519).

292. Si, comme le soulignent les parties, l'appréciation portée à ce sujet par la Commission bancaire, qui, à deux reprises, a indiqué à l'Autorité que la CEIC était nécessaire à la mise en place de l'EIC, doit être prise en compte comme celle d'une autorité publique, il convient toutefois d'observer que son analyse ne repose pas sur les critères propres au droit de la concurrence et, notamment, pas celui de restriction objectivement nécessaire dégagé par la jurisprudence en matière de restrictions accessoires. En conséquence les deux avis adressés par elle à l'Autorité dans le cadre de l'espèce ne peuvent conduire à modifier l'appréciation résultant des éléments retenus précédemment.

293. Plusieurs parties invoquent, dans le cadre des restrictions accessoires, une analogie entre la CEIC et la commission interbancaire multilatérale (CMI) que la Commission européenne a créé par le règlement n° 924/2009, ainsi qu'entre la CEIC et les CMI qui sont validées dans le document de travail de la Commission européenne du 30 octobre 2009 sur l'applicabilité de l'article 81 du traité CE aux paiements interbancaires multilatéraux liés au prélèvement SEPA. Toutefois, cette analogie n'est pas opérante. En effet, le document de travail rappelle, d'une part, que plusieurs de ces CMI font l'objet de procédures antitrust engagées par un certain nombre d'autorités nationales de concurrence (§ 26) et, d'autre part, que, si le règlement n° 924/2009 autorise le maintien des anciennes CMI domestiques, c'est toutefois « sans préjudice des procédures en cours ou futures engagées dans le cadre des règles de concurrence concernant ces CMI nationales qui pourraient alors entraîner une réduction des CMI transitoires en conséquence ». Il s'en déduit que ces commissions interbancaires multilatérales ne sont pas validées, en tant que telles, comme des restrictions accessoires et demeurent soumises, y compris s'agissant de leur éventuelle qualification de restrictions accessoires, à l'appréciation des autorités nationales de concurrence, cette appréciation étant soumise aux critères de nécessité objective et de proportionnalité qui, ainsi qu'il vient d'être retenu, ne sont pas remplis en l'espèce.

294. Si, comme le fait observer la Société générale, le fait que, depuis 2007, le système d'EIC fonctionne sans CEIC ne permet pas à lui seul d'en conclure, contrairement à ce que soutient l'Autorité dans ses observations, que cette commission n'était pas nécessaire au passage du système manuel au système dématérialisé, il n'en demeure pas moins que ce constat montre que, techniquement, la réalisation de l'EIC ne dépendait pas de la CEIC et que pour les motifs qui ont été détaillés ci-dessus, la preuve de la nécessité objective n'est pas rapportée.

295. La cour relève que, contrairement à ce que soutient la société BPCE, l'Autorité n'a pas indirectement admis, au paragraphe 301 de la décision attaquée, que l'instauration de la CEIC et des CSC a été l'élément nécessaire qui a permis l'obtention d'un consensus pour passer au système EIC. En effet, il résulte seulement de ce développement, qui a pour objet de rejeter les moyens relatifs à l'existence d'une contrainte de la part de la Banque de France et, à travers elle, des pouvoirs publics, d'une part, que celle-ci était clairement opposée à l'instauration d'une commission fixe, d'autre part, que si elle est intervenue dans le cadre des négociations de la CIR, en proposant de réduire le niveau de la CEIC ou de la limiter dans le temps, il s'agissait uniquement pour elle de trouver un compromis afin de permettre le passage à l'EIC. Mais le fait que ce compromis ait été trouvé ne permet en rien de considérer que le critère de nécessité objective, dont dépend la qualification de restriction accessoire, ait été rempli. (arrêt, points 264 à 295) ;

1) ALORS QUE la qualification de restriction accessoire suppose que la restriction en cause soit directement liée à l'opération principale, qu'elle soit objectivement nécessaire à la mise en oeuvre de cette opération et qu'elle soit proportionnée aux objectifs de celle-ci ; que le critère de nécessité objective impose de déterminer si, dans le cadre particulier de l'opération principale et à défaut de la restriction en cause, l'opération principale risque de ne pas se réaliser ou de ne pas se poursuivre ; que les banques faisaient valoir que la création de la CEIC avait été objectivement nécessaire à la réalisation de l'EIC puisque l'unanimité, requise pour la signature de cet accord, n'avait pu être obtenue que grâce à l'instauration de cette commission ; qu'en ce qu'elle s'est fondée, pour dire que la mise en place de la CEIC n'était pas constitutive d'une restriction accessoire, sur le constat selon lequel « la mise en place de l'EIC était techniquement possible sans CEIC, ainsi que le démontre le fait que tel est le cas depuis 2007 » et que « la viabilité de l'EIC n'était pas impossible sans la CEIC », quand la restriction était objectivement nécessaire non au fonctionnement, à la viabilité ou à la mise en place technique de l'opération principale mais à sa réalisation, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des articles 101 §. 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-1 du code de commerce ;

2) ALORS QUE le critère de nécessité objective, requis pour la qualification de restriction accessoire, impose de déterminer si, dans le cadre particulier de l'opération principale et à défaut de la restriction en cause, l'opération principale risque de ne pas se réaliser ou de ne pas se poursuivre ; que si, afin de réfuter le caractère objectivement nécessaire d'une restriction, il peut être recouru à une hypothèse contrefactuelle, encore faut-il que cette hypothèse constitue une alternative réaliste, économiquement et juridiquement viable ; qu'en l'espèce, les banques faisaient valoir devant la cour d'appel que l'hypothèse de la conclusion d'un accord sur l'EIC sans changement de date de règlement interbancaire, retenue par l'Autorité de la concurrence pour écarter le caractère « objectivement nécessaire » de la CEIC, ne pouvait constituer une alternative réaliste dès lors que les banques ne peuvent différer les dates de crédit ou de débit de leurs clients au114 delà des délais techniquement nécessaires pour le dénouement de l'opération de paiement ; qu'elles observaient que la solution préconisée par l'Autorité « est d'autant plus surprenante qu'elle aurait eu pour effet d'appliquer aux clients remettants des dates de valeur illicites. En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, les dates de valeur doivent être causées par les délais d'encaissement » et qu'elle « est erronée en droit et contredite par la jurisprudence de la Cour de cassation qui considère que les dates de valeur ne sont licites que lorsqu'elles sont justifiées par un délai technique de traitement » (respectivement, conclusions de la société HSBC France, § 498, conclusions de la société BNP Paribas, § 456 et s.) ; qu'en se bornant, pour écarter le caractère objectivement nécessaire de la CEIC pour la réalisation de l'EIC, à affirmer qu' « il n'est pas établi que les banques ne pouvaient pas mettre en place le nouveau système en retardant provisoirement la date de règlement interbancaire, solution d'ailleurs envisagée par le rapport du 22 juin 1999 du groupe de travail restreint de la CIR (décision attaquée, § 97) pour permettre aux banques majoritairement tirées de trouver des solutions leur permettant de ne pas subir les pertes qu'elles invoquaient », sans répondre au moyen tiré de l'illicéité du maintien de dates de valeur non justifiées par un délai technique, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3) ALORS QUE les banques faisaient encore valoir devant la cour d'appel que l'hypothèse de la conclusion d'un accord sur l'EIC sans changement de date de règlement interbancaire, retenue par l'Autorité de la concurrence pour écarter le caractère « objectivement nécessaire » de la CEIC, ne pouvait constituer une alternative réaliste dès lors que cet accord aurait eu, à la différence de l'instauration de la CEIC, pour objet et pour effet de priver automatiquement l'ensemble des clients remettants des bénéfices économiques de l'EIC ; qu'elles observaient ainsi que « l'hypothèse que l'Autorité présente dans la Décision comme une alternative, à ses yeux crédibles, à l'instauration de la CEIC aurait donc consisté en une infraction manifeste aux règles de concurrence, privant les consommateurs (les usagers remettants de chèques) du progrès économique attendu de cette réforme. Ce faisant, elle aurait conduit à la création d'une restriction de concurrence beaucoup plus évidente avec un impact négatif cette fois-ci indéniable pour les clients », que « les banques n'avaient en réalité aucun choix que celui de fixer des conditions interbancaires optimisant l'accélération techniquement permise par la dématérialisation des échanges » et qu' « il est pour le moins étonnant de lire que l'Autorité aurait préféré une mise en place de l'EIC sans accélération des échanges interbancaires (et donc le maintien des dates de valeur antérieures au passage à l'EIC) alors même qu'une telle solution aurait été moins favorable aux clients remettants. Un tel accord, sans répercussions sur les clients remettants du bénéfice de l'accélération des échanges permis par l'EIC, aurait pourtant sans doute été considéré comme anticoncurrentiel » (respectivement, conclusions de la société BPCE, § 315, conclusions des sociétés Crédit Agricole et LCL, § 662 et conclusions de la société HSBC France, § 447) ; qu'en se bornant, pour écarter le caractère objectivement nécessaire de la CEIC pour la réalisation de l'EIC, à affirmer qu' « il n'est pas établi que les banques ne pouvaient pas mettre en place le nouveau système en retardant provisoirement la date de règlement interbancaire, solution d'ailleurs envisagée par le rapport du 22 juin 1999 du groupe de travail restreint de la CIR (décision attaquée, § 97) pour permettre aux banques majoritairement tirées de trouver des solutions leur permettant de ne pas subir les pertes qu'elles invoquaient », sans répondre au moyen tiré de l'illicéité, au regard du droit de la concurrence, du maintien de dates de valeur privant du bénéfice économique, généré par l'accélération des délais techniques, l'ensemble des consommateurs, bénéficiaires de chèques, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

4) ALORS QUE le critère de nécessité objective suppose de déterminer si, dans le cadre particulier de l'opération principale et à défaut de la restriction en cause, l'opération principale risque de ne pas se réaliser ou de ne pas se poursuivre ; que le motif ou la légitimité du refus d'une partie à la réalisation de l'opération principale sans la restriction est sans incidence sur l'appréciation du risque objectif d'absence de réalisation de l'opération principale, partant du caractère objectivement nécessaire de la restriction ;

que les banques faisaient valoir, preuves à l'appui, que la réalisation de la dématérialisation des chèques supposait un accord unanime, qu'il existait une divergence de positions à cet égard, un certain nombre de banques subordonnant leur accord à la mise en place d'une compensation des banques tirées, que des négociations identiques avaient déjà, à deux reprises, échoué, faute d'accord et que l'EIC n'avait pu être conclu, après des négociations de sept mois, que grâce à un compromis, négocié sous l'égide de la Banque de France, prévoyant la mise en place, à titre transitoire, d'une commission d'un montant maximal de 0,043 € par chèque non circulant au profit de la banque tirée ; que la cour d'appel a elle-même constaté que « dans le passé, les banques avaient tenté à deux reprises, en 1988 et 1991, de remplacer ce système d'échanges manuels et physiques, (des chèques), jugé archaïque et source d'importants coûts administratifs, par un échange dématérialisé », que « ces tentatives ont cependant échoué l'une et l'autre, pour des raisons d'ordre principalement financier », qu' « une troisième tentative de dématérialisation, qui aboutira la mise en place en 2002 de l'EIC, a été engagée à partir de 1999 », « que les négociations qui ont conduit à l'adoption du nouveau système ont été menées au sein de deux commissions réunissant les principales banques », qu'elles « ont porté sur les points suivants : l'heure d'échange des chèques, (HAJE, ou heure d'arrêté de la journée d'échange) ; l'écart entre la date d'échange d'échecs et la date de règlement interbancaire ; le sens, le montant et les modalités de calcul d'une commission interbancaire ; les conditions applicables aux opérations connexes », que « les banques sont parvenues à un accord qui a été acté lors de la réunion de la CIR du 3 février 2000 », que la Banque de France « est intervenue dans le cadre des négociations de la CIR, en proposant de réduire le niveau de la CEIC ou de la limiter dans le temps », pour « trouver un compromis afin de permettre le passage à l'EIC » (arrêt, p. 5 et 6 et p.61, point 295) et qu' « il n'est pas contesté que, dans les faits, la CEIC a décidé les banques réticentes au passage au système de l'EIC à l'accepter finalement » (arrêt, point 495) ; qu'en affirmant cependant, pour écarter la qualification de restriction accessoire, que « pour que la CEIC puisse être considérée comme objectivement nécessaire à la mise en place de l'EIC, il aurait fallu que soit démontré que les banques, ou au moins certaines d'entre elles, pouvaient raisonnablement envisager que l'opération principale leur causerait des pertes » et qu' « il est sans portée, compte tenu de ce qui précède, que deux tentatives précédentes d'instaurer l'EIC aient échoué et les observations des parties sur la réitération et la réalité des opérations ne sont pas opérantes » et que « si elle (la banque de France) est intervenue dans le cadre des négociations de la CIR, en proposant de réduire le niveau de la CEIC ou de la limiter dans le temps, il s'agissait uniquement pour elle de trouver un compromis afin de permettre le passage à l'EIC. Mais le fait que ce compromis ait été trouvé ne permet en rien de considérer que le critère de nécessité objective, dont dépend la qualification de restriction accessoire, ait été rempli » (arrêt, points 284 et 295), quand la seule preuve exigée portait sur l'impossibilité de réaliser l'EIC sans l'accord unanime des banques dont les positions étaient contraires, partant sans le compromis trouvé, la cour d'appel, qui a subordonné le constat du caractère « objectivement nécessaire » de la restriction à la réalisation de l'opération principale, à la preuve du caractère objectivement justifié de la restriction, la cour d'appel a ajouté aux dispositions de l'article 101 §. 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tel qu'interprété par le juge communautaire, violant ainsi ce texte ainsi que l'article L. 420-1 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE 363. Plusieurs parties contestent le refus de l'Autorité de prendre en compte, dans son appréciation des bilans prévisionnels réalisés par les banques, les pertes éventuelles de la société Crédit agricole liées à la disparition des dates de valeur (décision attaquée, § 443). Les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais exposent sur ce point que la jurisprudence de la Cour de cassation n'admet la légitimité des dates de valeur qu'au regard de la justification que constitue les délais d'encaissement. Elles rappellent que le législateur a fixé, à l'article L. 131-1-1 du code monétaire et financier, la date de valeur d'une opération de paiement par chèque libellé en euros en précisant que « [l]a date de valeur d'une opération de paiement par chèque libellée en euros ne peut différer de plus d'un jour ouvré la date retenue pour sa comptabilisation sur un compte de dépôts ou sur un compte de paiement ». Selon elles, la société Crédit agricole était donc fondée à considérer les pertes liées au passage à l'EIC en prenant en compte celles engendrées par la disparition des dates de valeur.

364. Cependant, les dates de valeur, ou jours de banque, se définissent comme le délai entre le mouvement du compte de la banque et le mouvement du compte du client. Ce mécanisme, qui consiste dans l'application d'un décalage temporel entre le moment ou une banque encaisse (ou décaisse) le montant d'un chèque et celui où elle crédite (ou débite) le compte de son client, relève donc de la seule volonté de chaque banque et des relations contractuelles qu'elle a nouées avec sa clientèle. C'est donc à juste titre que l'Autorité a, au paragraphe 443 de la décision attaquée, considéré que cette pratique, « qui relève du libre choix commercial des banques », est indépendante de la vitesse des échanges interbancaires et que sa disparition, qui n'est d'ailleurs pas démontrée, ne constitue pas une conséquence de l'accord pour le passage à l'EIC. La jurisprudence et le texte cités par les parties et rappelés ci-dessus, qui ne concernent que la mesure dans laquelle est admise la pratique des dates de valeur, sont sans portée sur le bien-fondé de l'analyse de l'Autorité sur ce point, dès lors que la pratique des dates de valeur est demeurée en dépit de cette jurisprudence ;

5) ALORS QUE les banques ne peuvent différer les dates de crédit ou de débit de leurs clients au-delà des délais techniquement nécessaires pour le dénouement de l'opération de paiement ; que, dans leurs conclusions, les banques rappelaient, preuves à l'appui, que le Crédit Agricole, à l'époque des négociations, anticipait des pertes causées par le passage à l'EIC ; qu'elles produisaient l'étude à usage interne, établie par le comité de direction du CEDICAM pour ses séances du 8 décembre 1999 et du 15 juin 1999, comprenant des simulations des conséquences - gains et pertes attendus - du passage à l'EIC et dont il ressortait que la banque envisageait une perte annuelle nette d'un montant minimal de 45,7 millions d'euros ; qu'en affirmant, pour écarter les prévisions de pertes du Crédit Agricole, que « cette évaluation tenait compte de façon injustifiée de la révision des dates de valeur, (…), la révision de ces dates résultant d'un choix de chaque banque et non de la mise en oeuvre de l'EIC » et qu'« ainsi, les prévisions de pertes comprises entre 45 et 78 millions d'euros, invoquées par les sociétés Crédit Agricole et le Crédit Lyonnais ne peuvent-elles être qualifiées de pertes nettes, puisqu'elles prennent en compte le montant de pertes liées à l'abandon des dates de valeur », la cour d'appel a violé les articles 1131 du code civil, dans sa rédaction alors applicable, ensemble et par refus d'application les articles 101 §. 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-1 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE 353. la cour précise que les constats et contestations fondés sur des données de 2002 sont inopérants, dès lors qu'ils s'appuient sur des données postérieures aux pratiques et qui ne pouvaient donc être connues des parties au moment de l'accord litigieux. Il est sans portée sur ce point que l'année 2002 ait été l'année du passage à l'EIC, puisque c'est le 3 février 2000 qu'a été prise la décision et qu'a été constituée la pratique d'entente prohibée ;

6) ALORS QUE le caractère réaliste et justifié d'une anticipation de pertes, en suite de la mise en oeuvre d'un accord devant intervenir deux années plus tard, peut être établi par le constat que la mise en oeuvre de cet accord a effectivement généré des pertes ; que les banques ont établi que, même en adoptant la méthodologie utilisée par l'Autorité de la concurrence, le Crédit Agricole avait effectivement subi des pertes en 2002 du fait du passage à l'EIC ; qu'en affirmant, pour dire qu'aucune banque ne démontrait avoir pu raisonnablement envisager que l'opération principale lui causerait des pertes, que « les constats et contestations fondés sur des données de 2002 sont inopérants, dès lors qu'ils s'appuient sur des données postérieures aux pratiques et qui ne pouvaient donc être connues des parties au moment de l'accord litigieux » et qu'« il est sans portée sur ce point que l'année 2002 ait été l'année du passage à l'EIC, puisque c'est le 3 février 2000 qu'a été prise la décision et qu'a été constituée la pratique d'entente prohibée », quand ces éléments étaient de nature à établir la réalité des projections et craintes des banques, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 101 §. 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-1 du code de commerce

ET AUX MOTIFS QUE 356. Les parties renvoient à l'étude économique de leur expert économiste, qui démontrerait qu'au moins une banque, la société Crédit agricole, aurait eu un bilan négatif, en utilisant les données de 1998, de 2000 ou de 2002.

357. Elles font valoir que, sur la base de données temporellement cohérentes et tout en conservant les autres hypothèses utilisées par l'Autorité, cette étude démontre que, sans CEIC, la société Crédit agricole aurait subi des pertes annuelles de 0,5 million d'euros (sur la base des données de 1998 et des hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée), de 0,9 million d'euros (sur la base des données de 2000 et des hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée) et de 2,4 millions d'euros (sur la base des données de 2002 et des hypothèses du paragraphe 514 de la décision attaquée) ou de 8,1 millions d'euros (sur la base des données de 2002 et des hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée).

358. L'objection des parties n'est pas fondée. En effet, il ressort des chiffrages de l'expert des parties que l'application des paramètres du paragraphe 514 de la décision attaquée aboutit à un résultat positif de l'application de l'EIC sans CEIC (point 30 page 11 du rapport du 22 octobre 2010). Ce n'est que dans le cadre des hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée, c'est-à-dire de données corrigées pour modifier les parts en valeur des entreprises optimisant leur trésorerie à l'émission et des entreprises optimisant leur trésorerie à la remise, que le bilan devient alors négatif de moins d'un million d'euros. Or cette réserve doit encore être relativisée.

359. En effet, ainsi que le fait observer l'Autorité, les hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée retiennent une valeur d'accélération de 1,4 jour ouvré qui est probablement surévaluée puisque ne prenant pas en compte une catégorie de remettants dont les chèques encaissés ont vu leur règlement interbancaire avancer plus faiblement que la moyenne retenue. Ces remettants sont en particulier les grands remettants qui, avant le passage à l'EIC, avaient mis en place une organisation leur permettant de présenter les chèques en compensation dès le lendemain de leur présentation et de réduire au maximum le délai d'encaissement. Pour ces derniers, le seul facteur d'accélération se trouvait être la réduction de l'écart entre compensation et règlement interbancaire pour les chèques anciennement hors place. Or, si, ainsi que le précise l'Autorité dans la note de son service économique du 2 mai 2016, on applique aux paramètres du paragraphe 519 de la décision attaquée une valeur d'accélération de 1,2 jour ouvré (au lieu de 1,4) le bilan pour la société Crédit agricole, corrigé par les données de l'expertise des parties, est positif pour cette banque.

360. La critique des parties sur cette modification de la valeur d'accélération, qui reproche à l'Autorité de modifier les paramètres de calcul de façon arbitraire, afin de défendre coûte que coûte ses conclusions, n'est pas fondée. À ce sujet la cour observe que cette question de la surévaluation était déjà évoquée aux paragraphes 491 et 492 de la décision attaquée, qui précisent que « l'accélération du règlement interbancaire a été initialement évaluée entre 1,1 et 1,6 jour ouvré par le groupe de travail restreint de la CIR (cote 924), cette estimation est probablement surévaluée car elle ne prend pas en compte l'existence d'une catégorie de grands remettants, encaissant d'importants volumes de chèques, qui ont bénéficié de l'accélération du règlement interbancaire principalement pour la compensation des chèques " hors place " (cf. point 81) (...) », et que les études économiques des parties des 26 mai 2008 et 30 octobre 2009 se fondaient sur l'hypothèse d'une accélération de 1,2 jour ouvré. L'Autorité a encore indiqué dans la décision attaquée que, sur ce point, plusieurs hypothèses seraient testées ce qu'elle a fait, notamment au paragraphe 516, dans le cadre duquel elle précise que le bilan de la méthode du paragraphe 514, qui fait apparaître qu'aucune banque ne devait subir de pertes du fait du passage à l'EIC sans CEIC, est identique si l'on applique une accélération de l,2 jour ouvré au lieu de 1,4.

361. Il s'en déduit que l'Autorité avait, dans la décision attaquée, bien envisagé que l'accélération de l,2 jour ouvré puisse être plus pertinente que celle de 1,4 retenue initialement pour le bénéfice des parties et il ne saurait lui être fait grief de modifier les paramètres de son appréciation pour soutenir la décision attaquée. En outre, l'application, aux hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée, des données corrigées par l'étude de l'expert des parties d'une accélération de 1,2 jour ouvré du règlement interbancaire au lieu de 1,4 conduit effectivement et de façon justifiée à constater un bilan positif de l'EIC sans CEIC pour la société Crédit agricole.

362. Dans ces circonstances, et compte tenu de ce qui vient d'être observé, il n'est pas démontré que la société Crédit agricole pouvait envisager de manière suffisamment réaliste qu'elle subirait des pertes du fait du passage à l'EIC ;

7) ALORS QUE, la cour d'appel a retenu que la preuve du caractère objectivement nécessaire de la CEIC à la mise en place de l'EIC imposait que soit établi que certaines banques pouvaient raisonnablement envisager que l'opération principale leur causerait des pertes ; que, dans sa décision, l'Autorité de la concurrence a établi des bilans individuels des banques fondés, notamment, sur une accélération des délai de règlement interbancaire de 1,4 jour, qui était celle retenue par la commission interbancaire, (CIR), lors des négociations de l'accord, et en envisageant deux hypothèses possibles, selon qu'était retenue une part (en valeur) des entreprises optimisant leur trésorerie à l'émission et à la remise de 25 %, (hypothèse du § 514) ou selon qu'était retenue une part (en valeur) des entreprises optimisant leur trésorerie de 10 % à l'émission et de 40 % à la remise, (hypothèse du § 519) ; qu'après avoir démontré que les bilans individuels, mentionnés dans la décision entreprise pour dire que le passage à l'EIC n'avait généré aucune perte, étaient erronés pour être basés sur des données temporellement incohérentes, les banques ont établi que, même en adoptant la méthodologie utilisée par l'Autorité de la concurrence dans sa décision, le passage à l'EIC générait des pertes pour la banque Crédit Agricole dans l'hypothèse retenue par l'Autorité au § 519 de sa décision, que l'on se fonde sur les données de l' année 1998 ou de l'année 2000 ; que la cour d'appel a elle-même constaté que le bilan du Crédit Agricole était négatif « dans le cadre des hypothèses du paragraphe 519 de la décision » (arrêt, § 358) ; qu'en écartant cependant, pour dire que la preuve du caractère objectivement nécessaire de la CEIC n'était pas rapportée, le bilan individuel de la banque Crédit Agricole établissant les pertes, aux motifs inopérants que le délai d'accélération du règlement interbancaire, de 1,4 jour était « probablement surévalué » et que si on applique un délai d'accélération d'1,2 jour, le bilan devient alors positif, quand cette circonstance n'était pas de nature à venir modifier le caractère « raisonnable » du délai de 1,4 jour ouvré, estimé par la CIR lors des négociations de l'accord et retenu par l'Autorité dans sa décision, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 101 §. du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-1 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE 369. Les parties soutiennent que le calcul des gains administratifs de la société La Banque Postale par l'Autorité est erroné et qu'en utilisant les données que cette banque avait fournies lors de l'instruction, son bilan du passage à l'EIC sans CEIC était négatif. Elles s'appuient sur l'étude du cabinet d'expertise du 22 octobre 2010, qui indique, au point 37, qu'en appliquant les données fournies par la société La Banque Postale à la méthode de l'Autorité décrite aux paragraphes 514 et 519 de la décision attaquée le bilan aurait été négatif.

370. Le service économique de l'Autorité, aux points 44 à 46 de sa note du 2 mai 2016, jointe aux observations, soutient que les chiffres utilisés dans la décision attaquée concernant la société La Banque Postale sont issus des données internes de celle-ci que l'Autorité a dû retraiter, car les données transmises tiennent compte de deux paramètres, d'une part, les économies dans le traitement standard des chèques, d'autre part, les transferts de charges du fait de la non-circulation physique du chèque (à l'origine des CSC), lesquelles n'auraient pas dû y figurer.

371. Il n'est pas sérieusement contesté que, ainsi qu'il est observé aux points 45 et suivants de la note du service économique de l'Autorité du 2 mai 2016, les montants fixés pour les CSC sont, pour la société La Banque postale, supérieurs aux coûts des prestations correspondantes. Ainsi, par exemple, s'agissant des chèques impayés, la commission est de 30 % supérieure aux coûts (l'extraction des impayés et l'établissement des avis et attestation de rejet coûtait à la société La Banque postale environ 15,3 francs par impayé, tandis que le niveau de CSC correspondante était de 20 francs), ou encore la commission pour chèques circulants a été surévaluée de façon à être dissuasive (décision attaquée, § 586). Or la société La Banque Postale doit en payer plus qu'elle n'en reçoit, ce qui a pour conséquence que le déficit lié à l'établissement des CSC accroît de manière artificielle les pertes de cette banque. Dans cette situation, intégrer les CSC dans le calcul du bilan du passage à l'EIC revient à faire compenser le montant élevé de ces commissions par la CEIC et, ainsi que le soutient à juste titre l'Autorité dans la note de son service économique, il ne serait pas justifié d'instaurer un mécanisme tel que la CEIC, dont l'objectif n'est que de compenser les pertes de trésorerie générées par la perte du « float », pour remédier au niveau trop élevé des CSC pour les banques majoritairement tirées. Sur ce point, le fait que les CSC aient, à l'exception des commissions AOCT, été considérées comme proportionnées à leur coût moyen et au progrès économique qu'elles ont permis, est sans portée sur le constat d'une éventuelle surévaluation par rapport à leurs coûts réels. C'est en conséquence à juste titre que l'Autorité a refusé de prendre en compte les CSC dans le calcul des bilans individuels des banques, et notamment de la société La Banque Postale, pour déterminer la nécessité de la CEIC. Les moyens développés sur ce point doivent donc être rejetés ;

8) ALORS QUE quel que soit le contexte ou le but dans lequel il est recouru à une hypothèse contrefactuelle, il importe que cette hypothèse soit appropriée à la question qu'elle est censée éclairer et que le postulat sur lequel elle repose ne soit pas irréaliste ; que la cour d'appel a retenu que la preuve du caractère objectivement nécessaire de la CEIC à la mise en place de l'EIC imposait que soit démontré que « les banques ou au moins certaines d'entre elles, pouvaient raisonnablement envisager que l'opération principale leur causerait des pertes » ; que la Banque Postale, qui avait effectué un bilan des coûts et gains administratifs du passage à l'EIC, a établi, sur la base des données de l'année 2000 et en suivant la même méthodologie que l'Autorité, que le passage à l'EIC sans CEIC avait pour conséquence, quelle que soit la part de clients remettants optimisant leur trésorerie, des pertes financières très importantes ; qu'en écartant cependant, pour dire que la banque postale n'aurait pas subi de pertes dans l'hypothèse d'un passage à l'EIC sans CEIC, partant que la preuve du caractère objectivement nécessaire de la CEIC n'était pas établie, du bilan de la banque, les coûts des CSC, aux motifs inopérants que « ces montants sont supérieurs aux coûts des prestations correspondantes », que « la société La Banque Postale doit en payer plus qu'elle n'en reçoit, ce qui a pour conséquence que le déficit lié à l'établissement des CSC accroît de manière artificielle les pertes de cette banque » et que « intégrer les CSC dans le calcul du bilan du passage à l'EIC revient à faire compenser le montant élevé de ces commissions par la CEIC », quand la Banque Postale n'avait pas d'autre choix, une fois l'accord conclu, que d'acquitter le montant de ses CSC, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 101 §. 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tel qu'interprété par le juge communautaire, ensemble l'article L. 420-1 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE 397. La société BPCE reproche à l'Autorité d'avoir refusé de prendre en compte les investissements réalisés pour le passage à l'EIC dans les bilans individuels. Elle expose que ce refus est contraire aux lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité. Elle fait valoir que l'Autorité ne pouvait se fonder sur le fait que les banques n'auraient fourni aucune évaluation des montants des investissements réalisés dans le cadre de la mise en place de l'EIC, alors qu'elle relève dans la même phrase que ce constat ne vaut qu'à l'exception des sociétés Le Crédit lyonnais, BNP Paribas, HSBC France et des Banques Populaires.

398. La cour relève toutefois que ce grief pris de la contradiction interne de la décision attaquée manque en fait. En effet, si l'Autorité a indiqué, au paragraphe 504 de la décision attaquée, que, « à l'exception de LCL (investissements totaux de [75 – 100 millions de francs], amortis dans une fourchette annuelle de [25 – 50 millions de francs] cote 36523), BNP Paribas, HSBC et des Banques Populaires », les parties n'ont fourni aucune évaluation des investissements qu'elles avaient consenti à l'occasion du passage à l'EIC, elle précise toutefois dans la suite de sa phrase que les évaluations des trois dernières, soit les sociétés BNP Paribas, HSBC France et Banques Populaires n'étaient assorties d'aucun élément justificatif.

399. C'est ensuite par une juste motivation, que la cour adopte, que l'Autorité a considéré, au paragraphe 505 de la décision attaquée, que la prise en compte des investissements ne pourrait être intégrale et devrait en tout état de cause être réduite du montant net des investissements qui auraient dû être réalisés si l'EIC ne s'était pas concrétisé. Elle a relevé de manière pertinente sur ce point que, sans passage à l'EIC, la duplication du système d'échange papier pour le besoin des chèques en euros aurait été nécessaire pendant la période de coexistence des deux monnaies, ce qui aurait été onéreux. Or, faute d'éléments justifiant le montant des investissements prétendus, cette analyse ne pouvait, et ne peut à ce jour, être réalisée. La cour relève à ce sujet qu'il n'est, en outre, pas soutenu que les pièces fournies par la société Le Crédit lyonnais auraient été suffisantes à rapporter la preuve de ses investissements ;

9) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des conclusions des parties ; que les sociétés LCL et Crédit Agricole faisaient valoir, devant la cour d'appel, que l'Autorité de la concurrence avait, de manière erronée, refusé d'intégrer, dans les coûts du passage à l'ECI les investissements effectués par les banques ; qu'elle rappelait que « la société LCL avait estimé le coût des investissements nécessaires à la mise en place de l'EIC à 87 MFRF et des économies annuelles récurrentes dans une fourchette de 31 à 46 MFRF, selon les hypothèses énoncées dans le plan marketing de LCL sur le passage à l'EIC joint en Annexe 3 au Mémoire en réponse de CASA et LCL, (cote 36673 et svts) » (conclusions, point 780) ; qu'en affirmant cependant que « faute d'éléments justifiant le montant des investissements prétendus, cette analyse ne pouvait et ne peut, à ce jour, être réalisée » et que « la cour relève, à ce sujet qu'il n'est, en outre pas soutenu que les pièces fournies par la société Le Crédit Lyonnais auraient été suffisantes à rapporter la preuve de ses investissements », la cour d'appel a dénaturé les conclusions qui lui étaient soumises violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile;

10) ALORS QU'il appartient à la cour d'appel, saisie d'un recours en réformation dirigé contre une décision de l'Autorité de la concurrence, de statuer en fait et en droit sur les éléments qui lui sont soumis ; qu'en affirmant, pour écarter le moyen tiré de l'absence de prise en compte des investissements initiaux dans le calcul des banques, que « la cour relève, à ce sujet qu'il n'est, en outre pas soutenu que les pièces fournies par la société Le Crédit Lyonnais auraient été suffisantes à rapporter la preuve de ses investissements », sans rechercher, elle-même, s'il ne ressortait pas des pièces visées dans les conclusions la preuve des investissements de la banque, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 12 du code de procédure civile ;

11) ALORS QUE la qualification de restriction accessoire suppose que la restriction en cause soit directement liée à l'opération principale, qu'elle soit objectivement nécessaire à la mise en oeuvre de cette opération et qu'elle soit proportionnée aux objectifs sous-tendant cette opération principale ; que l'exigence de proportionnalité, qui s'apprécie au regard des objectifs de l'opération principale et en tenant compte du contexte économique et juridique de cette opération, impose l'examen de l'importance matérielle, temporelle, éventuellement géographique de la restriction, en sorte que cette restriction n'excède pas ce qui est nécessaire à la réalisation de l'opération principale ; qu'en affirmant, pour retenir que l'instauration de la CEIC n'était pas proportionnée, qu' « il est impossible de caractériser une prétendue proportionnalité alors que l'étendue des pertes anticipables au jour de l'accord litigieux n'était pas connue », et que « le fait que le montant ait été fixé au terme d'un compromis entre les banques ne permet pas d'établir le caractère proportionné de la CEIC », la cour d'appel, qui a examiné la proportionnalité du montant de la commission au regard des pertes anticipables par les banques, quand il lui appartenait de rechercher si l'instauration de cette commission et ses modalités, son montant, sa durée et son caractère subsidiaire, notamment, excédaient ce qui était nécessaire à l'adoption du passage à l'ECI, a violé les dispositions de l'article 101 §. 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tel qu'interprété par le juge communautaire, ensemble l'article L. 420-1 du code de commerce ;

12) ALORS QUE le critère de proportionnalité, requis pour qu'une restriction de concurrence puisse être qualifiée de restriction accessoire d'une opération principale, qui s'apprécie au regard de l'objectif de réalisation de l'opération principale, ne se confond pas avec la condition, exigée pour qu'une restriction de concurrence prohibée soit exemptée, selon laquelle cette restriction doit être proportionnée à la réalisation des gains d'efficacité ; qu' à supposer que la cour d'appel ait, pour écarter la proportionnalité de la CEIC, partant dire que l'instauration de cette commission ne pouvait pas être qualifiée de restriction accessoire, statué par référence aux motifs de l'arrêt ayant écarté l'exemption de l'accord, la cour d'appel a encore violé, par refus d'application les articles 101 §. 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L. 420-1 du code de commerce, ensemble et par fausse application les articles 101 § 3 du même traité et L. 420-4 du même code ;

13) ALORS QUE si l'Autorité de concurrence peut, afin de réfuter le caractère accessoire d'une restriction, s'appuyer sur l'existence d'alternatives réalistes, encore fautil qu'elle établisse que ces alternatives sont effectivement moins restrictives de concurrence ; que les banques ont fait valoir, preuves à l'appui, que le montant de la CEIC, fruit d'un compromis, aboutissait à une compensation seulement transitoire et partielle des pertes de trésorerie ; qu' à supposer que la cour d'appel se soit fondée, par référence aux motifs de l'arrêt ayant écarté l'exemption de l'accord et pour dire qu'une commission proportionnelle aurait été moins restrictive de concurrence, sur la seule affirmation selon laquelle « la commission n'aurait alors bénéficié qu'aux seules entreprises qui subissaient réellement des pertes et n'aurait pas pesé excessivement sur les banques remettantes », sans rechercher, ni constater que l'alternative proposée, soit l'instauration d'une commission proportionnelle à la valeur des chèques, aurait eu effectivement un impact anticoncurrentiel plus faible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 §. 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tel qu'interprété par le juge communautaire, et L. 420-1 du code de commerce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

- Sur les restrictions accessoires (CSC) -
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les recours formés par les sociétés LCL – Le Crédit Lyonnais, Société Générale, Crédit du Nord et HSBC France à l'encontre de la décision n° 10-D-28 rendue le 20 septembre 2010 par l'Autorité de la concurrence et, statuant à l'égard du Crédit Agricole, de n'AVOIR que très partiellement réformé cette décision, en ramenant les sanctions prononcées à son encontre à hauteur de 75.800.000 euros et 760.000 euros, puis rejeté son recours pour le surplus ;

AUX MOTIFS QUE 296. Les sociétés BPCE et Le Crédit industriel et commercial ainsi que la Confédération nationale du Crédit mutuel font valoir que la décision attaquée serait entachée de contradiction en ce qu'elle admet le caractère nécessaire des CSC dans le cadre de l'examen de l'exemption, que ce soit en raison des caractéristiques même du passage à l'EIC, de l'impossibilité pratique de les négocier sur une base bilatérale ou de la nécessité de déterminer un coût fixe, mais qu'elle rejette ce caractère dans le cadre de l'analyse sur les restrictions accessoires aux motifs, d'une part, que les CSC auraient pu être instaurées sur une base bilatérale et non multilatérale et, d'autre part, que les banques auraient pu s'accorder uniquement sur des modalités de calcul de chaque CSC en fonction de paramètres variant d'une banque à l'autre.

297. Par ailleurs, l'ensemble des parties soutiennent qu'il était indispensable, pour permettre le passage à l'EIC, que les banques trouvent un accord sur les modalités de rémunération des prestations de services rendus par les banques remettantes aux banques tirées et que, dans ces conditions, l'Autorité aurait dû retenir que ces commissions constituaient des restrictions accessoires.

298. Le Ministre chargé de l'Économie expose que, sans les accords sur la CEIC et les CSC, le passage à l'EIC n'aurait pas été possible ou, tout au moins, aurait été très difficilement réalisable. Selon lui, les CSC comme la CEIC apparaissent, compte tenu de la nécessaire unanimité des banques et des résistances qui persistaient après les deux tentatives échouées « objectivement et raisonnablement nécessaires à la réalisation de l'EIC ».

299. L'Autorité dans ses observations conclut au rejet de ces critiques.

300. Au point 91 de son arrêt MasterCard e.a./Commission, précité, la Cour de justice a précisé que « lorsqu'il s'agit de déterminer si une restriction anticoncurrentielle peut échapper à la prohibition prévue à l'article 81, paragraphe 1, CE au motif qu'elle constitue l'accessoire d'une opération principale dépourvue d'un tel caractère anticoncurrentiel, il convient de rechercher si la réalisation de cette opération serait impossible en l'absence de la restriction en question. Contrairement à ce que prétendent les requérantes, le fait que ladite opération soit simplement rendue plus difficilement réalisable voire moins profitable en l'absence de la restriction en cause ne saurait être considéré comme conférant à cette restriction le caractère " objectivement nécessaire" » requis afin de pouvoir être qualifiée d'accessoire. En effet, une telle interprétation reviendrait à étendre cette notion à des restrictions qui ne sont pas strictement indispensables à la réalisation de l'opération principale. Un tel résultat porterait atteinte à l'effet utile de la prohibition prévue à l'article 81, paragraphe 1, CE (...) ».

301.Or, ainsi que l'a retenu l'Autorité dans la décision attaquée (§ 320), les CSC, commissions destinées à rémunérer les divers services liés à la dématérialisation que les banques peuvent se rendre entre elles, pourraient, sur le plan technique, être déterminées de façon bilatérale, quand bien même cette solution serait-elle très complexe et la moins efficiente économiquement. Dans ces circonstances, il est exact et conforme à la jurisprudence qui vient d'être rappelée de considérer que le passage à l'EIC n'aurait pas été impossible en l'absence de fixation des commissions multilatérales que sont les CSC. C'est donc à juste titre que l'Autorité a considéré que les moyens selon lesquels des négociations bilatérales auraient engendré des coûts de transaction importants relevaient de l'appréciation relative à l'exemption et non de celle des restrictions accessoires.

302. La cour relève sur ce point que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Le Crédit lyonnais et Crédit agricole, il n'est pas établi que le refus par une seule banque des conditions proposées par une autre aurait empêché le système de fonctionner, puisque les désaccords sur les commissions des services annexes pouvaient se résoudre par des négociations entre ces banques, lesquelles pouvaient, s'agissant de services autres que la délivrance des chèques, répercuter leurs montants sur les clients, y compris les émetteurs de chèques.

303. Il n'existe, par ailleurs, compte tenu des exigences de cette jurisprudence, pas de contradiction interne de la décision attaquée, contrairement à ce que soutiennent certaines parties, entre l'appréciation portée sur la qualification de restrictions accessoires et l'exemption des pratiques en cause. En effet, ces analyses, qui reposent sur des fondements différents, ne portent pas sur les mêmes questions. Les restrictions accessoires visent en effet à ne pas appliquer les dispositions de l'article 101, paragraphe 1 du TFUE à des pratiques qui se rattachent de manière nécessaire et proportionnée à une opération principale qui ne pourrait être réalisée sans la mise en oeuvre de la pratique en cause, tandis que l'exemption suppose que la pratique reprochée soit indispensable à l'obtention du progrès économique ou de gains d'efficacité, à savoir l'optimalisation de l'allocation des coûts entre les utilisateurs du chèque (décision attaquée § 541 à 549), et la réduction des coûts de transaction (décision attaquée § 550 à 553), permis par l'opération principale.

304. C'est ainsi sans contradiction que l'Autorité a, au paragraphe 555 de la décision attaquée, considéré que l'instauration, sur une base multilatérale, des CSC à coût fixe était nécessaire à l'obtention des gains attendus du passage à l'EIC, mais que, dans la mesure où il n'était pas démontré que des négociations bilatérales pour fixer les montants de ces commissions entre les banques étaient impossibles, ces commissions ne pouvaient être qualifiées de restrictions accessoires.

305. En effet, elle a par cela estimé, d'un côté, que l'instauration sur une base multilatérale des CSC était indispensable non pour réaliser le passage à l'EIC mais pour atteindre les gains d'efficacité économique qui en étaient attendus, et, de l'autre, que, dans la mesure où les commissions en cause auraient aussi pu être décidées dans des rapports bilatéraux, ce qui n'était pas impossible, l'EIC aurait pu aussi être réalisée sans de telles commissions, ce dont il devait être déduit que les CSC n'étaient pas nécessaires au sens de la jurisprudence relative aux restrictions accessoires.

306. Les moyens des parties sur ces points sont en conséquence rejetés ;

1) ALORS QUE la qualification de la restriction accessoire suppose que la restriction en cause soit directement liée à l'opération principale, qu'elle soit objectivement nécessaire à la mise en oeuvre de cette opération et qu'elle soit proportionnée aux objectifs de celle-ci ; que le critère de nécessité objective impose de déterminer si, dans le cadre particulier de l'opération principale et à défaut de la restriction en cause, cette opération principale risque de ne pas se réaliser ou de ne pas se poursuivre ; que la réalisation de l'EIC, qui supposait l'accord de toutes les banques, a induit la création de charges nouvelles et le transfert de charges d'ores et déjà existantes, dont le coût devait être attribué ; qu'en se bornant, pour dire que l'accord conclu entre les banques sur les CSC, préalablement à la mise en place de l'EIC, n'était pas objectivement nécessaire à la réalisation de l'EIC, à affirmer, de manière inopérante, qu' « il n'est pas établi que le refus par une seule banque des conditions proposées par une autre aurait empêché le système de fonctionner, puisque les désaccords sur les commissions des services annexes pouvaient se résoudre par des négociations entre ces banques, lesquelles pouvaient, s'agissant de services autres que la délivrance de chèques, répercuter leurs montants sur les clients, y compris les émetteurs de chèques », sans rechercher si, en l'absence d'accord préalable entre les banques sur la répartition des charges induites par l'EIC, la dématérialisation de la compensation des chèques risquait de ne pas se réaliser, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-1 du code de commerce ;

2) ALORS QUE le critère de nécessité objective, requis pour la qualification de restriction accessoire, impose de déterminer si, dans le cadre particulier de l'opération principale et à défaut de la restriction en cause, l'opération principale risque de ne pas se réaliser ou de ne pas se poursuivre ; que si, afin de réfuter le caractère objectivement nécessaire d'une restriction, il peut être recouru à une hypothèse contrefactuelle, encore faut-il que cette hypothèse constitue une alternative réaliste, permettant la réalisation, dans son contexte économique et juridique, de l'opération principale ; que la cour d'appel a constaté que les négociations visant à la réalisation de la dématérialisation de la compensation des chèques s'étaient inscrites dans le contexte de l'arrivée de l'euro au 1er janvier 2002, ce qui impliquait la réalisation effective de l'EIC, partant l'accord préalable des banques sur la répartition et le coût de la prise en charge des frais induits par l'EIC ; qu'en se bornant, pour dire que l'accord conclu entre les banques sur les CSC, préalablement à la mise en place de l'EIC, n'était pas objectivement nécessaire à la réalisation de l'EIC, à affirmer, par pure pétition que « les CSC, commissions destinées à rémunérer les divers services liés à la dématérialisation que les banques peuvent se rendre entre elles, pourraient, sur le plan technique, être déterminées de façon bilatérale, quand bien même cette solution serait-elle très complexe et la moins efficiente économiquement » et que « dans ces conditions (…) le passage à l'EIC n'aurait pas été impossible en l'absence de fixation des commissions multilatérales que sont les CSC », sans rechercher, ni constater que la fixation des commissions par des accords bilatéraux aurait été effectivement possible dans le délai imparti pour la réalisation de l'EIC avant le passage à l'euro, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 101 § 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-1 du code de commerce.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

- Sur l'exemption (CEIC) -

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les recours formés par les sociétés LCL – Le Crédit Lyonnais, Société Générale, Crédit du Nord et HSBC France à l'encontre de la décision n° 10-D-28 rendue le 20 septembre 2010 par l'Autorité de la concurrence et, statuant à l'égard du Crédit Agricole, de n'AVOIR que très partiellement réformé cette décision, en ramenant les sanctions prononcées à son encontre à hauteur de 75.800.000 euros et 760.000 euros, puis rejeté son recours pour le surplus ;

AUX MOTIFS QUE 307. Aux termes des articles L. 420-4 du code de commerce et 81, paragraphe 3, CE, les accords entre entreprises qui relèvent des articles L. 420-1 du code de commerce et 81, paragraphe 1, CE peuvent faire l'objet d'une exemption s'ils satisfont aux quatre conditions cumulatives suivantes, prévues par ces dispositions, et dont les parties doivent rapporter la preuve. L'accord doit contribuer au progrès économique, il doit être nécessaire et proportionné à la réalisation des gains d'efficacité, il doit réserver aux utilisateurs une partie équitable du profit en résultant et il ne doit pas donner aux entreprises la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.

308. Les parties ont invoqué devant l'Autorité le bénéfice de cette exemption et leurs demandes ont été rejetées par la décision attaquée en ce qui concerne la CEIC et les commissions AOCT.

309. Aux paragraphes 390 à 531 de la décision attaquée, l'Autorité, après avoir retenu que le procédé EIC constituait bien un progrès économique, a considéré que les parties ne démontraient pas que la CEIC était nécessaire à la réalisation du progrès économique constaté, d'une part, en ce qu'il n'était pas démontré qu'à la date des négociations de la CIR, l'une des banques prévoyait une perte nette liée au passage à l'EIC, d'autre part, en ce que l'instauration d'une commission fixe à la transaction n'était, en tout état de cause, pas de nature à compenser les pertes de trésorerie attendues.

310. Elle a ensuite retenu que le bilan économique du passage à l'EIC pour chacune des banques concernées confirmait cette analyse. Sur ce point, elle a estimé, en premier lieu, que l'étude menée par son service économique permettait de constater qu'aucune des banques majoritairement tirées en volume (La Banque postale, Crédit agricole, Confédération nationale du Crédit mutuel, Caisses d'Épargne) ne présentait un bilan négatif hors mécanisme de compensation, en deuxième lieu, que les deux banques présentant un bilan négatif hors mécanisme de compensation sont des banques majoritairement remettantes en volume, la mise en oeuvre du mécanisme de compensation ayant aggravé leur bilan, au lieu de l'améliorer, contrairement à ce que prétendaient les requérantes, en troisième lieu, enfin, que trois autres banques majoritairement remettantes en volume, dont le bilan aurait été positif sans le mécanisme de compensation, présentaient un bilan négatif.

311. Selon l'Autorité, les simulations effectuées par les services d'instruction corroborent les enseignements résultant de l'examen des documents de travail de la CIR, ainsi que les chiffrages des banques, et confirment que la mise en place d'une commission fixe avait des effets extrêmement variables suivant les volumes et valeurs de chèques émis et remis, avec pour conséquence de dégrader le bilan de certaines banques, dont la position résultant du passage à l'EIC, en terme d'équilibre de trésorerie, était pourtant moins favorable que leurs concurrentes, alors qu'à l'inverse, certaines banques voyaient un bilan particulièrement favorable s'améliorer encore du fait de l'instauration de la commission (décision attaquée, § 524).

312. La mise en place d'une commission fixe apparaissant dès lors incohérente au regard de l'objectif d'incitations individuelles des banques à accepter le passage à l'EIC, l'Autorité a estimé que la preuve de la nécessité de cette commission n'était pas rapportée.

313. Sur ce point, la cour relève que, contrairement à ce que soutiennent certaines parties l'Autorité n'a pas soutenu qu'il était démontré qu'aucune des banques n'établissait avoir subi de perte du fait de l'instauration de la CEIC, mais a seulement retenu que les parties ne démontraient pas qu'à la date de l'accord litigieux, soit le 3 février 2000, elles estimaient de façon suffisamment réaliste qu'elles encouraient des pertes, ce qui aurait permis d'établir que l'accord était nécessaire à la réalisation du progrès économique invoqué.

314. Contrairement à ce que soutient la société BNP Paribas, l'Autorité n'a, ainsi, pas mis en oeuvre une doctrine différente de celle appliquée par elle ou par les autorités de l'Union précédemment rappelée. Il est, par ailleurs, inopérant que l'Autorité ait, comme le relèvent plusieurs parties, contredit l'avis de la Commission bancaire, laquelle avait indiqué que la fixation des commissions était rendue nécessaire par le passage à l'EIC, dès lors qu'ainsi qu'il a déjà été précisé (paragraphe 292), l'avis de cette Commission n'est pas fondé sur une analyse de la nécessité conforme à celle qui doit être menée au regard des critères du droit de la concurrence.

315. Le fait que la CEIC ait contribué au progrès économique, en permettant la mise en place de la dématérialisation de l'encaissement des chèques, comme le fait qu'il était nécessaire que toutes les banques de la place, soient d'accord pour que le passage au nouveau système puisse de réaliser ont été reconnus par l'Autorité et ne sont pas contestés. Il n'est donc pas nécessaire d'analyser ces questions.

1. Sur le bilan global de l'instauration de la CEIC

316. Ainsi que le rappelle l'Autorité, au paragraphe 432 de la décision attaquée, il était rationnel pour chacune des banques participant aux négociations de la CIR de n'accepter le passage à l'EIC qu'à la condition qu'elle estime de manière suffisamment réaliste (souligné par la cour) ne pas subir de pertes du fait du changement. A défaut, la mise en place d'un mécanisme permettant d'indemniser ces pertes pourrait être admise, à titre transitoire, afin de donner aux établissements perdants une incitation à accepter la transition vers le nouveau système de compensation des chèques, et donc de permettre la réalisation des gains d'efficacité qui en étaient attendus. C'est la raison pour laquelle il convient de vérifier si au moment de la mise en place de l'accord litigieux, les parties ont estimé de façon suffisamment réaliste qu'elles, ou certaines d'entre elles, subiraient des pertes.

317. Il convient toutefois d'affiner le principe précédemment énoncé, car il ne vaut que pour les banques principalement tirées. En effet, l'analyse des situations des banques, dont il sera fait état dans des développements ultérieurs, peut montrer que certaines banques majoritairement remettantes pouvaient envisager subir des pertes du fait du passage à l'EIC. Toutefois, pour celles-ci et du fait de leur caractéristique de banque majoritairement remettante, la mise en place d'une commission ne pouvait qu'accroître leurs pertes. Dans ce cas, la CEIC ne pouvait avoir l'effet incitatif soutenu et le fait qu'elles aient pu subir des pertes ne démontre pas à soi seul que la CEIC était, d'une part, nécessaire, d'autre part, proportionnée.

318. Ainsi que le prévoit le point 44 des lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité, et comme le soutiennent certaines parties, le caractère nécessaire de la restriction exemptable doit être établi par les entreprises alléguant le bénéfice de l'exemption, au moyen de l'examen de circonstances concrètes du marché au moment où l'accord « s'est produit » et sur la base des faits existants à ce moment donné. Si toutes les circonstances entourant la conclusion de l'accord litigieux doivent être considérées, il n'y a pas lieu, contrairement à ce que soutient la société BPCE, de prendre en compte des éléments postérieurs à celui-ci, dès lors qu'il est uniquement soutenu que la CEIC était nécessaire pour créer l'incitation à conclure l'accord interbancaire ayant permis le passage à l'EIC. En conséquence, c'est à juste titre que l'Autorité n'a tenu compte que des éléments qui pouvaient être connus par les parties au moment de la conclusion de l'accord litigieux ainsi que des projections qu'elles pouvaient effectuer, et non des circonstances qui seraient advenues ultérieurement. Sur ce point, la cour relève que contrairement à ce que soutient la société BPCE, l'Autorité n'avait pas à renvoyer l'affaire à l'instruction à la suite des études d'experts produites par les parties et elle pouvait sans porter atteinte aux droits de la défense et au principe du contradictoire répondre aux objections de ces rapports et en tirer les conséquences qu'elle estimait fondées. À ce sujet l'analogie opérée par la société BPCE avec l'analyse effectuée par la Cour de justice dans son arrêt du 17 septembre 1985, Ford/Commission, (25/84 et 26/84), relative à une demande d'exemption par catégorie, est inopérante. II n'y a, en outre, pas lieu d'examiner si l'existence de pertes, dans la suite de la mise en oeuvre de l'accord litigieux, devait justifier octroi d'une exemption pour cette période, les parties ne le demandant pas.

319. Il s'en déduit que l'Autorité n'a commis aucune erreur de droit à ce sujet.

320. Selon les requérantes, il est incontestable que l'accélération du traitement et du paiement des chèques entraînait mécaniquement et inéluctablement une réduction du « float » du côté de la partie tirée de l'activité des banques, et donc des pertes pour les banques majoritairement tirées. S'appuyant sur le rapport des cabinets d'expertise économique des 22 octobre 2010 et 22 juillet 2016, les parties soutiennent qu'il est établi qu'au moins deux réseaux bancaires, le Crédit Agricole et La Banque postale, majoritairement tirés, allaient subir des pertes du fait de la mise en place de la CEIC.

321. Cette affirmation n'est toutefois pas démontrée. Il est certain que le passage à l'EIC devait avoir pour effet une accélération de l'encaissement des chèques, qui avait elle-même pour conséquence que les banques majoritairement tirées devaient perdre le bénéfice de la durée pendant laquelle elles gardaient ces sommes à leur disposition, dont le placement leur permettait de se rémunérer, mais cette perte du « float » n'était pas le seul effet de cette réforme, qui en comportait de nombreux autres et s'inscrivait dans une réalité plus complexe.

322. Ainsi que le rappelle l'Autorité au paragraphe 440 de la décision attaquée, le groupe de travail restreint de la CIR a défini les éléments pertinents qu'il convenait de prendre en compte pour réaliser le bilan prospectif des effets de la mise en place de l'EIC et précisé que chaque établissement devait ajouter aux éléments de perte ou de gains en termes de « float » et à ceux résultant « de ses capacités à profiter mieux ou moins bien que les autres des possibilités d'encaissements rapides offertes par le nouveau système (...) », « – les économies et surcoûts administratifs de traitement des opérations en tant que banquier remettant et en tant que banquier tiré,– les conséquences que pourraient avoir les nouvelles règles interbancaires sur les transferts potentiels de flux de clientèle (…). Ces calculs, dont on sait la part d'incertitude qu'ils comportent, sont à faire en régime de croisière en intégrant l'amortissement des surcoûts liés au passage d'un système à l'autre ».

323. Or ce n'est finalement pas la méthode qui a été appliquée par le groupe de travail restreint, qui a calculé le montant de la CEIC par le produit du montant moyen du chèque, de l'accélération du délai de règlement interbancaire prévue (1,1 à 1,6 jour ouvré) et du taux d'intérêt auquel la banque peut placer les sommes dont elle a la disposition (3 %). Ainsi, ce calcul a pris en compte les seules pertes de trésorerie de la partie tirée de l'activité des banques, non corrigées par les gains de trésorerie enregistrés sur la part remettante des banques, ni par les gains administratifs retirés de la dématérialisation des échanges.

324. Par ailleurs, et comme le relève justement l'Autorité au paragraphe 444 de la décision attaquée, il ne ressort pas des documents préparatoires à l'accord litigieux que la réalité de pertes nettes subies par certains établissements majoritairement tirés du fait du passage à l'EIC ait été débattue au cours des négociations relatives à l'instauration de la CEIC, alors que la CIR s'est contentée, pour justifier l'instauration d'une commission interbancaire, de tenir compte de la perte brute de trésorerie sur la partie tirée de l'activité des banques.

325. De plus, aucun des trois établissements (Crédit agricole, Le Crédit industriel et commercial et la Confédération nationale du Crédit mutuel) ayant réalisé en interne, au moment des négociations, des bilans du passage à l'EIC en prenant en compte, outre les pertes de trésorerie par chèque tiré, les gains de trésorerie par chèque remis, ainsi que les gains administratifs retirés du nouveau système, sans mécanisme de compensation, ne prévoyait de perte liée au passage à l'EIC (décision attaquée, § 445). Les autres banques n'ont pas produit, au cours de la procédure, de document interne faisant état d'un bilan de l'ensemble des conséquences attendues du passage à l'EIC et ne peuvent donc soutenir qu'elles pouvaient envisager, à l'époque des négociations, que le passage à l'EIC entraînerait pour elles une perte nette dont la compensation exigeait l'instauration d'une commission.

326. Enfin, c'est à juste titre que l'Autorité a relevé, dans la décision attaquée (§ 449 et suivants), que, si les banques majoritairement tirées étaient convaincues de subir des pertes du fait de la mise en place de l'EIC, il est alors incohérent et irrationnel qu'ait été mise en place une commission générale et fixe pour chaque chèque remis, déconnectée de la valeur globale des chèques qui seule aurait permis de compenser les pertes invoquées.

327. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais, cette analyse ne constitue pas un fondement accessoire, mais majeur des raisons pour lesquelles la CEIC ne peut être considérée comme nécessaire à la mise en place de l'EIC et proportionnée, le bilan économique, qui sera abordé dans les développements qui suivent, ne venant que confirmer les conclusions de l'analyse faite précédemment.

328. Contrairement encore à ce que soutiennent ces parties, l'Autorité, en relevant, au paragraphe 425 de la décision attaquée, que « (...) le passage à l'EIC dans le cadre d'une convention-cadre interbancaire ne pouvait être décidé qu'à l'unanimité des banques participant au circuit dématérialisé de traitement des chèques », n'a pas admis que l'accord litigieux en lui-même était nécessaire pour la mise en place de l'EIC, mais a reconnu qu'il était nécessaire qu'une solution unanime soit trouvée.

329. Lesdites parties reprochent à l'Autorité de s'être concentrée exclusivement sur la question de savoir si la CEIC était ou non nécessaire pour parvenir à l'accord des banques pour le passage à l'EIC, ce qui l'a conduite à apprécier de manière incorrecte la CEIC au regard de l'exemption, car elle aurait dû seulement rechercher si la création de la CEIC permettait de générer des gains d'efficacité que l'EIC n'aurait pas permis en l'absence de CEIC. Or, selon elles, la CEIC était indispensable pour réaliser l'accélération des délais d'encaissement, puisque, si cette option n'avait pas été retenue, les parties à l'accord litigieux auraient décidé le maintien de délais de règlement artificiellement longs, renonçant ainsi à l'accélération pour ne pas modifier les équilibres de trésorerie.

330. Toutefois, ce reproche est infondé. En effet, la CEIC a été invoquée par les parties comme permettant la mise en place de l'EIC, dont l'un des effets était la perte du « float » résultant de l'accélération des délais d'encaissement. Or la décision attaquée a, par l'analyse précédemment rappelée et adoptée par la cour, examiné précisément si la CEIC était nécessaire et proportionnée à la réalisation de ce progrès économique. Il n'y avait pas lieu de prendre en compte l'avantage procuré par la CEIC en comparaison de la solution alternative qu'aurait été d'adopter l'EIC en maintenant des délais d'encaissement artificiels, solution que les banques avaient elles-mêmes écartée.

331. Par ailleurs, si, comme le soutiennent ces parties, les pertes subies du fait de l'accélération des encaissements par les banques pouvaient justifier que soit mise en place une compensation, encore eût-il fallu que les banques en cause aient fait une analyse leur permettant de savoir qu'elles subiraient effectivement ces pertes. Or, ainsi qu'il a été rappelé précédemment, il n'est pas démontré qu'à la date des négociations de la CIR, l'une des banques prévoyait une perte nette liée au passage à l'EIC.

332. Il ne peut valablement être soutenu sur ce point que le « float » était la seule rémunération des banques tirées pour compenser les coûts du service d'émission dès lors que, ainsi qu'il a été précisé précédemment, cette rémunération pouvait aussi se réaliser par la voie des subventions croisées dans le cadre de la rémunération des comptes courants.

333. Par ailleurs, si la société Crédit agricole prévoyait non pas des « bénéfices », comme l'a retenu l'Autorité, mais que les conséquences de l'EIC seraient « couvertes par les gains que l'on pouvait attendre sur les traitements », cette affirmation permet néanmoins de constater que cette banque ne prévoyait pas de subir des pertes du fait de la mise en oeuvre de l'EIC et c'est, dès lors, à juste titre que la décision attaquée a retenu qu'il n'était pas démontré qu'au moment des négociations, puis de l'accord du 3 février 2000, la société Crédit agricole prévoyait de subir des pertes du fait de la mise en place de la dématérialisation de l'encaissement des chèques ;

1) ALORS QU' est exempté du principe de prohibition des accords anticoncurrentiels tout accord restrictif de concurrence qui permet des gains d'efficacité, en réserve une partie équitable du profit aux consommateurs, sans éliminer la concurrence et à la condition que la restriction soit indispensable pour atteindre ces objectifs ; que constitue une restriction indispensable, la restriction qui s'avère raisonnablement nécessaire pour faire converger les incitations des parties et assurer la réalisation des gains d'efficacité ; que la cour d'appel a constaté qu'après deux échecs des négociations entre banques sur la dématérialisation de la compensation des chèques, « les banques sont parvenues à un accord qui a été acté lors de la réunion de la CIR du 3 février 2000 », que la Banque de France « est intervenue dans le cadre des négociations de la CIR, en proposant de réduire le niveau de la CEIC ou de la limiter dans le temps », pour « trouver un compromis afin de permettre le passage à l'EIC » (arrêt, p. 5 et 6 et p.61, point 295), que le fait que « la CEIC ait contribué au progrès économique, en permettant la mise en place de la dématérialisation de l'encaissement des chèques, comme le fait qu'il était nécessaire que toutes les banques de la place, soient d'accord pour que le passage au nouveau système puisse de réaliser ont été reconnus par l'Autorité et ne sont pas contestés » (ibid, point 315) et qu' « il n'est pas contesté que, dans les faits, la CEIC a décidé les banques réticentes au passage au système de l'EIC à l'accepter finalement » (ibid, point 495) ; qu'en affirmant cependant, pour écarter le bénéfice de l'exemption, qu' « il était rationnel pour chacune des banques participant aux négociations de la CIR de n'accepter le passage à l'EIC qu'à la condition qu'elle estime de manière suffisamment réaliste (souligné par la cour) ne pas subir de pertes du fait du changement » et que « c'est la raison pour laquelle il convient de vérifier si au moment de la mise en place de l'accord litigieux, les parties ont estimé de façon suffisamment réaliste qu'elles, ou certaines d'entre elles, subiraient des pertes », quand le caractère indispensable de la restriction dépendait de la seule nécessité de la CEIC pour permettre la réalisation des gains d'efficacité générés par la dématérialisation de la compensation des chèques, la cour d'appel a ajouté aux dispositions de l'article 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en violation de ce texte et de l'article L 420-4 du code de commerce ;

2) ALORS, subsidiairement, QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des écrits qui lui sont soumis ; que le procès-verbal du comité de direction du Cedicam, (Crédit Agricole), en date du 11 juin 1999, indiquait : « les conséquences de l'organisation des images chèques dans les conditions interbancaires restent mesurées et sont couvertes par les gains que l'on peut attendre sur les traitements. Par contre, les modifications induites sur les relations avec la clientèle sont très importantes. Il faut essayer de les minimiser » et le procès-verbal du comité de direction du Cedicam en date du 8 décembre 1999 mentionnait « pour le Crédit Agricole, le seul équilibre des relations interbancaires serait atteint avec une commission de 18 centimes. Toutefois, compte tenu des difficultés qu'il y aura de répercuter sur les clients tant remettants que tireurs l'incidence des dates de valeur, il y a lieu de rechercher une commission d'un montant plus élevé » ; qu'en affirmant cependant qu' « aucun des trois établissements (Crédit agricole, Le Crédit industriel et commercial et la Confédération nationale du Crédit mutuel) ayant réalisé en interne, au moment des négociations, des bilans du passage à l'EIC en prenant en compte, outre les pertes de trésorerie par chèque tiré, les gains de trésorerie par chèque remis, ainsi que les gains administratifs retirés du nouveau système, sans mécanisme de compensation, ne prévoyait de perte liée au passage à l'EIC », qu' « ainsi qu'il a été rappelé précédemment, il n'est pas démontré qu'à la date des négociations de la CIR, l'une des banques prévoyait une perte nette liée au passage à l'EIC » et que « si la société Crédit agricole prévoyait non pas des « bénéfices », comme l'a retenu l'Autorité, mais que les conséquences de l'EIC seraient « couvertes par les gains que l'on pouvait attendre sur les traitements », cette affirmation permet néanmoins de constater que cette banque ne prévoyait pas de subir des pertes du fait de la mise en oeuvre de l'EIC », la cour d'appel a dénaturé ces procès-verbaux, en violation du principe selon lequel le juge ne peut pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;

ET AUX MOTIFS QUE Sur les bilans individuels,

340. Afin de conforter les conclusions de son analyse précédemment validée, l'Autorité a examiné le bilan individuel des conséquences de l'instauration de l'EIC pour les banques, réalisé par les services d'instruction.

341. Elle a défini pour ce faire une méthodologie consistant à établir la différence entre, d'une part, la perte moyenne de trésorerie par chèque tiré (décision attaquée, § 478 à 495), d'autre part, le gain de trésorerie moyen par chèque remis (décision attaquée, § 496 à 501), différence corrigée par les gains administratifs générés par le passage à l'EIC ainsi que les investissements nécessaires à la mise en place du nouveau système.

342. La perte moyenne correspond, pour chaque banque, au produit du montant moyen des chèques tirés dont elle a été privée aux fins de placement pour son propre compte (T), de la durée de l'accélération du règlement interbancaire (A, exprimée en jours ouvrés) et, partant, du débit des chèques sur les comptes des émetteurs, multiplié par le taux d'intérêt (i) auquel elle pouvait placer ces sommes à son profit. Symétriquement, le gain de trésorerie moyen par chèque remis correspond, pour chaque banque, au produit du montant moyen des chèques remis dont elle a bénéficié aux fins de placement pour son propre compte (R), de la durée de l'accélération du règlement interbancaire et, partant, du crédit des chèques sur les comptes des bénéficiaires (A, exprimée en jours ouvrés), multiplié par le taux d'intérêt journalier auquel elle pouvait placer ces sommes à son profit (i).

343. L'Autorité a ensuite procédé à l'étude de l'impact de l'accélération des échanges interbancaires au paragraphe 514 de la décision attaquée, en retenant les hypothèses d'accélération du règlement interbancaire de 1,4 jour ouvré, c'est-à-dire l'estimation moyenne retenue par la CIR, d'une proportion de particuliers à découvert de 5 %, et d'une part (en valeur) des entreprises optimisant leur trésorerie à l'émission et à la remise de 25 %.

344. Au paragraphe 519 de la décision attaquée, elle a tenu compte de l'argument présenté par les banques selon lequel le nombre d'entreprises optimisant leur trésorerie à l'émission est plus faible que celui des entreprises optimisant leur trésorerie à la remise dès lors, notamment, que la population des entreprises remettantes est différente de celle des entreprises tirées, et comprend notamment les entreprises de la grande distribution, qui disposent généralement d'un service de gestion de trésorerie. Elle a donc réalisé un autre bilan en retenant les mêmes hypothèses que celui du paragraphe 514, excepté la part (en valeur) des entreprises optimisant leur trésorerie à l'émission et la part (en valeur) des entreprises optimisant leur trésorerie à la remise, évaluées dans cette nouvelle estimation respectivement à 10 % et 40 %.

345. Les parties ne contestent pas la méthodologie appliquée mais les données qui ont été retenues par l'Autorité. Elles fondent leurs critiques sur deux rapports de cabinets d'expertise des 22 octobre 2010 et 25 juillet 2016, qu'elles produisent.

346. La cour rappelle, à titre liminaire, qu'il appartient aux parties de rapporter la preuve que les conditions du bénéfice de l'exemption sont remplies et qu'en l'espèce il leur incombe de démontrer qu'au moins l'une d'entre elles pouvait de manière suffisamment réaliste estimer que la mise en oeuvre de l'EIC lui causerait des pertes. À cet égard, il est insuffisant que, comme le relèvent le Ministre chargé de l'Économie et le ministère public, les conclusions de l'analyse de l'expert économiste des parties « ne paraissent pas permettre, en l'état des éléments du dossier, d'exclure la potentialité de pertes qui auraient été subies par la Banque Postale et le Crédit Agricole sans l'instauration de l'EIC ».

347. Les parties contestent de nombreuses données retenues par l'Autorité. Elles font valoir que celle-ci n'a pas retenu les mêmes éléments chiffrés que les rapporteurs, puis les a ensuite modifiés dans ses observations devant la cour, toujours en défaveur des parties et au prix d'incohérences. Toutes soutiennent que la décision attaquée n'utilise pas de données cohérentes temporellement, et qu'en appliquant des données cohérentes rétablies par leur expert à la méthode décrite aux paragraphe 514 et 519 de la décision attaquée, le bilan de certaines banques serait négatif au passage de l'EIC sans CEIC.

Sur les données retenues

348. S'agissant des paramètres analysés, la Société générale expose que l'Autorité ne pouvait, ainsi qu'elle a fait, conduire son appréciation en corrigeant les éléments que les parties ont utilisés dans leur analyse préalable à l'accord litigieux, car seuls ceux-ci ont déterminé le choix des banques.

349. Ce moyen doit être rejeté, car, si la recherche du caractère effectivement incitatif de la CEIC pour la réalisation du progrès économique que constitue l'EIC doit être menée au regard des seuls éléments dont les banques avaient connaissance au moment où elles ont pris la décision de créer la CEIC, encore faut-il que ces éléments aient pu les conduire à une appréciation légitime et suffisamment réaliste. C'est donc à juste titre que l'Autorité, sous le contrôle de la cour d'appel, a corrigé certaines des hypothèses retenues dans l'appréciation des banques, lorsqu'elle estimait que celles-ci étaient erronées ou incomplètes au regard de ce que devaient comprendre ces bilans.

350. Il est justement précisé, au paragraphe 477 de la décision attaquée, que l'établissement des bilans individuels nécessite la prise en compte de données contemporaines de l'époque des négociations afin de mesurer la réalité des incitations au moment de la conclusion de l'accord litigieux. L'Autorité a indiqué, à ce sujet, dans le même paragraphe, que, pour effectuer les simulations, elle s'est fondée sur les données communiquées par les banques en cause ou, à défaut, a utilisé les données les plus proches de l'année 1999/2000. Elle ajoute qu'en cas d'absence de communication de données, elle a réalisé les bilans sur la base de plusieurs hypothèses. En pratique et dans ce contexte, l'Autorité a retenu, pour le calcul des hypothèses des paragraphes 514 et 519 de la décision attaquée, notamment, des volumes de chèques relatifs à l'année 2002 et, pour effectuer son appréciation sur des données homogènes avec les volumes, des montants moyens datant de l'année la plus proche de 2000, corrigée de l'inflation (décision attaquée, page 99, note de bas de page 28).

351. Ces choix sont critiqués par les parties, qui affirment que, pour les banques Crédit Agricole et La Banque Postale, il existait des données cohérentes temporellement (1998, ou 2000 ou 2002), et que, si les données communiquées avaient été retenues, les résultats des bilans individuels de ces deux banques auraient démontré que celles-ci devaient subir des pertes au passage à l'EIC (selon la méthode décrite aux paragraphes 514 et 519 de la décision attaquée).

352. De façon générale, s'il est exact que la cohérence temporelle des données est indispensable pour la pertinence d'analyses telles que celles auxquelles a procédé l'Autorité, ilne peut toutefois lui être reproché d'avoir conduit ses analyses, lorsque les banques en cause ne pouvaient (ou ne souhaitaient) pas transmettre les données pertinentes, en procédant à des projections et des estimations sur la base des données les plus proches temporellement des données communiquées par les parties. Tel a été le cas des sociétés BNP Paribas, Crédit Agricole, Le Crédit Lyonnais et Société générale ainsi que de la Confédération nationale du Crédit mutuel, auxquelles les rapporteurs ont proposé, à défaut de données contemporaines des pratiques, qu'elles leur transmettent les valeurs les plus récentes. À ce sujet, la cour relève que toutes les projections utilisées dans la décision attaquée ont été connues des parties et soumises au contradictoire.

353. Par ailleurs, la cour précise que les constats et contestations fondés sur des données de 2002 sont inopérants, dès lors qu'ils s'appuient sur des données postérieures aux pratiques et qui ne pouvaient donc être connues des parties au moment de l'accord litigieux. Il est sans portée sur ce point que l'année 2002 ait été l'année du passage à l'EIC, puisque c'est le 3 février 2000 qu'a été prise la décision et qu'a été constituée la pratique d'entente prohibée.

354. Par ailleurs, il ne peut être reproché à l'Autorité d'avoir retenu, dans la décision attaquée, des données différentes de celles utilisées par les rapporteurs ou le service économique dans leurs rapports préalables à la séance ou lors de la séance, qui étaient contestées par les parties et que l'Autorité a, en conséquence des observations de ces dernières, corrigées par d'autres données contenues dans le dossier. Il ne peut non plus lui être fait grief de présenter des observations qui invoquent des données différentes de celles précédemment retenues dans la décision attaquée pour répondre aux critiques des parties. La cour relève, à ce sujet, que tous les éléments utilisés par les parties et par l'Autorité ont été contradictoirement débattus tant à l'écrit, dans les conclusions et les observations, qu'à l'oral, lors de l'audience.

355. S'agissant plus précisément des bilans des sociétés Crédit agricole et La Banque postale invoqués par les parties, la cour relève que les conclusions de l'expert économique des parties, qui se fondent sur des données corrigées pour rétablir une cohérence temporelle dans la mesure où ces deux banques avaient transmis des données utilisables antérieures à l'année 2000, ne permettent néanmoins pas de conclure que ces deux banques pouvaient de manière suffisamment réaliste envisager qu'elles subiraient des pertes. En effet, les motifs qui seront exposés ci-dessous, conduisent à écarter soit certaines données, soit certaines conclusions retenues par l'expert, faute de pertinence pour la recherche effectuée (arrêt, points 340 à 355).

3) ALORS, en tout état de cause, QUE constitue une restriction indispensable, justifiant le bénéfice de l'exemption, la restriction qui s'avère raisonnablement nécessaire pour faire converger les incitations des parties et assurer la réalisation des gains d'efficacité ; que l'évaluation de l'accord restrictif s'effectue dans le cadre réel où il se produit, à la lumière des circonstances propres à l'affaire, en tenant compte de l'ensemble des éléments du contexte y compris les données postérieures à sa conclusion ; que ce n'est que dans l'hypothèse où l'accord restrictif est irréversible qu'il ne peut être apprécié que sur la base des faits de l'époque de sa mise en oeuvre ; qu'en affirmant cependant, pour procéder à l'évaluation de l'accord, qu' « il n'y a pas lieu, contrairement à ce que soutient la société BPCE, de prendre en compte des éléments postérieurs à celui-ci, dès lors qu'il est uniquement soutenu que la CEIC était nécessaire pour créer l'incitation à conclure l'accord interbancaire ayant permis le passage à l'EIC », qu'« en conséquence, c'est à juste titre que l'Autorité n'a tenu compte que des éléments qui pouvaient être connus par les parties au moment de la conclusion de l'accord litigieux ainsi que des projections qu'elles pouvaient effectuer, et non des circonstances qui seraient advenues ultérieurement » et que « les constats et contestations fondés sur des données de 2002 sont inopérants, dès lors qu'ils s'appuient sur des données postérieures aux pratiques et qui ne pouvaient donc être connues des parties au moment de l'accord litigieux » (arrêt, points 318 et 353), quand l'accord instaurant la CEIC n'était pas irréversible, la cour d'appel a violé les articles 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-4 du code de commerce ;

4) ALORS, en tout état de cause, QUE constitue une restriction indispensable, justifiant le bénéfice de l'exemption, la restriction qui s'avère raisonnablement nécessaire pour faire converger les incitations des parties et assurer la réalisation des gains d'efficacité ; que l'évaluation de l'accord restrictif s'effectue dans le cadre réel où il se produit, à la lumière des circonstances propres à l'affaire, en tenant compte de l'ensemble des éléments du contexte y compris les données postérieures à sa conclusion dans leurs conclusions, les banques, qui demandaient la réformation de la décision ayant prononcé à leur encontre une sanction, ont fait valoir que la mise en oeuvre de la dématérialisation de la compensation des chèques sans la compensation instaurée par la CEIC avait généré pour le Crédit Agricole, la Banque Postale et les Caisses d'Epargne des pertes globales s'étalant dans le temps ; qu'en se fondant, pour écarter les constatations de pertes établies sur des données postérieures à la date de conclusion de l'accord restrictif, partant pour écarter le caractère indispensable de la restriction, nécessaire pour faire converger les incitations des parties, sur le constat inopérant selon lequel « il est uniquement soutenu que laCEIC était nécessaire pour créer l'incitation à conclure l'accord interbancaire ayant permis le passage à l'EIC » et qu' « II n'y a, en outre, pas lieu d'examiner si l'existence de pertes, dans la suite de la mise en oeuvre de l'accord litigieux, devait justifier l'octroi d'une exemption pour cette période, les parties ne le demandant pas » (arrêt, point 318), quand l'existence de pertes, établie sur le fondement des données contemporaines à la mise en oeuvre effective de l'EIC était de nature à établir le caractère légitime et raisonnable des anticipations de pertes de certaines banques, partant le caractère indispensable de la restriction permettant de faire converger les incitations des parties et d'assurer la réalisation des gains d'efficacité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-4 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE 363. Plusieurs parties contestent le refus de l'Autorité de prendre en compte, dans son appréciation des bilans prévisionnels réalisés par les banques, les pertes éventuelles de la société Crédit agricole liées à la disparition des dates de valeur (décision attaquée, § 443). Les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais exposent sur ce point que la jurisprudence de la Cour de cassation n'admet la légitimité des dates de valeur qu'au regard de la justification que constitue les délais d'encaissement. Elles rappellent que le législateur a fixé, à l'article L. 131- 1-1 du code monétaire et financier, la date de valeur d'une opération de paiement par chèque libellé en euros en précisant que « la date de valeur d'une opération de paiement par chèque libellée en euros ne peut différer de plus d'un jour ouvré la date retenue pour sa comptabilisation sur un compte de dépôts ou sur un compte de paiement ». Selon elles, la société Crédit agricole était donc fondée à considérer les pertes liées au passage à l'EIC en prenant en compte celles engendrées par la disparition des dates de valeur.

364. Cependant, les dates de valeur, ou jours de banque, se définissent comme le délai entre le mouvement du compte de la banque et le mouvement du compte du client. Ce mécanisme, qui consiste dans l'application d'un décalage temporel entre le moment ou une banque encaisse (ou décaisse) le montant d'un chèque et celui où elle crédite (ou débite) le compte de son client, relève donc de la seule volonté de chaque banque et des relations contractuelles qu'elle a nouées avec sa clientèle. C'est donc à juste titre que l'Autorité a, au paragraphe 443 de la décision attaquée, considéré que cette pratique, « qui relève du libre choix commercial des banques », est indépendante de la vitesse des échanges interbancaires et que sa disparition, qui n'est d'ailleurs pas démontrée, ne constitue pas une conséquence de l'accord pour le passage à l'EIC. La jurisprudence et le texte cités par les parties et rappelés ci-dessus, qui ne concernent que la mesure dans laquelle est admise la pratique des dates de valeur, sont sans portée sur le bien-fondé de l'analyse de l'Autorité sur ce point, dès lors que la pratique des dates de valeur est demeurée en dépit de cette jurisprudence.

365. Les moyens sont en conséquence rejetés ;

5) ALORS QUE les banques ne peuvent différer les dates de crédit ou de débit de leurs clients au-delà des délais techniquement nécessaires pour le dénouement de l'opération de paiement ; qu'en affirmant cependant, pour écarter les prévisions de pertes du Crédit Agricole, que « Ce mécanisme, qui consiste dans l'application d'un décalage temporel entre le moment ou une banque encaisse (ou décaisse) le montant d'un chèque et celui où elle crédite (ou débite) le compte de son client, relève donc de la seule volonté de chaque banque et des relations contractuelles qu'elle a nouées avec sa clientèle », que « C'est donc à juste titre que l'Autorité a, au paragraphe 443 de la décision attaquée, considéré que cette pratique, « qui relève du libre choix commercial des banques », est indépendante de la vitesse des échanges interbancaire et que sa disparition, qui n'est d'ailleurs pas démontrée, ne constitue pas une conséquence de l'accord pour le passage à l'EIC » et que « La jurisprudence et le texte cités par les parties et rappelés ci-dessus, qui ne concernent que la mesure dans laquelle est admise la pratique des dates de valeur, sont sans portée sur le bien-fondé de l'analyse de l'Autorité sur ce point, dès lors que la pratique des dates de valeur est demeurée en dépit de cette jurisprudence », (arrêt, point 364), la cour d'appel a violé les articles 1131 du code civil, dans sa rédaction alors applicable, ensemble et par refus d'application 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-4 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE 356. Les parties renvoient à l'étude économique de leur expert économiste, qui démontrerait qu'au moins une banque, la société Crédit agricole, aurait eu un bilan négatif, en utilisant les données de 1998, de 2000 ou de 2002.

357. Elles font valoir que, sur la base de données temporellement cohérentes et tout en conservant les autres hypothèses utilisées par l'Autorité, cette étude démontre que, sans CEIC, la société Crédit agricole aurait subi des pertes annuelles de 0,5 million d'euros (sur la base des données de 1998 et des hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée), de 0,9 million d'euros (sur la base des données de 2000 et des hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée) et de 2,4 millions d'euros (sur la base des données de 2002 et des hypothèses du paragraphe 514 de la décision attaquée) ou de 8,1 millions d'euros (sur la base des données de 2002 et des hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée).

358. L'objection des parties n'est pas fondée. En effet, il ressort des chiffrages de l'expert des parties que l'application des paramètres du paragraphe 514 de la décision attaquée aboutit à un résultat positif de l'application de l'EIC sans CEIC (point 30 page 11 du rapport du 22 octobre 2010). Ce n'est que dans le cadre des hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée, c'est-à-dire de données corrigées pour modifier les parts en valeur des entreprises optimisant leur trésorerie à l'émission et des entreprises optimisant leur trésorerie à la remise, que le bilan devient alors négatif de moins d'un million d'euros. Or cette réserve doit encore être relativisée.

359. En effet, ainsi que le fait observer l'Autorité, les hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée retiennent une valeur d'accélération de 1,4 jour ouvré qui est probablement surévaluée puisque ne prenant pas en compte une catégorie de remettants dont les chèques encaissés ont vu leur règlement interbancaire avancer plus faiblement que la moyenne retenue. Ces remettants sont en particulier les grands remettants qui, avant le passage à l'EIC, avaient mis en place une organisation leur permettant de présenter les chèques en compensation dès le lendemain de leur présentation et de réduire au maximum le délai d'encaissement. Pour ces derniers, le seul facteur d'accélération se trouvait être la réduction de l'écart entre compensation et règlement interbancaire pour les chèques anciennement hors place. Or, si, ainsi que le précise l'Autorité dans la note de son service économique du 2 mai 2016, on applique aux paramètres du paragraphe 519 de la décision attaquée une valeur d'accélération de 1,2 jour ouvré (au lieu de 1,4) le bilan pour la société Crédit agricole, corrigé par les données de l'expertise des parties, est positif pour cette banque.

360. La critique des parties sur cette modification de la valeur d'accélération, qui reproche à l'Autorité de modifier les paramètres de calcul de façon arbitraire, afin de défendre coûte que coûte ses conclusions, n'est pas fondée. À ce sujet la cour observe que cette question de la surévaluation était déjà évoquée aux paragraphes 491 et 492 de la décision attaquée, qui précisent que « l'accélération du règlement interbancaire a été initialement évaluée entre 1,1 et 1,6 jour ouvré par le groupe de travail restreint de la CIR (cote 924), cette estimation est probablement surévaluée car elle ne prend pas en compte l'existence d'une catégorie de grands remettants, encaissant d'importants volumes de chèques, qui ont bénéficié de l'accélération du règlement interbancaire principalement pour la compensation des chèques " hors place " (cf. point 81) (...) », et que les études économiques des parties des 26 mai 2008 et 30 octobre 2009 se fondaient sur l'hypothèse d'une accélération de 1,2 jour ouvré. L'Autorité a encore indiqué dans la décision attaquée que, sur ce point, plusieurs hypothèses seraient testées ce qu'elle a fait, notamment au paragraphe 516, dans le cadre duquel elle précise que le bilan de la méthode du paragraphe 514, qui fait apparaître qu'aucune banque ne devait subir de pertes du fait du passage à l'EIC sans CEIC, est identique si l'on applique une accélération de l,2 jour ouvré au lieu de 1,4.

361. Il s'en déduit que l'Autorité avait, dans la décision attaquée, bien envisagé que l'accélération de 1,2 jour ouvré puisse être plus pertinente que celle de 1,4 retenue initialement pour le bénéfice des parties et il ne saurait lui être fait grief de modifier les paramètres de son appréciation pour soutenir la décision attaquée. En outre, l'application, aux hypothèses du paragraphe 519 de la décision attaquée, des données corrigées par l'étude de l'expert des parties d'une accélération de 1,2 jour ouvré du règlement interbancaire au lieu de 1,4 conduit effectivement et de façon justifiée à constater un bilan positif de l'EIC sans CEIC pour la société Crédit agricole.

362. Dans ces circonstances, et compte tenu de ce qui vient d'être observé, il n'est pas démontré que la société Crédit agricole pouvait envisager de manière suffisamment réaliste qu'elle subirait des pertes du fait du passage à l'EIC ;

6) ALORS, en tout état de cause, QUE la cour d'appel a retenu que la preuve du caractère indispensable de la CEIC à la mise en place de l'EIC imposait que soit établi que certaines banques pouvaient raisonnablement envisager que l'opération principale leur causerait des pertes ; que, dans sa décision, l'Autorité de la concurrence a établi des bilans individuels des banques fondés, notamment, sur une accélération des délai de règlement interbancaire de 1,4 jour, qui était celle retenue par la commission interbancaire, (CIR), lors des négociations de l'accord, et en envisageant deux hypothèses possibles, selon qu'était retenue une part (en valeur) des entreprises optimisant leur trésorerie à l'émission et à la remise de 25 %, (hypothèse du § 514) ou selon qu'était retenue une part (en valeur) des entreprises optimisant leur trésorerie de 10 % à l'émission et de 40 % à la remise, (hypothèse du § 519) ; qu'après avoir démontré que les bilans individuels, mentionnés dans la décision entreprise pour dire que le passage à l'EIC n'avait généré aucune perte, étaient erronés pour être fondés sur des données temporellement incohérentes, les banques ont établi que, même en adoptant la méthodologie utilisée par l'Autorité de la concurrence dans sa décision, le passage à l'EIC générait des pertes pour la banque Crédit Agricole dans l'hypothèse, retenue par l'Autorité au § 519 de sa décision, que l'on se fonde sur les données de l' année 1998 ou de l'année 2000 ; que la cour d'appel a elle-même constaté que le bilan du Crédit Agricole était négatif « dans le cadre des hypothèses du paragraphe 519 de la décision » (arrêt, point 358) ; qu'en écartant cependant, pour dire que la preuve du caractère indispensable de la CEIC n'était pas rapportée, le bilan individuel de la banque Crédit Agricole établissant les pertes, aux motifs inopérants que le délai d'accélération du règlement interbancaire, de 1,4 jour était « probablement surévalué » et que si on applique un délai d'accélération d'1,2 jour, le bilan devient alors positif, quand cette circonstance n'était pas de nature à venir modifier le caractère « raisonnable » du délai de 1,4 jour ouvré, estimé par la CIR lors des négociations de l'accord et retenu par l'Autorité dans sa décision, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-4 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE 369. Les parties soutiennent que le calcul des gains administratifs de la société La Banque Postale par l'Autorité est erroné et qu'en utilisant les données que cette banque avait fournies lors de l'instruction, son bilan du passage à l'EIC sans CEIC était négatif. Elles s'appuient sur l'étude du cabinet d'expertise du 22 octobre 2010, qui indique, au point 37, qu'en appliquant les données fournies par la société La Banque postale à la méthode de l'Autorité décrite aux paragraphes 514 et 519 de la décision attaquée le bilan aurait été négatif.

370. Le service économique de l'Autorité, aux points 44 à 46 de sa note du 2 mai 2016, jointe aux observations, soutient que les chiffres utilisés dans la décision attaquée concernant la société La Banque postale sont issus des données internes de celle-ci que l'Autorité a dû retraiter, car les données transmises tiennent compte de deux paramètres, d'une part, les économies dans le traitement standard des chèques, d'autre part, les transferts de charges du fait de la non-circulation physique du chèque (à l'origine des CSC), lesquelles n'auraient pas dû y figurer.

371. Il n'est pas sérieusement contesté que, ainsi qu'il est observé aux points 45 et suivants de la note du service économique de l'Autorité du 2 mai 2016, les montants fixés pour les CSC sont, pour la société La Banque postale, supérieurs aux coûts des prestations correspondantes. Ainsi, par exemple, s'agissant des chèques impayés, la commission est de 30 % supérieure aux coûts (l'extraction des impayés et l'établissement des avis et attestation de rejet coûtait à la société La Banque postale environ 15,3 francs par impayé, tandis que le niveau de CSC correspondante était de 20 francs), ou encore la commission pour chèques circulants a été surévaluée de façon à être dissuasive (décision attaquée, § 586). Or la société La Banque Postale doit en payer plus qu'elle n'en reçoit, ce qui a pour conséquence que le déficit lié à l'établissement des CSC accroît de manière artificielle les pertes de cette banque. Dans cette situation, intégrer les CSC dans le calcul du bilan du passage à l'EIC revient à faire compenser le montant élevé de ces commissions par la CEIC et, ainsi que le soutient à juste titre l'Autorité dans la note de son service économique, il ne serait pas justifié d'instaurer un mécanisme tel que la CEIC, dont l'objectif n'est que de compenser les pertes de trésorerie générées par la perte du « float », pour remédier au niveau trop élevé des CSC pour les banques majoritairement tirées. Sur ce point, le fait que les CSC aient, à l'exception des commissions AOCT, été considérées comme proportionnées à leur coût moyen et au progrès économique qu'elles ont permis, est sans portée sur le constat d'une éventuelle surévaluation par rapport à leurs coûts réels. C'est en conséquence à juste titre que l'Autorité a refusé de prendre en compte les CSC dans le calcul des bilans individuels des banques, et notamment de la société La Banque postale, pour déterminer la nécessité de la CEIC. Les moyens développés sur ce point doivent donc être rejetés (arrêt, points 369 à 371).

7) ALORS QUE quel que soit le contexte ou le but dans lequel il est recouru à une hypothèse contrefactuelle, il importe que cette hypothèse soit appropriée à la question qu'elle est censée éclairer et que le postulat sur lequel elle repose ne soit pas irréaliste ; que la cour d'appel a retenu que la preuve du caractère indispensable de la CEIC à la mise en place de l'EIC imposait que soit démontré que « les banques ou au moins certaines d'entre elles, pouvaient raisonnablement envisager que l'opération principale leur causerait des pertes » ; que la Banque Postale, qui avait effectué un bilan des coûts et gains administratifs du passage à l'EIC, a établi, sur la base des données de l'année 2000 et en suivant la même méthodologie que l'Autorité, que le passage à l'EIC sans CEIC avait pour conséquence, quelle que soit la part de clients remettants optimisant leur trésorerie, des pertes financières très importantes ; qu'en écartant cependant, pour dire que la Banque Postale n'aurait pas subi de pertes dans l'hypothèse d'un passage à l'EIC sans CEIC, partant que la preuve du caractère indispensable de la CEIC n'était pas établie, du bilan de la banque, les coûts des CSC, aux motifs inopérants que « ces montants sont supérieurs aux coûts des prestations correspondantes », que « la société La Banque Postale doit en payer plus qu'elle n'en reçoit, ce qui a pour conséquence que le déficit lié à l'établissement des CSC accroît de manière artificielle les pertes de cette banque » et que « intégrer les CSC dans le calcul du bilan du passage à l'EIC revient à faire compenser le montant élevé de ces commissions par la CEIC », quand la Banque Postale n'avait pas d'autre choix, une fois l'accord conclu, que d'acquitter le montant de ses CSC, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tel qu'interprété par le juge communautaire, ensemble l'article L 420-4 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE 397. La société BPCE reproche à l'Autorité d'avoir refusé de prendre en compte les investissements réalisés pour le passage à l'EIC dans les bilans individuels. Elle expose que ce refus est contraire aux lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité. Elle fait valoir que l'Autorité ne pouvait se fonder sur le fait que les banques n'auraient fourni aucune évaluation des montants des investissements réalisés dans le cadre de la mise en place de l'EIC, alors qu'elle relève dans la même phrase que ce constat ne vaut qu'à l'exception des sociétés Le Crédit lyonnais, BNP Paribas, HSBC France et des Banques Populaires.

398. La cour relève toutefois que ce grief pris de la contradiction interne de la décision attaquée manque en fait. En effet, si l'Autorité a indiqué, au paragraphe 504 de la décision attaquée, que, « à l'exception de LCL (investissements totaux de 75 – 100 millions de francs, amortis dans une fourchette annuelle de 25 – 50 millions de francs, cote 36523), BNP Paribas, HSBC et des Banques Populaires », les parties n'ont fourni aucune évaluation des investissements qu'elles avaient consenti à l'occasion du passage à l'EIC, elle précise toutefois dans la suite de sa phrase que les évaluations des trois dernières, soit les sociétés BNP Paribas, HSBC France et Banques Populaires n'étaient assorties d'aucun élément justificatif.

399. C'est ensuite par une juste motivation, que la cour adopte, que l'Autorité a considéré, au paragraphe 505 de la décision attaquée, que la prise en compte des investissements ne pourrait être intégrale et devrait en tout état de cause être réduite du montant net des investissements qui auraient dû être réalisés si l'EIC ne s'était pas concrétisé. Elle a relevé de manière pertinente sur ce point que, sans passage à l'EIC, la duplication du système d'échange papier pour le besoin des chèques en euros aurait été nécessaire pendant la période de coexistence des deux monnaies, ce qui aurait été onéreux. Or, faute d'éléments justifiant le montant des investissements prétendus, cette analyse ne pouvait, et ne peut à ce jour, être réalisée. La cour relève à ce sujet qu'il n'est, en outre, pas soutenu que les pièces fournies par la société Le Crédit lyonnais auraient été suffisantes à rapporter la preuve de ses investissements (arrêt, points 397 à 399).

8) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des conclusions des parties ; que les sociétés LCL et Crédit Agricole faisaient valoir, devant la cour d'appel, que l'Autorité de la concurrence avait, de manière erronée, refusé d'intégrer, dans les coûts du passage à l'ECI les investissements effectués par les banques ; qu'elles rappelaient que « la société LCL avait estimé le coût des investissements nécessaires à la mise en place de l'EIC à 87 MFRF et des économies annuelles récurrentes dans une fourchette de 31 à 46 MFRF, selon les hypothèses énoncées dans le plan marketing de LCL sur le passage à l'EIC joint en Annexe 3 au Mémoire en réponse de CASA et LCL, (cote 36673 et svts) » (conclusions, point 780) ; qu'en affirmant cependant que « faute d'éléments justifiant le montant des investissements prétendus, cette analyse ne pouvait et ne peut, à ce jour, être réalisée » et que « la cour relève, à ce sujet qu'il n'est, en outre pas soutenu que les pièces fournies par la société Le Crédit Lyonnais auraient été suffisantes à rapporter la preuve de ses investissements », la cour d'appel a dénaturé les conclusions qui lui étaient soumises, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

9) ALORS QU' il appartient à la cour d'appel, saisie d'un recours en réformation de la décision entreprise, de statuer en fait et en droit sur les éléments qui lui sont soumis ; qu'en affirmant, pour écarter le moyen tiré de l'absence de prise en compte des investissements initiaux dans le calcul des banques, que « la cour relève, à ce sujet qu'il n'est, en outre pas soutenu que les pièces fournies par la société Le Crédit Lyonnais auraient été suffisantes à rapporter la preuve de ses investissements », sans rechercher, elle-même, s'il ne ressortait pas des pièces visées dans les conclusions la preuve des investissements de la banque, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 12 du code de procédure civile ;

10) ALORS QUE constitue une restriction indispensable, justifiant le bénéfice de l'exemption, la restriction qui s'avère raisonnablement nécessaire pour faire converger les incitations des parties et assurer la réalisation des gains d'efficacité ; que l'appréciation de l'existence d'un autre moyen économiquement réalisable et moins restrictif, partant du caractère indispensable ou non de la restriction, doit être effectuée, de manière réaliste, en prenant en compte l'ensemble des circonstances du cadre réel dans lequel l'accord restrictif est conclu ; que les banques qui rappelaient que, par deux fois les négociations sur la dématérialisation de la compensation des chèques avaient échoué, faisaient valoir que l'instauration, à titre transitoire, d'une commission compensatoire d'un montant fixe était le fruit d'un compromis, trouvé sous l'égide de la Banque de France qui, seul, avait permis d'obtenir l'unanimité requise pour la réalisation de l'EIC et des gains économiques générés en conséquence ; qu'elles observaient que la plupart des banques, qui ne disposaient pas de toutes les données permettant de chiffrer l'impact exact, pour chacune d'entre elles, du passage à l'EIC et qui refusaient l'assujetissement à la TVA ne voulaient pas d'une commission proportionnelle et que certaines des banques, entendaient subordonner leur accord à une compensation d'un montant plus élevé, (cf. notamment, conclusions de la banque BNP Paribas, points 491 et s. ; conclusions de la banque BPCE, points 461 et s. ; conclusions des banques Crédit Agricole et Le Crédit Lyonnais, points 826 et s.) ; qu'en se bornant, pour dire que l'instauration de la CEIC n'était pas nécessaire pour permettre la réalisation des gains d'efficacité générés par la mise en place de l'EIC, à affirmer, de manière théorique et inopérante, que « si les banques majoritairement tirées étaient convaincues de subir des pertes du fait de la mise en place de l'EIC, il est alors incohérent et irrationnel qu'ait été mise en place une commission générale et fixe pour chaque chèque remis, déconnectée de la valeur globale des chèques qui seule aurait permis de compenser les pertes invoquées », qu' « aucun élément du dossier ne permet de constater qu'il a été sérieusement envisagé de mettre en place une compensation proportionnelle, seule à même de compenser véritablement la perte subie par les banques majoritairement tirées. La raison invoquée qu'une telle commission aurait été soumise à la TVA n'était en soi nullement un obstacle à un examen plus approfondi de la question. Le fait que ce seul motif ait été invoqué pour écarter la mise en place d'une commission proportionnelle démontre que les banques en cause ne souhaitaient pas explorer cette piste », que « rien ne démontre, en outre, qu'au regard de l'avantage de précision de la compensation, lamise en place d'une commission proportionnelle au montant des chèques tirés aurait été plus complexe et plus onéreuse que la mise en place de la commission fixe retenue », qu' « une telle solution était moins restrictive de concurrence, dans la mesure où la commission en cause n'aurait alors bénéficié qu'aux entreprises qui subissaient réellement des pertes et n'aurait pas pesé excessivement sur les banques remettantes, notamment celles pour lesquelles la mise en place de l'EIC devait causer des pertes, aggravées par la CEIC » et qu' « il est donc suffisamment établi que cette alternative moins restrictive de concurrence, réaliste et accessible, permettait d'atteindre le progrès économique que constituait l'EIC » (arrêt, points 326 et 335 et s), sans rechercher, concrètement, si, au regard du délai fixé pour la mise en place éventuelle de l'EIC et de la nécessité d'un accord unanime des banques, compte-tenu de la divergence de positions des banques et de l'exigence de certaines d'entre elles subordonnant leur accord à la mise en place de l'EIC à la création d' une commission compensatoire fixe, un accord pouvait effectivement être trouvé sur l'instauration d'une commission proportionnelle, qui aurait permis la réalisation de l'EIC et des gains d'efficacité subséquents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-4 du code de commerce ;

11) ALORS, en tout état de cause, QUE constitue une restriction indispensable, justifiant le bénéfice de l'exemption, la restriction qui s'avère raisonnablement nécessaire pour faire converger les incitations des parties et assurer la réalisation des gains d'efficacité ; que si l'existence d'un autre moyen permettant d'assurer les mêmes gains d'efficacité peut exclure le caractère « indispensable » de la restriction en cause, encore faut-il que ce moyen ait un impact anticoncurrentiel moindre ; que les banques faisaient valoir, preuves à l'appui, que l'impact anticoncurrentiel d'une commission proportionnelle au montant des chèques aurait eu sensiblement le même impact que la CEIC ; qu'en affirmant cependant, pour écarter le bénéfice de l'exemption qu' « il est inopérant sur ce point qu'il ne soit pas établi que l'impact d'une commission proportionnelle aurait été sensiblement différent de la CEIC, comme le soutient la société BNP Paribas » (arrêt, point 335), la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-4 du code de commerce ;

12) ALORS QUE le caractère susceptible d'exemption d'un accord s'apprécie au regard de ses termes et non de l'absence de respect ultérieur, par les parties à l'accord, de ses stipulations ; que la cour d'appel a constaté que l'accord prévoyait que la commission était instituée pour une durée de trois ans à compter du passage à l'EIC ; qu'en affirmant cependant, pour écarter le bénéfice de l'exemption, que « c'est encore à juste titre que l'Autorité a retenu que, si la décision initiale prévoyait que la CEIC serait temporaire, elle ne l'a finalement pas été, ce qui fait obstacle à ce que ce caractère puisse être retenu dans l'analyse conduite sur le bénéfice de l'exemption, quand bien même le maintien de la commission a été, par la force des choses, ultérieur à la décision constituant l'accord litigieux » (arrêt, point 339), la cour d'appel a encore violé les articles 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-4 du code de commerce.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

- Sur l'exemption (AOCT) -

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les recours formés par les sociétés LCL – Le Crédit Lyonnais, Société Générale, Crédit du Nord et HSBC France à l'encontre de la décision n° 10-D-28 rendue le 20 septembre 2010 par l'Autorité de la concurrence et, statuant à l'égard du Crédit Agricole, de n'AVOIR que très partiellement réformé cette décision, en ramenant les sanctions prononcées à son encontre à hauteur de 75.800.000 euros et 760.000 euros, puis rejeté son recours pour le surplus ;

AUX MOTIFS QUE 404. la cour rappelle que, s'agissant des CSC, l'Autorité a estimé (décision attaquée, § 532 à 579), qu'il était nécessaire que les banques prenant part aux opérations de compensation s'accordent sur les modalités de répartition des frais ou de compensation des services rendus par l'une d'entre elles à une autre. Elle a, en outre, retenu qu'en compensant les coûts engagés par une banque à raison d'une opération initiée par un autre établissement bancaire ou par son client, et donc en transférant la charge financière aux personnes à l'origine de la transaction, ces commissions permettaient, notamment, « d'inciter les acteurs du système de paiement par chèque à éliminer les erreurs ou les incidents de paiement dont ils sont à l'origine, puisqu'ils doivent en assumer la charge financière, et, partant, à encourager une utilisation efficiente de ce moyen de paiement » (décision attaquée, § 537). Elle a estimé que le caractère indispensable des CSC afin d'obtenir des gains d'efficacité attendus était établi (décision attaquée, § 555). Puis, examinant les montants de chacune de ces commissions au regard de leurs coûts, elle a estimé, qu'à l'exception des commissions AOCT, elles étaient proportionnées et pouvaient justifier en conséquence le bénéfice de l'exemption.

405. La cour examinera donc la question des exemptions pour les seules commissions AOCT.

406. Les commissions AOCT ont vocation à compenser les charges supportées par les banques, lorsqu'elles effectuent la contre-passation d'une opération initiale émise à tort. L'Autorité a relevé que leur montant avait été fixé par analogie avec les mêmes commissions relatives à d'autres moyens de paiement, ce qui n'est pas contesté. En l'absence de fixation de ce montant en fonction de critères objectifs reposant sur les coûts des services rendus, elle a considéré que ce montant n'était pas proportionné et que les commissions n'étaient pas susceptibles de bénéficier de l'exemption.

407. Les parties contestent cette analyse.

408. Plusieurs d'entre elles soutiennent qu'en exécution de l'injonction prononcée à l'article 5 de la décision attaquée, qui, pour mémoire, leur a imposé de procéder à la révision du montant des commissions AOCT, dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision attaquée et d'en « fixer le montant sur la base du coût de traitement des opérations AOCT auquel parvient la banque la plus efficace, tel que vérifié par une étude de coûts réalisée auprès d'un échantillon représentatif de banques et vérifiée par un expert indépendant », elles ont fait procéder à cette étude par un cabinet indépendant. Or cet expert a conclu que, selon les options qu'il a défini pour caractériser « la banque la plus efficace », le coût unitaire le plus bas pour les opérations d'annulation d'image chèque ou de rejet image chèque s'établit à 0,87 euros ou à 1,48 euros par opération, ce qui excède le taux des commissions AOCT que l'Autorité a sanctionné et qui était de 0,61 euros. Elles en déduisent que cette expertise démontre que le taux n'était pas disproportionné et que, dans ces conditions, puisque les commissions AOCT remplissent toutes les autres exigences de l'octroi du bénéfice de l'exemption, celui-ci doit leur être accordé.

409. Toutefois la cour relève que cette expertise, réalisée par les parties en exécution de l'injonction prononcée par l'Autorité à l'article 5 de la décision attaquée, a été réalisée en 2011, soit sur la base de données qui ne sont pas contemporaines des pratiques et de leur mise en oeuvre ; cette expertise ne démontre en conséquence pas qu'à la date des pratiques, le montant des commissions AOCT était proportionné.

410. Les sociétés Le Crédit lyonnais et Crédit agricole soutiennent aussi que les commissions AOCT correspondaient davantage à une indemnisation pour la charge générée par une opération réalisée à tort par une autre banque, ainsi qu'à une sanction du participant au système qui compense à tort des opérations. Dans ces conditions, selon elles, les coûts de service n'avaient pas à être étudiés.

411. La cour relève toutefois qu'il n'est pas contesté que les commissions AOCT ont été fixées par seule référence au montant de la même commission fixée pour d'autres moyens de paiement et sans aucune étude des charges générées par une opération réalisée à tort, ni de ce que pouvait représenter une sanction pour l'auteur d'une telle compensation. Il est en conséquence impossible de déterminer le caractère proportionné de cette commission au regard du progrès économique réalisé. Les circonstances, invoquées par plusieurs parties, que le nombre d'opérations annulées à la suite d'erreurs a été sensiblement réduit entre 2002 et 2006, ou que les commissions AOCT sont identiques pour tous les moyens de paiement, sont sur ce point inopérantes, aucun élément ne démontrant que les coûts de ces annulations seraient identiques et que, de ce fait, les commissions AOCT auraient été proportionnées aux coûts ainsi qu'aux objectifs de réparation et d'incitation poursuivis. Sur ce dernier point, la cour relève que c'est à juste titre que l'Autorité observe que le montant d'une commission ne saurait être fixé à un montant arbitraire sous le prétexte qu'elle remplirait un objectif dissuasif.

412. De même, il importe peu que les coûts soient difficiles à mesurer exactement ou qu'il existe plusieurs estimations possibles comme le souligne la société BNP Paribas, en se référant à l'expertise précitée, postérieure à la décision attaquée, dès lors qu'en tout état de cause aucune étude de ces coûts n'a été effectuée.

413. En outre, contrairement à ce que soutient la société Crédit du Nord, la proportionnalité exigée par la jurisprudence et recherchée par l'Autorité dans la décision attaquée devait être examinée aussi bien au regard des coûts des opérations que des bénéfices de réduction des erreurs et d'indemnisation des opérateurs concernés. En l'absence du moindre examen, ne serait-ce que des coûts, c'est à juste titre que l'Autorité a considéré que la condition de proportionnalité n'était pas remplie.

414. Enfin, le faible impact des commissions AOCT, invoqué par la société BNP Paribas ainsi que la critique développée par cette requérante sur le caractère présumé du dommage à l'économie, relèvent de ce paramètre qui sera examiné ultérieurement dans le cadre de l'examen des moyens sur les sanctions.

415. Il se déduit de l'ensemble de ce qui précède que les moyens des parties relatifs à l'exemption des commissions AOCT sont rejetés.

1) ALORS QUE l'octroi de l'exemption est subordonnée au constat que la restriction de concurrence est raisonnablement nécessaire pour la réalisation des gains d'efficacité ; que l'absence d'étude préalable du coût de traitement d'une annulation n'est pas de nature, en soi, à écarter le caractère raisonnablement nécessaire d'une commission instituée dans le but de dissuader les banques de commettre des erreurs et de les inciter à effectuer les investissements nécessaires à cette fin ; qu'en l'espèce, les banques faisaient valoir que les commissions d'annulation des opérations compensées à tort, (AOCT), dont le montant, identique à celui des commissions d' annulation d'autres moyens de paiement, avait été fixé à la somme de 0,61 €, avaient pour vocation d'assurer le bon fonctionnement du système de compensation en obligeant les banques à diminuer le nombre d'erreurs commises ; qu'elles observaient, et le fait n'était pas contesté, que les commissions AOCT s'étaient révélées nécessaires et adaptées aux gains d'efficacité poursuivis puisque le nombre d'erreurs commises avaient sensiblement diminué entre 2002 et 2006 ; qu'en se bornant cependant, pour écarter le bénéfice de l'exemption, à relever que « les commissions AOCT ont été fixées par seule référence au montant de la même commission fixée pour d'autres moyens de paiement et sans aucune étude des charges générées par une opération réalisée à tort, ni de ce que pouvait représenter une sanction pour l'auteur d'une telle compensation », qu' « il est en conséquence impossible de déterminer le caractère proportionné de cette commission au regard du progrès économique réalisé », que « la proportionnalité exigée par la jurisprudence et recherchée par l'Autorité dans la décision attaquée devait être examinée aussi bien au regard des coûts des opérations que des bénéfices de réduction des erreurs et d'indemnisation des opérateurs concernés » et qu' « en l'absence du moindre examen, ne serait-ce que des coûts, c'est à juste titre que l'Autorité a considéré que la condition de proportionnalité n'était pas remplie », quand l'existence d'une étude préalable des coûts n'était pas une condition nécessaire au bénéfice de l'exemption et sans rechercher si, au regard du montant de commissions AOCT et des gains d'efficacité réalisés par la baisse du nombre d'erreurs commises, ces commissions ne s'étaient pas révélées indispensables aux gains d'efficacité, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-4 du code de commerce ;

2) ALORS, en tout état de cause, QUE l'octroi de l'exemption est subordonnée au constat que la restriction de concurrence est raisonnablement nécessaire pour la réalisation des gains d'efficacité ; que les banques, condamnées par la décision entreprise à procéder dans les six mois à la révision des commissions AOCT et à en « fixer le montant sur la base du coût de traitement des opérations AOCT auquel parvient la banque la plus efficace, tel que vérifié par une étude de coûts réalisée auprès d'un échantillon représentatif de banques et vérifiée par un expert indépendant », ont produit devant la cour d'appel l'étude de coûts réalisée par un cabinet indépendant et établissant que, quelle que soit l'acceptation des termes « la banque la plus efficace », le coût unitaire le plus bas par opération s'élevait à 0,87 € ou 1,48 €, soit un montant bien supérieur au montant retenu de 0,61 € par opération ; qu'en se bornant, pour écarter le bénéfice de l'exemption, à relever que l'expertise a été réalisée en 2011, « soit sur la base de données qui ne sont pas contemporaines des pratiques et de leur mise en oeuvre » et que « cette expertise ne démontre en conséquence pas qu'à la date des pratiques, le montant des commissions AOCT était proportionné », sans rechercher si les résultats de cette expertise, même effectuée sur des données de l'année 2011, n'était pas, en l'absence de tout changement notable entre 2002 et 2011, de nature à établir que le montant des AOCT n'était pas disproportionné au regard des gains d'efficacité permis, la cour d'appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard des articles 101 § 3 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et L 420-4 du code de commerce.

SIXIEME MOYEN DE CASSATION

- Sur la sanction -

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les recours formés par les sociétés LCL – Le Crédit Lyonnais, Société Générale, Crédit du Nord et HSBC France à l'encontre de la décision n° 10-D-28 rendue le 20 septembre 2010 par l'Autorité de la concurrence et, statuant à l'égard du Crédit Agricole, de n'AVOIR que très partiellement réformé cette décision, en ramenant les sanctions prononcées à son encontre à hauteur de 75.800.000 euros et 760.000 euros, puis rejeté son recours pour le surplus ;

AUX MOTIFS QUE Sur le principe même d'une sanction (…)

La difficulté de qualifier les pratiques au regard du droit de la concurrence

417. Les requérantes font valoir qu'en l'état de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence applicables lors des négociations de l'accord du 3 février 2000, elles ont pu légitimement considérer que l'instauration de la CEIC était conforme au droit de la concurrence. Elles exposent, en particulier, que les autorités de concurrence n'avaient jamais affirmé que les commissions interbancaires multilatérales étaient anticoncurrentielles par objet, qu'elles acceptaient de les exempter et qu'elles ne s'étaient jamais prononcées sur une commission de nature compensatoire telle que la CEIC. Elles ajoutent que la qualification de restriction de concurrence était au contraire fonction des effets des commissions sur les tarifs appliqués à la clientèle et que, lorsque de telles commission avaient été qualifiées au regard du droit des ententes, elles avaient bénéficié d'une exemption.

418. Dans ces circonstances d'absence de pratique des autorités de concurrence quant au caractère restrictif des commissions interbancaires il aurait été, selon certaines d'entre elles, justifié de ne pas prononcer de sanction pécuniaire, comme l'a décidé le Tribunal de l'Union dans l'arrêt du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission (T-191/98 et T-212/98 à T-214/98).

419. Certaines requérantes ajoutent que leur appréciation de la licéité de la CEIC au regard du droit de la concurrence a été confortée par la position prise par la DGCCRF, qui, informée de l'ensemble du projet EIC dans toutes ses composantes techniques et économiques dès son entrée en vigueur, n'a diligenté aucune enquête.

420. L'affirmation selon laquelle les commissions interbancaires n'avaient jamais posé de difficultés quant à leur compatibilité avec les dispositions nationales et européennes relatives aux ententes anticoncurrentielles n'est pas exacte.

421. En effet, ainsi que l'a relevé l'Autorité aux paragraphes 659 et 660 de la décision attaquée, de telles commissions avaient déjà été sanctionnées par le Conseil de la concurrence, dans une décision n° 88-D-37 du 15 octobre 1988, et par la Commission européenne, dans une décision du 25 mars 1992 (IV/30.717-A - Eurocheque: accord d'Helsinki 92/212/CEE), laquelle a été confirmée partiellement par un arrêt du Tribunal de l'Union du 23 février 1994, Groupement des cartes bancaires « CB » et Europay International/Commission (T-39/92 et T-40/92).

422. De plus, la Commission européenne a précisé, au point 40 de sa communication du 27 septembre 1995 relative à l'application des règles de concurrence de la Communauté européenne aux systèmes de virement transfrontaliers, que « (...) tout accord sur une commission interbancaire multilatérale est une restriction de la concurrence relevant de l'article 85 paragraphe 1, car il limite de manière importante la liberté des banques d'établir individuellement leur politique de tarification. Cette restriction risque en outre de fausser le comportement des banques vis-à-vis de leurs clients. (...) ».

423. En outre, ces principes ont été appliqués par la Commission européenne dans la décision GSA du 8 septembre 1999 (1999/687/CE), et ce n'est que parce que la commission interbancaire en cause n'était pas de nature à affecter le commerce entre États membres et que l'accord lui avait été notifié, qu'elle a décidé de ne pas intervenir en application de l'article 81, paragraphe 1, du traité CE.

424. La Cour observe à ce sujet que la décision de la Commission européenne du 10 décembre 1984, dans l'affaire Eurochèques uniformes, aff. IV/30.717, citée par la société HSBC France, précise au point 33 que « les accord et décisions établis dans le cadre du système Eurochèque qui ont pour objet de fixer le prix d'un service constituent une entente explicitement visée par l'interdiction édictée par l'article 85 paragraphe 1 du Traité CEE. Ils ont pour effet d'empêcher la concurrence entre les banques de tous pays et notamment de tout État membre, pour l'encaissement d'Eurochèques uniformes tirés sur des banques d'autres pays. (...) ». Si cet accord n'a pas été sanctionné, c'est parce qu'il a bénéficié d'une exemption au titre du paragraphe 3 de l'article 85 du traité CEE (devenu l'article 101 du TFUE).

425. Il en est de même s'agissant de la décision de la Commission européenne du 12 décembre 1986, ABI, aff. IV/31.356, citée par la même requérante, dans laquelle la Commission européenne a énoncé, au point 36, au sujet des commissions interbancaires en paiement de services rendus qui lui avaient été notifiées, que « la fixation de la rémunération constitue une restriction de concurrence en ce sens que la liberté des banques de déterminer le prix de la prestation tant du côté de l'offre que de la demande se trouve éliminée. En outre, une telle fixation pourrait, indirectement, influencer aussi la fixation des conditions à l'égard des clients et, donc, limiter la liberté des banques de déterminer les prix à payer par leurs clients ». Puis, la Commission européenne a considéré que les accords en cause n'affectaient pas de façon sensible le commerce entre États membres et ne les a dès lors pas retenu comme relevant du droit communautaire. Cette décision précise aussi au point 42 que trois autres accords qui lui étaient soumis « (...) restreignent, voire éliminent la liberté des membres de l'ABI [association des banques italiennes] de déterminer individuellement la rémunération des services bancaires demandés ou offerts. Chaque membre de l'ABI, qu'il soit une banque qui demande le service ou une banque à laquelle il est demandé de fournir le service, doit respecter les commissions et les dates de valeur indiquées par les accords. La concurrence sur un élément essentiel de comportement commercial des banques, c'est-à-dire le prix, est empêchée de jouer normalement. Cette fixation de commissions et des dates de valeur influence les possibilités pour les participants de décider les conditions qu'ils entendent réserver à leur clientèle, en fonction de leur situation interne de rentabilité – notamment du prix de revient des opérations – , de leur spécialisation et de leur politique commerciale (...) ». Si la Commission européenne a ensuite accordé une exemption à ces accords au regard de leur contribution à un progrès économique en application de l'article 85, paragraphe 3 du traité CEE (devenu, depuis, l'article 101 du TFUE), cette décision était tout à fait claire sur l'entrave à la libre concurrence que constituent les commissions interbancaires et il ne peut être soutenu que de telles commissions n'avaient jamais posé de difficultés.

426. Ainsi, les parties étaient parfaitement renseignées sur le caractère anticoncurrentiel des commissions interbancaires que l'autorité nationale avait déjà affirmé dans la décision n° 88-D-37 du 15 octobre 1988 et que les autorités communautaires avaient maintes fois répété.

427. Le fait que les pratiques concernées par ces espèces aient fait l'objet d'exemptions ne permettait pas de considérer que toutes les commissions interbancaires, quelles qu'elles soient, bénéficiaient d'un principe d'exemption, d'autant que, d'une part, ces exemptions ont été accordées au terme d'un examen précis au cas par cas et que, d'autre part, comme l'indiquent les banques en cause, la CEIC était différente des commissions concernées par ces espèces, puisqu'elle ne rémunérait aucun service rendu, mais avait pour objectif de maintenir les équilibres financiers du secteur et donc la position de chacune sur le marché.

428. Au regard de ces éléments, mais aussi du contexte dans lequel la CEIC a été décidée, c'est à dire sans examen objectif des pertes invoquées par les banques pour justifier de la mise en place de cette commission, l'Autorité, à laquelle incombe la mission de veiller à l'effectivité de la mise en oeuvre du droit de la concurrence sur les marchés, a légitimement pu décider qu'il était justifié de prononcer une sanction et, pour l'ensemble de ces raisons, les moyens des parties sur ce point sont rejetés.

429. Par ailleurs, l'Autorité a justement précisé, au paragraphe 663 de la décision attaquée, qu'elle tenait compte dans le prononcé de la sanction du doute invoqué par les entreprises quant à la qualification des pratiques. Il convient effectivement de prendre en considération le fait que les banques en cause pouvaient, à bon ou mauvais escient, escompter qu'elles bénéficieraient d'une exemption dans le cas où les autorités de concurrence viendraient à examiner les commissions instaurées par l'accord du 3 février 2000, dès lors que plusieurs pratiques de commissions interbancaires avaient, par le passé, fait l'objet d'une exemption. Il n'y a, sur ce point, pas de contradiction entre, d'un côté, le constat que les banques ne pouvaient, compte tenu de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence précitée, ignorer le caractère anticoncurrentiel des commissions interbancaires et, de l'autre, l'affirmation qu'il devait être tenu compte, dans l'appréciation de la gravité des pratiques, de l'incertitude que pouvaient nourrir les parties sur une possibilité d'exemption de ces pratiques. En outre, l'Autorité n'était pas tenue de motiver davantage la façon dont elle tenait compte de cet élément d'atténuation, et l'importance du montant des sanctions, fondée sur un ensemble complexe d'éléments et d'appréciations, qui seront examinés ci-dessous, ne permet pas d'affirmer, comme le font certaines parties, qu'il n'a en réalité pas été tenu compte de cet élément.

430. S'agissant du nombre peu important de décisions de sanction, invoqué par les parties, la cour précise que l'Autorité, investie de la mission de contrôler la libre concurrence sur les marchés et d'en faire respecter les principes, exerce son appréciation sur la nécessité de prononcer des amendes comme instrument d'application de la politique de concurrence. Cette appréciation s'étend nécessairement à l'opportunité d'infliger ou non une sanction.

431. Par ailleurs, la cour relève que si, dans plusieurs cas, la Commission européenne n'a pas sanctionné l'instauration de commissions interbancaires, c'est au motif, soit qu'elles n'affectaient pas le commerce entre États membres, soit qu'elles pouvaient bénéficier d'une exemption. Elle a néanmoins, dans chaque dossier, clairement affirmé le caractère anticoncurrentiel des accords sur des commissions interbancaires. En outre, ainsi qu'il a déjà été relevé précédemment, elle a prononcé en 1992, soit sept ans avant les négociations en cause, une sanction dans l'affaire dite de l'accord d'Helsinki (décision du 25 mars 1992, 92/212/CEE précitée). Si, dans ce cas d'espèce, la commission était directement perçue auprès des clients, rien dans cette décision ne permet d'affirmer que seule cette circonstance avait motivé le prononcé de la sanction. En outre si l'une des sanctions a été annulée par le Tribunal de l'Union, par l'arrêt Groupement des cartes bancaires « CB » et Europay International/Commission, précité, c'est au motif d'une violation des droits de la défense et non en raison du caractère non fondé de l'appréciation au fond.

432. En outre, la cour relève que la CEIC constitue un cas spécifique par rapport aux précédents, car elle était destinée non à rémunérer une prestation entre banques, ce à quoi tendaient toutes les commissions concernées par la pratique décisionnelle et la jurisprudence antérieure, mais elle était de nature compensatoire afin de maintenir les équilibres financiers entre les banques.

433. Enfin, l'absence de sanction précédente ne justifie pas qu'aucune sanction ne soit jamais prononcée. Au contraire, ces jurisprudences constituaient autant d'avertissements et il ne peut être reproché à l'Autorité de ne pas avoir pris le parti d'une approche « pédagogique », comme le fait la société Le Crédit industriel et commercial dans ses conclusions.

434. Sur ce point encore, c'est en vain que la société HSBC France invoque une note intitulée « Echange d'Images chèques : la commission entre banques vis-à-vis des règles de la concurrence », produite en annexe 1 au compte rendu de la CIR du 3 février 2000 (annexe 12 au rapport, cotes 944 à 946), en indiquant que, sur la base de cette note, les banques pouvaient légitimement penser que la pratique ne posait pas de difficulté au regard du droit de la concurrence.

435. En effet, les requérantes ne peuvent prétendre qu'elles pouvaient penser que la pratique concernée était conforme aux règles de concurrence et que, dans ces conditions, le prononcé d'une sanction ne serait pas justifié, en se fondant sur cette note de nature purement interne, de surcroît superficielle et lacunaire, qui ne comporte aucune présentation de la jurisprudence et ne fait qu'évoquer, sans aucune référence précise, la pratique décisionnelle de la Commission et du Conseil de la concurrence.

436. Les moyens des parties sur l'ensemble de ces points sont en conséquence rejetés.

(…)

Sur l'appréciation portée sur les critères de détermination énoncés par l'article L. 464-2 du code de commerce

445. Il résulte de l'article L. 464-2 du code de commerce que les sanctions prononcées par l'Autorité de la concurrence doivent être « (...) proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ».

446. Ces parties critiquent la mise en oeuvre de chacun de ces paramètres, qui seront tour à tour examinés.

1. Sur la gravité des pratiques La CEIC

447. L'Autorité a caractérisé la gravité des pratiques au regard de plusieurs éléments: leur nature (décision attaquée, § 647 à 657), la connaissance par les parties de leur caractère anticoncurrentiel (décision attaquée, § 658 à 663), la durée des pratiques (décision attaquée, § 664 à 666), le marché affecté (décision attaquée, § 667 à 675) et enfin l'affectation des finances publiques (décision attaquée, § 676).

a) La nature de la pratique

448. L'Autorité a rappelé, au paragraphe 648 de la décision attaquée, que les accords portant sur la CEIC et les commissions AOCT constituent une entente horizontale, qui est l'une des pratiques les plus graves ; elle a pondéré cette appréciation au regard de plusieurs critères.

449. Elle a précisé que la CEIC a été perçue par les banques tirées lors de chaque transaction interbancaire par chèque, qu'elle ne correspond à aucun service rendu aux banques remettantes, ni à aucun coût particulier subi par les banques tirées à l'occasion de cette transaction et que cette commission est venue accroître de manière purement artificielle le coût de la remise de chèques, pesant ainsi indirectement sur le niveau des prix. Sur ce dernier point, elle a précisé que, si les parties n'étaient pas tenues, aux termes de l'accord litigieux, de répercuter le montant des commissions versées sur leurs clients, la facturation du service de remise de chèques, directe ou indirecte, est adossée aux charges pesant sur les banques remettantes. Dès lors que le solde de CEIC perçue et versée représente une charge nette pour les banquiers majoritairement remettants en volume (nombre de chèques), ce surcoût a nécessairement pesé sur la formation des prix, directs ou indirects, du service de la remise de chèques ou, compte tenu des spécificités de la tarification des services bancaires, sur l'équilibre global de la relation de la banque avec son client. Ainsi, l'instauration de la CEIC a favorisé à la hausse la formation des prix des services bancaires, empêchant la détermination des prix par le libre jeu du marché.

450. Au titre des éléments d'atténuation de la gravité, l'Autorité a retenu que l'accord litigieux ne constituait pas une entente sur les prix finaux (décision attaquée, § 652), qu'il était limité aux relations interbancaires (décision attaquée, § 655), que la Banque de France, autorité de tutelle des établissements bancaires, avait exercé un rôle influent dans sa (décision attaquée, § 656) et qu'il n'était pas assimilable à un cartel secret (décision attaquée, § 657).

451. La cour adopte ces motifs.

(…)

462. S'il est exact que, comme le soulignent les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais, l'offre de chèque s'inscrit dans une offre globale et que la concurrence entre les banques s'exerce sur le service bancaire dans son ensemble, il s'ensuit que les pratiques mises en oeuvre sur le service de chèque ont une répercussion sur l'ensemble de l'offre et ne peuvent qu'affecter le jeu de la concurrence sur l'ensemble de l'offre globale. Par ailleurs, ainsi que le rappelle l'Autorité dans ses observations, le paiement par chèque représentait, à l'époque de la mise en oeuvre des pratiques en cause, de 37 à 26 % de l'ensemble des moyens de paiement, ce qui implique que le service de chèque représentait plus du quart de l'offre liée au compte bancaire et conduit à confirmer que les pratiques ont concerné une part importante de cette offre et qu'elles s'inscrivent donc dans la catégorie des pratiques les plus graves, sans toutefois être « très graves » ou « particulièrement graves ».

(…)

d) Les autres éléments

476. La société Crédit du Nord fait encore grief à la décision attaquée de ne pas avoir pris en compte la situation qui prévalait avant la mise en place de l'EIC et le progrès considérable que ce nouveau système a apporté.

477. Cependant, ainsi qu'il a été retenu précédemment, il n'a pas été démontré que l'instauration de la CEIC était nécessaire au passage à l'EIC. Dans cette circonstance, le progrès apporté par l'EIC ne peut être pris en compte pour minorer le caractère de gravité des pratiques. Sur ce point, les éléments invoqués par la société Crédit du Nord, à savoir, l'inefficience du système antérieur, le nombre particulièrement élevé de paiement par chèques en France et la nécessité de rationnaliser cette particularité, la réglementation par des conventions internationales, la nécessité d'un accord de toutes les banques, y compris des réseaux les plus réticents, sont inopérants. La cour rappelle à ce titre que l'intervention des pouvoirs publics est prise en compte dans l'appréciation de la gravité des pratiques.

478. Par ailleurs, c'est à juste titre que l'Autorité a refusé de tenir compte de la cessation des pratiques en 2007 comme élément de minoration de la gravité des pratiques. En effet, d'une part, ainsi qu'elle le précise, cette cessation est intervenue à la suite des mesures d'enquêtes et non de manière spontanée, d'autre part, l'accord du 3 février 2000 prévoyait que la CEIC devait être appliquée pendant une durée de trois ans. Sa mise en application ayant débuté au 1er janvier 2002, elle aurait dû cesser au 1er janvier 2005, ce qui n'a pas été le cas. Cette persistance justifie l'analyse de l'Autorité sur ce point, sans qu'importe que la cessation soit intervenue avant la notification de griefs à un moment où les parties pouvaient envisager qu'elles bénéficieraient d'une exemption.

479. Plusieurs parties reprochent à l'Autorité de ne pas avoir tenu compte, dans son appréciation de la gravité, du faible nombre de cas avérés de répercussion de la CEIC et de l'absence de démonstration que les pratiques en cause aient pu avoir un effet sensible sur le marché. Cependant, ces circonstances relèvent non de la gravité de la pratique, mais du dommage à l'économie qui sera examiné dans les développements qui suivent.

480. La Société générale soutient que l'Autorité aurait dû prendre en compte, au titre des éléments de minoration de la gravité, que les parties ont activement recherché un compromis pour permettre le passage à l'EIC. Elle reproche à l'Autorité de ne pas avoir pris en considération l'absence d'intentionnalité des parties de mettre en oeuvre une pratique anticoncurrentielle.

481. Cependant, et pour autant que l'absence d'intention de mettre en oeuvre une pratique anticoncurrentielle puisse constituer un élément de minoration de la gravité des pratiques, il résulte des développements qui précèdent que les parties ne pouvaient ignorer, au regard de la jurisprudence antérieure, que les commissions interbancaires constituaient une pratique anticoncurrentielle, la seule incertitude qu'elles pouvaient avoir étant celle de la possibilité de bénéficier d'une exemption au titre du progrès économique. Par ailleurs, dans ce contexte, elles n'ont pas recherché quelles seraient les pertes nettes qu'elles étaient susceptibles de subir pour justifier la mise en place de la CEIC, alors même que cette démarche était préconisée par le groupe de travail de la CIR. Au surplus, elles n'ont pas mis un terme à la CEIC en 2005, alors que la perception de cette commission ne devait durer que trois ans. Enfin l'objectif affiché de la CEIC, tendant à ce que la mise en place de la dématérialisation ne puisse porter atteinte aux équilibres financiers du secteur, constitue un objectif d'obstruction au jeu de la concurrence. Au regard de l'ensemble de ces éléments, les banques en cause ne sont pas fondées à invoquer l'absence d'intention anticoncurrentielle.

482.Enfin, contrairement à ce que soutiennent les parties, l'Autorité n'avait pas à chiffrer un pourcentage retenu au titre de la gravité ou des éléments atténuant cette gravité, le coefficient de 0,2625 % appliqué permettant de constater qu'elle a bien tenu compte de l'ensemble des éléments retenus à ce titre.

1) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération ; que la cour d'appel a constaté que « les banques en cause pouvaient, à bon ou mauvais escient, escompter qu'elles bénéficieraient d'une exemption dans le cas où les autorités de concurrence viendraient à examiner les commissions instaurées par l'accord du 3 février 2000, dès lors que plusieurs pratiques de commissions interbancaires avaient, par le passé, fait l'objet d'une exemption » (arrêt, point 429) ; qu'en retenant cependant, par motifs adoptés de la décision entreprise, au titre de la gravité des pratiques, la connaissance par les parties du caractère anticoncurrentiel des commissions, (arrêt, point 447), et en affirmant qu' « il n'y a pas de contradiction entre, d'un côté, le constat que les banques ne pouvaient, compte tenu de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence précitée, ignorer le caractère anticoncurrentiel des commissions interbancaires et, de l'autre, l'affirmation qu'il devait être tenu compte, dans l'appréciation de la gravité des pratiques, de l'incertitude que pouvaient nourrir les parties sur une possibilité d'exemption de ces pratiques », quand le constat opéré de ce que les banques pouvaient escompter une exemption excluait qu'il puisse être retenu, à titre de gravité de la sanction, la connaissance du caractère infractionnel de la pratique, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L 464-2 du code de commerce ;

2) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération ; que la gravité des faits s'apprécie de manière objective et concrète en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce ; que la cour d'appel a constaté que « dans les faits, la CEIC a décidé les banques réticentes au passage au système de l'EIC à l'accepter finalement » (arrêt, point 495) ; qu'en affirmant cependant, pour refuser de prendre en compte le progrès apporté par l'EIC pour minorer la gravité des faits, qu' « il n'a pas été démontré que l'instauration de la CEIC était nécessaire au passage à l'EIC » (arrêt, point 477), quand l'absence de caractère accessoire ou d'exemption de la restriction n'était pas de nature à écarter le caractère minorant des faits reprochés, tiré de ce que l'instauration de la CEIC avait, « dans les faits », permis le passage au système de l'EIC, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 464-2 du code de commerce ;

3) ALORS QUE tenue de prononcer des sanctions strictement proportionnées, notamment à la gravité des pratiques reprochées, l'Autorité ne saurait laisser incertain le degré de gravité qu'elle entend attribuer à celles-ci ; qu'en énonçant néanmoins que les pratiques poursuivies en l'espèce s'inscrivaient « dans la catégorie des pratiques les plus graves, sans toutefois être "très graves" ou "particulièrement graves" » (arrêt, pt. 462), la cour d'appel s'est prononcée par des motifs qui laissent subsister une incertitude sur le degré de gravité qu'elle entendait attribuer aux pratiques en cause et a, par-là, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce, ensemble les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

AUX MOTIFS QUE, sur l'importance du dommage causé à l'économie,

486. La cour rappelle que l'importance du dommage causé à l'économie ne se confond pas avec le préjudice qu'ont pu subir les victimes des pratiques en cause, mais s'apprécie en fonction de la perturbation générale qu'elles sont de nature à engendrer pour l'économie.

487. Ni l'Autorité, ni la cour dans son office de contrôle d'une décision de l'Autorité, ne sont tenues de chiffrer précisément le dommage causé à l'économie. Elles doivent en revanche procéder à une appréciation de son existence et de son importance, en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l'économie engendrée par les pratiques en cause.

488. En présence d'une pratique anticoncurrentielle par objet et pour laquelle les effets ne sont pas caractérisés par la décision, le dommage à l'économie doit être apprécié de la même façon en prenant en compte les effets potentiels que la pratique est susceptible d'avoir sur le ou les marchés, notamment, au regard de l'ampleur de l'infraction, telle que caractérisée, entre autres, par la taille du marché affecté, des caractéristiques économiques pertinentes du secteur ou du marché concerné, ainsi que de ses conséquences conjoncturelles ou structurelles. Par ailleurs, les effets, tant avérés que potentiels, de la pratique peuvent être pris en considération à ce titre. La référence à des effets potentiels ne conduit pas, contrairement à ce que soutiennent les parties, à présumer le dommage à l'économie, dès lors qu'elle est étayée par des éléments objectifs et matériels vérifiables et crédibles.

La CEIC

489. En l'espèce l'Autorité a précisé que le dommage à l'économie doit être apprécié par rapport à la situation de concurrence qui aurait prévalu dans l'hypothèse d'un passage à l'EIC sans CEIC, et non celle qui aurait été observée dans l'hypothèse du maintien d'un système manuel de compensation des chèques (décision attaquée, § 679).

490. Sur la taille du marché affecté, l'Autorité a précisé qu'en raison de l'opacité de la tarification bancaire, il n'est pas possible d'évaluer précisément la valeur des ventes réalisées par les banques à raison des services d'émission et de remise de chèques affectés par les pratiques en cause. Mais elle a rappelé que les chèques représentaient en 2002, soit au début de la mise en oeuvre de la pratique, 37 % des moyens de paiement scripturaux utilisés en France, et 26 % en 2006. Elle en a déduit qu'ils représentaient donc nécessairement une part non négligeable des coûts des banques afférents à la gestion des moyens de paiement de leurs clients ou à la gestion de leurs flux créditeurs. La facturation des services bancaires étant adossée aux coûts des banques, le chèque représentait donc une part significative du prix facturé pour ces services, dans le cadre de l'équilibre global de la relation entre la banque et son client (décision attaquée, § 683 et 684).

491. L'Autorité a aussi relevé que la pratique avait eu deux effets potentiels, la hausse du prix de la remise du chèque et la raréfaction de l'offre de remise de chèques. Elle a évalué la hausse du prix de la remise du chèque à 220 millions d'euros sur l'ensemble de la période considérée (entre le 1er janvier 2002 et l'automne 2007, en tenant toutefois compte d'un effet retard tant lors du commencement de la pratique qu'à sa cessation). Elle a, à cet égard, examiné les données dont elle disposait selon les différentes catégories de clients remettants (Trésor Public, « grands remettants », autres entreprises, particuliers) démontrant l'effectivité d'une répercussion. Sur la raréfaction de l'offre de remise de chèque, l'Autorité a relevé que, lorsque la CEIC n'a pas été répercutée intégralement sur les clients remettants, la rentabilité de l'offre de services bancaires de remise de chèque était de ce fait dégradée, ce qui était de nature à réduire l'incitation des banques à se faire concurrence sur le marché de la remise de chèques, au détriment des grandes entreprises remettantes (décision attaquée, § 710).

492. Les parties contestent le contrefactuel retenu, ainsi que les éléments d'appréciation tant en ce qui concerne la taille du marché que les effets potentiels.)

Le contrefactuel « EIC sans CEIC » pour apprécier les effets de l'infraction.

493. La Société générale et la société HSBC soulignent que sans la CEIC, l'EIC n'aurait pas pu être mis en place. C'est donc, selon elles, au regard de la situation qui aurait prévalu sans la CEIC, c'est-à-dire au regard de la situation antérieure, que l'Autorité aurait dû examiner les effets de la commission en cause. Selon ces requérantes et la société Le Crédit industriel et commercial, en n'adoptant pas ce contrefactuel, l'Autorité a surévalué le dommage, puisqu'elle n'a pas pris en compte les gains permis par le passage à l'EIC.

493. Ce moyen n'est pas fondé. En effet, pour apprécier l'impact concret d'une infraction sur le marché, il convient de se référer au jeu de la concurrence qui aurait normalement existé en l'absence de l'infraction (TUE arrêts du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T-73/04, Rec. p.II-2661, point 83, et la jurisprudence citée, et Visa Europe et Visa International Service/Commission, précité, point 271).

494. En l'espèce, il n'est pas contesté que, dans les faits, la CEIC a décidé les banques réticentes au passage au système de l'EIC à l'accepter finalement. Toutefois, ainsi qu'il a été vu aux paragraphes 276 et suivants, il n'est pas démontré que la CEIC était objectivement nécessaire au passage à ce nouveau système, dans la mesure où, d'une part, les banques en cause n'ont pas recherché, au moyen d'un bilan des pertes et des gains liés au passage à l'EIC, si elles allaient subir des pertes de ce fait, d'autre part, il n'est pas établi qu'une au moins des banques majoritairement tirées pouvait, de manière suffisamment réaliste, envisager qu'elle devait subir des pertes en raison de la mise en place de l'EIC. À ce sujet, le fait que, comme le fait observer la Société générale, la décision de mise en oeuvre de l'EIC relevait de la seule volonté des banques ne change rien, car, dès lors que les banques en cause décidaient de mettre en oeuvre l'EIC, elles devaient le faire dans le respect du droit de la concurrence et donc à condition de rechercher et de constater que l'une au moins d'entre elles pouvait de façon suffisamment réaliste envisager qu'elle allait subir des pertes.

496. Dans ces circonstances, il n'est pas établi que les gains apportés par la mise en place de l'EIC n'auraient pas pu être réalisés sans perception de la CEIC, et c'est donc à juste titre que l'Autorité a considéré que le contrefactuel qui devait être retenu était la situation résultant de la mise en place de l'EIC sans CEIC, cette commission ne représentant pas seulement un manque à gagner, mais des pertes pour elles et leurs clients et, à ce titre, un dommage à l'économie.

497. Par ailleurs, dans les circonstances précédemment relevées, il n'y a pas lieu, contrairement à ce que soutient la Société générale, de prendre en considération le fait que le bilan net pour le secteur bancaire dans son ensemble aurait été négatif. Cette affirmation est en tout état de cause contredite par le rapport de la CIR qui considérait que la mise en place de l'EIC aboutissait à « un jeu à somme nulle » pour la profession (voir ci-dessus § 287).

498. C'est aussi à juste titre que l'Autorité a considéré que l'évaluation du dommage à l'économie devait porter sur l'ensemble des chèques interbancaires compensés par les établissements de crédit en France, et non sur les seuls montants remis par les entreprises. En effet, et contrairement à ce que soutient la Société générale, le rapport de l'expert économiste des parties du 11 août 2009 ne montre pas que les clients particuliers des banques n'ont subi aucun préjudice du fait de l'application de la CEIC.

499. En outre, contrairement à ce que soutient la société HSBC France, le dommage à l'économie ne porte pas sur le solde net entre les montants de CEIC versés par les banques remettantes et les montants perçus par les banques tirées, dont le résultat serait d'ailleurs nul. En effet, le versement de ces commissions a causé un dommage à l'économie en ce que, constituant une charge artificielle pour les banques remettantes, il a nécessairement été répercuté, de façon directe ou indirecte, sur les prix des services bancaires. À l'inverse, les sommes perçues, destinées à compenser pour les banques tirées la perte de la rémunération apportée par le placement du « float », n'avaient pas vocation à être répercutées sur les clients et il n'est d'ailleurs ni soutenu, ni établi qu'elles l'aient été.

500. Enfin, contrairement à ce que soutient la société HSBC France, l'ampleur du dommage à l'économie n'est pas estimée par la décision attaquée en retenant un postulat selon lequel la mise en place de l'EIC sans CEIC se serait caractérisée par une baisse des prix égale aux économies de coûts et une transmission au client de 100 % de l'accélération de trésorerie. L'examen du contrefactuel de l'EIC sans CEIC conduit à examiner quelle aurait été la situation si la mise en place de l'EIC ne s'était pas accompagnée de la perception de la commission et donc à regarder si cette commission a eu un effet d'augmentation des prix des services bancaires, en tenant compte de ce que, compte tenu de la baisse des coûts entraînée par la dématérialisation, les prix auraient dû à tout le moins rester stables. De même, c'est à juste titre que l'Autorité a, dans la décision attaquée, considéré que les banques auraient dû (ou pu) faire bénéficier leurs clients de l'accélération de l'encaissement, dès lors que les fonds en cause appartiennent à ces clients, et non à la banque qui encaisse les chèques.

(…)

c) La hausse du prix de la remise de chèques

(…)

iii) Sur la répercussion concernant les autres entreprises et les particuliers

540. L'Autorité a, par une juste analyse que la cour adopte, considéré qu'il était certain que les entreprises qui n'appartenaient pas à la catégorie des grands remettants et qui, de ce fait, d'une part, ne disposaient que d'un pouvoir de négociation limité vis-à-vis de leur établissement bancaire, d'autre part, étaient peu informées des modalités indirectes de facturation des services bancaires et du prix réel de ceux-ci, avaient subi la plus forte augmentation tarifaire du fait de la répercussion de la CEIC.

541. Les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais opposent à ce sujet que l'hypothèse d'une plus forte répercussion d'une hausse de coût sur les prix facturés aux clients ayant un moindre pouvoir de négociation est contredite par la théorie économique, comme l'a rappelé le rapport de leur expert économiste du 22 octobre 2010. Selon ce rapport, invoqué par ces requérantes ainsi que par la société HSBC France, un pouvoir de négociation réduit impliquerait une moindre réactivité des prix aux « chocs de coûts ».

542. Cependant, la cour observe que cette affirmation de l'expert économiste des parties n'est pas explicitée ni étayée que ce soit par lui, ou par les parties. Par ailleurs, si la répercussion d'un choc de coût serait, ainsi que l'affirme l'expert économiste des parties, plus importante sur les marchés pour lesquels la concurrence est forte et les prix bas, il n'en demeure pas moins que les entreprises qui n'ont pas de pouvoir de négociation ou un pouvoir amoindri, ont une faible capacité à résister à une augmentation de prix qui leur est imposée par un de leurs partenaires économiques. En outre, cette tendance a été en l'espèce confirmée par l'observation du sondage de prix, qui a établi que l'ampleur de la répercussion de la CEIC était inversement proportionnelle au volume des chèques remis, ce qui correspond à la situation des entreprises n'ayant pas le statut de grand remettant. De plus, la forte concurrence entre elles qu'invoquent les parties, ne les a pas empêchées en l'espèce de s'accorder sur la création, le montant et la mise en oeuvre de la CEIC.

543. S'agissant des particuliers, la société HSBC France soutient que les présomptions les concernant sont « hors sujet », car la saisine d'office ne portait que sur les « tarifs et conditions liées appliquées par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis par les entreprises aux fins d'encaissement ». Ce grief n'est pas fondé. En effet, la limitation du champ de la saisine concerne la ou les pratiques visées, mais ne saurait limiter le champ du dommage à l'économie causé par la ou les pratiques, quand bien même serait-il constaté sur un marché ou un secteur différent de celui concerné par les pratiques.

544. La décision attaquée (§ 707) a retenu sur ce point que l'ampleur de la répercussion n'est pas quantifiable. Il n'est toutefois pas contesté que celle-ci s'est traduite par une accélération des encaissements moindre que ce qu'aurait permis l'accélération du règlement interbancaire, portant ainsi un préjudice aux clients à découvert et à ceux optimisant leur trésorerie, le préjudice des autres clients étant difficile à monétiser. Cette difficulté ne permet toutefois pas de conclure que le dommage à l'économie n'aurait pas été constitué au regard des clients particuliers. Le fait que ceux-ci soient davantage tirés que remettants n'en réduit pas moins leur préjudice à néant car ils sont aussi remettants. Il n'y a en outre, et pour le même motif, pas lieu de considérer que le dommage à l'économie ne devait être examiné qu'au regard des chèques remis par les entreprises et non au regard des chèques remis par les particuliers.

545. Enfin, c'est en vain que certaines banques font valoir que leurs clients n'ont pu subir aucun préjudice du fait de la CEIC, dès lors que le dommage à l'économie est causé de manière globale par tous les participants à l'entente et ne recouvre pas le préjudice qu'ont pu subir tel ou tel client des entreprises auteures des pratiques.

546. Il se déduit de l'ensemble de ce qui précède que, quand bien même ne serait-il pas quantifiable, l'Autorité a suffisamment établi le dommage à l'économie résultant d'un effet de hausse des prix de la remise du chèque et, de façon plus générale, des services bancaires en raison du mécanisme de subventions croisées. Les moyens des parties sur ce point sont rejetés.

4) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées, notamment, à l'ampleur économique de l'infraction ; que le dommage causé à l'économie s'apprécie de manière objective et concrète en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce ; que la cour d'appel a constaté que « dans les faits, la CEIC a décidé les banques réticentes au passage au système de l'EIC à l'accepter finalement » (arrêt, point 495) ; qu'en affirmant cependant, pour dire que c'est « à juste titre que l'Autorité a considéré que le contrefactuel qui devait être retenu était la situation résultant de la mise en place de l'EIC sans CEIC », qu' « il n'est pas démontré que la CEIC était objectivement nécessaire au passage à ce nouveau système, dans la mesure où, d'une part, les banques en cause n'ont pas recherché, au moyen d'un bilan des pertes et des gains liés au passage à l'EIC, si elles allaient subir des pertes de ce fait, d'autre part, il n'est pas établi qu'une au moins des banques majoritairement tirées pouvait, de manière suffisamment réaliste, envisager qu'elle devait subir des pertes en raison de la mise en place de l'EIC », quand l'absence de caractère accessoire ou d'exemption de la restriction n'était pas de nature à écarter le constat que, dans les faits, seule l'instauration de la commission avait permis l'acceptation par les banques réticentes, dont le consentement était nécessaire, du passage à l'EIC, de sorte que le contrefactuel pertinent ne pouvait être que la situation antérieure à l'EIC, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L 464-2 du code de commerce ;

5) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées, notamment, à l'ampleur économique de l'infraction; que le dommage causé à l'économie s'apprécie de manière objective et concrète en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce ; que la cour d'appel a constaté que « dans les faits, la CEIC a décidé les banques réticentes au passage au système de l'EIC à l'accepter finalement » (arrêt, point 495) ; qu'en affirmant cependant, pour dire que c'est « à juste titre que l'Autorité a considéré que le contrefactuel qui devait être retenu était la situation résultant de la mise en place de l'EIC sans CEIC », que « le fait que, comme le fait observer la Société générale, la décision de mise en oeuvre de l'EIC relevait de la seule volonté des banques ne change rien, car, dès lors que les banques en cause décidaient de mettre en oeuvre l'EIC, elles devaient le faire dans le respect du droit de la concurrence et donc à condition de rechercher et de constater que l'une au moins d'entre elles pouvait de façon suffisamment réaliste envisager qu'elle allait subir des pertes », quand il ressortait de ses constatations que la décision des banques de mettre en oeuvre l'EIC résultait précisément de l'accord trouvé dans l'instauration de la CEIC, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L 464-2 du code de commerce ;

6) ALORS QUE le droit à un procès équitable, lequel inclut le respect du principe d'égalité des armes, le respect du principe du contradictoire et, en matière répressive au sens de la Convention européenne des droits de l'homme, le droit de tout accusé à être informé de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui, exclut que l'autorité de jugement puisse, dans la décision qu'elle prononce, venir modifier, même indirectement, la définition des faits reprochés ; que la communication des griefs, qui est la garantie procédurale essentielle, pour le respect des droits de la défense de l' entreprise à l'encontre de laquelle l'Autorité de concurrence envisage d'infliger une sanction pour violation des règles de concurrence, doit contenir les éléments essentiels retenus à l'encontre de l'entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve ; que l'Autorité de concurrence a, par actes du 14 mars 2008, adressé aux banques exposantes une notification de griefs « relative à la situation de la concurrence concernant les tarifs et les conditions liées appliqués par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis par les entreprises aux fins d'encaissement » ; que, dans ses conclusions, la société HSBC a fait valoir que l'Autorité de la concurrence avait, de manière erronée, pris en compte, pour déterminer le dommage causé à l'économie par les faits reprochés, les répercussions sur les clients particuliers des banques alors que la notification de griefs visait exclusivement « les tarifs et les conditions liées…pour le traitement des chèques remis par les entreprises aux fins d'encaissement » ; qu'en affirmant cependant, pour entériner l'appréciation portée par la décision entreprise sur le dommage causé à l'économie, incluant celui causé aux clients particuliers, que « la limitation du champ de la saisine concerne la ou les pratiques visées, mais ne saurait limiter le champ du dommage à l'économie causé par la ou les pratiques, quand bien même serait-il constaté sur un marché ou un secteur différent de celui concerné par les pratiques » et qu' il n'y a « pas lieu de considérer que le dommage à l'économie ne devait être examiné qu'au regard des chèques remis par les entreprises et non au regard des chèques remis par les particuliers » (arrêt, points 543 et 544), quand la notification de griefs, limitée aux tarifs et conditions appliqués pour le traitement des chèques remis par les entreprises, excluait l'examen des conséquences économiques du traitement des chèques remis par les particuliers, la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 et 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L 464-2 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE Sur les commissions AOCT

550. L'Autorité a, s'agissant des commissions AOCT, retenu que, faute d'éléments sur le niveau de coût exposés à l'occasion des opérations d'annulation à tort, le dommage à l'économie ne pouvait être quantifié avec précision, mais que ce dommage était de faible ampleur et significativement moindre que celui causé par la CEIC (décision attaquée, § 711).

551. L'Autorité a rappelé à ce sujet que les commissions AOCT sont prélevées sur une minorité d'opérations de compensation de chèques interbancaires et que la potentialité des effets anticoncurrentiels était limitée du fait du montant des commissions collectées, d'une part, et de la nature de la pratique, d'autre part. La cour relève que le montant de ces commissions représente moins de 0,3 % du montant de la CEIC (décision attaquée, § 713 et 715).

552. En outre, la décision attaquée a rappelé que les commissions AOCT constituent une charge d'exploitation pesant sur les résultats des banques dont une partie peut être répercutée sur les clients finaux via une facturation directe ou indirecte. Le montant de ces commissions n'ayant pas été fixé au regard des coûts exposés, ils sont susceptibles de conduire indirectement à une inflation du prix des services bancaires. Cependant, seule une fraction du montant des commissions AOCT, correspondant à la différence entre leur tarif et le coût réel du service, représente un surcoût imposé à la banque qui doit acquitter ces commissions, lequel est susceptible d'entraîner un dommage à l'économie.

553. Il résulte de l'ensemble de ces éléments objectifs que les commissions AOCT ont causé un dommage à l'économie qui, s'il est faible, n'en est pas pour le moins existant.

554. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais, le fait que les commissions AOCT contribuent à assurer le bon fonctionnement du système, puisqu'elles compensent la charge pour les banques concernées des coûts engagés en cas d'opération compensées à tort, n'implique pas nécessairement que leur perception n'a pas pu causer de dommage à l'économie. En effet, dans l'impossibilité de connaître les coûts réels de ces services, au moment de la création et de la perception de ces commissions jusqu'au prononcé de la décision attaquée, rien ne permet de dire que celles-ci étaient proportionnées aux coûts et, éventuellement, à l'objectif d'incitation à la limitation des erreurs et, partant qu'elles n'ont pas fait supporter aux banques, ainsi qu'aux clients auxquels ces commissions étaient facturées, un surcoût, constitutif d'un dommage à l'économie.

555. Par ailleurs, ce dommage ne peut être évalué à l'aune des constatations effectuées par l'expert indépendant désigné par les parties pour se conformer à l'injonction de l'article 5 de la décision attaquée, dès lors que celui-ci n'a pas travaillé sur les coûts des banques supportés à l'époque des faits.

556. Il se déduit de l'ensemble de ces éléments, que la cour adopte, que l'Autorité a, à juste titre, considéré que le dommage à l'économie causé par les commissions AOCT a été de faible ampleur.

7) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées, notamment, à l'ampleur de l'infraction ; que le dommage à l'économie ne peut être présumé ; qu'en affirmant, pour retenir l'existence d'un dommage à l'économie causé par les commissions AOCT, que « dans l'impossibilité de connaître les coûts réels de ces services, au moment de la création et de la perception de ces commissions jusqu'au prononcé de la décision attaquée, rien ne permet de dire que celles-ci étaient proportionnées aux coûts et, éventuellement, à l'objectif d'incitation à la limitation des erreurs et, partant qu'elles n'ont pas fait supporter aux banques, ainsi qu'aux clients auxquels ces commissions étaient facturées, un surcoût, constitutif d'un dommage à l'économie », la cour d'appel, qui a présumé de l'existence du dommage, a violé l'article L 464-2 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE Sur la méthode de détermination des sanctions

557. Pour déterminer le montant des sanctions, l'Autorité a pris en compte, non la valeur des ventes de produits ou services en relation avec l'infraction, mais, s'agissant des banques autres que la Banque de France, leur part sur le marché de l'émission et de la remise de chèques et leur produit net bancaire, au moyen d'une formule de calcul intégrant aussi le produit net bancaire de l'ensemble des banques mises en cause et un coefficient multiplicateur.

558. Les sociétés HSBC France, Société générale, BPCE, Crédit agricole et Le Crédit lyonnais prétendent que la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation en ce qui concerne l'application de cette méthode de détermination du montant des sanctions qui leur ont été infligées ; la société HSBC France soutient, par ailleurs, que cette méthode a été mise en oeuvre au mépris du principe du contradictoire.

(…)

Sur la motivation de la décision attaquée

565. Les sociétés HSBC France, BPCE, Crédit Agricole, Le Crédit Lyonnais, et Société Générale soutiennent que l'Autorité n'a pas satisfait à son obligation de motivation, en ce qui concerne tant sa décision d'écarter le critère de la valeur des ventes, que l'application de la formule de calcul qu'elle lui a substituée. Elles en concluent que la décision attaquée doit être annulée.

a) Sur la décision d'écarter le critère de la valeur des ventes

566. Les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais soutiennent que l'Autorité n'a pas motivé, de manière claire et précise, sa décision de ne pas s'appuyer sur la valeur des ventes des services concernés pour calculer le montant de base des sanctions et qu'elle n'a donc pas satisfait à son obligation de motivation.

567. Sur ce point, la cour rappelle au préalable, comme elle l'a fait plus haut, que, si la prise en compte de la valeur des ventes de biens ou services en relation avec l'infraction, pour calculer un montant de base de la sanction, est une méthode habituellement appliquée par les autorités de concurrence, et parmi celles-ci l'Autorité, comme en témoigne sa pratique décisionnelle, elle ne s'imposait nullement à l'Autorité, qui pouvait choisir d'appliquer toute autre méthode qu'elle jugeait plus appropriée au cas d'espèce, dans le respect des dispositions de l'article L 464-2 du code de commerce relatives au montant maximal des sanctions et à leur proportionnalité.

568. La cour relève, ensuite, que, contrairement à ce qu'allèguent les requérantes, il ressort de la décision attaquée que l'Autorité y a exposé les motifs qui l'ont conduite, au cas particulier, à ne pas asseoir le montant de base des sanctions qu'elle a prononcées sur la valeur des ventes et à lui substituer une autre méthode de calcul. C'est ainsi que l'Autorité a constaté, au paragraphe 750 de la décision attaquée, que, compte tenu des spécificités du secteur bancaire, la détermination de la valeur des ventes, consistant ici dans la valeur des ventes des services d'émission et de remise de chèques, s'avérait impossible.

569. Elle a justifié cette impossibilité en constatant que la tarification de ces services était l'objet de diverses modalités, directes et indirectes, et était caractérisée par l'existence de subventions croisées ; elle a, aux paragraphes 31 et 32 de la décision attaquée, explicité ces spécificités, en relevant, d'une part, que les banques recherchaient la rentabilité globale de leurs services au niveau de chaque client, et non service par service, de sorte qu'un service pouvait être fourni à perte, si un autre poste permettait de couvrir cette perte, et, d'autre part, que les modes de rémunération des services de chèques étaient variés – consistant dans une tarification directe de la remise de chèques au moyen de commission à la transaction, dans le bénéfice du « float », c'est-à-dire du produit de placement par la banque et pour son propre compte des sommes disponibles au crédit des comptes courants non rémunérés de ses clients et dans des commissions de mouvement –, et pouvaient être combinés entre eux.

570.L'Autorité a considéré qu'il en résultait une « opacité » de la tarification, empêchant « d'évaluer précisément la valeur des ventes réalisées par les banques à raison des services d'émission et de remise de chèques affectés par les pratiques en cause » (décision attaquée, § 683).

571. Il ressort de ces éléments de motivation que l'Autorité a exposé, avec suffisamment de clarté et de précision, les raisons qui l'ont conduite, au cas d'espèce, à ne pas calculer le montant de base des sanctions à partir de la valeur des ventes de biens et services concernés. Le moyen soutenu de ce chef par les sociétés Crédit Agricole et Le Crédit Lyonnais doit donc être rejeté.

b) Sur le produit net bancaire de chaque banque

572. La société BPCE rappelle que l'Autorité a, au paragraphe 751 de la décision attaquée, justifié la prise en compte, dans la formule de calcul, du produit net bancaire réalisé par chaque banque sur le territoire national par la circonstance que l'effet des pratiques en cause s'était étendu « au-delà du seul marché du chèque, pour toucher l'ensemble des activités bancaires des mises en cause ». Elle souligne que, pourtant, l'Autorité avait précédemment relevé que les marchés affectés étaient ceux de l'émission et de la remise de chèques, ainsi au paragraphe 670 de la décision attaquée, dans lequel elle indique que les commissions ont affecté « les différentes faces du marché, à savoir le marché de la remise de chèque et le marché de l'émission du chèque ». Elle reproche, par ailleurs, à l'Autorité de ne pas avoir expliqué en quoi le produit net bancaire refléterait la taille et la puissance économique d'une banque, alors qu'il est habituellement considéré, y compris par la Commission européenne, que la taille et la puissance économique d'une entreprise sont reflétées par son chiffre d'affaires. La société BPCE en conclut que la décision attaquée est affectée d'un défaut de motivation.

573. Sans doute l'Autorité a-t-elle effectivement considéré que les pratiques en cause avaient affecté le marché de la remise de chèques et le marché de l'émission de chèques, ceux-ci constituant « deux faces » du marché des services liés au paiement par chèques (décision attaquée, § 254 et 670) ; mais cette analyse n'est nullement contradictoire avec le constat, fait au paragraphe 751 de la décision attaquée, que, du fait des spécificités du secteur bancaire, tenant en particulier à l'existence de subventions croisées, les effets de ces pratiques ont touché l'ensemble des activités bancaires des mises en cause. L'Autorité a, ainsi, suffisamment motivé la prise en compte, pour le calcul du montant de base des sanctions, du produit net bancaire des mises en cause, celui-ci reflétant leur taille et leur puissance économique, au regard de l'ensemble de leurs activités bancaires, d'une façon plus appropriée que le chiffre d'affaires, habituellement retenu pour apprécier la taille des entreprises non financières.

c) Sur le produit net bancaire total des banques mises en cause

574. La société BPCE fait valoir que l'Autorité, après avoir exposé, au paragraphe 751 de la décision attaquée, qu'elle retiendrait deux éléments, la part de marché de chaque banque sur le marché de l'émission et de la remise de chèques et le produit net bancaire de chaque banque, s'est ensuite appuyée, « sans explication », sur le produit net bancaire total des banques en cause, qu'elle a intégré dans la formule de calcul présentée au paragraphe 755 de la décision attaquée, manquant ainsi à son obligation de motivation.

575. Mais la cour observe que, si le produit net bancaire total des mises en cause figurant dans la formule de calcul n'est pas explicitement mentionné au paragraphe 751 de la décision attaquée, dans lequel l'Autorité présente les éléments qu'elle retiendra, par préférence à la valeur des ventes, pour calculer le montant de base des sanctions, sa signification s'impose avec évidence, puisqu'il consiste dans l'addition du produit net bancaire de chacune des banques en cause, celui-ci permettant de tenir compte « de la taille et de la puissance économique de chaque banque et, partant, de ses capacités contributives » (décision attaquée, § 751).

3. Sur le bien-fondé de la formule de calcul des sanctions

576. En application de la méthode définie au paragraphe 755 de la décision attaquée, le montant de base de la sanction a été calculé ainsi : [(part relative de la banque concernée sur le marché de l'émission et de la remise de chèques x produit net bancaire total des mises en cause) + produit net bancaire de la banque concernée] x coefficient multiplicateur.

a) Sur la présentation de la formule de calcul :

577. Les parties soutiennent que cette formule est obscure et font grief à l'Autorité de ne pas avoir explicité les étapes du raisonnement.

578. Cette critique n'est pas fondée. En effet, chaque étape du raisonnement est explicitée par la formule de calcul précisée au paragraphe 755 de la décision attaquée, puis par les données propres à chacune des banques (coefficient et parts de marché sur le total de produit net bancaire en millions d'euros) aux paragraphes qui les concernent. Les données non précisées dans la décision attaquée sont ainsi reconstituables à partir des données propres à chaque banque (décision attaquée, § 759 à 787).

579. Dans le cadre de cette méthode, l'Autorité a appliqué au montant de base un coefficient qu'un calcul par application de la règle de trois permet de chiffrer à 0,2625 %, ainsi qu'il ressort du tableau suivant :




Banque
Parts de marché
Parts de marché
(M €)
Produit net bancaire
(M €)
montant de base de la sanction
(M €)
coefficient multiplicateur
référence décision attaquée


BNP-Paribas
11,48 %
7766
10778
48,68
0,2625 %
§ 759


BPCE-BP Participations
10,77 %
7286
7225
38,09
0,2625 %
§ 762


BPCE-CE Participations
8,68 %
5872
9603
40,62
0,2625 %
§ 764


Crédit agricole
24,02 %
16249
8057
63,8
0,2625 %
§ 768


LCL
6,30 %
4262
2382
17,44
0,2625 %
§ 772


HSBC
1,23 %
832
2614
9,05
0,2625 %
§ 775


Le Crédit industriel et commercial
6,12 %
4140
3917
21,15
0,2625 %
§ 777


Crédit Mutuel
10,23 %
6920
6374
34,9
0,2625 %
§ 779


Société Générale
9,47 %
6406
10570
44,56
0,2625 %
§ 782


Crédit du Nord
1,69 %
1143
1516
6,98
0,2625 %
§ 785


La Banque postale
10,01 %
6772
4612
29,88
0,2625 %
§ 787


Total
100,00 %
67647
67647
355,15
0,2625 %



580. Au regard des données de ce tableau, le calcul à effectuer pour connaître le coefficient est le suivant : Montant de base de la sanction de la banque (Part de marché de la banque X produit net total des banques) + produit net de la banque

581. Les moyens développés à ce sujet sont en conséquence rejetés.

b) Sur le choix du produit net bancaire au lieu de la valeur des ventes

582. Les parties reprochent à l'Autorité de s'être écartée de la valeur des ventes qui avait été évaluée par les rapporteurs.

583. Cependant, outre que l'Autorité n'est pas tenue de reprendre à son compte les évaluations proposées par les rapporteurs, il convient d'observer que celle présentée était insuffisamment fiable concernant l'évaluation de la valeur des ventes sur le marché de la remise de chèques, d'une part, en ce qu'elle ne couvrait pas l'ensemble des canaux de facturation indirecte du service, d'autre part, en ce qu'elle reposait sur des hypothèses incertaines en raison du manque de données disponibles. Il ne peut être reproché à l'Autorité de ne pas avoir demandé la communication des montants de valeur des ventes, qui n'avaient pas été transmis par les parties, puisque le produit net bancaire constituait, en tout état de cause, ainsi qu'il sera précisé ci-dessous, une assiette davantage justifiée au regard des exigences de proportionnalité de la sanction.

584. À ce sujet, la cour rappelle encore que le mécanisme de rémunération des services liés au chèque reposant en partie sur le système de subventions croisées déjà décrit, rendait nécessairement incertaine la détermination de la valeur des ventes de services liés aux chèques. De surcroît, la détermination de la sanction au regard de la seule valeur des ventes n'aurait pas permis de proportionner la sanction dans la mesure où la CEIC, compte tenu de ce financement, a eu des répercussions sur l'ensemble des services rendus par les banques à leurs clients.

585. Par ailleurs, si l'expert économiste des parties a procédé à sa propre évaluation de la valeur des ventes sur la face de l'émission des chèques, cette évaluation ne peut être retenue, dès lors que, comme l'oppose l'Autorité, elle ne prend pas en compte la valeur des services de chèque fournis aux particuliers, elle se limite à l'étude des prix faciaux et des jours de banque sans prendre en compte les modalités de tarification indirecte, telles que les commissions de mouvement, et elle repose sur l'exploitation exclusive des données du sondage de prix, lesquelles ne sont pas représentatives de l'ensemble des entreprises, dont la facturation est incomparable s'agissant des grands remettants ou des PME.

586. La Société générale, ainsi que les sociétés Crédit agricole, Le Crédit lyonnais et HSBC France soutiennent que la référence au produit net bancaire ne permettait ni de répondre à l'exigence de proportionnalité de la sanction, ni de traduire la taille et la puissance économique de chaque banque. La société HSBC France indique que cette méthode de calcul aboutit à un niveau de sanction déconnecté à la fois de la valeur du marché affecté et de l'effet des pratiques concernées.

587. Toutefois, c'est à juste titre que l'Autorité s'est référée au produit net bancaire.

588. En effet, cette donnée, qui, selon la définition de l'INSEE, mesure la contribution spécifique des banques à l'augmentation de la richesse nationale et peut, en cela, être rapprochée de la valeur ajoutée dégagée par les entreprises non financières (décision attaquée, § 630), est le résultat de la différence entre les produits et les charges d'exploitation bancaire. Il donne ainsi la mesure de l'activité de la banque et permet à la fois de mesurer sa puissance économique, sa place sur le marché global des services bancaires et sa faculté contributive. Cette donnée permet donc à la fois de déterminer la part prise par chaque banque au dommage à l'économie et de proportionner la sanction, d'une part, à la participation à l'infraction de chaque banque, d'autre part, à ses facultés contributives.

589. Par ailleurs, si le produit net bancaire est d'un montant plus élevé que la valeur des ventes des services de remise et d'émission de chèques, la référence à celui-ci se justifie dans les circonstances de l'espèce où les pratiques ont porté sur un service rémunéré par des subventions croisées et dont les effets se sont donc reportés sur l'ensemble de l'activité. De surcroît, ce choix de méthode est compensé par l'application d'un coefficient de faible portée permettant ainsi de minorer le montant de la sanction et de le proportionner à la gravité des pratiques et au dommage à l'économie.

590. En outre, si pour certaines banques (Crédit agricole, Le Crédit industriel et commercial, la Confédération nationale du Crédit mutuel, HSBC France et La Banque postale), le montant de la part de marché appliqué au produit net bancaire total excède le montant de leur produit net bancaire propre, ce constat ne reflète pas une incohérence de la formule employée, mais constitue le résultat de ce que, leur part sur le marché de la remise et de l'émission de chèques étant supérieure à ce qu'elle représente pour les autres banques, leur participation à la pratique a davantage impacté le marché.

591. Enfin, si, postérieurement à la décision attaquée, l'Autorité a, dans son communiqué sanctions, énoncé que la taille et la puissance économique seraient examinées comme un facteur d'aggravation ou d'atténuation de la sanction, cette prise de position n'invalide pas pour autant l'analyse différente, adoptée en l'espèce et consistant à estimer, en premier lieu, la part prise par chaque société participante au dommage à l'économie, compte tenu de sa part sur le marché du chèque, puis en second lieu, sa puissance économique traduite par son produit net bancaire.

592. Il s'ensuit que les critiques des parties sur ces points ne sont pas fondées.

c) Sur la combinaison des deux termes du calcul : parts de marché et produit net bancaire

593. L'Autorité a décidé, ainsi qu'il été dit précédemment, d'asseoir le montant de base de la sanction sur deux éléments, à savoir, d'une part, la part de marché de chaque banque sur le marché de l'émission et de la remise de chèques (traduite par la multiplication de la part de marché de l'émission et de la remise de chèques par le total du produit net bancaire) et, d'autre part, le produit net bancaire réalisé par chaque banque sur le seul territoire national.

594. Elle a précisé à juste titre, par une analyse que la cour adopte, que le premier élément permet de tenir compte de la position spécifique de chaque banque sur le marché affecté et que le second élément traduit la taille et la puissance économique de chaque banque et, partant, de ses capacités contributives.

595. La combinaison de ces deux éléments permet également de tenir compte de la circonstance que l'effet des pratiques en litige s'est étendu au-delà du seul marché du chèque, pour toucher l'ensemble des activités bancaires des mises en cause, en raison des modalités spécifiques de tarification de ces activités (subventions croisées).

596. Contrairement à ce que soutiennent certaines parties, il n'est pas incohérent d'appliquer les parts détenues par les banques en cause sur le marché de l'émission et de la remise de chèques au montant total des produits net bancaires. En effet, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, d'une part, l'Autorité ne disposait pas de données suffisamment fiables sur le marché de la remise des chèques, d'autre part, compte tenu du mécanisme de subventions croisées permettant le financement du chèque, la perception ou le paiement des commissions a nécessairement eu un effet sur le financement de l'ensemble des services rendus par les banques.

597. Par ailleurs, plusieurs parties font valoir qu'il n'est pas possible de prendre en compte un tel marché affecté dans la mesure où ni la saisine ni les griefs notifiés, ne concernaient le marché de l'émission de chèques et que, dans ces circonstances, l'Autorité n'était pas fondée à étendre le marché affecté au marché de l'émission de chèques.

598. Cependant, la notification de griefs a clairement énoncé au paragraphe 108 que « le marché de produit est donc celui du chèque à l'exclusion des autres moyens de paiement en euros », ce qui conduit à considérer que ce marché était visé dans sa globalité. En outre, le rapport du 14 septembre 2008 indique, au paragraphe 541, que, pour donner un ordre de grandeur du dommage à l'économie, il convient d'apprécier la taille des marchés affectés et que le marché pertinent « est constitué de deux sous-ensembles distincts, celui de l'émission des formules de chèques et celui de la remise de ces formules qui sont eux-mêmes interdépendants. ». Si, dans la suite de ce paragraphe, les rapporteurs se bornent à estimer la valeur des ventes de la remise de chèque, il n'en demeure pas moins qu'il est préalablement précisé que la remise et l'émission sont interdépendants et que l'Autorité n'était pas tenue, ainsi qu'il a été retenu précédemment, par cette analyse des services d'instruction. Il est sans portée à ce sujet que la saisine d'office ait été intitulée comme étant relative « aux tarifs et aux conditions liées appliqués par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis aux fins d'encaissement » et que les deux rapports ultérieurs des rapporteurs aient repris cet intitulé, dès lors que le marché pertinent n'a, à aucun moment de la procédure, été restreint au marché de la remise de chèques. En effet, cet intitulé n'exclut en rien que les pratiques en cause aient aussi, en miroir, concerné l'émission de chèques, qui constitue l'autre face du marché. Cette activité est en lien avec l'infraction dès lors que la CEIC commission versée par les banques remettantes aux banques émettrices (les banques tirées) apportait une recette artificielle à ces dernières, faussant ainsi pour elles le jeu de la concurrence tout autant que, pour les banques remettantes, le coût artificiel du paiement de la CEIC. À ce titre, au surplus, la cour rappelle que la CEIC a été instaurée afin que les équilibres financiers des banques ne soient pas modifiés par la mise en place de l'EIC. Il s'en déduit que cette commission a affecté les activités de remise et d'émission, quand bien même aurait-elle pu favoriser une baisse des prix sur le segment de marché de la remise, ainsi que le soutient la société BPCE.

599. Pour les mêmes motifs, il est sans effet que la CEIC n'ait pas été perçue pour les chèques intrabancaires.

600. Les parties soutiennent encore que cette méthode aboutirait à intégrer à deux reprises le même produit net bancaire, lequel est d'abord multiplié par la part de marché avant d'être une seconde fois additionné au total.

601. Toutefois, ainsi qu'il a été retenu précédemment, la méthode appliquée, qui tient compte de l'ensemble constitué par la part de marché de chaque banque sur le total des produits net bancaires de toutes, puis, dans un second temps, du montant du produit net bancaire de chacune, est justifiée en ce qu'elle permet ainsi d'individualiser les sanctions tout en tenant compte dans leur montant, d'une part, d'un montant représentatif de son activité individuelle sur le marché affecté par les pratiques et, d'autre part, de la valeur ajoutée réalisée par chaque banque traduisant sa puissance économique.

d) Le coefficient

602. Les parties font valoir qu'aucun élément ne vient expliquer ou justifier la provenance du coefficient. La cour relève toutefois, d'une part, que le montant du coefficient appliqué par l'Autorité, s'il eût certes été préférable qu'il soit précisé dans la décision attaquée, est facilement reconstituable par l'application mathématique de la règle de trois, ainsi qu'il a été relevé précédemment (§ 579). Par ailleurs, ce coefficient constitue la traduction chiffrée de l'ensemble des éléments retenus tant au titre de la gravité de la pratique qu'en ce qui concerne le dommage à l'économie. Sur ce point, l'Autorité, qui a détaillé à la fois la méthode, mais aussi les éléments chiffrés qu'elle a pris en compte, puis les éléments retenus au titre des pratiques et du dommage à l'économie, n'avait pas à apporter d'autres précisions.

e) Sur la surévaluation prétendue des sanctions

603. Il ressort de ce qui précède que les paramètres retenus par l'Autorité pour la fixation de la sanction sont justifiés et fondés. Il est, dans ces conditions, sans effet que les sanctions prononcées aient été plus élevées que ce qu'elles auraient été si l'Autorité avait seulement retenu comme base de la sanction la valeur des ventes sur le marché de l'émission. C'est en vain que la société BNP Paribas reproche à l'Autorité de ne pas avoir tenu compte du montant des commissions perçues par elle « au titre du traitement de l'encaissement de chèques par des entreprises facturées à l'opération », communiqué à plusieurs reprises, puisque cette donnée n'est que très parcellaire au regard de la portée de la pratique. Il est indifférent que cette méthode aboutisse à sanctionner les pratiques au-delà des profits que les banques auraient pu tirer de la perception des commissions en cause.

604. C'est aussi à tort que les parties invoquent d'autres affaires dans lesquelles les méthodes ou les coefficients appliqués auraient été différents, chaque espèce présentant ses spécificités propres, notamment, en ce qui concerne l'appréciation de la nécessité de prévenir les pratiques. Sur ce point, la cour relève que, si les dispositions de l'article L. 464-2 du code de commerce ne font pas référence à la fonction dissuasive de la sanction dans les critères de détermination qu'elles énoncent, il n'en demeure pas moins qu'il ne peut être reproché à l'Autorité d'avoir expliqué la sévérité des paramètres de calculs choisis, et que la cour approuve, en invoquant la nécessité de prendre en considération cet objectif de dissuasion, inhérent par principe à toute sanction.

8) ALORS QUE le droit à un procès équitable emporte l'obligation pour le juge de motiver sa décision ; que la formule, retenue par l'Autorité de la concurrence pour fixer le montant des sanctions, soit « [(part relative de la banque concernée sur le marché de l'émission et de la remise de chèques x produit net bancaire total des mises en cause) + produit net bancaire de la banque concernée] x coefficient multiplicateur », ne permettait pas, ainsi que le faisait valoir les banques dans leurs mémoires, d'établir le lien entre le montant de la sanction prononcée et la prise en compte de la gravité des faits, des éléments d'atténuation de cette gravité et du dommage à l'économie, tels qu'analysés par la décision ; qu'en affirmant cependant, pour confirmer la méthode de détermination du montant de la sanction utilisée, que « chaque étape du raisonnement est explicitée par la formule de calcul précisée au paragraphe 755 de la décision attaquée, puis par les données propres à chacune des banques (coefficient et parts de marché sur le total de produit net bancaire en millions d'euros) aux paragraphes qui les concernent », que « les données non précisées dans la décision attaquée sont ainsi reconstituables à partir des données propres à chaque banque (décision attaquée, § 759 à 787) », que « dans le cadre de cette méthode l'Autorité a appliqué au montant de base un coefficient qu'un calcul par application de la règle de trois permet de chiffrer à 0,2625 % », que « ce coefficient constitue la traduction chiffrée de l'ensemble des éléments retenus tant au titre de la gravité de la pratique qu'en ce qui concerne le dommage à l'économie », que « sur ce point, l'Autorité, qui a détaillé à la fois la méthode, mais aussi les éléments chiffrés qu'elle a pris en compte, puis les éléments retenus au titre des pratiques et du dommage à l'économie, n'avait pas à apporter d'autres précisions », que « l'Autorité n'était pas tenue de motiver davantage la façon dont elle tenait compte de cet élément d'atténuation, et l'importance du montant des sanctions, fondée sur un ensemble complexe d'éléments et d'appréciations, qui seront examinés ci-dessous, ne permet pas d'affirmer, comme le font certaines parties, qu'il n'a en réalité pas été tenu compte de cet élément » et qu'« enfin, contrairement à ce que soutiennent les parties, l'Autorité n'avait pas à chiffrer un pourcentage retenu au titre de la gravité ou des éléments atténuant cette gravité, le coefficient de 0,2625 % appliqué permettant de constater qu'elle a bien tenu compte de l'ensemble des éléments retenus à ce titre » (arrêt, points 578, 579, 602, 429 et 482), quand il appartenait à l'Autorité de la concurrence et à la cour d'appel, sur recours, de motiver leur décision de sorte que l'application d'un coefficient de « 0,2625 % » apparaisse compréhensible et que le lien avec la gravité des faits, les éléments d'atténuation de cette gravité et l'importance du dommage à l'économie soit établi, la cour d'appel a encore méconnu le droit de tout justiciable à un procès équitable, en violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L 464-2 du code de commerce ;

9) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération ; que la cour d'appel a retenu que « le système dans lequel s'inscrit l'utilisation du moyen de paiement par chèque est un système global, les services proposés étant rémunérés de façon forfaitaire et négociés au niveau de chaque client et non pas service par service » et que « du fait du système de subventions croisées, les effets de la CEIC se sont répercutés sur l'ensemble des services bancaires, au-delà des seuls services liés au chèque » (arrêt, points 503 et 504) ; qu'en se fondant cependant, pour fixer le montant de la sanction, sur le produit net bancaire, lequel inclut non seulement les marges et commissions sur les «services bancaires », au sens strict du terme, mais également les marges et commissions des banques sur les activités de marché et les flux d'intérêts perçus sur les prêts interbancaires et portefeuilles pour compte, qui n'étaient pas impactés par la pratiques reprochée, la cour d'appel a intégré des valeurs sans lien avec l'infraction et le dommage qui en est résulté, en violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L 464-2 du code de commerce ;

10) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération ; que les banques ont fait valoir le caractère incohérent de la formule retenue par l'Autorité de la concurrence, pour déterminer du montant de la sanction, qui, au titre du premier élément permettant « de tenir compte de la position C spécifique de chaque banque sur le marché affecté », a retenu la multiplication de la part de la banque sur le marché de l'émission et de la remise du chèque par le produit net bancaire de l'ensemble des banques, bien que ce dernier élément soit sans lien avec l'infraction et le dommage qui en est résulté, et a abouti, pour certaines banques, à un montant supérieur à leur propre produit net bancaire ; qu'en retenant cependant la formule adoptée par l'Autorité de la concurrence pour déterminer le montant de la sanction, au motif, erroné, que ce constat « constitue le résultat de ce que leur part sur le marché de la remise et de l'émission de chèques étant supérieure à ce qu'elle représente pour les autres banques, leur participation à la pratique a davantage impacté le marché », sans rechercher si ce constat ne résultait pas directement de ce que le produit net bancaire de l'ensemble des banques intégrait les marges et commissions des banques ayant d'importantes activités de marché, partant était sans lien avec le manquement, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L 464-2 du code de commerce ;

11) ALORS QUE le droit à un procès équitable, lequel inclut le respect du principe d'égalité des armes, le respect du principe du contradictoire et, en matière répressive au sens de la Convention européenne des droits de l'homme, le droit de tout accusé à être informé de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui, exclut que l'autorité de jugement puisse, dans la décision qu'elle prononce, venir modifier, même indirectement, la définition des faits reprochés ; que la communication des griefs, qui est la garantie procédurale essentielle, pour le respect des droits de la défense de l'entreprise à l'encontre de laquelle l'Autorité de concurrence envisage d'infliger une sanction pour violation des règles de concurrence, doit contenir les éléments essentiels retenus à l'encontre de l'entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée, de sorte que seuls les faits reprochés et le dommage à l'économie qui en est résulté peuvent fonder la sanction ; que, par décision n° 03-SO-01 du 29 avril 2003, le Conseil de la concurrence s'est saisi d'office de « la situation de la concurrence concernant les tarifs et les conditions liées appliqués par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis aux fins d'encaissement » ; que, par actes du 14 mars 2018, l'Autorité de concurrence a, adressé aux banques une notification de griefs « relative à la situation de la concurrence concernant les tarifs et les conditions liées appliqués par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis par les entreprises aux fins d'encaissement »; qu'en confirmant cependant la méthode de détermination du montant de la sanction fondée, non seulement sur la part de chacune des banques sur le marché de la remise des chèques, mais également sur la part de chacune des banques sur le marché de l'émission des chèques, aux motifs erronés et inopérants que « la notification de griefs a clairement énoncé au paragraphe 108 que « le marché de produit est donc celui du chèque à l'exclusion des autres moyens de paiement en euros », ce qui conduit à considérer que ce marché était visé dans sa globalité », qu' « en outre, le rapport du 14 septembre 2008 indique, au paragraphe 541, que, pour donner un ordre de grandeur du dommage à l'économie, il convient d'apprécier la taille des marchés affectés et que le marché pertinent « est constitué de deux sous-ensembles distincts, celui de l'émission des formules de chèques et celui de la remise de ces formules qui sont eux-mêmes interdépendants », que « si, dans la suite de ce paragraphe, les rapporteurs se bornent à estimer la valeur des ventes de la remise de chèque, il n'en demeure pas moins qu'il est préalablement précisé que la remise et l'émission sont interdépendants et que l'Autorité n'était pas tenue, ainsi qu'il a été retenu précédemment, par cette analyse des services d'instruction », qu' « il est sans portée à ce sujet que la saisine d'office ait été intitulée comme étant relative « aux tarifs et aux conditions liées appliqués par les banques et les établissements financiers pour le traitement des chèques remis aux fins d'encaissement » et que les deux rapports ultérieurs des rapporteurs aient repris cet intitulé, dès lors que le marché pertinent n'a, à aucun moment de la procédure, été restreint au marché de la remise de chèques », que « cet intitulé n'exclut en rien que les pratiques en cause aient aussi, en miroir, concerné l'émission de chèques, qui constitue l'autre face du marché », que « cette activité est en lien avec l'infraction dès lors que la CEIC commission versée par les banques remettantes aux banques émettrices (les banques tirées) apportait une recette artificielle à ces dernières, faussant ainsi pour elles le jeu de la concurrence tout autant que, pour les banques remettantes, le coût artificiel du paiement de la CEIC », qu' « au surplus, la cour rappelle que la CEIC a été instaurée afin que les équilibres financiers des banques ne soient pas modifiés par la mise en place de l'EIC » et qu' « il s'en déduit que cette commission a affecté les activités de remise et d'émission, quand bien même aurait-elle pu favoriser une baisse des prix sur le segment de marché de la remise, ainsi que le soutient la société BPCE » (arrêt, point 598), la cour d'appel a violé les articles 6 § 1 et 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L 464-2 du code de commerce ;

12) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération ; que les commissions d'échange image chèque (CEIC) et d'annulation d'opérations compensées à tort (AOCT), commissions interbancaires, ont été sans application aucune dans le cas des chèques intrabancaires, tirés et remis à la même banque ; que les banques ont fait valoir que la formule, retenue par l'Autorité de la concurrence, pour déterminer du montant de la sanction, prenait en compte le marché des chèques intrabancaires alors même que ce marché était sans lien avec l'infraction ; qu'en affirmant, pour confirmer la méthode de détermination du montant de la sanction que l'activité d'émission de chèque « est en lien avec l'infraction dès lors que la CEIC commission versée par les banques remettantes aux banques émettrices (les banques tirées) apportait une recette artificielle à ces dernières, faussant ainsi pour elles le jeu de la concurrence tout autant que, pour les banques remettantes, le coût artificiel du paiement de la CEIC », qu' « au surplus, la cour rappelle que la CEIC a été instaurée afin que les équilibres financiers des banques ne soient pas modifiés par la mise en place de l'EIC » et que « pour les mêmes motifs, il est sans effet que la CEIC n'ait pas été perçue pour les chèques intrabancaires » (arrêt, points 598 et 599), quand aucune commission CEIC ou AOCT ne pouvait être versée ou perçue à l'occasion de l'émission ou de la remise d'un chèque intrabancaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L 464-2 du code de commerce ;

13) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération ; que l'intensité des peines ne doit pas être disproportionnée par rapport à l'infraction ; que, dans leurs mémoires, les banques ont fait valoir que la méthode de détermination du montant de la sanction, qui intégrait des données sans lien avec l'ampleur économique de l'infraction, aboutissait au prononcé de sanctions d'un montant manifestement excessif au point d'en être disproportionné ; qu'en se bornant, pour confirmer la méthode de détermination du montant des sanctions, à affirmer que « si les dispositions de l'article L 464-2 du code de commerce ne font pas référence à la fonction dissuasive de la sanction dans les critères de détermination qu'elles énoncent, il n'en demeure pas moins qu'il ne peut être reproché à l'Autorité d'avoir expliqué la sévérité des paramètres de calculs choisis, et que la cour approuve, en invoquant la nécessité de prendre en considération cet objectif de dissuasion, inhérent par principe à toute sanction », quand l'objectif de dissuasion ne permet pas de décider de manière arbitraire et en retenant dans leur détermination des éléments sans lien avec l'infraction et le dommage économique causé, un montant de sanctions excessif au point d'en être disproportionné, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L 464-2 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS QUE Sur la réitération

608. L'Autorité a considéré que les sociétés Caisses d'Epargne, Crédit agricole, Le Crédit lyonnais, BNP Paribas et Société générale, ainsi que la Confédération nationale du Crédit mutuel, se trouvaient en situation de réitération, au sens de l'article L. 464-2 du code de commerce. Elle a rappelé à ce sujet que, par décision n° 00-D-28 du 19 septembre 2000, ces mêmes établissements avaient été précédemment condamnés par le Conseil de la concurrence à des sanctions pécuniaires pour avoir mis en oeuvre des pratiques prohibées par l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 420-1 du code de commerce, sur le marché du crédit immobilier aux particuliers, en constituant entre elles un « pacte de non-agression », tendant à restreindre les possibilités de renégociation des prêts immobiliers de leur clientèle, pacte qui a conduit ces divers organismes à adopter des politiques commerciales similaires. Elle en a conclu que cette décision, devenue définitive, constituait un « constat d'infraction antérieur » portant sur des pratiques similaires aux pratiques en cause dans la présente affaire et que les conditions d'une majoration des sanctions prononcées pour réitération étaient donc réunies. Au vu des circonstances de l'espèce, elle a fixé à 20 % le montant de cette majoration.

609. Les sociétés BNP Paribas, Crédit agricole, Le Crédit lyonnais, BPCE et Société générale demandent à la cour de réformer sur ce point la décision attaquée. Elles soutiennent, en effet, que les conditions d'une majoration de la sanction pour réitération ne sont pas remplies.

610. C'est ainsi qu'elles font valoir que la décision précitée du Conseil de la concurrence ne saurait être retenue à titre de constat d'infraction antérieur, puisque, rendue le 19 septembre 2000, elle est postérieure à l'accord du 3 février 2000 ayant instauré les commissions litigieuses.

611. Cependant, cette simple constatation ne fait pas obstacle à la prise en compte de cette décision ; en effet, ce qui, pour l'Autorité, caractérise la réitération n'est pas la conclusion de l'accord du 3 février 2000, mais, s'agissant de pratiques de nature continue, la poursuite, après cette décision, de l'entente « scellée » par ce même accord, lequel a été mis en oeuvre du 1er janvier 2002 au 1er juillet 2007, s'agissant de la CEIC, et depuis le 1er juillet 2002, s'agissant des commissions AOCT. À cet égard, l'Autorité invoque la pratique décisionnelle des autorités de concurrence et la jurisprudence, tant internes (Cons. conc. décis. n° 07-D-50 du 20 décembre 2007 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution de jouets, CA Paris 28 janv. 2009, rejetant le pourvoi contre cette décision) que communautaires (TUE, arrêt du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T-54/03, confirmé par CJUE, arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C-413/08 P) ; elle souligne que dans ces différentes espèces, ont été majorées, au titre de la réitération, les sanctions pécuniaires infligées pour des pratiques qui avaient débuté avant la décision constatant et sanctionnant des pratiques identiques ou similaires, mais qui s'étaient poursuivies postérieurement.

612. La cour précise que la décision n° 00-D-28, du 19 septembre 2000, invoquée par l'Autorité, est devenue définitive, la cour d'appel de Paris ayant, par arrêt du 27 novembre 2001, rejeté les recours dont elle avait été l'objet et la Cour de cassation ayant, par arrêt du 23 juin 2004 (Chambre commerciale financière et économique, pourvois n° 01-17.928 et 02-10.066), rejeté les pourvois formés contre cet arrêt.

613. Par ailleurs, la cour rappelle que cette précédente décision portait sur des pratiques d'entente anticoncurrentielle entre plusieurs banques consistant dans le fait d'avoir conclu entre elles un pacte de non-agression sur le marché de la renégociation des prêts immobiliers, par lequel elles avaient convenu de ne pas accepter l'offre de clients proposant, à l'occasion de la baisse des taux de crédit immobilier, de changer de banque moyennant la renégociation de leurs prêts à un taux de crédit inférieur à celui obtenu auprès d'une banque partenaire de l'accord. La décision n° 00-D-28 précise que ces pratiques avaient un objet anticoncurrentiel et qu'elles ont porté une atteinte sensible au jeu de la concurrence et à l'intérêt des consommateurs.

614. Les pratiques reprochées aux banques en l'espèce sont similaires à celles sanctionnées par la décision n° 00-D-28, précitée et devenue définitive, en ce que leurs finalités ont été identiques. En effet, comme les pratiques sanctionnées en 2000, ces banques, face à une évolution du secteur de nature à modifier leurs situations sur le marché, tendu, ont, par une mesure concertée maintenu artificiellement les équilibres financiers existant entre elles et faussé ainsi le jeu de la concurrence.

615. Il est sans portée sur ce point que le marché de la renégociation des crédits immobiliers soit distinct de celui de la remise et de l'encaissement des chèques, ou que la jurisprudence ne se soit pas encore prononcée sur une commission identique ou similaire à la CEIC, ou encore que la DGCCRF, n'ait pas alerté les banques de la situation, alors qu'elle avait été informée de l'accord, et que celui-ci n'ait pas été secret, à la différence de la pratique sanctionnée en 2000.

616. Enfin, les sociétés Crédit agricole et Le Crédit lyonnais font valoir que l'accord du 3 février 2000 s'imposait à toutes les banques françaises participant au système obligatoire de compensation et qu'il n'aurait pu être modifié que par une décision de l'ensemble de celles-ci et de la Banque de France, ce qui empêchait les parties de s'affranchir de son exécution ainsi que de s'y opposer.

617. Toutefois, la situation ainsi invoquée, si elle est réelle, ne constitue qu'une circonstance inopérante à l'existence objective d'une réitération. La cour observe sur ce point, à titre surabondant, qu'en tout état de cause aucune des banques concernées n'a alerté ses partenaires à l'entente ou manifesté à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 24 juin 2004 rendant définitive la décision 00-D-28 du Conseil de la concurrence, le moindre désaccord avec la pratique de la CEIC.

618. Il s'ensuit que les moyens des parties sont rejetés.

14) ALORS QUE les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération ; que la réitération, qui suppose qu'une infraction précédente a été constatée avant la commission de nouvelles pratiques, ne peut être retenue que si son auteur peut ne pas participer ou s'affranchir de la pratique reprochée ; que, dans leur mémoire, les banques Crédit Agricole et Le Crédit Lyonnais ont fait valoir que si la mise en oeuvre des accords conclus en 2000, instaurant les commissions CEIC et AOCT, s'est poursuivie postérieurement à la date à laquelle une précédente infraction a été définitivement constatée, la suppression de ces commissions supposait l'accord unanime des banques, de sorte qu'aucune d'entre elles ne pouvait unilatéralement y mettre fin ; qu'en affirmant cependant, pour retenir la réitération que « la situation ainsi invoquée, si elle est réelle, ne constitue qu'une circonstance inopérante à l'existence objective d'une réitération », la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L 464-2 du code du commerce.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.