13 février 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-21.252

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:C200304

Texte de la décision

CIV. 2

COUR DE CASSATION



CM


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 13 février 2020




NON-LIEU A RENVOI


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 304 F-D

Pourvoi n° T 19-21.252







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 FÉVRIER 2020

Par mémoire spécial présenté le 13 décembre 2019, M. B... E..., domicilié [...] , a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° T 19-21.252 formé contre l'arrêt rendu le 14 juin 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans une instance l'opposant :

1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, dont le siège est [...] ,

2°/ au ministère de la justice, dont le siège est [...] ,

3°/ à l'Agent judiciaire de l'État, domicilié [...] ,

4°/ au ministre des affaires sociales et de la santé, dont le siège est [...] ,

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. E..., de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du ministère de la justice et de l'Agent judiciaire de l'État, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 5 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Le Fischer, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. M. E... exerce une activité de traducteur-interprète et intervient, à ce titre, depuis 1994, auprès des autorités judiciaires sur la base de réquisitions. Il a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande tendant, notamment, à son affiliation rétroactive au régime général.

2. M. E... a présenté, à l'occasion du pourvoi formé contre l'arrêt rejetant son recours, par un écrit distinct et motivé, des questions prioritaires de constitutionnalité que la Cour de cassation a reçues le 13 décembre 2019.

Énoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

3. Les questions sont ainsi rédigées :

« 1°/ Les articles L. 311-2 et L. 311-3, 21°, du code de la sécurité sociale interprétés – comme limitant l'affiliation au régime général aux seules personnes qui contribuent à l'exécution d'une mission de service public à caractère administratif pour le compte d'une personne publique ou privée, lorsque cette activité revêt un caractère occasionnel – excluant ainsi de l'affiliation au régime général celles pour lesquelles cette même activité revêt un caractère permanent, alors que l'une comme l'autre effectuent la même prestation de travail dans les mêmes conditions, seule la quantité de travail fournie diffère méconnaissent-ils le principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme ?

2°/ Les dispositions de l'article L. 311-3, 21°, du code de la sécurité sociale sont-elles contraires au principe d'égalité devant la loi, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, en tant qu'elles prévoient que seules « les personnes qui contribuent à l'exécution d'une mission de service public à caractère administratif pour le compte d'une personne publique ou privée, lorsque cette activité revêt un caractère occasionnel » sont affiliées au régime général, privant ainsi les collaborateurs permanents du service public du bénéfice de l'affiliation au régime général, alors que l'un comme l'autre effectue la même prestation de travail dans les mêmes conditions, seule la quantité de travail fournie diffère ?

3°/ Les dispositions de l'article L. 311-3, 21°, du code de la sécurité sociale méconnaissent-elles l'article 34 de la Constitution, le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et les articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, en tant qu'elles prévoient l'affiliation « au régime général des personnes qui contribuent à l'exécution d'une mission de service public à caractère administratif pour le compte d'une personne publique ou privée, lorsque cette activité revêt un caractère occasionnel » – sans que ce caractère « occasionnel » soit autrement défini – alors qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, que le plein exercice de cette compétence, ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi, d'autant qu'il y a lieu de ranger au nombre des principes fondamentaux de la sécurité sociale, et qui comme tels relèvent du domaine de la loi, l'existence d'un régime de sécurité sociale, la détermination des catégories de bénéficiaires ainsi que de la définition de la nature des conditions exigées pour l'attribution des prestations ? »

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

4. Les questions tendent, eu égard aux termes du litige, à la contestation de la conformité à la Constitution des dispositions du premier alinéa du 21° de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue, successivement, de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, de la loi n° 2008-650 du 3 juillet 2008 et de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014. Ces dispositions sont applicables au litige qui se rapporte, pour partie, à l'affiliation de M. E... au régime général pour la période du 21 juillet 1999 au 13 octobre 2015.

5. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. Cependant, d'une part, ne portant pas sur l'interprétation de dispositions constitutionnelles dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, les questions posées ne sont pas nouvelles.

7. D'autre part, elles ne présentent pas un caractère sérieux pour les raisons suivantes.

Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit.

En prévoyant l'assujettissement par assimilation, aux assurances maladie, maternité, invalidité et décès et aux assurances vieillesse et veuvage du régime général, des personnes qui collaborent à titre occasionnel au service public, dès lors qu'elles remplissent les conditions qu'elles fixent, les dispositions critiquées ont pour objet d'unifier et de simplifier la situation des intéressés en garantissant leur affiliation obligatoire aux assurances sociales du régime général. La différence de traitement qui en résulte avec les autres collaborateurs du service public repose sur un critère objectif et rationnel en rapport avec le but poursuivi. Il ne saurait être sérieusement soutenu, dès lors, que ces dispositions, qui revêtent un caractère dérogatoire aux règles ordinaires d'assujettissement au régime général, méconnaissent les exigences du principe de l'égalité devant la loi énoncé à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ni les exigences des autres dispositions, règles et principes de valeur constitutionnelle invoqués au soutien des questions.

8. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer ces questions au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président et M. Prétot, conseiller doyen en ayant délibéré conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, en l'audience publique du treize février deux mille vingt.

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