10 novembre 2020
Cour d'appel de Besançon
RG n° 20/00009

1ère Chambre

Texte de la décision

ARRÊT N°



EM/CB



COUR D'APPEL DE BESANÇON

- 172 501 116 00013 -



ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2020



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE









Contradictoire

Audience publique du 06 octobre 2020

N° de rôle : N° RG 20/00009 - N° Portalis DBVG-V-B7E-EGV2



S/Renvoi après cassation :



- arrêt Cour de Cassation du 3 octobre 2019 N°806

- arrêt Cour d'appel Besançon de Besançon du 28 février 2018 -

- jugement du tribunal de grande instance de Belfort du 09 juin 2016 (RG N° 12/00778)





Code affaire : 20E

Demande en divorce pour faute





[P] [T]

C/

[X] [S] épouse [T]





PARTIES EN CAUSE :





Monsieur [P] [T]

né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 9],

demeurant [Adresse 10] - . [Localité 11]



Représenté par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT - PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON

Représenté par Me Emmanuel CARRE-DONNI, avocat au barreau de Besançon





APPELANT





ET :



Madame [X] [S] épouse [T]

née le [Date naissance 5] 1955 à [Localité 8]

de nationalité française,

demeurant [Adresse 6]



Représentée par Me Jean-Michel ECONOMOU, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant,



Représentée par Me Isabelle ROUFFIGNAC, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant





INTIMÉE







COMPOSITION DE LA COUR :



Lors des débats :



PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre.



ASSESSEURS : Madame A. CHIARADIA et Madame B. MANTEAUX, Conseillers.



GREFFIER : Madame F. ARNOUX, Greffier





lors du délibéré :



PRÉSIDENT : Monsieur Edouard MAZARIN, Président de chambre



ASSESSEURS : Madame A. CHIARADIA et Madame B. MANTEAUX, Conseillers.








L'affaire, plaidée à l'audience du 06 octobre 2020 a été mise en délibéré au 10 novembre 2020. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.





**************









Faits et prétentions des parties



Madame [X] [S], née le [Date naissance 5] 1955, et monsieur [P] [T], né le [Date naissance 2] 1956, se sont mariés le [Date mariage 7] 1974 par-devant l'officier d'Etat civil de la commune d'[Localité 12], sans contrat de mariage préalable.

De leur union sont issus deux enfants, [Y] et [N], tous deux nés à [Localité 8] respectivement le [Date mariage 4] 1974 et le [Date mariage 3] 1977.



Suite à la requête en divorce déposée le 16 août 2012 par madame [S] conformément aux dispositions de l'article 251 du Code civil, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Belfort a :

- rejeté l'exception d'incompétence territoriale,

- constaté l'absence de conciliation des époux,

- autorisé les époux à introduire l'instance en divorce,

- attribué à l'époux, à titre onéreux, la jouissance du logement familial situé à [Localité 11] (Maroc) et du mobilier du ménage,

- ordonné la remise des vêtements et objets personnels,

- attribué à l'épouse, à titre onéreux, la jouissance du bien immobilier commun situé [Adresse 6],

- attribué à l'épouse, à titre gratuit, la jouissance du véhicule Nissan Murano,

- attribué à l'époux, la gestion de la SARL à associé unique exploitant le Relais de [Localité 11],

- s'est déclaré incompétent pour statuer sur le sort de la SCI et a renvoyé aux statuts de la société,

- dit que l'épouse réglera provisoirement les charges de l'appartement situé [Adresse 6] et les dettes de remise en état du véhicule,

- dit que l'époux réglera provisoirement les dettes relatives aux charges du domicile conjugal,

- fixé à la somme de 1 200 euros par mois la pension alimentaire due par l'époux à son épouse, au titre du devoir de secours,

- rejeté les demandes de l'épouse, de provision pour frais d'instance et d'avance sur partage, - rejeté les demandes en investigations patrimoniales.





Après assignation en divorce du mari par son épouse le 13 janvier 2014 sur le fondement de l'article 242 du code civil, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Belfort, par jugement rendu le 9 juin 2016, a :

- prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'époux,

- constaté la perte du droit d'usage du nom du conjoint,

- fixé au 29 mars 2012 la date des effets du divorce entre les époux concernant leurs biens,

- ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux,

- débouté l'épouse de ses demandes de désignation de Me [H] en qualité de notaire commis à la liquidation du régime matrimonial et de dommages et intérêts,

- fixé à 150 000 euros le montant de la prestation compensatoire due par l'époux,

- attribué à l'épouse au titre de l'article 274 du code civil, le bien immobilier sis [Adresse 6],

- débouté l'épouse de sa demande d'attribution de l'intégralité des parts de la SCI Christi sur le fondement de l'article 274 du code civil et de celle fondée sur l'article 267 du code civil,

- débouté l'époux de sa demande d'attribution préférentielle des biens immobiliers situés au Maroc et de la société le Relais de [Localité 11] au titre de l'article 267 du code civil,

- condamné l'époux à payer à son épouse la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



Sur l'appel total interjeté le 21 novembre 2016 par monsieur [T], la cour de ce siège, par arrêt prononcé le 28 février 2018, a :

- confirmé le jugement entrepris sauf en ses dispositions concernant la prestation compensatoire, la désignation du notaire aux fins de procéder aux opérations de liquidation du régime matrimonial, et l'attribution de l'appartement sis [Adresse 6] et, statuant à nouveau sur ces chefs :

- condamné monsieur [T] à payer à madame [S] une prestation compensatoire sous forme d'un capital d'un montant de 250 000 euros,

- désigné Maître [H], notaire, en vue de procéder aux opérations de liquidation du régime matrimonial des époux et de partage de leurs intérêts patrimoniaux,

- attribué préférentiellement l'appartement sis [Adresse 6], à madame [S], en application de l'article 267 du code civil,

- débouté celle-ci de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- et condamné monsieur [T] aux dépens d'appel.



Sur le pourvoi interjeté par monsieur [T], la première chambre civile de la Cour de cassation a, par arrêt prononcé le 3 octobre 2019, cassé et annulé l'arrêt d'appel 'mais seulement en ce qu'il condamne monsieur [T] à payer à madame [S] une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 250 000 euros' et a renvoyé la cause et les parties devant la même cour autrement composée en reprochant aux juges d'appel, pour condamner monsieur [T] au paiement de cette somme à titre de prestation compensatoire, d'avoir retenu que celui-ci ne produisait aucun élément actualisé sur la situation financière de la société Le Relais de [Localité 11], dont il est le gérant, et que seuls étaient versés aux débats les comptes pour les exercices des années 2010 et 2011 sans avoir invité les parties à s'expliquer sur l'absence au dossier des comptes pour les exercices des années 2015 et 2016, qui figuraient sur le bordereau de pièces annexé aux dernières conclusions de monsieur [T] et dont la communication n'avait pas été contestée, et d'avoir ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile.





Monsieur [T] a régulièrement saisi la cour de renvoi par déclaration parvenue au greffe le 3 janvier 2020 et signifiée à son ex-épouse le 15 janvier 2020.



Au dernier état de ses écrits transmis le 28 août 2020, il lui demande :

- d'infirmer la décision entreprise du chef de la prestation compensatoire,

- à titre principal, de débouter madame [S] de sa demande de ce chef,

- à titre subsidiaire, de limiter la prestation compensatoire qui pourrait être allouée à celle-ci à un montant n'excédant pas 30 000 euros et de juger que son règlement se fera sous forme d'attribution à madame [S] 'dans ses droits dans les biens communs des époux',

- la condamner aux entiers dépens tant d'instance que des procédures d'appel ainsi qu'à lui payer 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Madame [S] a répliqué en dernier lieu le 10 septembre 2020 pour demander à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il lui a alloué une prestation compensatoire mais l'infirmer sur le montant de celle-ci et condamner monsieur [T] à lui verser à ce titre la somme de 590 000 euros sous forme de capital,

- subsidiairement, reconduire le quantum fixé par l'arrêt de cette cour du 28 février 2018 d'un montant de 250 000 euros et condamner monsieur [T] à lui verser cette somme sous forme de capital,

- en tout état de cause, ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt, constater que les intérêts moratoires courent à compter du 7 octobre 2018 et condamner monsieur [T] à lui payer 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 septembre 2020.






Motifs de la décision





- sur la portée de la cassation,



Il ressort des termes de l'arrêt de cassation partielle du 3 octobre 2019 que le dispositif de l'arrêt de cette en cour en date 28 février 2018 n'est remis en cause qu'en sa seule disposition par laquelle il a condamné monsieur [T] à payer à madame [S] une prestation compensatoire sous forme d'un capital d'un montant de 250 000 euros, de sorte que toutes les autres sont désormais définitives.





- sur la prestation compensatoire réclamée par l'épouse,



Aux termes de l'article 270 du code civil, le divorce met fin au devoir de secours, mais l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, dans la mesure du possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire et prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge.

Toutefois le juge peut refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture.



Dans la détermination des besoins et des ressources le juge prend en considération, notamment :

- l'âge et l'état de santé des époux,

- la durée du mariage,

- les conséquences des choix professionnels fait par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps déjà consacré ou qu'il faudra encore y consacrer, ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne,

- leurs qualification et situation professionnelles,

- leur situation respective en matière de pension de retraite,

- leur patrimoine estimé ou prévisible tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial,

- leurs droits existants et prévisibles.



Selon l'article 274 du code civil, le juge décide des modalités selon lesquelles s'exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes :

1° - versement d'une somme d'argent,

2° - attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation, ou d'usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. Toutefois l'accord de l'époux débiteur est exigé pour l'attribution en pleine propriété de biens qu'il a reçus par succession ou donation.







Le montant de cette prestation doit être évalué à la date où le divorce est devenu définitif, soit en l'espèce le 7 octobre 2018, date à laquelle le divorce est passé en force de chose jugée compte tenu de l'appel total interjeté par monsieur [T] contre le jugement de première instance et de la signification de l'arrêt d'appel du 28 février 2018, confirmatif sur ce point, qui lui a été délivrée le 7 juin 2018.



Selon les dispositions de l'article 271 du code civil, cette prestation est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle ci dans un avenir prévisible.



Le 7 octobre 2018 monsieur [T] était âgé de 62 ans et son épouse de 63 ans.

Ils s'estiment tous deux de santé correcte.



De leur union, qui a duré 44 ans, sont issus deux enfants aujourd'hui majeurs.



Mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, leur patrimoine est le suivant :

- un appartement situé [Adresse 6] dont une dernière évaluation a été proposée par une agence immobilière le 2 juin 2017 pour un montant de 120 000 euros,

- un local commercial situé [Adresse 1] appartenant à une SCI détenue à raison de 95 % des parts par le mari et de 5 % par l'épouse, dont la dernière évaluation de juin 2017 fait état d'un montant total de 260 000 euros,

- le 'Relais [Localité 11]' dont le mari propose une évaluation de la propriété de l'ordre de 470 000 à 500 000 euros, sur la base d'une expertise effectuée en novembre 2015 par un expert assermenté, madame [L] [U], et l'épouse une évaluation de 3 834 160 euros sur la base d'une expertise effectuée par l'agence Inna, hors fonds de commerce, la valeur de la société unipersonnelle du relais de [Localité 11] ne pouvant être évaluée à ce jour.



La liquidation de ce régime étant égalitaire il n'y pas lieu de tenir compte, pour apprécier la disparité créée par la rupture du lien conjugal, de la part de communauté devant revenir à l'épouse.



La situation de chacun des époux est aujourd'hui la suivante :



- situation de Monsieur [T] :



Il justifie avoir droit, du fait de ses activités antérieures, à une retraite mensuelle brute de 660 euros pour un départ à 65 ans et de 761 euros pour un départ à 67 ans.

Madame [S] précise qu'il dispose aussi d'un capital de 96 435 euros dans le cadre d'un contrat super retraite, sur lequel monsieur [T] ne s'explique pas.



Monsieur [T] réside dans le logement familial, dont la jouissance lui a été attribuée à titre onéreux, qui est une villa de 600 m² habitable comprenant six chambres et une suite équipées de cheminées et de salles de bains toilettes privatives, un salon salle-manger équipé de deux cheminées sol marbre, un bureau, une terrasse, un sous-sol, un hammam, une piscine à débordement, un jacuzzi et un pool house privé.



Il ne fait pas état de charges particulières et, en tout état de cause, ne vise pas dans ses écrits des pièces censées les établir.



Il exploite, en qualité de gérant, une EURL à associé unique, 'le Relais de [Localité 11]', complexe camping restaurant hôtel, situé à proximité de [Localité 11] au Maroc.



Il ne prétend pas avoir pris sa retraite et a la possibilité de poursuivre cette exploitation encore plusieurs années.



Il indique dans ses dernières écritures ne bénéficier que des revenus fonciers provenant de la location du terrain occupé par le camping, pour un montant mensuel de l'ordre de 270 euros, et de son salaire dépendant directement du bénéfice de la SARL dont il est le gérant qui exploite le 'Relais de [Localité 11]' dont l'activité serait déficitaire depuis plusieurs années suite aux attentats terroristes et, maintenant, à la crise sanitaire de la Covid 19 sans pour autant préciser le montant de ce 'salaire' et encore moins en justifier.



A l'appui de ses allégations, il verse aux débats :



- un rapport d'expertise établi le 26 juin 2015 par madame [L] [U], 'experte judiciaire assermentée près la cour d'appel', qui estime la valeur locative du bien immobilier à 10 000 dirhams (soit 922,53 euros à ce jour) sans même préciser s'il s'agit d'une valeur mensuelle ou annuelle ; mais monsieur [T] ne produit aucune facture ou quittance attestant des revenus qu'il perçoit réellement de la location de ce bien immobilier alors qu'il reconnaît que la propriété a été acquise pour 1 700 000 dirhams en 2007 (156 830 euros) et a profité de travaux pour une somme de 138 000 euros (soit environ 1 495 000 dirhams) ; dans les documents comptables de la société, le prix de cette location est fixé à 36 000 dirhams (3 321 euros) ce qui apparaît totalement dérisoire comparé au prix du terrain et des constructions situés à 20 mn en voiture de la médina de [Localité 11] et à 26 mn de sa gare (pièce intimée n° 82) ;



- des pièces comptables annexes à la déclaration fiscale de l'impôt sur les sociétés desquelles il ressort qu'après avoir réalisé un résultat net de 24 572 dirhams en 2014, le 'Relais de [Localité 11]' aurait accumulé des pertes de 230 404 dirhams en 2015, de 208 751 dirhams en 2016, de 217 475 dirhams en 2018 et de 322 623 dirhams en 2019.



Mais ces pièces, que monsieur [T] ne commente guère préférant se focaliser sur l'activité déficitaire du camping exploité par son fils [Y] à [Localité 13] alors qu'aucune conséquence ne peut être tirée des difficultés économiques et financières rencontrées par cet établissement dont la situation géographique n'est pas comparable à celle du Relais de [Localité 11], ne sont pas certifiées par un commissaire aux comptes et pas même signée en ce qui concerne la pièce n° 67.

En outre, il n'est pas démontré qu'elles ont été adressées et reçues par les services fiscaux compétents ni reconnues valables par ces derniers.



En tout état de cause, nonobstant l'attestation de Xprit Consultant qui n'est pas un organisme d'Etat (pièce appelant n° 61), elles n'apparaissent nullement probantes pour les raisons suivantes :



1 - il ressort d'un rapport d'enquête établi le 3 avril 2017 par une société de surveillance à la demande de l'épouse (sa pièce n° 20), qu'à cette date, correspondant pourtant à la basse saison touristique au Maroc, le camping fonctionnait à merveille, 80 à 120 véhicules, principalement des camping cars, y étaient stationnés.



Selon son site internet, ce complexe hôtelier - restaurant - camping offre le meilleur rapport qualité prix de [Localité 11] en proposant à sa clientèle des tentes nomades supérieures à 27 euros la nuit pour deux personnes, des tentes nomades luxes à 33 euros la nuit pour deux personnes, des kasbah à 39 euros la nuit pour deux personnes, des suites à 49 euros la nuit pour deux personnes, des cases africaines à 45 euros la nuit pour deux personnes, ainsi que des locations de camping-cars.



Or, ne figure à l'actif du bilan de la société qu'une somme de 110 728 dirhams en 2016 et 120 769 dirhams en 2019 (soit pas même 12 000 euros) en valeur brute pour les immobilisations corporelles, à savoir les installations techniques, matériels, outillage, mobilier, matériel de bureau et aménagements divers, ce qui ne correspond en rien au niveau d'équipement sus-décrit.



2 - s'il est établi que les attentats commis au Proche Orient ont eu un impact sur l'activité touristique du Maroc, le constat dressé le 5 mars 2020 par monsieur [W] [G], huissier de Justice suppléant à [Localité 8] démontre :

- qu'entre 2015 et 2017, suite notamment à l'exemption des visas en 2016 pour les voyageurs chinois, le nombre de ces derniers au Maroc est passé de 10 000 à 120 000 puis porté à 150 000 en 2019,

- qu'en 2019, le Maroc a accueilli 13 millions de visiteurs, soit une augmentation de 5,2 % par rapport à l'année précédente,

- que les villes d'Agadir et de [Localité 11] confirment leur rôle de pôles d'attraction en générant à elles seules 57 % des nuitées totales pour 2019.



Ces informations générales confortent encore les constatations faites le 3 avril 2017 par la société 2GR surveillance.



3 - le chiffre d'affaires mentionné pour 442 880 dirhams en 2018 et 249 010 dirhams en 2019 ne reflète en rien la notoriété et la place de cet établissement répertorié par tous les opérateurs touristiques.

Il ne correspond ni avec la charge salariale toujours grandissante, dont l'inflation (+ 203 % en 2015) ne peut pas s'expliquer par la seule évolution des salaires au Maroc (pièce n° 105 de l'intimée), ni avec la charge, également toujours exponentielle, des frais d'électricité qui ne peut davantage s'expliquer par la seule évolution du prix du kW au Maroc.



Ces éléments tendent au contraire à démontrer que le 'Relais de [Localité 11]' développe une activité soutenue nécessitant l'embauche de personnel et entraînant une surconsommation d'électricité dont les résultats, comprenant d'importants paiements en espèces, ne sont pas intégralement déclarés.



En effet, ces éléments doivent être mis en parallèle avec :



- le cahier des recettes du relais tenu par madame [S] lorsqu'elle travaillait aux cotés de son mari comme secrétaire saisonnière non déclarée (pièces n° 28 et 29), d'où il ressort que les recettes pour deux semaines en février 2012 s'élevaient à 40 526 euros, et à 35 966 euros pour deux semaines en mars 2012 et dont l'authenticité ne saurait être sérieusement contestée compte tenu du détail et de la précision des relevés,



- les témoignages de monsieur [A] [I] (pièces de l'intimée n° 30 et 31) qui, ayant travaillé au relais comme responsable commercial du mois de mars au mois de septembre 2012, a indiqué qu'il était chargé de remettre à monsieur [T] les recettes quotidiennes en espèce pouvant s'élever à 20 000 dirhams, qui étaient déposées dans le coffre de la maison d'habitation de monsieur [T] dans lequel se trouvaient bien souvent 'plus d'euros que de dirhams'.

Monsieur [T] qui conteste ce témoignage en indiquant que monsieur [I] n'était pas affecté à l'accueil et à l'encaissement, ne verse cependant pas au dossier le contrat de travail de l'intéressé précisant l'étendue de ses missions,







4 - l'augmentation constante du compte-courant d'associé de monsieur [T], qui est passé de 102 306 dirhams en 2014 à 863 550 dirhams en 2018, laquelle est en contradiction totale avec l'affirmation de celui-ci selon laquelle l'exploitation déficitaire de sa société l'empêcherait de se verser un salaire.





La cour ne peut par conséquent que souligner une nouvelle fois l'opacité de la gestion de la société et des ressources qu'elle génère et en conclure qu'en tout état de cause, aucun élément ne permet d'établir que l'activité est aujourd'hui déficitaire et qu'elle ne permet pas de procurer à monsieur [T] de substantiels revenus mensuels.





- situation de madame [S],



Elle justifie avoir travaillé comme opératrice, de 1973, à 1985, comme secrétaire de 1989 à 1996, comme vendeuse de 2001 à 2002 puis pour les sociétés de son mari, sans être déclarée, ce que celui-ci ne conteste pas.

Sa carrière lui ouvre ainsi droit à une retraite brute mensuelle de 595 euros pour un départ à 62 ans, et de 765 euros pour un départ à 66 ans et 8 mois.



Elle justifie encore percevoir actuellement le revenu de solidarité active pour un montant mensuel de 470 euros et n'a, compte tenu de son âge et de la situation économique actuelle, guère d'espoir de retrouver un emploi salarié avant de liquider ses droits à la retraite.



Elle réside principalement dans un logement appartenant au couple à [Localité 8] évalué à 120 000 euros environ, dont la jouissance lui a été attribuée à titre onéreux.

Les charges mensuelles de 375 euros environ qu'elle invoque (pièce n°47) sont justifiées (pièces n° 61 et 62).







Il ressort de l'ensemble de ces éléments, alors qu'elle a accepté depuis 2002 de travailler pour les sociétés de son mari sans être déclarée et qu'elle se retrouve à ce jour sans emploi ni possibilité d'en trouver un nouveau, que la rupture du lien matrimonial crée au préjudice de madame [S] une disparité dans les conditions de vie respectives des conjoints qu'il convient de compenser par l'octroi à son profit d'une prestation compensatoire sous forme d'un capital d'un montant de 200 000 euros.



En effet, outre que madame [S] sollicite désormais expressément un paiement en capital, la disposition de l'arrêt d'appel qui, infirmant le jugement déféré sur ce point, lui a attribué préférentiellement l'appartement situé [Adresse 6] dépendant de l'indivision post-communautaire en application de l'article 267 du code civil au lieu de le lui attribuer en application de l'article 274 comme l'avait fait le premier juge, n'a pas été censurée par la Cour de cassation et l'article 275 du code civil n'autorise pas le juge à différer le versement en capital jusqu'à la liquidation de la communauté (Civ. 2ème, 16 avril 1996, n° 94-15754 P).



Enfin, monsieur [T] ne démontre toujours pas qu'il est dans l'impossibilité absolue de verser la prestation compensatoire ainsi fixée sous forme d'un capital, fusse en ayant recours à l'emprunt, le fait qu'il ait été condamné pour abandon de famille faute d'avoir payé à son épouse la pension alimentaire qui lui avait été allouée par le juge aux affaires familiales au titre du devoir de secours ne permettant d'établir que sa mauvaise volonté à s'acquitter de ses obligations alimentaires sans démontrer pour autant une impossibilité de payer.



Pour le surplus, la cour n'a pas à faire de constat, formule dépourvue de toute portée juridique, sur la date à compter de laquelle courent les intérêts sur le capital de la prestation compensatoire dès lors qu'aucune demande de condamnation au paiement de ces intérêts n'est formulée dans le dispositif des conclusions de l'intimée.





- sur les dépens,



Monsieur [T] demande à la cour de renvoi de condamner son ex-épouse aux entiers dépens tant d'instance que des procédures d'appel.



Mais l'arrêt de cette cour rendu le 28 février 2018, qui a confirmé le jugement du juge aux affaires familiales de [Localité 8] sauf en ses dispositions concernant la prestation compensatoire, la désignation du notaire et l'attribution préférentielle de l'appartement de [Localité 8], a, par là même, confirmé les dispositions par lesquelles il a condamné monsieur [T] aux entiers dépens de première instance ainsi qu'à payer à madame [S] 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

N'ayant lui-même pas été censuré par la Cour de Cassation sur ce point, ni en sa disposition par laquelle il a condamné monsieur [T] aux dépens d'appel, il s'ensuit que sont irrecevables les demandes de ce dernier tendant à ce qu'il soit à nouveau statué de ces mêmes chefs.



Monsieur [T] qui succombe devant la cour de renvoi assumera les dépens de cette procédure.



La présente décision rendue contradictoirement n'étant plus susceptible de recours suspensif, la demande tendant à en voir ordonner l'exécution provisoire et sans objet.





PAR CES MOTIFS



La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,



Vu le jugement rendu le 9 juin 2016 par le juge délégué aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Belfort,



Vu l'arrêt de cette cour en date du 28 février 2018,



Vu l'arrêt prononcé le 3 octobre 2019 par la première chambre civile de la Cour de cassation,



Condamne monsieur [P] [T] à payer à madame [X] [S] une prestation compensatoire sous forme d'un capital d'un montant de deux cent mille (200 000) euros.



Déboute madame [X] [S] du surplus de ses prétentions.



Déclare monsieur [P] [T] irrecevable en ses demandes tendant à ce qu'il soit à nouveau statué sur le sort des dépens des procédures devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Belfort et d'appel devant la cour d'appel de Besançon.



Le condamne aux frais et dépens de la procédure d'appel devant la présente cour de renvoi.



Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.



Ledit arrêt a été signé par monsieur Edouard Mazarin, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, [T].



Le greffier,le président de chambre

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