4 mars 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-20.806

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:CO10079

Texte de la décision

COMM.

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 mars 2020




Rejet non spécialement motivé


Mme MOUILLARD, président



Décision n° 10079 F

Pourvoi n° S 17-20.806






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 MARS 2020

La société EMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , en la personne de M. H... W..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Compagnons paveurs, a formé le pourvoi n° S 17-20.806 contre l'arrêt rendu le 3 mai 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Urano, société en nom collectif, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Bras, conseiller référendaire, les observations écrites de Me Le Prado, avocat de la société EMJ, en la personne de M. W..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Compagnons paveurs, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Urano, après débats en l'audience publique du 14 janvier 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Le Bras, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société EMJ, en la personne de M. W..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Compagnons paveurs, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société EMJ, en la personne de M. W..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Les Compagnons paveurs

PREMIER MOYEN DE CASSATION

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR dit la société Les compagnons paveurs mal fondée en son action basée sur l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la demande de la société Les compagnons paveurs fondée sur l'article L. 442-6-I, 5° du code de commerce, la société Les compagnons paveurs soutient que la société Urano est responsable sur le fondement de l'article L. 442-6-1, 5° du code de commerce, au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies ; qu'elle estime en outre que cette rupture brutale est aggravée par la tromperie de la société Urano, qui l'aurait spoliée en recourant à un autre sous-traitant ; que la société Urano prétend que la société Les compagnons Paveurs ne peut fonder sa demande sur la rupture brutale des relations commerciales établies dès lors qu'elle n'établit pas l'existence d'une relation commerciale stable, suivie et continue ; qu'en effet, la société Les compagnons paveurs est devenue le sous-traitant de la société Urano à la suite de mises en concurrence, ce qui exclurait le caractère continu de la relation commerciale ; que, si aux termes de l'article L. 442-6-1-5° du code de commerce, « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels », la société qui se prétend victime de cette rupture doit établir au préalable le caractère suffisamment prolongé, régulier, significatif et stable du courant d'affaires ayant existé entre elle et l'auteur de la rupture, qui pouvait lui laisser augurer que cette relation avait vocation à perdurer ; qu'or, s'il résulte des pièces versées aux débats que la société Les compagnons paveurs a effectué des prestations en sous-traitance pour la société Urano, de 1999 à 2012, dans le cadre de soumissions de la société Urano à des marchés publics, la conclusion d'accords de sous-traitance ponctuels entre les deux parties, qui ne s'inscrivait dans aucun accord-cadre, et sans qu'aucune exclusivité n'ait été accordée au sous-traitant ou aucun chiffre d'affaires garanti, ne pouvait, compte tenu de l'aléa propre à la mise en concurrence, laisser augurer à la société Les compagnons paveurs que cette relation avait vocation à perdurer, [dès] lors, la relation entre les deux parties, par nature instable et aléatoire, ne peut entraîner l'application de l'article L. 442-6, 1, 5° du code de commerce ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris sur ce point » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la société Les compagnons paveurs soutient que la SNC Entreprise Urano a rompu les relations commerciales établies d'une façon brutale ; qu'elle invoque l'article L. 442-61-5° du code de commerce pour fonder sa demande ; que la notion de relation commerciale établie a été définie comme une relation commerciale qui revêt, avant la rupture, un caractère stable et habituel et où la victime de l'interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial (rapport C. Cass. 2008) ; que l'espérance de la pérennité de la relation commerciale est aussi à prendre en compte pour apprécier le caractère établi de la relation commerciale qui a été rompue ; qu'en l'espèce que l'affirmation de la société Les compagnons paveurs faisant état de chantiers traités dans le passé avec la SNC Entreprise Urano ne suffit pas à caractériser la relation commerciale existant entre elles « d'établie », que ce qui doit être pris en compte c'est la régularité, la stabilité de la relation commerciale ; que même si pour certains marchés publics la SNC Entreprise Urano a fait appel dans certains cas à la société Les compagnons paveurs pour le lot « pavage », le caractère aléatoire de l'attribution des marchés publics ne permet pas de dire que la relation existante soit établie ; qu'il convient ainsi de dire que la société Les compagnons paveurs est mal fondée en son action basée sur l'article L. 442-6-1-5° du code de commerce et de l'en débouter » ;

1°/ALORS QUE, au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, constitue une relation commerciale établie une relation suivie, stable et habituelle ; qu'une succession de contrats ponctuels peut suffire à caractériser une relation commerciale établie ; que, pour refuser de faire application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, la cour d'appel a énoncé que si la société Les compagnons paveurs a effectué des prestations en sous-traitance pour la société Urano, de 1999 à 2012, dans le cadre de soumissions de la société Urano à des marchés publics, la conclusion d'accords de sous-traitance ponctuels entre les deux parties, qui ne s'inscrivait dans aucun accord-cadre, et sans qu'aucune exclusivité n'ait été accordée au sous-traitant ou aucun chiffre d'affaires garanti, ne pouvait, compte tenu de l'aléa propre à la mise en concurrence, laisser augurer que cette relation avait vocation à perdurer, de sorte que cette relation, par nature instable et aléatoire, ne pouvait entraîner l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ; qu'en statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l'absence entre les parties d'une relation commerciale établie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;

2°/ALORS, en toute hypothèse, QUE, au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, constitue une relation commerciale établie une relation suivie, stable et habituelle ; qu'une succession de contrats ponctuels peut suffire à caractériser une relation commerciale établie ; que, dans ses écritures d'appel, la société Les compagnons paveurs a exposé qu'elle avait entretenu avec la société Urano une relation contractuelle d'une durée de 16 ans, au cours de laquelle elle avait conclu 116 contrats de sous-traitance avec cette dernière (concl., p. 8) et invoquait une pratique instaurée entre les parties entretenant des relations d'affaires stables, durant seize ans sans interruption ; qu'elle précisait que, même s'il s'agissait pour la plupart d'opération de marchés publics, elle était toujours sous-traitant de la société Urano, qui lui confiait une part continue et significative des chantiers qu'elle obtenait, et ce sur une période longue et sans interruption de 16 années ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour refuser de faire application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, sans se prononcer sur ces éléments, dont notamment la pratique instaurée entre les parties, voulant que dès lors que la société Urano était adjudicataire d'un marché public, elle en sous-traitant une partie à la société exposante, propre à établir l'existence, entre les parties d'une relation commerciale établie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR, en confirmant le jugement, débouté la société Les compagnons paveurs de toutes ses demandes, fins et conclusions,

AUX MOTIFS QUE « sur l'enrichissement sans cause, la société Les compagnons paveurs soutient que la société Urano est tenue de l'indemniser de son préjudice de perte de marge bénéficiaire sur le fondement de l'enrichissement sans cause, la société Urano ayant « accaparé » un des lots du chantier pour accroître sa marge ; que la société Urano soutient que l'action en enrichissement sans cause intentée par l'appelante n'a aucun fondement, celle-ci ne faisant pas la preuve d'un enrichissement ainsi que d'un appauvrissement corrélatif ; que si nul ne peut s'enrichir injustement aux dépens d'autrui, l'action de in rem verso soumise à plusieurs conditions : il faut que soit caractérisé un appauvrissement subi par le demandeur, un enrichissement au profit du défendeur et une corrélation entre l'un et l'autre de ces événements ; que par ailleurs cet appauvrissement et cet enrichissement doivent être dépourvus de cause, c'est-à-dire qu'ils ne doivent pas, par exemple, trouver leur justification dans la conclusion d'un contrat, même simplement verbal ; qu'enfin, cette action présente un caractère subsidiaire et elle est donc fermée lorsque l'appauvri dispose d'une action contre un tiers ; qu'en l'espèce, la société appelante ne démontre pas en quoi sa perte du marché de l'espèce aurait entraîné son appauvrissement et l'enrichissement corrélatif de la société Urano ; qu'en effet, la signature, par la société Urano, la société Les compagnons paveurs et l'entité adjudicatrice, la ville de Givet, du document de « déclaration de sous-traitance », appelé « DC4 », le 28 février 2012, vaut acceptation par la ville de Givet du sous-traitant choisi par la société Urano, mais ne vaut pas, en l'absence de tout autre pièce qu'un devis établi unilatéralement par la société Les compagnons paveurs, engagement irrévocable de la société Urano à l'égard de la société Les compagnons paveurs ; qu'il n'est pas démontré qu'elle ait souffert d'un appauvrissement du fait de son éviction du marché, ni que la société Urano se soit enrichie de ce fait ; que la société intimée qui a préféré exécuter elle-même les travaux de pavage afin d'être plus compétitive pour remporter le marché ne saurait se voir reprocher un enrichissement dépourvu de cause ; que cette demande sera donc rejetée et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point » ;

1°/ALORS, d'une part, QUE nul ne peut s'enrichir injustement aux dépens d'autrui ; que, dans ses écritures d'appel, la société exposante s'est prévalue des articles 112 et suivants du code des marchés publics, alors applicable (concl., p. 7-8), d'où elle a déduit que la déclaration de sous-traitance (document DC4) était un véritable contrat au sens du code des marchés publics, en ce que, par l'effet de la notification du marché à la société Urano, elle était elle-même, en sa qualité de sous-traitant agréé, également adjudicataire ; qu'elle avait également invoqué (concl., p. 5) le décompte général et définitif (DGD), mentionnant sa qualité de sous-traitant, produit par la société Urano (pièce 6) ; qu'elle ajoutait (concl., p. 9) que ce document avait été signé par elle-même, la société Urano et la commune de Givet ; que, pour débouter l'exposante de sa demande fondée sur l'enrichissement injuste de la société Urano, la cour d'appel a énoncé que la déclaration de sous-traitance ne valait pas engagement irrévocable de la société Urano à l'égard de la société Les compagnons paveurs et qu'ainsi il n'était pas démontré qu'elle ait souffert d'un appauvrissement du fait de son éviction du marché ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur les conclusions de la société exposante établissant le contraire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe général du droit susvisé ;

2°/ALORS, d'autre part, QUE nul ne peut s'enrichir injustement aux dépens d'autrui ; que, dans ses écritures d'appel (concl., p. 9-10), la société exposante a fait valoir qu'elle avait fourni à la société Urano une étude précise et un devis du marché des travaux de pavage envisagée par la commune de Givet ; qu'elle ajoutait que la société Urano s'était ainsi procuré l'ensemble des documents de la traduction financière et technique de ce lot en termes de main d'oeuvre et d'organisation et précisait (concl., p. 13) qu'elle avait réalisé des diligences pour étude du marché, établissement des métrés, et évaluation du coût des fournitures et prestations ; que, pour débouter l'exposante de sa demande fondée sur l'enrichissement injuste de la société Urano, la cour d'appel a énoncé qu'il n'est pas démontré que la société Urano se soit enrichie du fait de l'éviction du marché de la société Les compagnons paveurs ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur les éléments rapportés par l'exposante et établissant le contraire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe général du droit susvisé ;

3°/ALORS, enfin, QUE nul ne peut s'enrichir injustement aux dépens d'autrui ; que, dans ses écritures d'appel, la société exposante s'est prévalue des articles 112 et suivants du code des marchés publics, alors applicable (concl., p. 7-8), d'où elle a déduit que la déclaration de sous-traitance (document DC4) était un véritable contrat au sens du code des marchés publics, en ce que, par l'effet de la notification du marché à la société Urano, elle était elle-même, en sa qualité de sous-traitant agréé, également adjudicataire ; qu'elle ajoutait (concl., p. 9) que ce document avait été signé par elle-même, la société Urano et la commune de Givet ; qu'elle avait également invoqué (concl., p. 5) le décompte général et définitif (DGD), mentionnant sa qualité de sous-traitant, produit par la société Urano (pièce 6) ; qu'elle en concluait que la société Urano s'était engagée envers elle sur l'octroi de ce lot de marché et avait entretenu la commune dans l'illusion que ces travaux seraient réalisés par « Les compagnons paveurs » dont elle avait précédemment apprécié les fournitures et prestations, sur une autre de ses voiries ; que, pour débouter l'exposante de sa demande fondée sur l'enrichissement injuste de la société Urano, la cour d'appel a énoncé que la société Urano qui a préféré exécuter elle-même les travaux de pavage afin d'être plus compétitive pour remporter le marché ne saurait se voir reprocher un enrichissement dépourvu de cause ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de la société exposante, si le manquement de la société Urano à son engagement envers l'exposante ne caractérisait pas le caractère injuste de son enrichissement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe général du droit susvisé.

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