12 mars 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-20.729

Deuxième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2020:C200302

Titres et sommaires

EMPLOI - Travailleurs privés d'emploi - Garantie de ressources - Allocation d'assurance - Financement - Cotisation - Assiette - Rémunérations brutes - Définition

Selon l'article L. 5422-9, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, l'allocation d'assurance est financée par des contributions des employeurs et des salariés assises sur les rémunérations brutes dans la limite d'un plafond, lesquelles doivent s'entendre de l'ensemble des gains et rémunérations au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Rémunérations - Définition - Portée

Texte de la décision

CIV. 2

JT



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 mars 2020




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 302 FS-P+B+R+I

Pourvoi n° D 18-20.729




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MARS 2020

La société Axione, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° D 18-20.729 contre le jugement rendu le 15 mai 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre, dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Ile-de-France, division des recours amiables et judiciaires, dont le siège est, [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brinet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axione, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Ile-de-France, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brinet, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mmes Vieillard, Taillandier-Thomas, Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, conseillers, Mmes Palle, Le Fischer, M. Gauthier, Mmes Vigneras, Dudit, conseillers référendaires, Mme Ceccaldi, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre.

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort (tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre, 15 mai 2018), la société Axiome (la société) a fait l'objet d'un contrôle portant sur l'assiette des cotisations de sécurité sociale, des contributions d'assurance chômage et des cotisations à l'assurance de garantie des salaires (AGS) s'agissant des années 2012 et 2013 par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France (l'URSSAF), sur plusieurs de ses établissements. S'agissant de l'établissement sis à Montigny-le-Bretonneux, ce contrôle a donné lieu à une lettre d'observations du 27 novembre 2014. Après avoir répondu aux observations de la société, l'URSSAF lui a délivré le 13 mars 2015 une mise en demeure.

2. La société a saisi la commission de recours amiable pour contester la réintégration dans l'assiette des contributions d'assurance chômage et des cotisations à l'AGS d'une indemnité de rupture conventionnelle versée à des salariés correspondant aux chefs de redressement n° 1 et n° 2 de la lettre d'observations. Son recours ayant été rejeté, elle a saisi une juridiction de sécurité sociale.

Enoncé du moyen

3. La société fait grief au jugement attaqué de rejeter sa demande d'annulation du redressement, alors :

« 1°/ que selon l'article L. 5422-20 du code du travail, les mesures d'application relatives à l'assurance chômage font l'objet d'accords conclus entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés ; que ces conventions d'assurance chômage ne peuvent cependant déroger à la loi ; qu'en vertu de l'article L. 5422-9 du même code les contributions d'assurance chômage sont "assises sur les rémunérations brutes dans la limite d'un plafond" ; que la loi limite donc l'assiette des contributions d'assurance chômage aux seules "rémunérations", sans étendre cette assiette aux sommes de nature indemnitaire, et notamment aux indemnités de rupture conventionnelle du contrat de travail ; que l'article 43 du règlement annexé à la Convention d'assurance chômage agréée du 6 mai 2011 viole donc la loi, et ne peut en cela être opposé aux cotisants, en ce qu'il prévoit que "les contributions des employeurs et des salariés sont assises (...) sur l'ensemble des rémunérations entrant dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale prévues aux articles L. 242-1 et suivants du code de la sécurité sociale", intégrant à ce titre certaines indemnités de rupture du contrat de travail dans l'assiette des contributions d'assurance chômage ; qu'en retenant le contraire pour valider le redressement de la société, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé les articles L. 5422-9, L. 5422-11 et L. 5422-20 du code du travail en leur rédaction applicable au litige ;

2°/ qu'il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa sont comprises dans l'assiette de cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, à moins que l'employeur ne rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice ; que dès lors en retenant en toute hypothèse, pour valider le redressement, que l'indemnité de rupture conventionnelle peut être assujettie à contributions d'allocation chômage lorsqu'elle « compense également un préjudice financier et une perte de salaire et revêt alors une nature salariale », sans précisément vérifier si l'indemnité de rupture conventionnelle versée au salarié concerné ne visait pas exclusivement à indemniser un préjudice sans présenter de nature salariale, le tribunal des affaires de sécurité sociale a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 5422-9 et L. 5422-20 du code du travail et L. 242-1 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige, ensemble l'article 3 de la Convention d'assurance chômage du 6 mai 2011 et l'article 43 du règlement annexé à cette convention. »

Réponse de la Cour

4. Mais selon l'article L. 5422-9, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des sommes litigieuses, l'allocation d'assurance est financée par des contributions des employeurs et des salariés assises sur les rémunérations brutes dans la limite d'un plafond, lesquelles doivent s'entendre de l'ensemble des gains et rémunérations au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

5. Par ce seul motif de pur droit, substitué d'office à ceux critiqués, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, la décision, abstraction faite des motifs critiqués par la seconde branche du moyen, qui sous couvert d'un grief de manque de base légale, ne tend qu'à remettre en cause devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de faits débattus devant eux, se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Axiome aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Axiome et la condamne à payer à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de l'Ile-de-France la somme de 1 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axione

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté la société AXIONE de toutes ses demandes ;

AUX MOTIFS QU'« En vertu de l'article 49 du code de procédure civile, toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent l'interprétation d'un contrat, de tous les moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction. Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de la justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle. L'article L.5422-9 du code du travail dispose que l'allocation d'assurance est financée par des contributions des employeurs et des salariés assises sur les rémunérations brutes dans la limite d'un plafond. Toutefois, l'assiette des contributions peut être forfaitaire pour les catégories de salariés pour lesquelles les côtisations à un régime de base de sécurité sociale sont ou peuvent être calculées sur une assiette forfaitaire. En vertu de l'article L.5422-11 du même code, l'allocation d'assurance peut être financée par des contributions forfaitaires à la charge de l'employeur à l'occasion de la fin d'un contrat de travail dont la durée permet l'ouverture du droit à l'allocation. La société Axione soutient que l'article 43 du règlement annexé à la convention d'assurance chômage serait illégal car contredisant les articles L.5422-9 et L.5422-1 du code du travail ainsi que les articles 1104 et 1964 du code civil relatifs à l'aléa caractérisant le contrat d'assurance. En vertu de l'article L.5422-20 du code du travail, les mesures d'application des dispositions relatifs au régime d'assurance chômage « font l'objet d'accords conclus entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés ». En vertu de l'article L.5422-21 du même code, leur agrément par l'autorité administrative les rend obligatoires pour tous les employeurs et salariés compris dans leur champ d'application professionnel et territorial. Par conséquent dès lors que seul l'agrément par le ministre chargé du travail rend cette convention obligatoire pour tous les employeurs et salariés concernés, l'illégalité de la convention d'assurance chômage ne peut être soulevée que devant le tribunal administratif dès lors que la valeur normative de la convention résulte de l'arrêté portant son agrément. Le Conseil d'Etat a ainsi annulé, par un arrêt du 5 octobre 2015, un arrêté ministériel rendant obligatoire une convention d'assurance chômage au motif que l'accord qu'il agréait était lui-même illégal. Il convient donc de déterminer si l'illégalité soulevée par la société Axione constitue une question soulevant une difficulté sérieuse. Si l'article L.5422-11 du code du travail dispose que l'allocation d'assurance peut être financée par des contributions forfaitaires à la charge de l'employeur à l'occasion de, la fin d'un contrat de travail, l'utilisation du verbe « pouvoir » donne la possibilité d'établir des contributions forfaitaires spécifiques dans un tel cas mais ne permet pas d'en déduire que toutes les sommes versées l'occasion de la fin d'un contrat de travail ne « devraient » faire l'objet que d'une contribution forfaitaire et non être intégrées à l'assiette des rémunérations. L'indemnité de rupture conventionnelle est exonérée de côtisations sociales comme de contribution à l'assurance chômage lorsqu'elle a un caractère indemnitaire mais compense également un préjudice financier et une perte de salaire et revêt alors une nature salariale. Le renvoi de l'article 43 du règlement annexé à la convention d'assurance chômage à l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale n'a donc pas pour conséquence de modifier la qualification de la nature de l'indemnité de rupture conventionnelle et est conforme à l'article L.5422-9 du code du travail en ce qu'elle n'inclut dans l'assiette des côtisations d'assurance chômage que des sommes qui peuvent être qualifiées de rémunération. Les dispositions du code du travail relatives au régime d'assurance qui a pour vocation d'assurer un revenu de remplacement aux travailleurs involontairement privés d'emploi sont des dispositions spécifiques qui dérogent aux dispositions de droit commun du code civil sur le contrat d'assurance. Il en résulte qu'à défaut d'établir l'existence d'une difficulté sérieuse relative à la légalité de l'article 43 du règlement annexé à la convention d'assurance chômage, il n'y a pas lieu de transmettre cette question à la juridiction administrative ni de surseoir à statuer. Aucun autre moyen n'étant soulevé pour solliciter l'annulation des redressements, la société Axione sera déboutée de toutes ses demandes » ;

1. ALORS QUE selon l'article L. 5422-20 du code du travail, les mesures d'application relatives à l'assurance chômage font l'objet d'accords conclus entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés ; que ces conventions d'assurance chômage ne peuvent cependant déroger à la loi ; qu'en vertu de l'article L 5422-9 du même code les contributions d'assurance chômage sont « assises sur les rémunérations brutes dans la limite d'un plafond » ; que la loi limite donc l'assiette des contributions d'assurance chômage aux seules « rémunérations », sans étendre cette assiette aux sommes de nature indemnitaire, et notamment aux indemnités de rupture conventionnelle du contrat de travail ; que l'article 43 du règlement annexé à la Convention d'assurance chômage agréée du 6 mai 2011 viole donc la loi, et ne peut en cela être opposé aux côtisants, en ce qu'il prévoit que « les contributions des employeurs et des salariés sont assises (
) sur l'ensemble des rémunérations entrant dans l'assiette des côtisations de sécurité sociale prévues aux articles L.242-1 et suivants du code de la sécurité sociale », intégrant à ce titre certaines indemnités de rupture du contrat de travail dans l'assiette des contributions d'assurance chômage ; qu'en retenant le contraire pour valider le redressement de la société, le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé les articles L. 5422-9, L. 5422-11 et L. 5422-20 du code du travail en leur rédaction applicable au litige ;

2. ALORS ET A TITRE SUBSIDIAIRE QU'il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa sont comprises dans l'assiette de côtisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, à moins que l'employeur ne rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice ; que dès lors en retenant en toute hypothèse, pour valider le redressement, que l'indemnité de rupture conventionnelle peut être assujettie à contributions d'allocation chômage lorsqu'elle « compense également un préjudice financier et une perte de salaire et revêt alors une nature salariale », sans précisément vérifier si l'indemnité de rupture conventionnelle versée au salarié concerné ne visait pas exclusivement à indemniser un préjudice sans présenter de nature salariale, le tribunal des affaires de sécurité sociale a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 5422-9 et L. 5422-20 du code du travail et L. 242-1 du code de la sécurité sociale en leur rédaction applicable au litige, ensemble l'article 3 de la Convention d'assurance chômage du 6 mai 2011 et l'article 43 du règlement annexé à cette convention.

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