11 mars 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-15.818

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:SO00304

Texte de la décision

SOC.

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mars 2020




Cassation


Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 304 F-D

Pourvoi n° V 17-15.818




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2020

La société Econocom France, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° V 17-15.818 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2014 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 6), dans le litige l'opposant à M. H... F..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Richard, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Econocom France, après débats en l'audience publique du 4 février 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Richard, conseiller rapporteur, M. Maron, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Sur le moyen unique :

Vu les articles R. 311-3 et D. 311-1 du code de l'organisation judiciaire ;

Attendu selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 5 mai 2004, par la société ECS Solutis, aux droits de laquelle se trouve la société Econocom France, en qualité de magasinier, M. F... a été licencié pour faute grave le 5 décembre 2007 ; qu'il a contesté son licenciement devant le conseil de prud'hommes de Nanterre qui, par jugement du 4 mars 2014, a fait partiellement droit à ses demandes ; qu'il a interjeté appel devant la cour d'appel de Paris ;

Attendu que pour déclarer l'appel recevable, se déclarer incompétente et ordonner la transmission, par le secrétariat greffe, du dossier de l'affaire avec une copie de la décision, à la cour d'appel de Versailles, l'arrêt énonce que les dispositions de l'article R. 212-2 du code de l'organisation judiciaire, applicable à l'époque, prévoient que « la cour d'appel connaît de l'appel des jugements des juridictions situées dans son ressort, sous réserve des règles fixées par le code de procédure pénale et par les textes particuliers », que cette disposition est d'ordre public et qu'en application de ce texte, la cour d'appel de Paris n'est pas compétente pour connaître de ce litige, l'appel devait être porté devant la cour d'appel de Versailles dans le ressort de laquelle est situé le conseil de prud'hommes de Nanterre ; qu'il relève que si cette méconnaissance de dispositions d'ordre public entraîne l'incompétence de la cour d'appel de Paris, pour autant, elle n'entraîne pas l'irrecevabilité de l'action au regard des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile qui dispose que : «constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond pour défaut de droit d'agir, tels que le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée », qu'en l'espèce, la cour ne constate aucun de ces défauts relatifs au droit d'agir, le droit d'appel n'était pas prescrit, il n'y a pas autorité de chose jugée, que l'action était donc recevable mais la juridiction incompétente ;

Qu'en statuant ainsi, alors même que, tenue de vérifier la régularité de sa saisine, elle constatait que les dispositions d'ordre public de l'article R. 212-2 devenu R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire, avaient été méconnues dès lors que l'appel avait été formé devant une cour d'appel dans le ressort de laquelle n'était pas située la juridiction dont émanait la décision attaquée, ce dont il se déduisait que l'appel était irrecevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne M. F... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Econocom France ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Econocom France.

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'IL a déclaré l'appel recevable tout en déclarant la juridiction territorialement incompétente ;

AUX MOTIFS QUE vu les articles R. 311-3 et D. 311-1 du code de l'organisation judiciaire ; vu les articles 96 et 97 du code de procédure civile ; que les articles du code de procédure civile invoqués par le salarié font partie des « dispositions communes » applicables devant toute juridiction ; que les dispositions relatives à l'organisation judiciaire de l'article R. 212-2 du COJ (dispositions applicables à l'époque) prévoyaient que « la cour d'appel connaît de l'appel des jugements des juridictions situées dans son ressort, sous réserve des règles fixées par le code de procédure pénale et par les textes particuliers » ; que cette disposition est d'ordre public et qu'en application de ces textes , la Cour d'appel de Paris n'était pas compétente pour connaître de ce litige, l'appel devait être porté devant la Cour d'appel de Versailles dans le ressort de laquelle est situé le conseil de prud'hommes de Nanterre, cette décision s'imposant aux parties et au juge de renvoi ; que si cette méconnaissance de dispositions d'ordre public entraîne l'incompétence de la Cour d'appel de Paris, pour autant elle n'entraîne pas l'irrecevabilité de l'appel ; que l'irrecevabilité de l'action au regard des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile qui dispose que : « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond pour défaut de droit d'agir, tels que le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfixe, la chose jugée » ; qu'en l'espèce, la Cour ne constate aucun de ces défauts relatifs au droit d'agir, le droit d'appel n'était pas prescrit il n'y a pas autorité de chose jugée ; que l'action était donc recevable mais la juridiction incompétente ; que les dispositions de l'article 96 du code de procédure civile qui prévoit que « lorsque le juge estime que faits relèvent de la compétence d'une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir. Dans tous les autres cas, le juge qui se déclare incompétent doit désigner la juridiction qu'il estime compétente. Cette désignation s'impose aux parties et au juge de renvoi.» ; qu'il s'agit d'une incompétence à caractère territorial et qu'il convient donc que le juge désigne la juridiction compétente, en l'espèce la Cour d'appel de Versailles ; que, dès lors, doit s'appliquer l'article 97 alinéa 1 du code de procédure civile, qui dispose que « en cas de renvoi devant une juridiction désignée, le dossier de l'affaire lui est aussitôt transmis par le secrétariat avec une copie de la décision de renvoi. », les parties étant alors invitées parle greffe de la juridiction désignée à «poursuivre leur instance», étant précisé que lorsque l'action a été introduite avant l'expiration d'un délai de forclusion devant un juge incompétent, son titulaire n'est pas forclos devant la juridiction désignée par ce juge, l'instance se poursuivant devant cette juridiction, en l'état où elle se trouvait;

ALORS QUE sauf disposition particulière, la cour d'appel ne connaît que de l'appel des jugements des juridictions situées dans son ressort ; que la cour d'appel, tenue de vérifier, avant tout autre examen, la régularité de sa saisine, doit déclarer irrecevable l'appel dirigé contre une décision rendue par une juridiction située hors de son ressort ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que l'appel interjeté par Monsieur F... devant la Cour d'appel de Paris contre le jugement rendu le 4 mars 2014 par le conseil de prud'hommes de Nanterre était recevable au motif erroné que l'action, non entachée par un défaut relatif au droit d'agir, était recevable, alors qu'il lui appartenait de statuer préalablement sur la régularité de sa saisine et de constater l'irrecevabilité de l'appel, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, les dispositions de l'article R. 212-2, devenu R. 311-3, et D. 311-1 du Code de l'organisation judiciaire.

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