11 mars 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-11.117

Chambre sociale - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:SO10283

Texte de la décision

SOC.

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mars 2020




Rejet non spécialement motivé


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10283 F

Pourvoi n° B 19-11.117




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2020

La société Bull, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° B 19-11.117 contre l'ordonnance rendue en la forme des référés le 10 janvier 2019 par le président du tribunal de grande instance d'Angers, dans le litige l'opposant au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail Bull Trélazé, dont le siège est [...] , défendeur à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Bull, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail Bull Trélazé, après débats en l'audience publique du 5 février 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Bull aux dépens ;

En application de l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne la société Bull à payer à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy la somme de 3 600 euros TTC ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail Bull Trélazé ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Bull.

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée, rendue en la forme des référés, d'AVOIR débouté la société Bull SAS de ses demandes et de l'avoir condamnée à prendre en charge les honoraires afférents à la défense du CHSCT Bull Trélazé, d'un montant de 4.000 euros, ainsi qu'aux dépens ;

AUX MOTIFS QUE « qu'aux termes de l'article L. 4614-12 du Code du travail, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail prévu à l'article L. 4612-8-1 du Code du travail ; qu'il est constant qu'en cas de contestation de la nécessité d'une telle expertise par l'employeur, il appartient au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de rapporter la preuve du caractère important dudit projet, justifiant la nécessité du recours à un expert agréé décidé par cette instance ; qu'en l'espèce, il y a lieu d'observer que le projet de modification de la grille d'évaluation des salariés entrepris par la direction de la société BULL SAS est un projet d'ampleur, destiné à s'appliquer à l'ensemble du personnel de l'établissement de TRELAZE, soit 169 salariés ; qu'il convient ensuite de relever que ce projet se trouve, en outre, soustendu par des enjeux essentiels, dans la mesure où l'échelle d'évaluation que la direction se propose de modifier joue un rôle non seulement sur la part variable de la rémunération des salariés mais encore sur l'évolution des carrières au sein de la société voire sur la poursuite des relations de travail ; qu'à ce titre, il n'est pas contesté qu'il a pu, dans le passé, servir d'assise à des licenciements ; qu'il n'est pas contestable qu'en scindant le niveau d'évaluation n° 2 « en-dessous des attentes » en deux sous-niveaux, à savoir un niveau 3 : « légèrement en-dessous des attentes » et un niveau 2 : « en-dessous des attentes », le projet critiqué crée un niveau négatif supplémentaire au niveau de l'échelle de notation (pièce n° 2 défendeur), susceptible de revêtir un caractère anxiogène pour les salariés ; que le risque de pression supplémentaire ainsi généré se trouve en outre accentué par le caractère subjectif de la ligne de partage et de la marge d'appréciation entre les niveaux« en dessous des attentes » et « légèrement en dessous » que la nouvelle grille se propose de distinguer, d'une part, et par les incertitudes résultant de la distorsion entre cette nouvelle grille à 6 niveaux et la grille des compétences obligatoires qui demeure à 5 niveaux (pièce n° 14 défendeur) ; qu'en outre, il résulte des éléments versés aux débats qu'en 2012, les sociétés du groupe ATOS avaient précisément choisi de supprimer le dispositif d'évaluation sur 6 niveaux au regard des risques psychosociaux qu'il était susceptible d'engendrer chez les salariés (pièce n° 13 défendeur) ; qu'en considération de ces éléments, il convient de retenir que le projet critiqué présente un caractère important, susceptible de générer une pression psychologique entraînant des répercussions sur les conditions de travail ; qu'il sera par ailleurs observé que celui-ci n'a été précédé d'aucune consultation des salariés ou des organes représentatifs et que l'information délivrée au comité le 6 décembre 2017 se bornant à 3 diapositives « PowerPoint » (pièce n° 3 défendeur), ne saurait être retenue comme une information suffisante pour présenter avec clarté les motivations du changement de la grille de notation envisagé ; qu'enfin, il convient de relever que le nouveau dispositif, qui aboutit à la coexistence de grilles présentant des échelles différentes suivant la nature des compétences évaluées (pièce n° 14 défendeur), est source de questionnements légitimes, qui justifient la mise en place d'une expertise ; que la société BULL SAS sera donc déboutée de ses demandes ; qu'il est constant que : l'employeur supporte les frais d'expertise et les frais de la procédure de contestation éventuelle en l'absence d'abus du CHSCT ; qu'en cas de contestation, il incombe au juge de fixer le montant des frais et honoraires d'avocat exposés par le CHSCT, qui seront mis à la charge de l'employeur au regard des diligences accomplies ; qu'en l'espèce, il sera fait droit à la demande du CHSCT à hauteur du montant justifié de 4.000 € (pièce 15 défendeur) ; que les dépens seront laissés à la charge de la société BULL SAS en l'absence de budget propre du CHSCT » ;

1. ALORS QUE l'importance d'un projet ne se mesure pas au nombre de salariés qu'il est susceptible de concerner ; qu'en affirmant que le projet litigieux présentait un caractère important au seul motif « qu'il est un projet d'ampleur, destiné à s'appliquer à l'ensemble du personnel de l'établissement de TRELAZE, soit 169 salariés », le Président du Tribunal de Grande Instance statuant en la forme des référés n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article L. 4614-12 dans sa rédaction applicable en la cause ;

2. ALORS EN OUTRE QU'une précision accessoire apportée à un dispositif d'évaluation des salariés doit être distinguée de la mise en place initiale d'un pareil dispositif ; que si la procédure d'évaluation des salariés peut avoir une influence sur la détermination d'une part variable de rémunération ou le déroulement de la carrière des salariés et si sa mise en place est susceptible dès lors de constituer un projet important au sens de l'article L.4612-8-1, il n'en va pas nécessairement ainsi pour toute précision apportée à la délimitation des niveaux d'évaluation existants ; qu'en énonçant que le passage de cinq à six niveaux pour l'évaluation avait un impact sur la rémunération, quand c'est le principe même de l'évaluation par niveaux qui est susceptible de produire un tel effet, sans que la précision apportée à la délimitation de l'un des niveaux puisse avoir en elle-même un impact suffisant pour justifier une expertise, le Président du Tribunal de Grande Instance statuant en la forme des référés a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L.4612-8-1 et L.4614-12 du code du travail ;

3. ALORS QU'en affirmant que « l'échelle d'évaluation joue un rôle dans la part variable de la rémunération », quand cette part variable dépend en réalité de la réalisation d'objectifs prédéterminés connus du salarié ou de résultats objectivement définis, le Président du Tribunal de Grande Instance statuant en la forme des référés a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 4614-12 dans sa rédaction applicable en la cause ;

4. ALORS AU SURPLUS, QUE ni l'insuffisance de résultats par référence à des objectifs contractuellement fixés ni, a fortiori, les données d'une évaluation ne sauraient constituer en elles-mêmes une cause réelle et sérieuse de licenciement de telle sorte qu'en affirmant qu'un degré supplémentaire de précision apporté à l'échelle d'évaluation constituerait une source de stress supplémentaire au motif « qu'un risque de licenciement serait en jeu », le Président du Tribunal de Grande Instance statuant en la forme des référés a statué sur un motif inopérant, impropre à caractériser l'existence d'un projet important de nature à modifier les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail du personnel et a violé les dispositions de l'article L.4614-12 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause ;

5. ALORS QU' en affirmant que l'évolution envisagée consistait à créer un niveau négatif supplémentaire, ce qui serait de nature anxiogène pour les salariés, quand cette évolution permettait tout au plus de nuancer et de préciser le niveau négatif unique prévu jusque-là, sans s'expliquer sur cette affirmation et sans caractériser le nouvel impact du projet envisagé sur les conditions de travail ou la santé des salariés, le Président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 4614-12 dans sa rédaction applicable en la cause ;

6. ALORS ENFIN QUE la demande de nomination d'un expert sur le fondement des dispositions de l'article L.4614-12 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause ne saurait être utilisée aux fins de pallier une insuffisance d'information ou de consultation des représentants du personnel ; qu'en déboutant la société BULL SAS de sa demande d'annulation de la désignation d'un expert au titre de l'article L. 4614-12 au motif que le projet considéré n'a été précédé d'aucune consultation des salariés ou des organes représentatifs et que l'information délivrée au comité le 6 décembre 2017 ne saurait être tenue pour une information suffisante, le Président du Tribunal de Grande Instance statuant en la forme des référés a statué par un motif inopérant et a méconnu le sens et la portée des dispositions de l'article L. 4614-12 dans sa rédaction applicable en la cause.

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