11 mars 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-20.731

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:SO00315

Texte de la décision

SOC.

JT



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 11 mars 2020




Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 315 F-D

Pourvoi n° F 18-20.731




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2020

1°/ la société Atos Intégration, société par actions simplifiée,

2°/ la société Atos WorldGrid, société par actions simplifiée,

3°/ la société Atos Infogérance, société par actions simplifiée,

ayant toutes trois leur siège [...] ,

4°/ M. B... J..., agissant en qualité de président du CHSCT de l'établissement Atos Solutions de Grenoble,

5°/ M. W... S..., agissant en qualité de président du CHSCT de l'établissement Atos Infrastructures de Grenoble,

tous deux domiciliés [...] ,

ont formé le pourvoi n° F 18-20.731 contre l'ordonnance rendue en la forme des référés le 26 juillet 2018 par le président du tribunal de grande instance de Grenoble, dans le litige les opposant :

1°/ au CHSCT de l'établissement de Grenoble de la société Atos Solutions, pris en la personne de son secrétaire M. M... V...,

2°/ au CHSCT de l'établissement de Grenoble de la société Atos Infrastructures, pris en la personne de son secrétaire M. Y... Q...,

ayant tous deux leur siège [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le CHSCT de l'établissement de Grenoble de la société Atos Solutions et celui de l'établissement de Grenoble de la société Atos Infrastructures ont formé un pourvoi incident contre la même ordonnance.

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Atos Intégration, Atos WorldGrid et Atos Infogérance et de M. J..., ès qualités, et de M. S..., ès qualités, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du CHSCT de l'établissement de Grenoble de la société Atos Solutions et de celui de l'établissement de Grenoble de la société Atos Infrastructures, après débats en l'audience publique du 5 février 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (président du tribunal de grande instance de Grenoble, 26 juillet 2018), statuant en la forme des référés, au cours d'une réunion commune tenue le 8 mars 2018 entre les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) des établissements Atos Solutions et Atos Infrastructures, les sociétés Atos Intégration, Atos WorldGrid et Atos Infogérance ont présenté l'évolution de l'échelle d'évaluation de la performance au sein du groupe Atos. Par délibération du 17 mai, chacun des CHSCT a voté le recours à une expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12, 2°, du code du travail.

2. Par assignation délivrée le 31 mai 2018, les sociétés ont saisi le président du tribunal de grande instance afin d'obtenir l'annulation des délibérations.

Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi principal, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident

Enoncé du moyen

4. Les CHSCT font grief à l'ordonnance de les débouter de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que l'employeur doit supporter les frais de la procédure de contestation de l'expertise décidée par le CHSCT dès lors qu'aucun abus du comité n'est établi ; qu'en déboutant les CHSCT de leur demande au titre des frais et honoraires d'avocat exposés pour les besoins de leur défense au motif inopérant que ces frais seront nécessairement supportés par l'entreprise, le président du tribunal de grande instance a violé l'article L. 4614-13 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail alors applicable :

5. Le CHSCT, qui a la personnalité morale mais ne dispose d'aucune ressource propre, a le droit d'ester en justice. Dès lors que son action n'est pas étrangère à sa mission, et en l'absence d'abus, les frais de procédure et les honoraires d'avocat exposés doivent être pris en charge par l'employeur. En cas de contestation, il incombe au juge de fixer le montant des frais et honoraires d'avocat, exposés par le CHSCT, au regard des diligences accomplies.

6. Pour débouter les CHSCT de leur demande de condamnation des sociétés à prendre en charge leurs frais de procédure engagés à hauteur de 2 000 euros, l'ordonnance retient que dès lors qu'en l'absence de budget propre du CHSCT les frais de procédure seront nécessairement supportés par l'entreprise, il n'apparaît pas justifié d'allouer quelque indemnité que ce soit au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

7. En statuant ainsi, sans fixer le montant des frais que l'employeur devait prendre en charge, le président du tribunal de grande instance a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle déboute les CHSCT de leur demande au titre des frais de procédure et des honoraires d'avocat, l'ordonnance rendue en la forme des référés le 26 juillet 2018, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Grenoble ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le président du tribunal judiciaire de Bourgouin-Jallieu, statuant en la forme des référés ;

Condamne les sociétés Atos Intégration, Atos WorldGrid et Atos Infogérance aux dépens ;

En application de l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne les sociétés Atos Intégration, Atos WorldGrid et Atos Infogérance à payer la somme de 3 600 euros TTC à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les CHSCT.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour les sociétés Atos Intégration, Atos WorldGrid et Atos Infogérance et pour M. J..., ès qualités, et M. S..., ès qualités, demandeurs au pourvoi principal

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée, rendue en la forme des référés, d'AVOIR débouté les SAS Atos Intégration, Atos Worldgrid et Atos Infogérance, Monsieur B... J... et M. W... S... de toutes leurs demandes ;

AUX MOTIFS QUE « l'article L 4614-12 du Code du travail dispose que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnel ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement et en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail prévu à l'article L 4612-8-1 du Code du Travail ; qu'en l'espèce, il convient, tout d'abord, de constater qu'il n'a pas été donné d'explication claire sur la motivation de la modification de l'échelle d'évaluation de la performance des salariés, le document d'accompagnement (pièce n° 3 des demandeurs) étant particulièrement succinct ; que de plus, en absence de pièce produite à ce sujet, il semble que ce changement n'a été précédé d'aucune consultation des salariés ou des organes représentatifs ; que par ailleurs, il n'est pas contestable que ce projet présente un caractère important dès lors qu'il impacte tous les salariés de ces établissements ; que de plus, il n'est pas contesté que l'échelle d'évaluation joue un rôle dans la part variable de la rémunération et a pu, dans le passé, servir d'assise à des licenciements ; qu'il convient, encore, de relever que l'évolution de l'échelle d'évaluation choisi par la direction crée un niveau négatif supplémentaire, ce qui ne peut être qu'anxiogène pour les salariés au vu de limites difficiles à apprécier et subjectives entre le caractères "en dessous des attentes" et "légèrement en dessous", et cela d'autant plus si, comme il a été vu ci-dessus, un risque de licenciement est en jeu ; qu'il convient (également) de constater, et cela n'est pas contesté par la direction des sociétés ATOS, que suite à l'évolution de l'échelle d'évaluation à 6 niveaux, il se crée une distorsion avec la grille des compétences obligatoires qui reste elle à 5 niveaux, avec un risque d'interprétation qui ne peut qu'ajouter aux incertitudes des salariés et présenter un risque anxiogène ; qu'enfin, il ressort de la pièce n° 3 des demandeurs qu'il est fait expressément référence à une évaluation chiffrée sur 6, alors que les directions des sociétés ATOS avait, elle-même, en 2012 fait disparaître ce système au regard des risques psychosociaux qu'il est susceptible d'entraîner chez les salariés ; Qu'aux vu de ces éléments, la preuve est suffisamment rapportée que la nouvelle échelle d'évaluation des performances est un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité de l'entreprise dès lors qu'il est source de stress supplémentaire pour les salariés ; qu'en conséquence, il ne peut qu'être retenu que la délibération adoptée par les CHSCT du 17 mai 2018 tendant au déclenchement de la mesure d'expertise confiée au Cabinet ISAT est justifié ; que la SAS ATOS INTEGRATION, la SAS ATOS WORLDGRID, la SAS ATOS INFOGERANCE, Monsieur B... J... et Monsieur W... S... doivent, donc, être déboutées de leur demande ; qu'eu égard au rejet des demandes de la SAS ATOS INTEGRATION, la SAS ATOS WORLDGRID, la SAS ATOS INFOGERANCE, Monsieur B... J... et Monsieur W... S..., il y a lieu de les condamner aux dépens de l'instance » ;

1. ALORS QUE la demande de nomination d'un expert sur le fondement des dispositions de l'article L.4614-12 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause ne saurait être utilisée aux fins de pallier une insuffisance d'information ou de consultation des représentants du personnel ; qu'en déboutant les sociétés de l'UES Atos de leur demande d'annulation de la désignation d'un expert au titre de l'article L.4614-12 du Code du travail au motif inopérant que le projet considéré n'aurait pas donné lieu a une explication claire de la part des directions et qu'il n'aurait pas été précédé d'une consultation des représentants du personnel, l'ordonnance attaquée a violé l'article L. 4614-12 dans sa rédaction applicable en la cause ;

2. ALORS, AU SURPLUS, QUE l'importance d'un projet ne se mesure pas au nombre de salariés qu'il est susceptible de concerner ; qu'en affirmant que le projet litigieux présentait un caractère important au seul motif « qu'il impacte tous les salariés de ces établissements », le Président du Tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 4614-12 du Code du travail dans sa rédaction applicable en la cause ;

3. ALORS QU'en affirmant que l'évolution envisagée consistait à créer un niveau négatif supplémentaire, ce qui serait de nature anxiogène pour les salariés, quand cette évolution permettait tout au plus de nuancer et de préciser le niveau négatif unique prévu jusque-là, sans s'expliquer sur cette affirmation et sans caractériser le nouvel impact du projet envisagé sur les conditions de travail ou la santé des salariés, le Président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés a privé sa décision de base légale à au regard des dispositions de l'article L.4614-12 du Code du travail dans sa rédaction applicable en la cause ;

4. ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en affirmant que « l'échelle d'évaluation joue un rôle dans la part variable de la rémunération », quand cette part variable dépend plutôt de la réalisation d'objectifs prédéterminés connus du salarié ou de résultats objectivement définis, le Président du Tribunal de grande instance statuant en la forme des référés a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L.4614-12 du Code du travail dans sa rédaction applicable en la cause ;

5. ALORS, ENFIN, QUE ni l'insuffisance de résultats par référence à des objectifs contractuellement fixés ni, a fortiori, les données d'une évaluation ne sauraient constituer en elles-mêmes une cause réelle et sérieuse de licenciement, de telle sorte qu'en affirmant qu'un degré supplémentaire de précision apporté à l'échelle d'évaluation aurait constitué une source de stress supplémentaire au motif « qu'un risque de licenciement serait en jeu », le Président du Tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés s'est fondé sur un motif inopérant, impropre à caractériser l'existence d'un projet important de nature à modifier les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail du personnel, et a violé les dispositions de l'article L.4614-12 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause.

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le CHSCT de l'établissement de Grenoble de la société Atos Solutions et de celui de l'établissement de Grenoble de la société Atos Infrastructures, demandeurs au pourvoi incident

Le moyen fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR débouté les CHSCT de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE dès lors qu'en l'absence de budget propre du CHSCT, les frais de procédure seront nécessairement supportés par l'entreprise, il n'apparaît pas justifié d'allouer quelque indemnité que ce soit au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

ALORS QUE l'employeur doit supporter les frais de la procédure de contestation l'expertise décidée par le CHSCT dès lors qu'aucun abus du comité n'est établi ; qu'en déboutant les CHSCT de leur demande au titre frais et honoraires d'avocat exposés pour les besoins de leur défense au motif inopérant que ces frais seront nécessairement supportés par l'entreprise, le président du tribunal de grande instance a violé l'article L. 4614-13 du code du travail.

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