18 mars 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-15.045

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:C100223

Texte de la décision

CIV. 1

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 mars 2020




Rejet


Mme BATUT, président



Arrêt n° 223 F-D

Pourvoi n° W 19-15.045




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 MARS 2020

1°/ M. H... E...,

2°/ Mme M... J..., épouse E...,

tous deux domiciliés [...] ,

ont formé le pourvoi n° W 19-15.045 contre l'arrêt rendu le 27 novembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige les opposant :

1°/ à la société [...] , société civile professionnelle, dont le siège est [...] ,

2°/ à la direction générale des finances publiques, dont le siège est [...] ,

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Vigneau, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. et Mme E..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la direction générale des finances publiques, après débats en l'audience publique du 11 février 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Vigneau, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 novembre 2018), à la suite d'une procédure de vérification de la situation fiscale personnelle de M. et Mme E..., la direction générale des finances publiques a établi une proposition de rectification qu'elle leur a fait signifier par la société civile professionnelle d'huissier de justice [...] [...], devenue la société civile professionnelle [...] et [...], laquelle a établi, le 24 décembre 2014 pour tentative, et le 31 suivant pour signification, un procès-verbal dressé selon les formes prévues à l'article 659 du code de procédure civile.

2. Il est mentionné à cet acte : « Un clerc assermenté s'est transporté le 24 décembre 2014 à l'effet de remettre l'acte aux susnommés. Il s'est présenté à l'adresse [du [...] ] et n'a pu rencontrer le destinataire du présent acte. J'ai rencontré différents voisins qui m'ont indiqué qu'ils ne connaissaient pas l'intéressé [e] sans plus de précisions. De retour à l'étude, les recherches sur l'annuaire électronique ne nous ont pas permis d'obtenir quelconques renseignements. En conséquence, il a été constaté que [M/Mme] E... n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, et le présent acte a été converti en procès-verbal de recherches article 659 du code de procédure civile. »

3. M. et Mme E... ont assigné la direction générale des finances publiques et la société d'huissier de justice en inscription de faux.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième à sixième branches, ci-après annexé


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur la première branche du moyen

Enoncé du moyen

5. M. et Mme E... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à ce qu'il soit jugé que les procès-verbaux, délivrés au visa de l'article 659 du code de procédure civile, les 24 et 31 décembre 2014, par la SCP d'huissiers de justice [...] [...], sont faux et que ces actes ne peuvent produire d'effet à leur égard alors « que les mentions d'un acte authentique relatives aux faits que l'officier public doit vérifier valent jusqu'à inscription de faux ; que les époux E... soutenaient que la mention figurant sur les procès-verbaux dressés selon les règles de l'article 659 du code de procédure civile, selon laquelle M. [...] avait constaté que M. et Mme E... n'ont « ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus » était fausse, dès lors que leur nom figurent sur une boîte à lettre et un interphone à l'adresse à laquelle l'huissier s'est transporté ; qu'en écartant le faux, sans rechercher si, comme le soutenaient les époux E..., la présence d'un interphone et d'une boîte à lettres à leur nom démontrait que leur domicile était nécessairement connu, de sorte que la mention contraire figurant sur les procès-verbaux était fausse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 659 du code de procédure civile, ensemble les articles 303 et suivants du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Seules les mentions, dans un acte de signification, des diligences accomplies par un huissier de justice, valent jusqu'à inscription de faux, à l'exclusion des déductions faites de ces constatations.

7. Après avoir exactement énoncé que l'insuffisance de recherches par l'huissier de justice, à la supposer démontrée et qui est susceptible d'entraîner l'annulation de l'acte, ne rend pas en soi les mentions de celui-ci fausses et que l'admission d'un faux suppose la démonstration de l'inexactitude des diligences que celui-ci déclare avoir accomplies, l'arrêt retient que si M. et Mme E... justifient demeurer à l'adresse à laquelle l'acte a été délivré dans les conditions de l'article 659 du code de procédure civile, ils n'établissent par aucune des pièces produites, ni que les 24 et 31 décembre 2014, ils auraient été présents à leur domicile au moment du passage de l'huissier de justice, ni que les voisins rencontrés par ce dernier, dont il n'a pas obligation de donner l'identité, lui auraient répondu les connaître, ni, enfin, qu'aucun huissier de justice ne se serait déplacé les jours dits. Il ajoute que ce dernier n'a, de fait, pas pu trouver de renseignements différents de ceux qu'il possédait déjà par ses recherches sur l'annuaire électronique. Il relève, enfin, que la mention de l'absence de domicile, de résidence et de lieu de travail connus, ce dernier point n'étant pas contesté, est la conséquence nécessaire du domicile non certifié et des recherches infructueuses.

8. En l'état de ces constatations et énonciations, dont elle a déduit que M. et Mme E... n'établissaient pas que les mentions des diligences accomplies portées sur les actes de l'huissier de justice étaient fausses, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme E... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme E... et les condamne, in solidum, à payer la somme de 2 500 euros à la direction générale des finances publiques ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. et Mme E....

Il est fait grief a l'arrêt attaque d'AVOIR débouté M. et Mme E... de leur demande tendant a ce qu'il soit dit et juge que les procès-verbaux, délivrés au visa de l'article 659 du code de procédure civile, les 24 et 31 décembre 2014, par la SCP d'huissiers de justice [...] [...], sont faux et que ces actes ne peuvent produire d'effet a leur égard ;

AUX MOTIFS QUE « Au fond, il convient de rappeler que l'insuffisance de recherches par l'huissier, à la supposer démontrée et qui est susceptible d'entraîner l'annulation de l'acte, ne rend pas en soi les mentions de celui-ci fausses. L'admission d'un faux suppose la démonstration de l'inexactitude des diligences que l'huissier déclare avoir accomplies ; qu'en l'espèce, si M. et Mme E... justifient demeurer effectivement [...] , être connus de voisins qui attestent en ce sens dans le cadre de la présente procédure, de ce que les coordonnées et localisation des gardiens des bâtiments de la résidence sont affichées, ils n'établissent par aucune des pièces produites que les 24 et 31 décembre 2014, ils étaient présents effectivement à leur domicile au moment du passage de l'huissier, et n'allèguent ni n'établissent que les voisins rencontrés par l'huissier, dont ce dernier n'a pas obligation de donner l'identité, lui ont répondu les connaître, voire que les gardiens auraient confirmé leur domicile à l'huissier rencontré. Ils ne justifient par aucune pièce leur affirmation selon laquelle aucun huissier ne s'est déplacé les 24 et 31 décembre 2014 et les constatations de l'huissier ne viennent pas en soi le démontrer, contrairement à ce qu'ils soutiennent ; que les époux E... justifiant demeurer réellement à l'adresse indiquée, l'huissier n'a de fait, pas pu trouver des renseignements différents de ceux qu'il possédait, par ses recherches sur l'annuaire électronique. Il en aurait d'ailleurs été de même s'il avait contacté la DGFIP, ce qu'il ne prétend pas avoir fait ; que la mention de l'absence de domicile, de résidence, et de lieu de travail connus – ce dernier point n'étant pas contesté – est la conséquence nécessaire du domicile non certifié et des recherches infructueuses, au visa des articles 654 et suivants du code de procédure civile. Dès lors, et comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, les époux E... ne justifient pas de ce que les mentions portées sur les actes de l'huissier sont fausses de sorte que les époux E... seront déboutés de leurs demandes contraires et subséquentes, et le jugement de première instance sera confirmé en toutes ses dispositions, la condamnation des époux E... au paiement d'une amende civile dont le montant a été exactement apprécié étant de droit en application de l'article 305 du code de procédure civile ; Les époux E... supporteront solidairement entre eux les dépens de l'instance d'appel dont distraction au profit des conseils de la Sep [...] et du directeur général des finances publiques. Ils seront en outre condamnés à verser à chacun des intimés la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Sur le fond, le PV de signification litigieux mentionne que : « Je soussigné, Maître [...] [...], huissier de justice, [...] , certifie qu'un clerc assermenté s'est transporté sur le 24 décembre 2014 à l'effet de remettre Pacte aux susnommés. Il s'est présenté à l'adresse sus-indiquée et n'a pu rencontrer le destinataire du présent acte. J'ai rencontré différents voisins qui m'ont indiqué qu'ils ne connaissaient pas l'intéressé sans plus de précisions. De retour à l'étude, les recherches sur l'annuaire électronique ne nous ont pas permis d'obtenir quelconques renseignements. En conséquence, il a été constaté que Monsieur H... E... n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, et le présent acte a été converti en procès-verbal de recherches article 659 du CPC. » ; que les époux E... font valoir que leur domicile est bien situé au [...] , qu'ils sont inscrits sur l'annuaire électronique et qu'ils étaient à leur domicile les jours des deux déplacements de l'huissier ; que de son côté, la SCP [...] soutient que personne n'a répondu aux appels du clerc significateur, que personne n'a pu le renseigner et que l'acte ne contient aucune altération frauduleuse de la vérité ; que la DGFP fait valoir de son côté que l'acte ne contient aucune mention fausse, que l'acte est donc régulier et qu'elle entend s'en prévaloir pour poursuivre la procédure de redressement fiscal ; que pour que le faux soit reconnu, il convient d'établir que les mentions que contient l'acte sont inexactes ; qu'en l'espèce, l'huissier indique que le 24 comme le 31 décembre 2014, il s'est présenté au domicile de M. et Mme E... et que personne n'a répondu à ses appels ; que rien ne permet d'établir que cette mention soit inexacte et notamment que l'huissier ne se soit pas déplacé. En effet, le fait que les demandeurs démontrent qu'à l'époque des faits, à savoir à la fin du mois de décembre 2014, ils se trouvaient en région parisienne, ne permet pas d'établir avec certitude qu'à l'heure du passage de l'huissier ils se trouvaient effectivement présents à leur domicile, et non à l'extérieur de celui-ci ; que l'huissier indique ensuite qu'il a rencontré différents voisins qui ont indiqué ne pas connaître M. E.... L'huissier n'a pas l'obligation de mentionner l'identité des voisins rencontrés. La fausseté de cette mention n'est donc pas rapportée ; que l'huissier indique ensuite que de retour à l'étude, il n'a pu trouver aucun autre renseignement, il n'a notamment pas pu trouver d'autre adressé, il n'est pas démontré que cette mention soit fausse : il n'est pas indiqué en effet que les époux E... ne figurent pas sur l'annuaire électronique à l'adresse d'Ivry sur Seine, mais que les recherches sur l'annuaire électronique ne nous ont pas permis d'obtenir quelconques renseignements, ce qui implique que l'huissier a cherché en vain à trouver une autre adresse à laquelle il aurait pu se présenter ; que les époux E... soulignent enfin qu'il y a un gardien et que leur nom est inscrit sur l'interphone ; à cet égard, l'acte ne comporte aucune mention contraire sur ces deux éléments qui ne sont du reste pas contestés, de telle sorte que ces deux observations sont inopérantes pour établir la fausseté de l'acte de signification ; qu'au total, il apparaît qu'aucune des mentions contenues dans l'acte de signification des 24 et 31 décembre 2014 ne peut être qualifiée de fausse. Dès lors, il convient de débouter M. et Mme E... de l'ensemble de leurs demandes » ;

1°) ALORS QUE les mentions d'un acte authentique relatives aux faits que l'officier public doit vérifier valent jusqu'à inscription de faux ; que les époux E... soutenaient que la mention figurant sur les procès-verbaux dressés selon les règles de l'article 659 du code de procédure civile, selon laquelle Me [...] avait constaté que M. et Mme E... n'ont « ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus » était fausse, dès lors que leur nom figurent sur une boîte à lettre et un interphone à l'adresse à laquelle l'huissier s'est transporté ; qu'en écartant le faux, sans rechercher si, comme le soutenaient les époux E..., la présence d'un interphone et d'une boîte à lettre à leur nom démontrait que leur domicile était nécessairement connu, de sorte que la mention contraire figurant sur les procès-verbaux était fausse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 659 du code de procédure civile, ensemble les articles 303 et suivants du code civil ;

2°) ALORS QU'en constatant, d'un côté , que l'huissier n'avait pas contacté la DGFIP tout en affirmant, de l'autre, que les recherches de celui-ci relatives au domicile, a la résidence et au lieu de travail des époux E... avaient été infructueuses, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contraction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en énonçant que « l'huissier n'a de fait pas pu trouver des renseignements différents de ceux qu'il possédait, par ses recherches sur l'annuaire électronique », quand celui-ci mentionnait dans le procès-verbal litigieux que « les recherches sur l'annuaire électronique ne nous ont pas permis d'obtenir quelconque renseignement » (production n° 7), la cour d'appel a dénaturé cette pièce, en violation du principe suivant lequel le juge ne peut dénaturer les écrits soumis à son examen ;

4°) ALORS QUE les mentions d'un acte authentique relatives aux faits que l'officier public doit ve rifier valent jusqu'a inscription de faux ; que les époux E... soutenaient et de montraient que leur adresse et leur numéro de téléphone figuraient dans l'annuaire électronique « pages blanches », de sorte que la mention figurant sur les procès-verbaux dressés selon les règles de l'article 659 du code de procédure civile, selon laquelle « les recherches sur l'annuaire électronique ne nous ont pas permis d'obtenir un quelconque renseignement » était fausse ; qu'en écartant le faux, aux motifs que « les époux E... justifiant demeurer réellement à l'adresse indiquée, l'huissier n'a de fait pas pu trouver des renseignements différents de ceux qu'il possédait, par ses recherches sur l'annuaire électronique », la cour d'appel a statué par des motifs inopérants à exclure la fausseté des mentions dénoncées, privant sa décision de base légale au regard des articles 659 du code de procédure civile, ensemble les articles 303 et suivants du code civil ;

5°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en écartant le faux aux motifs inopérants que « les époux E... justifiant demeurer réellement à l'adresse indiquée, l'huissier n'a de fait pas pu trouver des renseignements différents de ceux qu'il possédait, par ses recherches sur l'annuaire électronique », sans répondre aux conclusions des époux E... selon lesquelles la mention figurant sur les procès-verbaux dressés selon les règles de l'article 659 du code de procédure civile, selon laquelle « les recherches sur l'annuaire électronique ne nous ont pas permis d'obtenir un quelconque renseignement » était fausse, dès lors qu'ils de montraient que leur adresse et leur numéro de téléphone figuraient dans l'annuaire électronique « pages blanches » (cf. pp. 9-10), la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation des articles 455 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'en écartant le faux aux motifs inopérants que « l'huissier n'a de fait pas pu trouver des renseignements différents de ceux qu'il possédait, par ses recherches sur l'annuaire électronique », sans examiner les pie ces n° 6, 8 et 16 produites par les époux E..., de montrant que leur adresse et leur numéro de téléphone figuraient dans l'annuaire électronique « pages blanches » et, en conséquence, que la mention figurant sur les proce s-verbaux dresse s selon les règles de l'article 659 du code de procédure civile, selon laquelle « les recherches sur l'annuaire électronique ne nous ont pas permis d'obtenir un quelconque renseignement » était fausse, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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