22 avril 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-81.273

Chambre criminelle - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:CR00689

Titres et sommaires

ACTION CIVILE - Recevabilité - Association - Association française des victimes du terrorisme - Article 2-9 du code de procédure pénale - Victime - Défaut - Portée

L'article 2-9 du code de procédure pénale ne subordonne pas la recevabilité de la constitution de partie civile d'une association à la nécessité d'assister une victime dans l'affaire dans laquelle l'action civile est exercée, mais seulement à l'objet statutaire de l'association, qui doit tendre à l'assistance des victimes d'infractions, et à la date de sa déclaration. Encourt en conséquence la cassation l'arrêt qui pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile de l'association française des victimes de terrorisme (AFVT) énonce que l'infraction de participation à une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme constitue une infraction d'intérêt général dont la protection ne relève que du ministère public, alors que ladite infraction entre dans le champ d'application de l'article 706-16 du code de procédure pénale

Texte de la décision

N° G 19-81.273 FS-P+B+I

N° 689


CK
22 AVRIL 2020


CASSATION SANS RENVOI


M. SOULARD président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 AVRIL 2020


CASSATION SANS RENVOI sur le pourvoi formé par l'association française des victimes de terrorisme (AFVT), partie civile, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, section 1, en date du 25 janvier 2019, qui, dans l'information suivie contre MM. K... G... W..., U... N..., A... Y..., C... F..., Q... F..., V... F..., J... M... et Mme B... R..., des chefs d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme, d'infraction à la législation sur les armes et détention et transport de substance ou produit incendiaire ou explosif, infractions en relation avec une entreprise terroriste, a déclaré irrecevable sa constitution de partie civile .

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de Mme Slove, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de L'association française des victimes de terrorisme (A.F.V.T.), et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 mars 2020 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Slove, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, M. de Larosière de Champfeu, Mme Issenjou, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, Mme Barbé, M. Mallard, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, et M. Maréville, greffier de chambre ,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Par lettre du 28 mai 2018, l'association française des victimes du terrorisme (AFVT) s'est constituée partie civile dans l'information suivie contre M. K... et autres des chefs susvisés.

3. Par une ordonnance du 6 septembre 2018, les juges d'instruction co-saisis ont déclaré irrecevable cette constitution de partie civile. L'AFVT a interjeté appel de cette décision.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le moyen est pris de la violation des articles 421-1, 421-2-1 du code pénal, 2, 2-9, 591, 593, 706-16 du code de procédure pénale, insuffisance de motifs, défaut de motifs. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance en date du 6 septembre 2018 ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l'AFVT, alors :

« 1°/ que, toute association régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans à la date des faits qui se propose, par ses statuts, d'assister les victimes d'infractions, tient de l'article 2-9 du code de procédure pénale le pouvoir d'exercer les droits reconnus à la partie civile, pour les infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-16 du même code ; qu'en déclarant irrecevable la constitution de partie civile de l'AFVT, après avoir pourtant constaté qu'elle remplissait « les conditions de déclaration, d'ancienneté et d'objet statutaire prévues par l'article 2-9 du code de procédure pénale » (arrêt, p. 4, al. 5), sachant que la procédure concernait l'infraction d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme et des infractions en matière d'armes et produits explosifs en lien avec une entreprise terroriste, toutes visées par l'article 706-16 du code de procédure pénale, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

2°/ qu'en statuant comme ils l'ont fait, au motif impropre que l'AFVT ne justifiait pas « de l'existence possible d'un préjudice distinct de celui résultant de l'atteinte à l'intérêt général » (arrêt, p. 4, al 5), les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

3°/ qu'en statuant comme ils l'ont fait, au motif impropre que les infractions en cause, d'intérêt général, « ne supportent pas la constitution de partie civile » (ordonnance, p. 2, in fine), les juges du fond ont violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2-9 et 706-16 du code de procédure pénale, 421-2-1 du code pénal :

5. Il résulte de ces textes que toute association régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans à la date des faits qui se propose, par ses statuts, d'assister les victimes d'infractions, tient de l'article 2-9 du code de procédure pénale le pouvoir d'exercer les droits reconnus à la partie civile, pour les infractions entrant dans le champ d'application de l'article 706-16 du même code, qui vise expressément le délit de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, prévu par l'article 421-2-1 du code pénal.

6. Pour déclarer la constitution de partie civile de l'AFVT irrecevable, l'arrêt retient que les infractions de participation à une association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme ayant pour objet la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes et de direction ou organisation d'une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes d'atteintes aux personnes visées au 1° de l'article 421-1 du code pénal et de financement d'une entreprise terroriste, constituent des infractions dites d'intérêt général.

7. Les juges ajoutent que si l'AFVT remplit les conditions de déclaration, d'ancienneté et d'objet statutaire prévues par l'article 2-9 du code de procédure pénale, il n'est pas démontré l'existence possible d'un préjudice distinct de celui résultant d'une atteinte à l'intérêt général dont la protection ne relève que du ministère public, et prenant directement sa source dans les actes caractérisant les infractions susvisées.

8. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés.

9. En effet, l'article 2-9 du code de procédure pénale ne subordonne pas la recevabilité de la constitution de partie civile d'une association à la nécessité d'assister une victime dans l'affaire dans laquelle l'action civile est exercée, mais seulement à l'objet statutaire de l'association, qui doit tendre à l'assistance des victimes d'infractions, et à la date de sa déclaration.



10. D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef. Elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 25 janvier 2019 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi .

DIT que la constitution de partie civile de l'association française des victimes de terrorisme (AFVT) est recevable.

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux avril deux mille vingt.

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