28 mai 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-26.366

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:C300345

Titres et sommaires

URBANISME - Logements - Changement d'affectation - Article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation - Local à usage d'habitation - Caractérisation - Conditions - Détermination

Un local est réputé à usage d'habitation au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, la preuve d'une affectation de fait à cet usage postérieurement à cette date étant inopérante

URBANISME - Affectation des immeubles - Local à usage d'habitation - Caractérisation - Conditions - Détermination

BAIL D'HABITATION - Bail soumis à la loi du 6 juillet 1989 - Changement d'affectation des locaux - Conditions - Détermination

Texte de la décision

CIV. 3

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 28 mai 2020




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 345 FS-P+B+I

Pourvoi n° F 18-26.366



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020

La Ville de Paris, agissant par son maire en exercice, domicilié en cette qualité Hôtel de ville, 75004 Paris, a formé le pourvoi n° F 18-26.366 contre l'arrêt rendu le 24 octobre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 3), dans le litige l'opposant à Mme A... I..., domiciliée [...], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Collomp, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de Paris, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de Mme I..., et l'avis de Mme Valdès Boulouque, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Collomp, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, M. Parneix, Mmes Dagneaux, Provost-Lopin, MM. Barbieri, Jessel, conseillers, M. Béghin, Mme Schmitt, conseillers référendaires, Mme Valdès Boulouque, premier avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 octobre 2018), la Ville de Paris a assigné en la forme des référés Mme I..., propriétaire d'un appartement situé à Paris, en paiement d'une amende civile sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, pour avoir donné en location ce local de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage, en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du même code.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé


2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

3. La Ville de Paris fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le local doit être considéré comme étant à usage d'habitation, non seulement dans l'hypothèse où il était affecté à l'habitation le 1er janvier 1970, mais également dans l'hypothèse où, postérieurement à cette date, il a été affecté à l'usage d'habitation, sachant que dans cette hypothèse, il est considéré comme étant à usage d'habitation dès qu'il reçoit cette affectation ; qu'en décidant qu'il n'était pas établi que le local ait eu un usage d'habitation quand ils constataient que l'acte de vente du 2 avril 1980 mentionnait expressément que le bien vendu était à usage d'habitation, les juges du fond ont violé l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, un local est réputé à usage d'habitation au sens de ce texte s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970.

5. Il en résulte que la preuve que le local a été affecté à un usage d'habitation postérieurement à cette date est inopérante.

6. La cour d'appel, appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a retenu, souverainement, que les éléments produits par la Ville de Paris ne permettaient pas d'établir que le local était à usage d'habitation au 1er janvier 1970 et, à bon droit, que la preuve d'un usage d'habitation lors de l'acquisition par Mme I... de son appartement le 2 avril 1980 était inopérante.

7. Elle en a exactement déduit que la Ville de Paris ne pouvait se prévaloir d'un changement d'usage illicite au sens de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Ville de Paris aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Ville de Paris et la condamne à payer à Mme I... une somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la Ville de Paris.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté la demande de la VILLE DE PARIS visant à faire constater l'existence d'une infraction tendant à l'application d'une peine d'amende, outre une injonction adressée au propriétaire d'avoir à réaffecter les lieux à l'habitation ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article 631-7 du code de la construction et de l'habitation prévoit que, dans les communes de plus de 200 000 habitants et celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable ; Qu'il définit comme suit les locaux destinés à l'habitation : « Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1. Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1 er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve » Considérant qu'en l'espèce pour rapporter la preuve de l'affectation du local dont s'agit, la ville de Paris produit aux débats un relevé de propriété mentionnant Mme I... comme propriétaire avec une affectation d'habitation et comme date de l'acte l'année 1989; qu'elle verse encore la Déclaration Récapitulative modèle "R" datée du 20 novembre 1970 qui ne contient cependant aucune information sur l'usage du bien à cette date ; qu'elle soutient que la preuve de l'usage d'habitation du local résulte encore du règlement de copropriété du 24 février 1955 comprenant l'état descriptif de division qui mentionne les lots à usage professionnel et ceux à usage d' "appartement" ainsi que de l'acte d'acquisition du local par Mme I... qui porte mention du fait que les locaux vendus constituent une unité d'habitation et que l'acquéreur déclare que les droits et biens immobiliers sont actuellement à usage d'habitation ; Considérant que force est de constater que l'ensemble de ces éléments ne permettent pas d'établir que le local en cause appartenant actuellement à Mme I... était à usage d'habitation au 1" janvier 1970, l'usage des lieux ayant pu subir des modifications depuis la division de l'immeuble intervenu en 1955 jusqu'au jour de son acquisition par l'intimée, cette dernière n'en devenant propriétaire qu'au cours de l'année 1980, son acte d'acquisition datant du 2 avril 1980; Que faute pour la ville de Paris de prouver l'affectation du bien appartenant à Mme I... à l'usage d'habitation au 1" janvier 1970 elle n'est pas fondée à invoquer un changement d'usage illicite au sens de l'article L 661-7 du code de la construction et de l'habitation ; que l'ordonnance entreprise doit donc être confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de ses réclamations par substitution de motifs » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, l'affectation d'un local à un usage d'habitation peut être établie par tout mode de preuve ; qu'au cas d'espèce, la déclaration récapitulative modèle R, faite auprès de l'administration fiscale pour l'établissement des impôts fonciers, mentionnait sous une rubrique intitulée « Logement ou appartement » l'appartement situé au premier étage de l'immeuble sis [...] appartenant à la SCI GRENETA, auteur de Madame I... ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur cet élément, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, l'affectation d'un local à un usage d'habitation peut être établie par tout mode de preuve ; qu'au cas d'espèce, la VILLE de PARIS produisait le règlement de copropriété de l'immeuble, daté du 24 février 1955 et l'acte de vente de l'appartement en date du 2 avril 1980, lesquels mentionnaient tous deux que l'appartement était à usage d'habitation ; que pour dire que la VILLE de PARIS ne démontrait pas qu'à la date du 1er janvier 1970, l'appartement était affecté à un usage d'habitation, la Cour d'appel a retenu que l'usage de l'appartement avait pu être modifié entre ces deux dates ; qu'en statuant ainsi sans s'expliquer sur les mentions de l'acte de vente qui, se référant exclusivement au règlement de copropriété de l'immeuble en date du 24 février 1955, excluaient qu'une modification de cet acte, et partant de l'usage du bien, soit intervenue, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation ;

ET ALORS QUE, TROISIEMEMENT, l'affectation d'un local à un usage d'habitation peut être établie par tout mode de preuve ; qu'en application de l'ordonnance n°45-2394 du 11 octobre 1945, et notamment des articles L. 631-7 et L. 631-7-1 du Code de la construction et de l'habitation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n°2005-655 du 8 juin 2005, un bien était réputé à usage d'habitation dès lors qu'il avait eu un tel usage à un moment où à un autre, sachant que l'usage habitation, une fois acquis, ne pouvait être modifié sans autorisation ; qu'au cas d'espèce, Madame I... n'invoquait à aucun moment qu'une autorisation ait pu être délivrée ; que dès lors qu'elle constatait qu'aux termes du règlement de copropriété, l'appartement était à usage d'habitation en 1955, la Cour d'appel ne pouvait que constater qu'il était réputé avoir cet usage au 1er janvier 1970 ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2005-655 du juin 2005, ensemble les articles L. 631-7 et L. 631-7-1 du Code de la construction et de l'habitation, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n°2005-655 du 8 juin 2005.

SECOND MOYEN DE CASSATION

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a rejeté la demande de la VILLE DE PARIS visant à faire constater l'existence d'une infraction tendant à l'application d'une peine d'amende, outre une injonction adressée au propriétaire d'avoir à réaffecter les lieux à l'habitation ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article 631-7 du code de la construction et de l'habitation prévoit que, dans les communes de plus de 200 000 habitants et celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable ; Qu'il définit comme suit les locaux destinés à l'habitation : « Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1. Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1 er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve » Considérant qu'en l'espèce pour rapporter la preuve de l'affectation du local dont s'agit, la ville de Paris produit aux débats un relevé de propriété mentionnant Mme I... comme propriétaire avec une affectation d'habitation et comme date de l'acte l'année 1989; qu'elle verse encore la Déclaration Récapitulative modèle "R" datée du 20 novembre 1970 qui ne contient cependant aucune information sur l'usage du bien à cette date ; qu'elle soutient que la preuve de l'usage d'habitation du local résulte encore du règlement de copropriété du 24 février 1955 comprenant l'état descriptif de division qui mentionne les lots à usage professionnel et ceux à usage d' "appartement" ainsi que de l'acte d'acquisition du local par Mme I... qui porte mention du fait que les locaux vendus constituent une unité d'habitation et que l'acquéreur déclare que les droits et biens immobiliers sont actuellement à usage d'habitation ; Considérant que force est de constater que l'ensemble de ces éléments ne permettent pas d'établir que le local en cause appartenant actuellement à Mme I... était à usage d'habitation au 1" janvier 1970, l'usage des lieux ayant pu subir des modifications depuis la division de l'immeuble intervenu en 1955 jusqu'au jour de son acquisition par l'intimée, cette dernière n'en devenant propriétaire qu'au cours de l'année 1980, son acte d'acquisition datant du 2 avril 1980; Que faute pour la ville de Paris de prouver l'affectation du bien appartenant à Mme I... à l'usage d'habitation au 1" janvier 1970 elle n'est pas fondée à invoquer un changement d'usage illicite au sens de l'article L 661-7 du code de la construction et de l'habitation ; que l'ordonnance entreprise doit donc être confirmée en ce qu'elle l'a déboutée de ses réclamations par substitution de motifs » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, le local doit être considéré comme étant à usage d'habitation, non seulement dans l'hypothèse où il était affecté à l'habitation le 1er janvier 1970, mais également dans l'hypothèse où, postérieurement à cette date, il a été affecté à l'usage d'habitation, sachant que dans cette hypothèse, il est considéré comme étant à usage d'habitation dès qu'il reçoit cette affectation ; qu'en décidant qu'il n'était pas établi que le local ait eu un usage d'habitation quand ils constataient que l'acte de vente du 2 avril 1980 mentionnait expressément que le bien vendu était à usage d'habitation, les juges du fond ont violé l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation.

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