19 novembre 2020
Cour d'appel de Paris
RG n° 19/22171

Pôle 4 - Chambre 8

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 8



ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2020



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/22171 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBDGE



Décision déférée à la cour : jugement du 14 novembre 2019 -juge de l'exécution de Paris - RG n° 19/00058





APPELANTE

Mme [C] [L]



[Adresse 5]

[Localité 7]



Représentée par Me Laurent Meillet de l'aarpi Talon Meillet Associes, avocat au barreau de Paris, toque : A0428







INTIMES

M. [G] [R]

né le [Date naissance 4] 1941 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 7]



Représenté par Me Soumaya Taboubi, avocat au barreau de Paris, toque : E0856



SAS ARDIFI

siret n°349 223 966 00012

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me Béatrice Léopold Couturier de la scp Léopold, avocat au barreau de PARIS, toque : R029

ayant pour avocat plaidant Me Violaine Crézé, avocat au barreau de Marseille substituant Me Lise Truphème de L'aarpi Ctc Avocats, avocat au barreau d'Aix-en-Provence, toque : 432



Etablissement Public EAU DE PARIS

[Adresse 6]

[Localité 7]

non représenté



TRÉSOR PUBLIC - SERVICE DES IMPÔTS DES PARTICULIER S DE [Localité 9]

[Adresse 3]

[Localité 7]

non représenté







COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 28 octobre 2020, en audience publique, devant la cour composée de :

Emmanuelle Lebée, conseillère faisant fonction de président de chambre

Gilles Malfre, conseiller, chargé du rapport

Bertrand Gouarin, conseiller,



qui en ont délibéré



Greffier, lors des débats : Juliette Jarry





ARRÊT :



- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M Gilles Malfre, conseiller, la présidente empêchée et par Juliette Jarry, greffière, présente lors de la mise à disposition






En exécution de 14 décisions, la société Ardifi a fait signifier le 25 octobre 2018 un commandement de payer aux fins de saisie immobilière à M. [R], ainsi qu'à son épouse séparée de biens au motif que le lot 13 constitue la résidence de la famille, le commandement visant plusieurs lots sis [Adresse 5]. La créancière poursuivante a fait assigner M. [R] par acte du 12 février 2019 à l'audience d'orientation du 24 octobre 2019. Mme Ben Abdelmoumen,'épouse [R], est intervenue volontairement à cette instance.



Par jugement du 14 novembre 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a ordonné la vente forcée et a mentionné la créance du poursuivant à la somme de 1'274'849,16 euros au 18 juin 2018. Dans les motifs de sa décision, le juge a rejeté les notes reçues en cours de délibéré.



Mme [L] a relevé appel de ce jugement, selon déclaration du 5 décembre 2019. Par ordonnance du 18 décembre 2019,'elle a été autorisée à assigner à jour fixe à l'audience du 20 mai 2020.



Par ordonnance du 27 février 2020, non déférée à la cour, la déclaration d'appel formée le 8 décembre 2019 contre ce même jugement, par M. [R], a été déclarée caduque.



Par conclusions du 12 octobre 2020, l'appelante poursuit à titre principal l'infirmation du jugement et demande à la cour de déclarer la créance de la société Ardifi éteinte en application de l'article 1699 du code civil, de déclarer la société Ardifi prescrite dans toutes ses demandes et de débouter la société Ardifi de ses demandes, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise, à titre plus subsidiaire, de condamner la société Ardifi à payer à M. et Mme [R] la somme de 397 737 euros, à titre infiniment subsidiaire, d'autoriser la vente amiable des biens sis [Adresse 5], à titre encore plus subsidiaire, en cas de vente forcée des biens appartenant à M.'[R], d'autoriser la vente lot par lot, après cantonnement, avec des mises à prix individuelles de divers lots tels que repris au dispositif, d'ordonner le renvoi à une date ultérieure pour jonction avec la procédure enrôlée sous le RG 19/81019 devant le juge de l'exécution statuant en matière d'exécution mobilière, à défaut, de rejeter le montant de la créance de la société Ardifi,'de faire droit à la demande d'expertise, en toutes hypothèses, de condamner la société Ardifi à payer à Mme [L] la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,'outre celle de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles.



Par conclusions du 24 août 2020, la société Ardifi demande à la cour de dire Mme [L] irrecevable à former des contestations autres que celles relatives à ses propres droits et actions, de la dire irrecevable à contester la créance du poursuivant, à invoquer le droit de retrait litigieux et à solliciter l'autorisation de vendre amiablement les biens saisis. Elle poursuit la confirmation du jugement et demande à la cour de dire irrecevable la demande de modification des lots composés dans le cahier des charges. Sur l'appel incident de M. [R], elle s'oppose à la demande d'annulation du jugement et estime dans tous les cas irrecevable, prescrite et infondée sa demande de retrait litigieux et conclut au débouté des autres demandes de M. [R]. Elle entend que l'affaire soit renvoyée devant le juge de l'exécution aux fins de fixation de la date de la vente et des modalités des visites et que l'appelante soit condamnée solidairement avec M. [R] à lui payer une indemnité de procédure de 30 000 euros, les dépens étant déclarés frais privilégiés de vente.



Par conclusions du 24 juin 2020, M. [R] sollicite, à titre principal, l'annulation du jugement, à titre subsidiaire, il poursuit l'infirmation du jugement et entend qu'il soit jugé que la créance de la société Ardifi est éteinte en application de l'article 1699 du code civil, de déclarer la société Ardifi prescrite dans toutes ses demandes et de la débouter de ses demandes, à titre infiniment subsidiaire, d'autoriser M. [R] à procéder à la vente amiable des biens sis [Adresse 5], à titre encore plus subsidiaire, si la cour ordonnait la vente forcée des biens de M. [R], d'autoriser la vente lot par lot, après cantonnement, avec des mises à prix individuelles tels que repris au dispositif, dans tous les cas, de condamner la société Ardifi à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.



Régulièrement assignés les 27 et 28 janvier 2020, par remise de l'acte à personne habilitée,'l'Établissement public Eau de Paris et le Trésor public, service des impôts des particuliers de Paris 14ème Alésia, créanciers inscrits, n'ont pas constitué avocat.



Par message Rpva du 23 octobre 2020, l'appelante a sollicité le renvoi de l'affaire, pour le compte de son époux.



Reprenant les moyens d'irrecevabilité soulevés à l'audience, la cour, par message Rpva du 28 octobre 2020, a demandé aux parties de présenter leurs observations sur les points suivants, dans un délai de 7 jours :

- la recevabilité des demandes formées par M. [R], par conclusions du 24 juin 2020, alors que sa déclaration d'appel a été déclarée caduque par ordonnance du 27 février 2020 non déférée à la cour ;

- subsidiairement, la recevabilité des demandes ou moyens formés par M. [R], en ce qu'ils n'ont pas été présentés à l'audience d'orientation, en application de l'article R. 311-5 du code des procédures civiles d'exécution, à savoir le fait que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 novembre 2012 ne constitue pas un titre exécutoire, la prescription de la créance dont le recouvrement est poursuivi et le bénéfice des dispositions de l'article 1699 du code civil.



Mme [L] a présenté ses observations par message Rpva du 2 novembre 2020 et la société Ardifi par message Rpva du 4 novembre 2020. M. [R] a adressé ses observations par Lrar reçue à la cour le 3 novembre 2020.



Par message Rpva du 5 novembre 2020, la cour a demandé aux parties d'adresser leurs conclusions de première instance. Ces pièces ont été adressées par le conseil de la société Ardifi le même jour.






SUR CE





Sur la demande de renvoi :



L'appelante fait valoir que son époux a déposé une demande d'aide juridictionnelle le 20 octobre 2020 dans la mesure où il ne peut plus régler les honoraires de son conseil et sollicite le renvoi de l'affaire pour que M. [R] soit valablement représenté, renvoi auquel la société Ardifi s'est opposée.



Il n'y a pas lieu à renvoi, alors que M. [R] s'est constitué dans ce dossier le 11 décembre 2019 et a conclu le 24 juin 2020, de sorte que la cour est saisie de l'examen de ses demandes, la procédure étant écrite, étant au surplus observé que Mme [L] n'est pas recevable à former une demande de renvoi pour le compte de son époux qui est toujours constitué.





Sur la demande d'annulation du jugement dont appel :



A l'appui de sa demande, M. [R] fait valoir que le premier juge a statué d'office sur plusieurs points, sans avoir demandé aux parties de présenter leurs observations.



En premier lieu, sur la demande de retrait litigieux formée par Mme [L],'M.'[R] estime que la société Ardifi s'est contentée de critiquer la recevabilité de l'intervention volontaire de Mme [L], alors que le jugement dont appel s'est saisi d'office de la question du retrait litigieux, sans avoir au préalable invité les parties à formuler des observations, et a statué sur cette demande.



Cependant, M. [R] reconnaît lui-même que cette question du retrait litigieux a été soulevée par Mme [L] ainsi qu'il résulte d'ailleurs de l'exposé des faits repris dans le jugement dont appel et des conclusions de première instance de Mme [L] du 22 octobre 2019. C'est donc à juste titre que le juge de l'exécution a statué sur cette demande qui était dans le débat et dont il était saisi, peu important que la société Ardifi n'ait pas répliqué à cette prétention.



En second lieu, M. [R] rappelle qu'avec son épouse ils ont invoqué la prescription de la créance et des intérêts mais qu'aucune observation n'a été formulée par la société Ardifi sur ce point. Or, il relève que la réponse du juge de l'exécution a pallié la carence de l'intimé en soulevant d'office des moyens de droit, observant que le juge de l'exécution avait autorisé les parties à adresser des notes en délibéré sur des points précis, alors que le jugement indique le contraire en rejetant toutes ces notes, mais que ce rejet formel cache une prise en compte des notes de la société Ardifi sur la prescription de sa créance, une partie de la motivation sur ce point reposant sur le contenu de la note en délibéré de la société Ardifi.



La société Ardifi ne conteste pas ne pas avoir évoqué ce point dans ses conclusions de première instance, et confirme, comme M. [R], que le juge de l'exécution avait verbalement autorisé les parties à adresser une note en délibéré sur la prescription mais qu'il a pourtant rejeté les notes en délibéré. Mais elle estime dans tous les cas qu'il n'y a pas eu violation de la contradiction dans la mesure où le premier juge a tranché par ses propres motifs, en se saisissant des éléments qui étaient dans le débat.



Comme pour la question du retrait litigieux, le premier juge a été'saisi, tant par M. [R] que par son épouse, d'une contestation portant sur la prescription des intérêts des retards, ainsi qu'il résulte des conclusions de première instance de ces deux parties. Le juge de l'exécution était donc tenu de statuer sur cette demande dont il était saisi et qui était dans le débat, peu important la circonstance concernant les notes en délibéré.



Par conséquent et contrairement à ce que soutient M. [R], le juge de l'exécution, en statuant sur des contestations dont il était régulièrement saisi, n'a nullement violé le principe du contradictoire. La demande d'annulation du jugement sera par conséquent rejetée.





Sur la recevabilité des demandes de l'appelante à former des contestations autres que celles relatives à ses propres droits et actions :



La société Ardifi soutient qu'à supposer que l'appelante bénéficie d'un intérêt personnel au rejet des demandes de la créancière poursuivante, au motif que l'un des lots visés dans la saisie constitue la résidence de la famille, cet intérêt personnel ne l'autorise pas à contester la créance de la poursuivante, dans son montant ou son éventuelle prescription, à invoquer à son profit le droit au retrait litigieux, à solliciter l'autorisation de vendre amiablement les biens saisis ou la modification des lots ou de leur mise à prix.



En effet, le commandement de payer a été dénoncé à Mme [L] uniquement parce qu'un des lots visés par la saisie immobilière constitue la résidence de la famille, dénonciation prévue à l'article R. 321-1 al 3 du code des procédures civiles d'exécution et dont le défaut est sanctionné par la caducité du commandement de payer.



Pour autant, l'épouse de M. [R], dont il est rappelé qu'elle n'est pas débitrice dans le cadre de la saisie et qu'elle n'est pas propriétaire du bien objet des poursuites, ne devient pas une partie à la procédure de saisie immobilière. L'objectif poursuivi par cette dénonciation du commandement de payer est uniquement d'informer le conjoint non propriétaire de la saisie visant la résidence de la famille.



Mme [L] est donc irrecevable à contester le montant de la créance du poursuivant et la prescription de cette créance ainsi qu'à invoquer à son profit le droit au retrait litigieux.





Sur le titre exécutoire constitué par l'arrêt d'appel du 12 novembre 2012 :



Cette contestation n'est formée devant la cour que par M. [R].



En application de l'article R.'311-5 du code des procédures civiles d'exécution, M. [R] est irrecevable à contester le fait que cet arrêt d'appel ne serait pas un titre exécutoire, à défaut d'avoir formé cette contestation devant le juge de l'exécution, ainsi qu'il résulte de l'examen de ses conclusions de première instance du 22 octobre 2019.



Sur le montant de la créance du poursuivant et la demande d'expertise judiciaire':



Il ne sera pas statué sur ce chef de demande, formé uniquement devant la cour par Mme [L], alors qu'elle est irrecevable de ce chef, ainsi que cela a été précédemment rappelé.



Sur la prescription de la créance':



Mme [L] est irrecevable à former des demandes sur ce point.



C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le juge de l'exécution a rejeté la contestation formée sur ce point par M. [R], qu'en effet, le premier juge a justement rappelé que les intérêts réclamés étaient soumis à la prescription biennale, que seule la prescription des intérêts échus après le prononcé de l'arrêt d'appel du 8 novembre 2012 pouvait être contestée et qu'en l'espèce, cette prescription a été interrompue à compter de la délivrance du commandement de payer du 15 avril 1992 aux fins de saisie immobilière et ce, jusqu'à la distribution du prix résultant du jugement du 15 juin 2017.



Sur le bénéfice des dispositions de l'article 1699 du code civil :



En application de l'article R.'311-5 du code des procédures civiles d'exécution, M. [R] est irrecevable à solliciter en cause d'appel le bénéfice de ces dispositions, à défaut d'avoir formé cette demande devant le juge de l'exécution, au vu de l'examen de ses conclusions de première instance du 22 octobre 2019.



Ainsi que cela a été précédemment rappelé, Mme [L], qui n'est pas une partie à la procédure de saisie immobilière, est irrecevable à former une demande de ce chef.





Sur la demande de vente amiable :



Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande, M. [R] ne visant aucune pièce sur ce point dans ces conclusions et Mme [L] produisant uniquement une promesse de vente du 18 octobre 2019 dont la validité a expiré le 29 décembre 2019.





Sur la contestation de la vente par lots et de la mise à prix':



C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le juge de l'exécution a rejeté cette contestation, rappelant à juste titre que l'article L. 322-6 du code des procédures civiles d'exécution ne permet pas au débiteur de solliciter une modification du cahier des conditions de vente quant à la composition des lots et à leur mise à prix.





Sur les autres demandes':



C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge n'a pas fait droit à la demande de dommages-intérêts de Mme [L] pour préjudice moral. Il sera ajouté qu'au vu de la donation par acte authentique du 22 décembre 2008 produite aux débats par la société Ardifi, il est mentionné que l'appelante, donataire dans cet acte, est mariée sans contrat sous le régime islamique. Mme [L] est donc particulièrement mal fondée à reprocher à la créancière d'avoir repris cette précision quant au régime juridique de son mariage qu'elle n'a elle-même pas contestée devant notaire.



Au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, les époux [R] seront condamnés in solidum à payer à la société Ardifi la somme de 10 000 euros.



PAR CES MOTIFS



Rejette la demande de renvoi ;



Déboute M. [G] [R] de sa demande d'annulation du jugement ;



Dit Mme [C] [L], épouse [R], irrecevable à contester le montant de la créance du poursuivant, la prescription de cette créance et à invoquer à son profit le droit au retrait litigieux ;



Dit M. [G] [R] irrecevable à contester la qualité de titre exécutoire de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 novembre 2012 ;



Confirme le jugement ;





Condamne in solidum M. [G] [R] et Mme [C] [L], épouse [R], à payer à la Sas Ardifi la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';



Condamne in solidum M. [G] [R] et Mme [C] [L], épouse [R], aux dépens d'appel.



la greffière le président

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