19 novembre 2020
Cour d'appel de Pau
RG n° 16/03558

Chambre sociale

Texte de la décision

JN/CT



Numéro 20/03255





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 19/11/2020







Dossier : N° RG 16/03558 - N° Portalis DBVV-V-B7A-GLCW





Nature affaire :



Contestation d'une décision d'un organisme portant sur l'immatriculation, l'affiliation ou un refus de reconnaissance d'un droit









Affaire :



[E] [E]



C/



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE









Grosse délivrée le

à :





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 Novembre 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.









* * * * *







APRES DÉBATS



à l'audience publique tenue le 08 Octobre 2020, devant :



Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,



assistée de Madame LAUBIE, greffière.





Madame NICOLAS, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :



Madame NICOLAS, Présidente

Madame DIXIMIER, Conseiller

Monsieur LAJOURNADE, Conseiller





qui en ont délibéré conformément à la loi.





























dans l'affaire opposant :









APPELANTE :



Madame [E] [E]

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me Julien MARCO de la SELARL SAGARDOYTHO-MARCO, avocat au barreau de PAU











INTIMEE :



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE

Service du Contentieux

[Adresse 2]

[Localité 2]



Comparante en la personne de Madame [W], assistante juridique

Munie d'un pouvoir régulier



















sur appel de la décision

en date du 12 SEPTEMBRE 2016

rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE PAU

RG numéro : 20150255


































FAITS ET PROCÉDURE



Le 28 novembre 2014, la caisse primaire [Localité 2] Pyrénées (organisme social) a notifié à Mme [E] [E] (l'assurée), au vu de l'avis du médecin-conseil, que son arrêt travail n'était plus médicalement justifié à compter du 10 décembre 2014.



Le 3 mars 2015, au vu d'une expertise sollicitée par l'assurée et réalisée le 29 janvier 2015, l'organisme social a informée l'assurée que cette date était reportée au 27 février 2015.



L'assurée a contesté cette décision, ainsi qu'il suit :



> devant la commission de recours amiable, laquelle a rejeté sa contestation le 1er juin 2015,



> devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Pau, lequel, par jugement du 12 septembre 2016, a de même débouté l'assurée de sa contestation.



Ce jugement, notifié le 6 octobre 2016, a fait l'objet d'un appel régulièrement interjeté le 19 octobre 2016.



Le 2 mai 2019, la cour d'appel de Pau, chambre sociale, a :



> infirmé le jugement dont appel,



> annulé le rapport du Dr [U] en ce qu'il s'est prononcé au delà de la mission qui lui avait été donnée,



> avant dire droit :



- ordonné une nouvelle expertise confiée au Docteur [U] [K], avec pour mission de :



>> de dire si l'état de santé de Mme [E] lui permettait de reprendre une activité professionnelle quelconque entre le 10 décembre 2014 et le 28 avril 2016,



>> dans l'affirmative de préciser les périodes de reprise d'activité,



> réservé l'application de l'article 700 du code de procédure civile,



> renvoyé l'affaire à l'audience du 12 décembre 2019.



Le 12 décembre 2019, l'affaire a été reportée dans l'attente du rapport d'expertise, au 2 avril 2020, puis en raison de l'état d'urgence sanitaire, au 8 octobre 2020.



Le rapport d'expertise a été déposé le 31 décembre 2019.





PRETENTIONS DES PARTIES



Par conclusions visées par le greffe le 8 octobre 2020, reprises oralement à l'audience de plaidoirie et auxquelles il est expressément renvoyé, l'assurée, Mme [E], appelante demande à la cour de :



- constater que son arrêt de travail était médicalement justifié du 10 décembre 2014 au 28 avril 2016,



- ordonner à la CPAM de la rétablir dans ses droits et de lui verser les indemnités journalières sur cette période,



- condamner la CPAM à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens.



Par conclusions visées par le greffe le 16 septembre 2020, reprises oralement à l'audience de plaidoirie et auxquelles il est expressément renvoyé, l'organisme social, la CPAM de [Localité 2], intimée, conclut à l'homologation du rapport d'expertise du Docteur [K], et au débouté de l'appelante de toutes ses demandes.






SUR QUOI LA COUR



La question qui oppose les parties est de savoir jusqu'à quelle date l'arrêt de travail dont a bénéficié l'assurée était médicalement justifié, afin de départager les parties, sur la date à laquelle l'organisme social est fondé à refuser à l'assurée le versement d'indemnités journalières.



L'expert désigné par la cour dans sa précédente décision, le Docteur [K], psychiatre, a jugé nécessaire le recours à un sapiteur, désigné de l'accord des parties par ordonnance du 4 septembre 2019, en la personne du Docteur [Y].



Au vu de l'ensemble des investigations expertales, rappelées de façon circonstanciée dans son rapport, l'expert judiciaire conclut en ces termes :



« Le Docteur [Y] considère que les problèmes somatiques présentés par Mme [E] [E] nécessitaient un arrêt de travail pour la période du 12 décembre 2014 au 10 mai 2015.



Sur le plan psychiatrique l'arrêt de travail était justifié du 8 janvier 2015 au 19 juin 2015.



Nous retiendrons donc que l'arrêt de travail était justifié du 10 décembre 2014 au 19 juin 2015.



En réponse à la question qui nous était posée, l'état de santé de Mme [E] [E] lui permettait pas de reprendre une activité professionnelle quelconque entre le 10 décembre 2014 et le 19 juin 2015. Cela était possible à compter du 20 juin 2015 ».



Les parties sont contraires sur l'interprétation du rapport d'expertise.



Ainsi l'appelante, reproche :



1- à l'expert:



- d'avoir, au plan psychiatrique, par une erreur d'analyse, considéré que l'arrêt de travail était justifié du 8 janvier 2015 au 19 juin 2015, alors qu'un traitement antidépresseur a été prescrit à l'assurée jusqu'au mois d'août,



- de n'avoir pas pris en compte les déclarations du sapiteur, selon lequel l'arrêt de travail était justifié pour les soins dentaires pour la période du 10 décembre 2014 au 28 février 2016,



2-au sapiteur, d'avoir de même commis une erreur, en limitant la période d'arrêt de travail justifié, au 28 février 2016, alors qu'il a constaté la persistance des problèmes de santé de l'assurée, ayant conduit le 28 avril 2016, à une ablation de sa glande salivaire droite, point de départ d'une nouvelle prise en charge par l'organisme social, des arrêts de travail de l'appelante.



Au soutien de sa position, elle rappelle les diverses pathologies dont elle est atteinte, et les soins auxquels elle a été soumise.



L'organisme social, au contraire, estime que les contestations formées par l'appelante contre l'expertise judiciaire, résultent d'une analyse erronée, reposant sur une prise en compte tronquée des explications de l'expert et du sapiteur, qui revient à les dénaturer.



Il convient de départager les parties.



Il résulte de l'expertise du Docteur [K], que :



- le Docteur [P], psychiatre, a prescrit à l'assurée du Seroplex, 5 mg à compter du 8 janvier 2015,10 mg le 22 janvier 2015,15 mg le 24 février 2015,



- le traitement s'est poursuivi à ces doses le 16 mars 2015, puis le 13 avril 2015 avec ajout de quatre comprimés de Librax par jour, et le 4 mai 2015,



- le 19 juin 2015, le traitement est diminué, l'assurée n'a plus que 10 mg de Seroplex, et signale à l'expert qu'à cette période, elle a interrompu le suivi psychiatrique et le traitement psychotrope.



Le fait que l'appelante produise une ordonnance médicale du 15 juillet 2015, par laquelle le Docteur [P] lui a prescrit du Seroplex à 5 mg à prendre

« pendant une semaine à raison d'un comprimé par jour, puis un jour sur deux pendant les 10 jours suivants, puis arrêt du traitement », confirme la diminution puis l'arrêt du traitement, mais ne permet en aucun cas d'établir que l'arrêt de travail était médicalement justifié au plan psychiatrique, postérieurement à la date retenue par l'expert, du 19 juin 2015.



Par ailleurs, le Docteur [Y], sapiteur, expose avoir étudié le très volumineux dossier médical transmis par l'assurée, et rappelle l'historique des principaux troubles somatiques constatés.



Au vu de ce rappel des troubles somatiques constatés, et dans un paragraphe spécifique intitulé « capacité à travailler sur cette période », l'expert indique :



« On remarquera que le tableau est riche en symptômes variés.



Les périodes de soins ou de prises en charge pour chaque symptôme ne sont pas clairement identifiées et souvent s'imbriquent.



De manière factuelle, sur la période du 5 mars 2014 au 5 mai 2015, celle-ci a présenté des troubles dentaires, avec infections locales traitées par antibiotiques et arrachage de 11 dents sur cette période.



À partir du mois de juillet 2015 elle a présenté des troubles rhumatologiques très diffus s'intégrant dans le cadre de la fibromyalgie et pour lesquels le rhumatologue a proposé un traitement antalgique de palier 2.



On peut donc retenir que sur la période du 10 décembre 2014 au 28 février 2016, que l'arrêt de travail était justifié pour les soins dentaires à type d'extraction avec surinfection locale entraînant des problèmes de représentation en lien avec l'édentation partielle et les lésions infectieuses avec astreinte aux soins du 10 décembre 2014 au 10 mai 2015 (caractères gras figurant au rapport).



Par la suite, les symptômes décrits motivant les consultations ne sont pas suffisamment documentés sur le retentissement clinique pour dire si l'arrêt de travail était alors justifié ».



Il est exact que le sapiteur commet une erreur de date, en précisant notamment que sa mission consistait à dire si les troubles somatiques constatatés empêchaient l'assurée d'exercer une activité professionnelle entre le 10 décembre 2014 et le 28 février 2016, puisque la période visée par la mission était du 10 décembre 2014, au 28 avril 2016.



Cependant, cette erreur de date, n'a pas empêché l'expert, de documenter son rapport, non seulement jusqu'au 28 avril 2016, mais au-delà de cette date, puisqu'il rappelle de façon non contestée ni contredite, les soins subis par l'assurée, postérieurement au 28 février 2016, et jusqu'au 19 septembre 2019.



Or, il résulte de ces précisions, que postérieurement au 28 février 2016, ce n'est que le 21 avril 2016, que l'assurée va bénéficier d'une échographie, mettant en évidence une pathologie nécessitant une intervention réalisée le 28 avril 2016, avec hospitalisation jusqu'au 2 mai 2016, et dont l'assurée elle-même reconnaît qu'elle a été prise en charge par l'organisme social.



Il s'en déduit que cette erreur matérielle de date, n'est de nature ni à causer grief, ni à remettre en cause les investigations et conclusions du sapiteur.



Enfin, il est inexact de soutenir que le sapiteur a jugé l'arrêt de travail médicalement justifié sur la période du 10 décembre 2014 au 28 février 2016, l'expert n'évoquant ces dates, que pour rappeler le cadre de sa mission, nonobstant l'erreur de date qu'il commet, et dont il vient d'être dit qu'elle est sans effet sur la validité de son travail.



En revanche, et contrairement à ce que soutenu par l'appelante, c'est bien sur la période du 10 décembre 2014 au 10 mai 2015, d'ailleurs indiquée en caractères gras dans le rapport, qu'il estime que l'arrêt de travail était médicalement justifié au vu des soins dentaires subis par l'assurée.



Aucune ambiguïté ou contradiction ne résulte du rapport d'expertise, dès lors

que :



- dans la description des troubles somatiques, le sapiteur rappelle les soins dentaires subis, leur date, et particulièrement le fait que la dernière extraction a eu lieu le 5 mai 2015,



- l'expert précise que, à l'exclusion des soins pris en charge à compter du 28 avril 2016, les soins postérieurs, et dont il a rappelé la nature, et la teneur, et la date, au vu des éléments qui ont été produits, ne lui ont pas permis d'établir qu'ils justifiaient médicalement un arrêt travail.



En conséquence, le rapport d'expertise sera homologué, conformément à la demande de l'organisme social, ainsi qu'il sera dit au dispositif.



L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, dès lors que l'organisme social, au long de la procédure, s'est conformé aux avis médicaux relatifs aux différents stades de la procédure.



Il succombe et supportera les dépens exposés en appel.





PAR CES MOTIFS



La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,




Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Pau, en date du12 septembre 2016,





Statuant à nouveau,





Homologue le rapport d'expertise du Docteur [K],





Juge que l'arrêt de travail de Mme [E] [E], est médicalement justifié, du 10 décembre 2014 au 10 mai 2015,





Juge qu'en conséquence, Mme [E] [E] est en droit d'obtenir de la caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 2] Pyrénées, versement d'indemnités journalières sur cette période,









Ordonne en tant que de besoin à la caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 2] Pyrénées, d'opérer ces versements,





Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,





Condamne la caisse primaire d'assurance-maladie de Pau Pyrénées, aux dépens exposés en cause d'appel.






Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE,

greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.