2 décembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-20.184

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:C100750

Titres et sommaires

MINEUR - Assistance éducative - Procédure - Débats - Modalités des relations entre l'enfant placé et un tiers - Audition du mineur - Conditions

Il résulte des articles 1189, alinéa 1, et 1193, alinéa 1, du code de procédure civile qu'en matière d'assistance éducative, lorsque la cour d'appel est saisie d'une demande tendant à voir fixer pour la première fois les modalités des relations entre l'enfant placé et un tiers, parent ou non, celle-ci ne peut se dispenser d'entendre le mineur, dont elle n'a pas constaté l'absence de discernement, que si celui-ci a été précédemment entendu, relativement à cette demande, par le juge des enfants

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 décembre 2020




Cassation


Mme BATUT, président



Arrêt n° 750 FS-P+I

Pourvoi n° H 19-20.184

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 DÉCEMBRE 2020

Mme H... J..., veuve I..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° H 19-20.184 contre l'arrêt rendu le 28 mai 2019 par la cour d'appel de Lyon (chambre spéciale des mineurs), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. R... M..., domicilié [...] ,

2°/ à la métropole de Lyon, DSHE-direction ressources, dont le siège est service juridique UJDPEA, 20 rue du Lac, CS 33569, 69505 Lyon cedex 03,

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Lyon, domicilié en son parquet général, 1 rue du Palais de Justice, 69321 Lyon cedex 05,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Azar, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de Mme J..., et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Azar, conseiller référendaire rapporteur, M. Hascher, conseiller le plus ancien faisant fonction de doyen, M. Vigneau, Mme Bozzi, M. Acquaviva, Mmes Poinseaux, Guihal, conseillers, Mmes Mouty-Tardieu, Le Cotty, Gargoullaud, M. Buat-Ménard, Mme Feydeau-Thieffry, conseillers référendaires, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 28 mai 2019), L... M... est né le [...] 2011 de M. R... M... et d'U... J..., décédée le 11 juin 2013. Par une ordonnance de placement provisoire du 23 août 2017, le procureur de la République l'a confié à l'aide sociale à l'enfance. La mesure a été confirmée par le juge des enfants. Mme J..., grand-tante maternelle de l'enfant, a saisi celui-ci d'une demande tendant à l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé


2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Mme J... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors « que, statuant sur l'appel d'une décision rendue par le juge des enfants en matière d'assistance éducative, la cour d'appel entend le mineur capable de discernement ; qu'à défaut d'avoir procédé à l'audition de l'enfant, dont elle n'a pas constaté par ailleurs, qu'il n'était pas capable de discernement, la cour d'appel a violé les articles 1182 et 1193 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1189, alinéa 1er, et 1193, alinéa 1er, du code de procédure civile :
4. Selon le premier de ces textes, à l'audience, le juge entend le mineur, ses parents, tuteur ou personne ou représentant du service à qui l'enfant a été confié ainsi que toute autre personne dont l'audition lui paraît utile. Il peut dispenser le mineur de se présenter ou ordonner qu'il se retire pendant tout ou partie de la suite des débats.

5. Selon le second, l'appel est instruit et jugé par priorité en chambre du conseil par la chambre de la cour d'appel chargée des affaires de mineurs suivant la procédure applicable devant le juge des enfants.

6. Il résulte de ces textes qu'en matière d'assistance éducative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à voir fixer pour la première fois les modalités des relations entre l'enfant placé et un tiers, parent ou non, la cour d'appel ne peut se dispenser d'entendre le mineur, dont elle n'a pas constaté l'absence de discernement, que si celui-ci a été précédemment entendu, relativement à cette demande, par le juge des enfants.

7. Il ressort des énonciations de l'arrêt et des pièces de la procédure, que le juge des enfants et la cour d'appel ont statué sur la demande de droit de visite et d'hébergement de Mme J..., grand-tante de L... M..., sans entendre l'enfant ou constater son absence de discernement.

8. En procédant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme J...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR rejeté la demande de Mme J... tendant à l'exercice d'un droit de visite et d'hébergement sur L... M... s'exerçant un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires.

AUX MOTIFS PROPRES QU'il doit être rappelé que L... a été placé par ordonnance du procureur de la République de Lyon du 23 août 2017, suite à un signalement de la MDM de Meyzieu, compte tenu de son mal-être important suite au décès de sa mère, et de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé d'occuper sa place auprès de son père et de la nouvelle compagne de ce dernier ; qu'ainsi que l'a souligné le premier juge, la rupture des relations entre Mme H... J... et son petit-neveu est aujourd'hui ancienne et il résulte de la lecture des rapports établis par le service que L... évolue positivement au sein de son placement ; qu'il n'est pas en demande de rencontre avec sa grande tante ; que le contentieux familial reste encore très prégnant, ainsi que la cour a pu le vérifier lors de l'audience d'appel et la reprise immédiate, sans travail éducatif préalable, de relations entre Mme H... J... et cet enfant, serait à l'évidence de nature à induire de nouveau conflits dont le mineur serait la première victime ; que la décision déférée sera en conséquence confirmée ; qu'il convient en revanche d'inviter le service en charge de la mesure à travailler avec M. M..., et son père pour les aider à réfléchir sur leur positionnement actuel, qui les empêche de concevoir la reprise d'un lien avec Mme H... J..., même médiatisé, autrement que comme une menace et qui a pour effet de priver ce petit garçon tout juste âgé de huit ans, qui a déjà perdu sa maman et que ni l'un ni l'autre ne souhaitent accueillir auprès d'eux dans l'immédiat, de tout contact avec sa famille maternelle ; que si le rétablissement de ces relations apparaît effectivement prématuré dans le contexte précité, il serait souhaitable, dans la seule considération de l'intérêt de cet enfant, qu'elles puissent bientôt se mettre en place de manière encadrée et rassurante pour tous ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Mme J... a sollicité un droit de visite et d'hébergement sur son petit neveu que l'absence de lien est désormais ancienne ; que les conflits entre les familles paternelle et maternelle restent très prégnant ; que le grand-père paternel qui constitue un repère fiable pour L... indique qu'il se désinvestira auprès de son petit- fils si une reprise de liens a lieu avec la grande tante ; que L... est l'enjeu des adultes et qu'il a pour l'heure besoin d'apaisement que dans ce contexte la demande formée par Mme J... ne peut être acceptée ; qu'elle pourra être réévaluée ultérieurement ; que le fonctionnement des adultes interroge grandement ;

ALORS, 1°), QUE, statuant sur l'appel d'une décision rendue par le juge des enfants en matière d'assistance éducative, la cour d'appel entend le mineur capable de discernement ; qu'à défaut d'avoir procédé à l'audition de l'enfant, dont elle n'a pas constaté par ailleurs, qu'il n'était pas capable de discernement, la cour d'appel a violé les articles 1182 et 1193 du code de procédure civile ;

ALORS, 2°), QUE toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue contradictoirement ; que cette exigence implique que chaque partie ait la faculté de prendre connaissance et de discuter de toute pièce présentée au juge ; qu'en matière d'assistance éducative, le dossier peut être consulté au greffe, jusqu'à la veille de l'audition ou de l'audience, par les avocats des parties ; que les convocations informent les parties de cette possibilité de consulter le dossier ; qu'il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des pièces de la procédure que Mme J... ou son avocate aient été mises en mesure de prendre connaissance, avant l'audience des pièces présentées à la juridiction, en particulier des rapports établis par le service de protection de l'enfance sur lesquels celle-ci s'est fondée, et de les discuter utilement ; qu'en procédant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 16, 1182, 1187 et 1193 du code de procédure civile.

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