2 décembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-19.352

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:SO01126

Texte de la décision

SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 décembre 2020




Cassation partielle


Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1126 F-D

Pourvoi n° C 19-19.352




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 DÉCEMBRE 2020

M. X... L..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° C 19-19.352 contre l'arrêt rendu le 15 mai 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'association La Brèche, dont le siège est [...] , ayant un établissement [...] ,

2°/ à Pôle emploi de Torcy, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. L..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de l'association La Brèche, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2020 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 mai 2019), M. L... a été engagé le 1er mars 2007 en qualité d'éducateur de prévention par l'association La Brèche, ayant une activité de prévention spécialisée et de soutien à la parentalité, la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 étant applicable. Le 3 décembre 2014, l'employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester son licenciement et obtenir la condamnation de son employeur à lui payer diverses indemnités et un rappel de salaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Le salarié fait grief à l'arrêt de décider que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que le défaut de réponse à un moyen pertinent équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, M. L... a fait soutenir, dans ses conclusions, puis dans le cadre d'observations orales, le moyen pertinent selon lequel il résultait de l'article 33 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, applicable aux relations contractuelles, qu'il ne pouvait, en l'absence de faute grave, faire l'objet d'un licenciement disciplinaire à son égard dès lors qu'il n'avait pas fait l'objet précédemment d'au moins deux sanctions disciplinaires ; de sorte qu'en décidant que M. L... avait pu, même en l'absence de faute grave, faire l'objet d'un licenciement disciplinaire, sans répondre au moyen tiré de ce que qu'un licenciement disciplinaire fondé sur une cause réelle et sérieuse de licenciement ne pouvait intervenir, dès lors que M. L... n'avait pas, précédemment, fait l'objet de deux des sanctions disciplinaires visées par l'article 33 de la convention collective nationale applicable, la cour d'appel a manifestement entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

5. Après avoir écarté la faute grave, l'arrêt retient que le licenciement de nature disciplinaire repose sur une cause réelle et sérieuse.

6. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié, qui invoquait l'article 33 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 prévoyant que, sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas fait l'objet, précédemment, d'au moins deux sanctions et soutenait qu'il n'avait fait l'objet que d'une seule sanction depuis son engagement, ce qui était de nature à priver son licenciement de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

7. La cassation n'atteint que les chefs de dispositif par lesquels la cour d'appel, après avoir écarté la faute grave, a jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle n'atteint pas les autres chefs de dispositif de l'arrêt, notamment ceux par lesquels la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et de l'indemnité de licenciement.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement de M. L... est fondé sur une cause réelle et sérieuse et le déboute de sa demande en paiement de dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt rendu le 15 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne l'association La Brèche aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association La Brèche et la condamne à payer à M. L... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. L...

L'arrêt attaqué encourt la censure

EN CE QU'IL a décidé que licenciement disciplinaire de Monsieur L... reposait sur une cause réelle et sérieuse, le déboutant, par conséquent, de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE le contrat de travail doit être exécuté loyalement par les parties ; que même si le contrat de travail ne comporte pas de clause d'exclusivité, le salarié ne peut exercer une activité concurrente de celle de son employeur qui irait à l'encontre de son obligation générale de fidélité et qui serait préjudiciable aux intérêts de l'entreprise ; que le contrat de travail signé par le salarié lui imposait de faire connaître à son employeur tout changement intervenant dans sa situation professionnelle ou personnelle ; que Monsieur X... L... ne justifie pas avoir averti son employeur de la constitution de l'association APA en janvier 2014, association dont il était le secrétaire général et ayant un périmètre d'activités recouvrant celui de l'association LA BRECHE ; ce n'est que par hasard que celle-ci a appris l'existence de cette association venant proposer ses services sur le lieu même de l'activité de l'association LA BRECHE ; qu'en sa qualité de secrétaire général de l'APA, Monsieur X... L... connaissait nécessairement l'ensemble des activités de cette association ; qu'il en a démissionné le 21.10.2014, après que son employeur ait eu connaissance de l'existence de l'APA en septembre 2014 ; que l'association LA BRECHE ne démontre pas avoir trouvé dans son propre ordinateur des documents relatifs à cette association qui avait un objet similaire, à laquelle néanmoins il participait en sa qualité de secrétaire général en vue de sa mise en place ;
que par suite, Monsieur X... L... a commis une faute au regard de l'obligation de loyauté à laquelle il était tenu vis à vis de l'association LA BRECHE ; que néanmoins il est constant que l'association APA n'a pas eu d'activité effective et il convient de tenir compte de l'ancienneté du salarié au sein de l'association LA BRECHE ; qu'en conséquence il y a lieu de dire que le licenciement de Monsieur X... L... est fondé sur une cause réelle et sérieuse et d'infirmer le jugement rendu ;

ALORS QUE, premièrement, le défaut de réponse à un moyen pertinent équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, Monsieur L... a fait soutenir, dans ses conclusions (p. 6), puis dans le cadre d'observations orales, le moyen pertinent selon lequel il résultait de l'article 33 de la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, applicable aux relations contractuelles, qu'il ne pouvait, en l'absence de faute grave, faire l'objet d'un licenciement disciplinaire à son égard dès lors qu'il n'avait pas fait l'objet précédemment d'au moins deux sanctions disciplinaires ; de sorte qu'en décidant que Monsieur L... avait pu, même en l'absence de faute grave, faire l'objet d'un licenciement disciplinaire, sans répondre au moyen tiré de ce que qu'un licenciement disciplinaire fondé sur une cause réelle et sérieuse de licenciement ne pouvait intervenir, dès lors que Monsieur L... n'avait pas, précédemment, fait l'objet de deux des sanctions disciplinaires visées par l'article 33 de la convention collective nationale applicable, la cour d'appel a manifestement entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, deuxièmement, en l'absence de clause l'interdisant, le seul fait, pour un salarié, de participer à la création d'une association ne constitue pas un manquement à l'obligation de loyauté, même si l'objet ou les activités déclarées par cette association sont similaires à celles de l'association employeur ; de sorte qu'en décidant que Monsieur L... avait manqué à son obligation de loyauté en ayant, en l'absence de clause contractuelle lui interdisant de le faire, participé, en janvier 2014, à la constitution de l'association APA, association dont il a été nommé secrétaire général, qui avait un périmètre d'activités recouvrant celui de l'association LA BRECHE, tout en constatant que cette association n'avait jamais eu d'activité réelle, qu'aucun acte de concurrence de la part de M. L... n'avait jamais été constaté et qu'en outre celui-ci avait démissionné de ses fonctions le 21 octobre 2014 avant d'avoir pu jouer un quelconque rôle au sein de l'association APA, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1222-1 du Code du travail ensemble des articles 1134 alinéa 3, devenu 1104, du code civil, 1232-1 et L. 1234-9 du code du travail.

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