20 novembre 2020
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/18013

Pôle 4 - Chambre 1

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



Cour d'appel de Paris



Pôle 4 - chambre 1



Arrêt du 20 novembre 2020





(n° , 13 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : RG 18/18013 -Portalis 35L7-V-B7C-B6CY3



Décision déférée à la cour : jugement du 29 mai 2018 -tribunal de grande instance de Paris - RG 16/11314





APPELANTS



Monsieur [R] [V]

[Adresse 3]

[Localité 15]



Madame [U] [G] [X] épouse [V]

[Adresse 3]

[Localité 15]



Représentés par Me Nathalie Fauliot Hauchard, avocat au barreau de Paris, toque : C0802



INTIMÉES



Madame [A] [Z]

venant aux droits de [M] [Z], décédé, et ès-qualités de liquidateur de la SCP [M] [Z]



[Adresse 7]

[Localité 12]



Madame [Y] [Z]

venant aux droits de [M] [Z], décédé



[Adresse 1]

[Localité 13]



Madame [H] [Z]

venant aux droits de [M] [Z], décédé



[Adresse 1]

[Localité 13]



Représentés par Me Thomas Ronzeau de la SCP Ronzeau & associes, avocat au barreau de Paris, toque : P0499 substitué à l'audience par Me Elodie Cazenave du même cabinet



SA MMA IARD

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

ès-qualités d'assureur de responsabilité civile de Me [Z]



[Adresse 4]

[Localité 11]



Représentée par Me Jeanne Baechlin de la SCP Jeanne Baechlin, avocat au barreau de Paris, toque : L0034

Ayant pour avocat plaidant Me Guillaume Regnault de la SCP Raffin et associés, avocat au barreau de Paris





Société civile MMA IARD assurances mutuelles

venant aux droits de Covea Risks

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 4]

[Localité 11]



Représentée par Me Jeanne Baechlin de la SCP Jeanne Baechlin, avocat au barreau de Paris, toque : L0034

Ayant pour avocat plaidant Me Guillaume Regnault de la SCP Raffin et associés, avocat au barreau de Paris substitué par Me Violaine ETCHEVERRY du même cabinet



Mutuelle M.A.F. - Mutuelle des Architectes Français

agissant en la personne de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège



[Adresse 5]

[Localité 14]



Représentée par Me Anne-Marie Maupas Oudinot, avocat au barreau de Paris, toque : B0653

Ayant pour avocat plaidant, Me Marc Fliniaux, avocat au barreau de Paris



SELARL SMJ

représentée par Me [K] [E] agissant ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SCI Les Gaudinelles



[Adresse 10]

[Localité 16]



Représentée par Me Thierry Serra de la SELARL Serra avocats, avocat au barreau de Paris, toque : E0280



SARL Atelier l'échelle

agissant en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège



[Adresse 6]

[Localité 9]



Représentée par Me Pascale Flauraud, avocat au barreau de Paris, toque : K0090

Ayant pour avocat plaidant, Me Martine Meunier, avocat au barreau de Tours



Société Caisse Méditerranéenne de Financement (CAMEFI)

prise en la personne de son représentant légal y domicilié.



[Adresse 8]

[Localité 2]



Représentée par Me Fanny Desclozeaux de la SELARL Carbonnier -Lamaze- Rasle, avocat au barreau de Paris, toque : P0298

Ayant pour avocat plaidant, Me Virginie Rosenfeld de la SCP Cabinet François Rosenfeld, Grégoire Rosenfeld et Virginie Rosenfeld, avocat au barreau de Marseille substituée à l'audience par Me Lugdiwine Laugier du même cabinet



Composition de la cour :



L'affaire a été débattue le 22 octobre 2020, en audience publique, devant la cour composée de :



M. Claude Creton, président

Mme Christine Barberot, conseillère

Mme Monique Chaulet, conseillère



qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Claude Creton, président, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.



Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier

Arrêt :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Claude Creton, président et par Grégoire Grospellier, greffier présent lors de la mise à disposition.



*****



Par acte du 13 mars 2006, la commune de [Localité 17] a consenti à la SCI Les Gaudinelles un bail à construction sur un terrain sur lequel elle avait le projet de réaliser un village de vacances, l'acte prévoyant l'obligation d'achever les travaux dans un délai de quatre ans à compter du commencement des travaux.



Selon contrat préliminaire du 3 mars 2006, dans le but de réaliser sous le statut de loueur meublé non professionnel un investissement défiscalisé, M. et Mme [V] ont réservé auprès de la SCI Les Gaudinelles un studio.



L'acte de vente en l'état futur d'achèvement, portant sur ce bien et sur une quote-part des droits résultant du bail à construction, a été reçu le 8 décembre 2006 par [M] [Z], notaire, aujourd'hui décédé, moyennant un prix de 73 013 euros financé par un prêt consenti par la Caisse méditerranéenne de financement (la société Camefi). La date de livraison a été fixée au 3ème trimestre 2007 comprenant 'les ouvrages et les équipements nécessaires à l'utilisation des biens vendus'.



Par acte du même jour, M. et Mme [V] ont consenti à la société Devimo un bail commercial d'une durée de neuf ans moyennant le paiement d'un loyer annuel de 2 569 euros.



Le 8 décembre 2008, la SCI Les Gaudinelles a adressé à M. et Mme [V] une attestation établie par le maître d'oeuvre de l'opération, la société Cabinet d'architecture [L] et Pryen (le cabinet [L] et Pryen) indiquant que le niveau d'achèvement de leur logement était de 93 %.



Le 11 février 2009, un appel de fonds correspondant à ce niveau d'achèvement a été adressé à M. et Mme [V] qui ont réglé au total la somme de 68 502,54 euros entre les mains du notaire.



Par lettre du 10 avril 2012, la commune de Ballan Miré a informé M. et Mme [V] qu'elle envisageait de mettre en oeuvre la clause résolutoire prévue par le bail à construction en raison du non-respect par la SCI Les Gaudinelles du délai de réalisation de la construction.



La SCI Les Gaudinelles a été placée le 2 juillet 2012 en redressement judiciaire puis le 26 novembre 2012 en liquidation judiciaire.



Par arrêt du 19 octobre 2015, la cour d'appel d'Orléans a prononcé la résiliation du bail à construction, entraînant le transfert à la commune de Ballan Miré de la propriété des constructions édifiées.



Leur reprochant un manquement à leurs obligations, M. et Mme [V] ont assigné la SCI Les Gaudinelles représentée par son liquidateur judiciaire, [M] [Z] et son assureur, la société Mutuelle du Mans assurances IARD (la Mutuelle du Mans), la société Cabinet d'architecture [L] et Pryen et son assureur, la société Mutuelle des architectes français (la société MMA), ainsi que la société Camefi. Ils ont sollicité la résolution de la vente et l'allocation de dommages-intérêts.



A la suite du décès de [M] [Z], sont intervenus à l'instance ses héritiers, Mlle [A] [Z], Mlle [Y] [Z] et Mlle [H] [Z] (les consorts [Z]).



Par jugement du 29 mai 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré irrecevable la demande de M. et Mme [V] tendant à la fixation de leur créance au passif de la liquidation judiciaire de la SCI Les Gaudinelles ;

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action de M. et Mme [V] à l'égard des autres défendeurs ;

- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- laissé à chacune des parties la charge de ses dépens.



Pour déclarer irrecevable l'action en fixation de leur créance au passif de la liquidation judiciaire de la SCI Les Gaudinelles en application des articles L. 622-21, L. 622-22 et L. 625-3 du code de commerce, le tribunal a constaté que lorsque M. et Mme [V] ont engagé l'instance, la procédure collective de la SCI Les Gaudinelles avait déjà été ouverte.



Pour déclarer prescrite l'action contre les autres défendeurs, le tribunal, après avoir constaté que la date d'achèvement de la construction avait été fixée au 3ème trimestre 2007, a retenu cette date pour fixer le point de départ du délai de prescription de dix ans, ramené à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, de sorte que la prescription était acquise lorsqu'ils ont assigné les défendeurs les 26, 27, 30 mai, 1er et 13 juin, 1er juillet 2016. Il a ajouté que si l'on admet que les lettres que la SCI Les Gaudinelles a adressées à M. et Mme [V] les 11 février 2009 et 23 mai 2011 relatives au dernier appel de fonds et au paiement de pénalités de retard ont pu leur laisser penser que l'appartement serait livré, cette prescription demeure acquise.



M. et Mme [V] ont interjeté appel de ce jugement..



Sur la prescription, ils font valoir que l'action contre la SCI Les Gaudinelles, en sa qualité de vendeur en l'état futur d'achèvement tenu des obligations des constructeurs des articles 1792 et 1792-1 du code civil, est soumise, en vertu de l'article 1646-1, au délai de prescription de dix ans prévu par les articles 1792-4-3.



S'agissant de l'action en résolution du contrat de vente formée contre celle-ci et des actions indemnitaires contre l'architecte et la banque, ils soutiennent que le point de départ du délai doit être fixé à la date du dernier délai de livraison qui avait été annoncé aux acquéreurs par des lettres circulaires, soit en juillet 2011, et que s'agissant de l'action contre le notaire en restitution du prix de vente, ce point de départ doit être fixé à la date du placement en redressement judiciaire de la SCI Les Gaudinelles, soit en juillet 2012, car seul cet événement justifie la condamnation du notaire à cette restitution.



S'agissant de l'action en résolution du prêt en conséquence de la résolution de la vente, M. et Mme [V] font valoir que le point de départ du délai de prescription doit être fixé au jour de la résolution de la vente.



M. et Mme [V], qui ont assigné les défendeurs les 26, 27, 30 mai, 1er et 13 juin, 1er juillet 2016, concluent en conséquence au rejet de la fin de non-recevoir tirée de la prescription.



Sur l'action en résolution de la vente et en restitution du prix formée contre la SCI Les Gaudinelles, M. et Mme [V] expliquent que celle-ci n'ayant pas respecté son obligation de délivrance, cette action doit être accueillie et qu'en outre, la résolution n'étant pas fondée sur un défaut de paiement, elle n'est pas soumise à la règle de l'interdiction des actions introduites après l'ouverture d'une procédure collective.



Sur la responsabilité de l'architecte, M. et Mme [V], se fondant sur une expertise ordonnée à la demande d'autres acquéreurs, indiquent que l'expert a retenu que les équipements collectifs n'étaient achevés qu'à hauteur de 45 % alors que l'architecte, qui avait connaissance des difficultés rencontrées par la SCI Les Gaudinelles pour financer la réalisation des équipements collectifs, a établi une attestation d'achèvement de travaux, destinée à justifier des appels de fonds auprès des acquéreurs, précisant qu'ils étaient achevés à 93 %, d'une part à un niveau auquel la loi n'autorise pas un appel de fonds, d'autre part en excluant les parties communes pour apprécier l'état d'achèvement qui suppose qu'ont été réalisés les ouvrages et les éléments d'équipements indispensables à l'utilisation de l'immeuble conformément à sa destination (en l'espèce un appartement faisant partie d'un ensemble résidentiel à usage de vacances comportant de nombreux équipements collectifs), de sorte qu'il a engagé sa responsabilité en établissant cette attestation qui a trompé les acquéreurs sur l'état réel d'avancement du chantier et sur la situation financière de la SCI Les Gaudinelles qui n'avait plus les moyens de terminer les travaux.



Sur la responsabilité du notaire, M. et Mme [V] font valoir que celui-ci, qui leur a été imposé par le promoteur et qui était seul rédacteur de l'acte, ne les a pas informés qu'ils avaient la liberté de se faire assister par le notaire de leur choix et a manifestement privilégié les intérêts du promoteur.



Ils lui reprochent ensuite de ne pas avoir attiré leur attention sur les risques liés à l'existence d'un bail à construction, dont la copie n'a pas été annexée à l'acte de vente, et de ne pas avoir inséré de clause résolutoire pour l'hypothèse où le promoteur de respecterait pas son obligation d'achever les constructions dans le délai prévu par le bail, inexécution justifiant la résiliation du bail entraînant le transfert de propriété de la construction à la commune.



Ils expliquent ensuite, alors que l'acte de réservation faisait état dans une annexe d'une garantie extrinsèque de la société Cegi et que l'offre de prêt de la banque était conditionnée à la fourniture d'une telle garantie, le notaire n'a pas attiré leur attention sur la disparition de cette garantie dans l'acte de vente ni sur la différence entre cette garantie et la garantie intrinsèque, beaucoup moins protectrice. Ils ajoutent que le notaire a en outre méconnu les dispositions de l'article R. 261-18 du code de la construction et de l'habitation en retenant que le financement du programme devait être assuré à concurrence de 60% alors que c'était le taux de 75% qui devait s'appliquer puisque le taux réduit ne s'applique que 'lorsque le financement est assuré à concurrence de 30% du prix de vente par les fonds propres du vendeur' et que la SCI Les Gaudinelles n'était pas propriétaire du terrain, que sa trésorerie était fournie par un tiers qui était demeuré créancier et par des fonds prêtés selon un acte du 15 septembre 2006. Ils ont ajouté que le notaire a encore méconnu ce texte en acceptant de faire figurer au titre de la garantie intrinsèque d'achèvement des sommes qui ne constituaient pas des fonds propres au sens de l'article R. 261-18 du code de la construction et de l'habitation :

- un prêt consenti par un particulier dont la date de remboursement n'est pas précisée ;

- un prêt d'un montant de 3 700 000 euros, en réalité 3 500 000 euros, remboursable pour une partie le 15 novembre 2006 et pour le solde le 15 mai 2007, consenti par M. [T], agent de change, qui n'est ni une banque ni un établissement habilité, et qui devait être remboursé avec les sommes provenant des ventes aux différents acquéreurs ;

- le terrain d'une valeur de 8 216 000 euros représentant 40 % du prix des ventes, qui n'appartenait pas à la SCI Les Gaudinelles puisque donné à bail par la commune de Ballan Miré qui pouvait résilier le bail si la SCI Les Gaudinelles ne réalisait pas les travaux dans un certain délai.



Ils tirent de ces éléments que ne pouvaient constituer des fonds au titre de la garantie d'achèvement que les fonds provenant des ventes (1 192 280 euros) qui ne représentaient que 6 % du besoin de financement indiqué dans l'acte de vente.



Ils soutiennent qu'en conséquence le notaire, nonobstant la clause de style indiquant que les acquéreurs ont été 'informés de la teneur des garanties fournies', a manqué à son obligation d'information.



M. et Mme [V] reprochent ensuite au notaire de ne pas avoir attiré leur attention sur le fait que le bénéfice de la défiscalisation attachée à l'opération, qui constituait la motivation principale de l'investissement, était soumis à la livraison du bien et à sa location, de sorte que le défaut de livraison pouvait entraîner, outre la résiliation du bail à construction et le retour des biens au bailleur, l'obligation pour eux de reverser au trésor public le crédit de TVA dont ils bénéficiaient.







Ils ajoutent que le notaire a également manqué à ses obligations en acceptant de recevoir des appels de fonds à concurrence de 95% du prix et de les reverser à la SCI Les Gaudinelles alors que les travaux n'étaient achevés qu'à 93% et que le contrat n'autorisait un tel appel de fonds que si les travaux étaient achevés.



Sur la responsabilité de la banque, M. et Mme [V] reprochent à la société Camefi d'une part de leur avoir consenti un prêt alors que celui-ci était soumis à la condition de la fourniture par la SCI Les Gaudinelles d'une garantie extrinsèque, d'autre part, emprunteurs non avertis, de ne pas les avoir mis en garde sur les risques liés à la viabilité de leur investissement, notamment en cas de défaut d'achèvement des travaux, dès lors que les revenus attendus de l'opération devaient leur permettre de faire face à leur obligation de remboursement. Ils font valoir que la banque aurait dû en outre attirer leur attention sur le prix d'acquisition très supérieur au prix du marché et sur l'absence de garantie extrinsèque.



*****



Dans leurs dernières conclusions, M. et Mme [V] concluent à la résolution du contrat de vente en l'état futur d'achèvement et sollicitent, outre la restitution des fonds versés à la SCI Les Gaudinelles, soit la somme de 68 502,04 euros, la condamnation des consorts [Z] et de l'assureur de [M] [Z], la Mutuelle du Mans, de la société Atelier l'échelle et de son assureur, la Mutuelle des architectes français et de la société Camefi, à leur payer :

- la somme de 68 502,04 euros au titre de la restitution des fonds versés à la SCI Les Gaudinelles, insolvable ;

- la somme de 34 848 euros correspondant au coût du crédit destiné à financer l'acquistion ;

- la somme de 23 121 euros correspondant au manque à gagner au titre du bail commercial ;

- la somme de 21 281 euros correspondant au manque à gagner lié aux avantages fiscaux escomptés ;

- la somme de 58 014 euros au titre de la perte de l'avantage patrimonial escompté ;

- la somme de 41 650 euros correspondant au manque à gagner sur le complément de revenus escompté net d'impôt et de charges à partir de 2025 sur une période de 11 ans ;

- la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;

- la somme de 7 361,30 euros au titre de la clause pénale stipulée dans le contrat de vente.



Ils demandent en outre à la cour d'ordonner la compensation entre le montant des condamnations prononcées contre la banque et les sommes dues à celle-ci au titre du remboursement des sommes réglées par celle-ci au titre du prêt.



A titre subsidiaire, si la cour retient l'existence d'un préjudice constitué par une perte de chance, ils sollicitent la condamnation des consorts [Z] et de l'assureur de [M] [Z], la Mutuelle du Mans, à leur payer une somme correspondant à 80 % des préjudices qu'ils ont subis.



Ils réclament enfin la condamnation de toute partie perdante à leur payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



*****



La SCI Les Gaudinelles, représentée par son liquidateur judiciaire demande à la cour de confirmer le jugement qui déclare irrecevable la demande de M. et Mme [V] en fixation de créances au passif de la liquidation judiciaire.



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Les consorts [Z] et la société Mutuelle du Mans concluent à titre principal à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré prescrite l'action de M. et Mme [V] dès lors que le point de départ du délai de prescription doit être fixé à la date prévue pour la livraison de l'ouvrage puisque c'est à cette date qui'ils ont eu connaissance de l'absence de livraison et du préjudice.





A titre subsidiaire, ils concluent à l'absence de responsabilité de [M] [Z].



Ils contestent d'abord l'existence des fautes alléguées pour les motifs suivants :

- le notaire n'est pas tenu à une obligation d'information sur la liberté des parties d'avoir recours à leur propre notaire, [M] [Z] ayant en outre délivré aux acquéreurs les informations relatives à leur droit de rétractation et au contenu de l'acte, ce qui démontre qu'il n'a pas privilégié les intérêts du promoteur ;

- l'acte de vente contient, dans le chapitre 'Origine de propriété', les informations relatives au bail à construction et, notamment, celles relatives aux 'propriétés des construction en sortie du bail' que ce soit à l'arrivée du terme ou à la suite d'une résiliation amiable ou judiciaire ainsi que l'indication que dans ce dernier cas le transfert de la propriété des constructions au bailleur rendra exigible les droits de mutation ou la TVA immobilière ;

- la garantie extrinsèque mentionnée dans la fiche technique annexée au contrat de réservation à la rédaction duquel le notaire n'a pas participé, n'a jamais été offerte par la SCI Les Gaudinelles ;

- l'acte de vente informe clairement les acquéreurs sur la nature de la garantie fournie ; quant au contenu de la garantie et aux fonds propres dont disposait la SCI Les Gaudinelles, celle-ci a bien bénéficié de plusieurs prêts, peu important qu'il aient été consentis par des particuliers ; l'évaluation du terrain à la somme de 8 216 000 euros est conforme à l'estimation par un expert du droit réel que constitue le bail à construction qui est un droit négociable ; en outre, le choix d'une garantie intrinsèque, qui était alors licite, ne peut être reprochée au notaire même si cette garantie est moins protectrice qu'une garantie extrinsèque ;

- le notaire n'était pas tenu de procéder à des investigations sur la solvabilité de la SCI Les Gaudinelles et sur l'opportunité de l'opération ;

- lorsqu'il a procédé à des paiements, le notaire n'avait pas à procéder à des vérifications puisque c'est M. et Mme [V] qui ont reçu de la SCI Les Gaudinelles les appels de fonds accompagnés de l'attestation de l'architecte et ont ensuite crédité le compte de l'étude.



Les consorts [Z] et la société Mutuelle du Mans contestent en outre le lien de causalité entre la prétendue faute reprochée à [M] [Z] et les préjudices allégués.



Ils ajoutent que la créance de restitution du prix ne constitue pas un préjudice indemnisable, que le montant de la clause pénale figurant dans l'acte de vente et destinée à sanctionner le manquement contractuel de la SCI Les Gaudinelles n'est pas opposable au notaire, que les manques à gagner au titre de l'exécution du bail ainsi que les avantages fiscaux et patrimoniaux escomptés sont sans lien de causalité avec la faute du notaire.



A titre subsidiaire, les consorts [Z] et la Mutuelle du Mans demandent à la cour de condamner le cabinet [L] et Pryen, ainsi que son assureur, la MAF, la société Camefi à les garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre eux.



Enfin, les consorts [Z] d'une part, la Mutuelle du Mans d'autre part, réclament chacun la condamnation de M. et Mme [V], ou de toute partie perdante, à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



*****



La société Camefi conclut d'abord à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en résolution de la vente en soutenant que le point de départ du délai de prescription se situe au jour de la date prévue pour la livraison du bien. Elle conclut également à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en responsabilité formée contre elle en 2016. Sur ce dernier point, elle soutient que s'agissant d'une action fondée sur un manquement à son obligation de mise en garde, de conseil ou d'information, le préjudice consistant en une perte de chance de contracter s'est manifesté lors de l'octroi du crédit, en l'espèce le 8 juin 2006, de sorte que cette action, soumise à un délai de prescription de cinq ans à compter du 19 juin 2013, date de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, devait être engagée avant le 19 juin 2013.





Elle ajoute que M. et Mme [V] n'ayant pas déclaré leur créance dans la procédure de liquidation judiciaire de la SCI Les Gaudinelles, leur créance est éteinte, de sorte qu'ils ne peuvent engager aucune action sur la base de cette créance et, par ricochet, ne peuvent engager aucune action découlant de cette créance contre des tiers.



A titre subsidiaire, elle fait valoir qu'en cas de résolution de la vente entraînant l'anéantissement du prêt, il y aura lieu de condamner toute partie responsable de cette résolution à relever et garantir M. et Mme [V] de leur obligation à restitution du capital et à l'indemniser au titre de l'indemnisation de son préjudice à lui rembourser le montant des intérêts contractuels perdus, soit la somme de 34 847,92 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation, le cas échéant de fixer cette créance au passif de la liquidation judiciaire de la SCI Les Gaudinelles.



A titre encore plus subsidiaire, la société Camefi conclut au mal fondé des demandes formées contre elle.



Elle explique n'être intervenue qu'en qualité de dispensateur de crédit, qu'elle n'a jamais été amenée à conseiller M. et Mme [V] sur le montage financier de l'opération immobilière à la conception de laquelle elle n'était pas associée, ceux-ci ayant été entourés d'un conseil en patrimoine et du notaire qui a dressé l'acte. Elle ajoute que son devoir de mise en garde n'est dû que lorsqu'il existe un risque de surendettement de l'emprunteur non averti. Elle fait valoir que la substitution d'une garantie intrinsèque à la garantie extrinsèque relève de la seule responsabilité du notaire et est sans conséquence sur sa responsabilité dans la mesure où d'une part ce n'est pas cette substitution qui est en cause mais l'inconsistance de la garantie intrinsèque, d'autre part si l'existence d'une garantie extrinsèque était une condition de l'octroi du prêt, il ne peut lui être reproché d'y avoir renoncé.




La société Camefi conteste en outre le lien de causalité entre la faute qui lui est reprochée et le préjudice allégué qui a pour cause la déconfiture de la SCI Les Gaudinelles.



Elle sollicite en outre la condamnation de toute partie succombante à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.



Elle réclame enfin la condamnation des parties succombantes à lui payer une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Le cabinet [L] et Pryen, devenu la société Atelier l'échelle, conclut d'abord à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré prescrite l'action de M. et Mme [V] et, subsidiairement, contestant les fautes qui lui sont reprochées, au rejet des demandes formées par M. et Mme [V] ainsi que des appels en garantie formés à son encontre.



Plus subsidiairement encore, pour le cas où une condamnation serait prononcée à son encontre, il demande à être garanti par les consorts [Z], la société MMA, la société Camefi.



Il réclame enfin la condamnation des consorts [V], ou de toute partie succombante, à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



La MAF conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il déclare l'action de M. et Mme [V] irrecevable. A titre subsidiaire, elle conclut au rejet des demandes qu'ils forment contre le cabinet [L] et Pryen et, plus subsidiairement encore, elle conteste devoir sa garantie. Encore plus subsidiairement, elle fait valoir que sa garantie n'est due que dans la limite de la franchise et du plafond applicable aux dommages immatériels non consécutifs à des dommages matériels, plafond de 500 000 euros unique pour l'ensemble des réclamations formées à son encontre dès lors que ces réclamations ont la même cause technique et sont relatives à une même opération de construction.



Elle réclame enfin la condamnation de M. et Mme [V], des consorts [Z], de la société Mutuelles du Mans et de la société Camefi à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.


SUR CE,



1 - Sur les demandes de M. et Mme [V]



- Sur l'action en résolution de la vente



Attendu que M. et Mme [V] exercent contre la SCI Les Gaudinelles une action en résolution de la vente pour inexécution de son obligation de livraison de l'immeuble ; que cette action est soumise au délai de prescription de cinq ans prévu par la loi du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008 ; que le point de départ de ce délai doit être fixé à compter du jour où M. et Mme [V] ont connu les faits leur permettant de l'exercer, soit la date à laquelle ils ont pris conscience de la défaillance de la SCI Les Gaudinelles ; que si le contrat avait fixé le délai de livraison de l'immeuble au cours du troisième trimestre 2007, il autorisait une prorogation ou une suspension de ce délai ; que la SCI Les Gaudinelles a informé à plusieurs reprises, par lettres circulaires, les différents acquéreurs que la date de livraison devait être reportée en raison des intempéries et de la défaillance d'entreprises ; qu'en dernier lieu, par lettre du 8 novembre 2010, elle les a informés qu'en raison de la défaillance de huit entreprises, ce délai devait être à nouveau reporté de huit mois et demi, soit jusqu'au mois de juillet 2011; que le bien n'ayant pas été livré, c'est à cette date que doit être fixé le point de départ du délai de prescription ; que par conséquent, l'action en résolution engagée en mai 2016 n'est pas prescrite ;



Attendu que selon l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; que l'action de M. et Mme [V] a été déclenchée après l'ouverture de la procédure collective de la SCI Les Gaudinelles ; que toutefois, tendant à la résolution du contrat de vente conclu avec celle-ci pour manquement à son obligation de livraison du bien, soit pour une cause autre que le non-paiement d'une somme d'argent, cette action, qui n'est pas interdite, est recevable ;



Attendu qu'il est constant que la SCI Les Gaudinelles n'a pas respecté l'obligation de livraison qu'elle avait souscrite envers M. et Mme [V] ; qu'il est en outre acquis que suite à son placement en liquidation judiciaire et à la résiliation du bail à construction conclu avec la commune, le chantier a été définitivement arrêté, ce qui a pour conséquence que l'immeuble objet du contrat de vente ne pourra jamais être achevé par la SCI Les Gaudinelles ;



Attendu que ce manquement à une obligation essentielle du contrat justifie sa résolution ; que la créance de restitution d'un montant de 68 502,04 euros, dont le fait générateur est la décision prononçant la résolution, est une créance postérieure à l'ouverture de la procédure collective et, par conséquent, n'est pas soumise à déclaration au passif de la procédure ;



- Sur les actions en responsabilité



Attendu que M. et Mme [V] ne forment aucune demande en indemnisation contre la SCI Les Gaudinelles ;



* Contre le notaire



Attendu que M. et Mme [V] recherchent la responsabilité du notaire et la condamnation des consorts [Z] et de la société MMA à leur payer une somme correspondant à leur créance de restitution du prix suite à la résolution de la vente, ainsi que diverses sommes à titre de dommages-intérêts ;



Attendu que cette action est soumise à un délai de prescription de cinq ans à compter de la date de réalisation du dommage ou à la date où il a été révélé à M. et Mme [V] ;



Attendu, sur la prescription de la demande d'indemnisation du préjudice causé à M. et Mme [V] en raison de l'impossibilité de recouvrer auprès de la SCI Les Gaudinelles leurs créances de restitution du prix suite à la résolution de la vente, que ceux-ci n'ont pu prendre conscience de ce préjudice qu'à la suite du placement de la SCI Les Gaudinelles en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire les 2 juillet et 26 novembre 2012 ; que leur action, soumise à un délai de prescription de cinq ans en application de la loi du 17 juin 2008 n'était donc pas prescrite lorsqu'ils ont assigné le notaire en 2016 ; sur la prescription des autres demandes d'indemnisation, le point de départ du délai doit être fixé au mois de juillet 2011 lorsqu'ils ont constaté, comme il a été expliqué ci-dessus, que la SCI Les Gaudinelles, après les avoir informés du report à cette date du délai de livraison, ne pourrait plus achever la construction de l'immeuble ; que l'assignation du notaire ayant été délivrée avant la date d'expiration du délai de prescription, cette action est recevable ;



Attendu que le notaire qui authentifie un acte de vente en l'état futur d'achèvement, tenu envers les parties d'une obligation de conseil, devait informer les acquéreurs des risques liés à l'existence d'un bail à construction assorti d'une clause résolutoire dans le cas où la SCI Les Gaudinelles ne respecterait pas l'obligation souscrite envers la commune bailleresse d'achever les constructions dans un délai de quatre ans à compter du commencement des travaux, résiliation qui a pour effet le transfert de la propriété des constructions à la commune sans dédommagement des acquéreurs ;



Attendu, en outre, que s'il ne peut être reproché au notaire d'avoir accepté d'instrumenter une vente en l'état futur d'achèvement avec une garantie intrinsèque qui, bien que ne présentant pas la même sécurité qu'une garantie extrinsèque, était licite lors de la conclusion de la vente litigieuse, celui-ci, alors que le contrat de réservation évoquait la fourniture d'une garantie extrinsèque, a manqué à ses obligations, en n'attirant pas l'attention des acquéreurs sur le fait que la garantie intrinsèque qui a été retenue, au contraire de la garantie extrinsèque, ne permet pas de les protéger contre le risque d'inachèvement de l'immeuble à la suite de la défaillance du promoteur ;



Attendu, enfin, que le notaire a également commis une faute pour avoir accepté de dresser l'acte de vente prévoyant une garantie intrinsèque alors que les conditions légales permettant le recours à cette garantie n'étaient pas réunies ; qu'en effet, le contrat indique que les fondations sont achevées et que le vendeur justifie que le financement du programme est assuré à concurrence de 60 % du prix de vente prévu par les fonds propres du vendeur représentant 30 % du prix de vente, par le montant du prix des ventes déjà conclues et par les crédits confirmés des banques ou établissements financiers habilités à faire des opérations de crédits immobiliers ; que pour retenir le taux de couverture de 60 % du prix de vente prévu d'un montant de 20 292 656 euros, soit un financement d'un montant minimum de 12 175 593 euros, a été pris en compte la valeur du terrain sur lequel sont édifiées les constructions, soit 8 216 000 euros, les fonds d'un montant de 160 000 euros versés par M. [D] qui détient sur la SCI Les Gaudinelles une reconnaissance de dette à concurrence de ce montant, un prêt d'un montant de 3 700 000 euros et le montant des ventes déjà réalisées d'un total de 1 192 280 euros ; qu'il résulte de ces stipulations que la SCI Les Gaudinelles ne justifiait pas disposer de fonds propres d'au moins 30 % du prix de vente puisque le terrain, qui lui a été donné à bail à construction, ne lui appartenait pas et que sa trésorerie a été fournie par des prêts et seulement à concurrence de 1 192 280 euros par le produit des ventes ; que dans ces conditions, c'est le taux de couverture de 75 % du prix de vente prévu qui devait s'appliquer, soit 15  219 492 euros qui n'est pas atteint ; qu'en outre, il n'est pas justifié que le prêt d'un montant de 3 700 000 euros a été consenti par une banque ou un établissement financier habilité à financer une telle opération ;







Attendu que les conditions pour conclure la vente avec une garantie intrinsèque n'étant pas réunies, le notaire aurait dû refuser de dresser l'acte de vente ; qu'en conséquence, il engage sa responsabilité civile délictuelle à concurrence des préjudices subis par M. et Mme [V] qui se sont engagés dans une vente qu'ils n'auraient pas pu conclure si celui-ci a exécuté son obligation d'assurer la validité et l'efficacité de l'acte ;



Attendu qu'au titre de l'indemnisation de ces préjudices, il convient d'abord de condamner les consorts [Z] et la société MMA à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros correspondant à la créance de restitution de la partie du prix qu'ils ont réglée dès lors qu'en raison de l'insolvabilité de la SCI Les Gaudinelles, placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire, M. et Mme [V] ont perdu toute possibilité de recouvrer cette créance auprès d'elle ;



Attendu que la résolution de la vente entraînant la caducité du contrat de prêt souscrit auprès de la société Camefi, il appartient à M. et Mme [V] d'exercer contre celle-ci une action aux fins de faire constater cette caducité, ce qui entraînera leur obligation à restituer le capital emprunté et celle de la banque à leur restituer les intérêts et les frais qu'elle a perçus ; qu'ils ne sont donc pas fondés à réclamer la condamnation du notaire ni à la somme de 34 848 euros correspondant à ces intérêts et à ces frais ni au montant de l'indemnité due dans le seul cas de résolution du prêt suite à la défaillance des emprunteurs ;



Attendu que sans la faute du notaire, la vente en l'état futur d'achèvement n'aurait pu être conclue en l'absence d'une garantie extrinsèque qui n'avait pas été fournie et alors que les conditions de la garantie intrinsèque n'étaient pas réunies ; qu'en conséquence, M. et Mme [V] ne peuvent obtenir la condamnation du notaire à indemnisation du préjudice causé par la perte des avantages financiers, fiscaux et patrimoniaux que leur aurait apporté une vente qui n'a pu être conclue qu'en raison de cette faute ;



Attendu qu'à la suite de la résolution de la vente et de la caducité du prêt, M. et Mme [V] récupéreront la somme versée en paiement du prix et n'auront pas à supporter la charge des intérêts produits par le prêt qu'ils avaient contracté pour financer l'acquisition du bien ; qu'en conséquence, ils ne sont pas fondés à réclamer l'indemnisation des avantages attendus qui sont la contrepartie de leur investissement et des risques encourus (loyers, économie d'impôts, perte patrimoniale) ;



* Contre les architectes



Attendu que M. et Mme [V] fondent cette action sur la faute des architectes pour avoir établi une attestation d'achèvement indiquant que le taux d'achèvement était de 93 % sans tenir compte de l'état des équipements collectifs sans lesquels ils ne pouvaient donner en location leur appartement ; que cette action est soumise au délai de prescription de droit commun de cinq ans qui court à compter de la date à laquelle ils ont connu les faits leur permettant de l'exercer, c'est-à-dire le jour où ils ont constaté que la SCI Les Gaudinelles ne respectait pas son obligation de livraison et que l'immeuble ne serait pas achevé, c'est-à-dire après l'expiration de la date à laquelle celle-ci avait, en dernier lieu, annoncé un report de la date de livraison à la fin du mois de juillet 2011 ; que l'action exercée contre la société Atelier l'échelle a été exercée avant cette date ; qu'elle est donc recevable ;



Attendu que si le taux d'achèvement d'un bien vendu en l'état futur d'achèvement doit être mesuré en tenant compte des équipements collectifs indispensables à l'utilisation du bien, le cabinet [L] et Pryen justifie avoir établi des attestations d'achèvement distinctes pour les parties privatives et les équipements collectifs de la résidence ; qu'en conséquence, l'achèvement de l'immeuble vendu ne pouvait être apprécié sur la base de la seule attestation relative aux parties privatives ; qu'en outre, il n'est pas justifié que le taux d'achèvement retenu pour le lot de M. et Mme [V] est erroné ; qu'enfin, ces attestations étant destinées à la SCI Les Gaudinelles, l'architecte ne peut se voir reprocher l'utilisation par celle-ci de l'attestation d'achèvement du lot de M. et Mme [V] pour justifier un appel de fonds au mépris du calendrier d'appel de fonds prévu par le contrat ;



Attendu qu'en conséquence, ne sont établis ni la faute reprochée à l'architecte ni le lien de causalité entre cette faute et le préjudice allégué ;



* Contre la banque



Attendu que l'exercice de l'action en responsabilité contre la banque en réparation des préjudices causés par sa faute à M. et Mme [V] n'est pas soumise à la justification de la déclaration de leur créance de dommages-intérêts sur la SCI Les Gaudinelles ;



Attendu que si la banque est tenue envers un emprunteur non averti d'un devoir de mise en garde du risque de surendettement né de l'octroi du prêt au regard de sa capacité de remboursement, ce devoir l'oblige à le mettre également en garde, lorsque, comme en l'espèce, la viabilité de l'opération à laquelle le prêt est adossé présente des aléas liés notamment à l'ampleur des investissements auxquels doit faire face le promoteur dont la défaillance empêchera l'achèvement de l'immeuble ; que la société Camefi, consciente de ces aléas, avait soumis l'offre de prêt à la condition que la vente soit conclue avec une garantie extrinsèque d'achèvement, seule de nature à garantir efficacement l'acquéreur contre un tel risque dont les conséquences étaient d'autant plus grave que les constructions devaient être réalisées sur un terrain donné à bail assorti d'une clause résolutoire dans le cas où les constructions ne seraient pas réalisées dans un certain délai ; qu'alors que la vente avait été conclue avec une garantie intrinsèque, la société Camefi a malgré tout accordé le prêt destiné à financer l'opération non seulement sans adresser cette mise en garde aux emprunteurs, mais surtout en ne s'assurant pas que les conditions de la garantie intrinsèque étaient réunies ; que cette faute a conduit M. et Mme [V] à conclure une vente qui n'aurait pas dû l'être en l'absence de ces conditions ; que cette faute est à l'origine du préjudice constitué, comme indiqué ci-dessus, par la somme qu'ils ont versée au titre du paiement du prix et qu'à la suite de la résolution de la vente ils ne pourront récupérer sur la SCI Les Gaudinelles en raison de son insolvabilité ;



2 - Sur les appels en garantie



Attendu que dans les rapports entre le notaire et la Mutuelle du Mans d'une part et la société Camefi d'autre part, responsables in solidum envers M. et Mme [V], il convient, compte tenu de la gravité des fautes commises par le notaire et la banque, de fixer la contribution de chacun d'eux à concurrence de 50 % ;



PAR CES MOTIFS



Statuant publiquement,



Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;



Statuant à nouveau,



Déclare recevables comme non prescrites les actions de M. et Mme [V] contre la société civile Les Gaudinelles représentée par son liquidateur judiciaire, la société Atelier l'échelle et les consorts [Z] ;



Déclare recevable l'action en résolution de la vente de M. et Mme [V] contre la société civile immobilière Les Gaudinelles représentée par son liquidateur judiciaire ;



Prononce la résolution du contrat de vente en l'état futur d'achèvement conclu le 8 décembre 2006 entre la société civile immobilière Les Gaudinelles et M. et Mme [V], publiée au 2ème bureau des hypothèques de [Localité 20] le 23 janvier 2007, volume 2007, P n° 449, portant sur le lot numéro 30 situé au rez-de-chaussée du bâtiment E. (studio comprenant : chambre, coin cuisinette, salle d'eau avec water-closet, terrasse) et les 20/10000ème des parties communes, dans l'ensemble immobilier situé à [Localité 17] (Indre-et-Loire), lieudit '[Adresse 19], à usage de village de vacances, dénommé '[Adresse 18]' ;



Ordonne la publication du présent arrêt au service de la publicité foncière aux frais de la société civile immobilière Les Gaudinelles, des consorts [Z], de la société Mutuelle du Mans assurances IARD et de la Caisse méditerranéenne de financement ;



Condamne la société civile immobilières Les Gaudinelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros au titre de la restitution du prix de vente ;



Condamne in solidum les consorts [Z], la société Mutuelle du Mans assurances IARD et la Caisse méditerranéenne de financement à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros à titre de dommages-intérêts ;



Déboute M. et Mme [V] de leurs demandes contre la société Atelier l'échelle et la société Mutuelle des architectes français et du surplus de leurs demandes contre les consorts [Z], la société Mutuelle du Mans assurances IARD et de la Caisse méditerranéenne de financement ;



Condamne les consorts [Z] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD à garantir la Caisse méditerranéenne de financement à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à son encontre envers M. et Mme [V] ;



Condamne la Caisse méditerranéenne de financement à garantir les consorts [Z] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à leur encontre au profit de M. et Mme [I] ;



Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Atelier l'échelle et de la société Mutuelle des architectes français, rejette les demandes des consorts [Z], de la société Mutuelles du Mans assurances IARD, la Caisse méditerranéenne de financement et les condamne in solidum à payer à M. et Mme [V] la somme de 5 000 euros ;



Les condamne in solidum aux dépens de première instance et d'appel.



Le greffier,

Le président,

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