9 juillet 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-13.948

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:C300410

Texte de la décision

CIV. 3

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 juillet 2020




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 410 F-D

Pourvoi n° D 19-13.948




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020

La société G... immobilier, société anonyme, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° D 19-13.948 contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (4e chambre A), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. F... S... ,

2°/ à M. H... S... ,

3°/ à Mme I... X... ,

4°/ à M. L... P...,

tous quatre domiciliés [...] ,

5°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble intitulé Copropriété du [...] , dont le siège est [...] , représenté par son syndic, M. H... S... ,

6°/ à M. A... M..., domicilié [...] ,

7°/ au syndicat des copropriétaires [...], dont le siège est [...] , représenté par son syndic, la société AGEFIM consultants , [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dagneaux, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de la société G... immobilier, de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat du syndicat des copropriétaires [...], après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dagneaux, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 décembre 2018), M. M..., divisant son fonds, a vendu la parcelle [...] à la société Sofrap, en conservant la parcelle [...]. Les parties ont institué sur la parcelle vendue une servitude de passage au bénéfice du fonds restant au vendeur, l'acquéreur s'étant engagé à consentir une servitude ayant la même assiette au profit des parcelles [...] et [...], la première appartenant à M. Q..., la seconde à M. E....

2. La société G... Immobilier, ayant droit de la société Sofrap, a édifié sur le fonds servant un ensemble immobilier dénommé [...] et placé sous le régime de la copropriété.

3. MM. H... et F... S... et Mme K..., aux droits de laquelle vient Mme X... , ont acquis la parcelle [...]. Afin d'obtenir la réalisation du passage convenu sur la parcelle [...], ils ont assigné le syndicat des copropriétaires [...], qui a appelé en garantie la société G... Immobilier.

4. MM. S... et Mme X... ayant placé leur immeuble sous le régime de la copropriété, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] est intervenu à l'instance, ainsi que M. P..., ayant droit de M. F... S... .

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société G... Immobilier fait grief à l'arrêt de rejeter les fins de non-recevoir soulevées, alors :

« 1°/ qu'est dépourvu de qualité à agir en vue de mettre en oeuvre une servitude conventionnelle, le propriétaire du fonds dominant qui reconnaît lui-même que cette servitude ne présente pour lui aucune utilité, et qui ne prétend agir que dans l'intérêt d'un tiers ; qu'en l'espèce, la société G... Immobilier faisait valoir dans ses conclusions que les consorts S... eux-mêmes soulignaient ne pas vouloir user du passage objet de la servitude litigieuse et agir pour permettre aux consorts E... et Q... d'emprunter le passage ; qu'en retenant pourtant que les consorts S... auraient qualité à agir en raison de leur qualité de propriétaire du fonds dominant, la cour d'appel a violé les articles 31 et 122 du code de procédure civile ;

2°/ que n'a pas intérêt à agir aux fins de mise en oeuvre d'une servitude conventionnelle de passage, le propriétaire du fonds dominant qui ne tire aucun avantage, direct ou indirect, de cette mise en oeuvre ; que l'existence de cet intérêt peut résulter soit de ce que son titulaire entend emprunter la servitude de passage, soit de ce qu'il a intérêt à pouvoir en offrir le service à un tiers ; qu'en l'espèce, la société G... Immobilier faisait valoir dans ses conclusions que les consorts S... eux-mêmes soulignaient ne pas vouloir user du passage objet de la servitude litigieuse et agir pour permettre aux consorts E... et Q... d'emprunter le passage ; qu'ils prétendaient qu'ils y auraient eu un intérêt dans la mesure où la mise en oeuvre de la servitude conventionnelle aurait entraîné l'extinction de la propre servitude conventionnelle qu'ils avaient consentie aux consorts E... et Q... ; qu'il incombait donc à la cour d'appel de rechercher si la mise en oeuvre de la servitude conventionnelle consentie par l'exposante aurait rendu inutile la servitude conventionnelle consentie par les consorts S... et si, même à l'admettre, cette inutilité aurait entraîné l'extinction de cette servitude conventionnelle consentie par les consorts S... ; que la cour d'appel s'est pourtant bornée à retenir que les demandeurs alléguaient « que cette servitude aurait permis de supprimer la servitude de passage que supporte leur fonds au profit de M. Q... et M. E... » ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier si la mise en oeuvre de la servitude conventionnelle consentie par l'exposante, aurait vraiment eu cette conséquence, et donc sans vérifier si les consorts S... avaient intérêt à agir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 31 et 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel a relevé que les consorts S... , X... et P... et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] avaient sollicité la mise en oeuvre de la servitude de passage convenue au profit de leur fonds et grevant la parcelle ayant appartenu à la société G... Immobilier, sur lequel celle-ci avait édifié un immeuble dont l'implantation aggraverait les conditions de création du chemin prévu.

7. Le propriétaire du fonds dominant ayant seul qualité pour se prévaloir d'une servitude de passage, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée sur l'intérêt à agir de MM. S... et P... et de Mme X... , a, à bon droit, rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. La société G... Immobilier fait grief à l'arrêt de dire qu'à défaut de renonciation, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] est en droit de solliciter la mise en oeuvre de la servitude de passage dont bénéficie son fonds cadastré [...] sur la parcelle cadastrée [...] appartenant au syndicat des copropriétaire [...], alors « que la renonciation à une servitude discontinue, comme une servitude de passage, peut être déduite des circonstances et ne doit pas nécessairement être établie par un titre ; qu'en l'espèce, pour dire que l'on ne pouvait déduire du comportement des propriétaires des fonds dominants, qu'elle s'est abstenue d'examiner, une renonciation à la servitude de passage, la cour d'appel a considéré qu' « une servitude de passage étant une servitude discontinue, elle ne peut être établie que par un titre. Dès lors, le renoncement à mettre en oeuvre cette servitude ne peut résulter que d'un acte, ou de la prescription » ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

10. La cour d'appel a relevé que M. M... n'avait pas signé une lettre que la société G... Immobilier lui avait adressée afin qu'il entérine un accord de renonciation à la servitude de passage litigieuse, mais qu'il avait au contraire mentionné la servitude dans l'acte de vente de son fonds.

11. Elle a ainsi retenu souverainement, abstraction faite du motif critiqué, erroné mais surabondant, que la société G... Immobilier ne rapportait pas la preuve de la renonciation de M. M....

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société G... Immobilier aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société G... Immobilier ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Delamarre et Jehannin, avocat aux Conseils, pour la société G... immobilier.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les fins de non-recevoir soulevées par le syndicat des copropriétaires [...] et la société G... Immobilier ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « sur les fins de non -recevoir : que l'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; que l'intérêt à agir est l'utilité, l'avantage que l'action peut procurer au demandeur ; que toutefois, l'intérêt pour agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, et l'existence ou non du droit invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de la demande ; que dans leur acte introductif d'instance, les appelants sollicitent la mise en oeuvre de la servitude contenue dans l'acte du 20 juillet 2000, subsidiairement, leur indemnisation en cas d'impossibilité de réalisation de cette servitude, en expliquant que cette servitude aurait permis de supprimer la servitude de passage que supporte leur fonds au profit de Monsieur Q... et Monsieur E..., et ils sollicitent de constater l'extinction de cette servitude existante ; que les demandes dirigées contre le syndicat des copropriétaires [...] étant sans solidarité avec la demande de constat de l'extinction de la servitude dont bénéficient Monsieur Q... et de Monsieur E..., leur absence à la procédure rend irrecevable cette dernière demande, mais ne vicie pas l'action dirigée à l'encontre du syndicat des copropriétaires [...] ; qu'au demeurant, cette demande a été abandonnée par les appelants avant que l'affaire ne soit évoquée en première instance ; que la société G... Immobilier SA est le constructeur qui a édifié sur la parcelle [...] l'immeuble qui aurait aggravé ou ne permettrait plus la mise en oeuvre de la servitude dont bénéficie le fonds voisin, soit la parcelle [...] , objet du présent litige ; que les appelants ont donc qualité et intérêt à agir à l'encontre du propriétaire de la parcelle [...] , soit le syndicat des copropriétaires de la [...], mais aussi à l'encontre de la SA G... Immobilier ; que par ailleurs, la SA G... immobilier a été appelée en la cause par le syndicat des copropriétaires [...], et non par les appelants ; que la recevabilité d'une action s'apprécie à la date à laquelle elle est introduite ; qu'aux 10 août et 9 septembre 2010, la parcelle cadastrée section [...] , sise [...] , appartenait en indivision entre Monsieur H... S... , Monsieur F... S... et Madame C... K..., lesquels ont tous les trois, conformément aux règles de l'indivision, introduit l' instance concernant le droit à servitude de ce fonds sur le fonds [...] ; qu'ils avaient donc tous les trois intérêt et qualité pour agir à l'encontre du propriétaire de la parcelle [...] ; qu'au surplus, au fur et à mesure des modifications intervenues, soit la vente par Madame C... K... à Madame I... X... de sa part indivise, transformation en copropriété, et vente par Monsieur F... S... à Monsieur L... P..., Madame X... , puis le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] , puis Monsieur P... sont intervenus volontairement à la procédure, régularisant celle-ci ; qu'enfin, il convient de rappeler que les copropriétaires sont recevables à agir aux côtés du syndicat des copropriétaires en défense des droits de la copropriété [
] ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble des fins de non-recevoir soulevées par le syndicat des copropriétaires [...] et la SA G... Immobilier » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE : « selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ; qu'en vertu de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ; que l'appréciation de la recevabilité de la demande s'effectue au jour où elle est formée ; qu'en l'espèce, lors de l'introduction de la présente instance, M. H... S... , M. F... S... et Mme C... K... étaient propriétaires indivis de la parcelle cadastrée [...] (anciennement [...] ) ; qu'or, selon acte du 20 juillet 2000, une servitude de passage a été consentie au profit de leur fonds sur la parcelle appartenant désormais au syndicat des copropriétaires [...], [...] ([...]) ; qu'en leur qualité de propriétaires indivis et de titulaires de droits réels immobiliers constitués par la servitude de passage, ils avaient donc qualité à agir concernant l'exercice de cette servitude conventionnelle ; qu'à cet égard, il convient de relever que contrairement aux allégations de M. A... M..., les dispositions de l'article 815-3 n'ont pas été violées, l'ensemble des co-indivisaires ayant agi de concert ; que le fait que leur bien ait été divisé et soumis au statut de la copropriété n'est pas de nature à les priver de leur qualité à agir, au côté du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] , en leur qualité de copropriétaires, propriétaires d'un lot situé sur le fonds dominant ; qu'à cet égard, il convient de relever que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] a bien conclu au fond ; que par ailleurs si certains des demandeurs initiaux ont vendu leurs droits immobiliers, les acquéreurs sont intervenus volontairement à la procédure, pour soutenir les demandes ; qu'enfin, contrairement aux allégations de la société G... Immobilier, la servitude dont les demandeurs/ intervenants volontaires sollicitent l'aménagement est une servitude consentie au profit de leur fonds ; que dès lors, les demandeurs et intervenants volontaires ont bien qualité pour agir ; que par ailleurs, les demandeurs/ intervenants volontaires exposent que ce qui guide notamment leur action est qu'ils souhaitent que les consorts E.../ Q..., dont les fonds sont bénéficiaires d'une servitude de passage notamment grevant leur parcelle [...] utilisent la servitude de passage prévue à l'acte du 20 juillet 2000, pour autant, ils ne forment aucune demande concernant ces derniers ; qu'en effet, ils sollicitent la réalisation de tous travaux d'aménagement utiles afin de leur permettre de faire usage de leurs droits réels de servitude, stipulés à l'acte du 20 juillet 2000, ainsi que des dommages et intérêts ; qu'or, les droits réels dont ils invoquent le bénéfice seraient ceux grevant le fonds appartenant désormais aux syndicats des copropriétaires [...], [...] ; qu'elle ne peut être remise en question en raison de circonstances apparues postérieurement ; que dès lors, leurs demandes ne sauraient être déclarées irrecevables à défaut d'avoir attrait en la cause les consorts ... Q... [
] ; que l'ensemble des fins de non-recevoir soulevées par le syndicat des copropriétaires [...], [...] , la société anonyme G... Immobilier et M. A... M... seront donc rejetées » ;

1/ ALORS QU'est dépourvu de qualité à agir en vue de mettre en oeuvre une servitude conventionnelle, le propriétaire du fonds dominant qui reconnaît lui-même que cette servitude ne présente pour lui aucune utilité, et qui ne prétend agir que dans l'intérêt d'un tiers ; qu'en l'espèce, la société G... Immobilier faisait valoir dans ses conclusions que les consorts S... eux-mêmes soulignaient ne pas vouloir user du passage objet de la servitude litigieuse et agir pour permettre aux consorts E... et Q... d'emprunter le passage (conclusions, p. 14 et 15) ; qu'en retenant pourtant que les consorts S... auraient qualité à agir en raison de leur qualité de propriétaire du fonds dominant, la cour d'appel a violé les articles 31 et 122 du code de procédure civile ;

2/ ALORS QUE n'a pas intérêt à agir aux fins de mise en oeuvre d'une servitude conventionnelle de passage, le propriétaire du fonds dominant qui ne tire aucun avantage, direct ou indirect, de cette mise en oeuvre ; que l'existence de cet intérêt peut résulter soit de ce que son titulaire entend emprunter la servitude de passage, soit de ce qu'il a intérêt à pouvoir en offrir le service à un tiers ; qu'en l'espèce, la société G... Immobilier faisait valoir dans ses conclusions que les consorts S... eux-mêmes soulignaient ne pas vouloir user du passage objet de la servitude litigieuse et agir pour permettre aux consorts E... et Q... d'emprunter le passage (conclusions, p. 14 et 15) ; qu'ils prétendaient qu'ils y auraient eu un intérêt dans la mesure où la mise en oeuvre de la servitude conventionnelle aurait entraîné l'extinction de la propre servitude conventionnelle qu'ils avaient consentie aux consorts E... et Q... ; qu'il incombait donc à la cour d'appel de rechercher si la mise en oeuvre de la servitude conventionnelle consentie par l'exposante aurait rendu inutile la servitude conventionnelle consentie par les consorts S... et si, même à l'admettre, cette inutilité aurait entraîné l'extinction de cette servitude conventionnelle consentie par les consorts S... ; que la cour d'appel s'est pourtant bornée à retenir que les demandeurs alléguaient « que cette servitude aurait permis de supprimer la servitude de passage que supporte leur fonds au profit de M. Q... et M. E... » (arrêt, p. 8, alinéa 7) ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier si la mise en oeuvre de la servitude conventionnelle consentie par l'exposante, aurait vraiment eu cette conséquence, et donc sans vérifier si les consorts S... avaient intérêt à agir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 31 et 122 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir dit qu'à défaut de renonciation, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] est en droit de solliciter la mise en oeuvre de la servitude de passage dont bénéficie son fonds cadastré [...] anciennement [...], sur la parcelle cadastrée [...] appartenant au syndicat des copropriétaire [...] ;

AUX MOTIFS QUE : « sur le fond : qu'à l'acte de vente du 22 avril 2008 de la parcelle cadastrée [...] anciennement [...] , par Monsieur M... aux consorts S... K... , est annexée la copie des pages de l'acte de vente du 20 juillet 2000 de la parcelle [...] par Monsieur M... à la société Sopraf, relatives aux servitudes, et donc les dispositions relatives à la constitution de la servitude de passage objet du présent litige ; que dans cet acte du 20 juillet 2000 de cession de la parcelle [...] par Monsieur M... à la SARL Sopraf, page 5, au paragraphe « Constitution de servitude(s) », il est stipulé que « Comme condition essentielle des présentes, l'acquéreur concède au vendeur un droit de passage à titre de servitude réelle et perpétuelle » sur la parcelle [...] appartenant à la société Sopraf au profit de la propriété cadastrée [...] appartenant à Monsieur M... qui s'exercera sur toute la limite nord de la propriété vendue et sur une largeur de 3,50 m. Après le paragraphe « Besoins du fonds dominant », au paragraphe « Indemnité », il est indiqué que la présente constitution de servitude étant une condition essentielle de la vente, son évaluation est comprise dans le prix de vente ; que ces trois paragraphes sont suivis du paragraphe « Engagement de constitution de servitude » dans lequel il est mentionné que le représentant de la société Sopraf s'engage à constituer au profit des parcelles cadastrées section [...] et [...] appartenant respectivement à Monsieur Q... et Monsieur E..., la même servitude de passage ci-dessus consentie au profit de la parcelle [...] , que l'acte de constitution de servitude de passage sera ultérieurement régularisé ; que dans l'acte du 20 juillet 2000 de cession de la parcelle [...] par la SARL Sopraf à la SA G... Immobilier, en page 17 et 18, sont retranscrits in extenso les quatre paragraphes « Constitution de servitude(s) », « Besoins du fonds dominant », « Indemnité » et « Engagement de constitution de servitude » de l'acte du 20 juillet 2000 M.../Sopraf ci-dessus exposé ; que cette servitude conventionnelle s'imposait donc à la SA G... Immobilier puisqu'elle en avait connaissance, et s'impose au syndicat des copropriétaires [...], copropriété qui a succédée à l'opération immobilière entreprise par la SA G... Immobilier sur cette parcelle ; qu'au demeurant, le syndicat de copropriété de l'immeuble [...] n'a pas estimé utile de produire en entier son règlement de copropriété et état descriptif de division ; que cependant, dans un courrier du 13 mars 2009 envoyé à la société Foncia Sogica sous la signature de Mme B... T..., chargée d'affaires, dans l'avant-dernier paragraphe, la SA G... Immobilier précise que le rappel de ces servitudes a été porté dans le règlement de copropriété dont chaque acquéreur a reçu une copie avec la notification de son projet d'acte de vente ; que cette servitude de passage conventionnelle n'a pas été créée pour désenclaver le fonds de Monsieur M..., mais en vue de supprimer la servitude de passage qui longe sa parcelle [...] à l'est, qui a été constituée au profit du fonds [...] appartenant à Monsieur E..., et du fonds [...] appartenant à Monsieur Q... dans les actes du 21 février 1961 et du 24 juillet 1964 ; que ladite servitude de passage qui est causée, n'est donc pas inutile ; que lors de la constitution de cette servitude de passage, la parcelle [...] n'était pas enclavée ; que le fait que cette parcelle donne directement sur l'avenue [...] est donc aussi sans emport dans le présent litige ; qu'à ce jour, sur l'assiette de cette servitude de passage, les travaux effectués lors de la construction ont nécessité un décaissement du terrain d'où les demandes des appelants à ce que le terrain soit remis en son état initial ; que pour s'opposer à cette demande, les intimés arguent du permis de construire connu et non contesté par M. M... ; qu'un permis de construire est toujours délivré sous réserve du droit des tiers ; que le permis de construire en vertu duquel a été édifié l'immeuble [...] avait été obtenu par la SARL Phenica pour le compte de la société Sopraf le 22 mars 2000 ; qu'or la vente avec la constitution de servitudes de passage énoncée à titre de condition essentielle et déterminante, n'est intervenue que quatre mois plus tard ; que Monsieur M... n'étant pas à l'origine de cette demande de permis de construire, il ne peut lui être fait grief d'avoir exigé comme condition « essentielle » à la vente de cette parcelle la constitution de cette servitude ; qu'il peut par contre être fait grief à la société G... Immobilier SA d'avoir édifié un immeuble en sachant que le permis de construire portait atteinte à l'assiette de la servitude ; qu'une servitude de passage étant une servitude discontinue, elle ne peut être établie que par titre ; que dès lors, le renoncement à mettre en oeuvre cette servitude ne peut résulter que d'un acte, ou de la prescription ; que nonobstant, la servitude de passage litigieuse n'ayant jamais été mise en oeuvre, la SA G... Immobilier soutient que M. M..., M. Q... et M. E... auraient renoncé à cette servitude et produit à l'appui de sa prétention deux courriers ; que le premier est envoyé le 25 septembre 2001 à M. Q..., et mentionne qu'au cours d'un entretien téléphonique, il a émis le souhait de renoncer à la constitution de la servitude, qu'il lui est demandé de confirmer par retour du courrier sa renonciation, et que sans réponse de sa part, il sera considéré qu'il a renoncé définitivement à la constitution de cette servitude ; que le silence ne valant pas acceptation, en l'absence d'autre élément eu égard à la méthode pour le moins discutable utilisée pour obtenir cet accord, la portée de ce courrier est très limitée ; que le deuxième courrier est adressé à M. et Mme M... le 7 janvier 2002 « suite au rendez-vous du 10 décembre 2001 », et reprend les accords intervenus sur la renonciation à la servitude de passage, Messieurs Q... et E... ne souhaitant pas bénéficier de la constitution de la servitude, et sur la démolition et la reconstruction d'un mur ; que ce courrier qui a été fait en deux exemplaires originaux se termine en demandant le retour d'un exemplaire avec la mention « Bon pour accord » ; que la pièce produite ne porte pas ladite mention, ni la signature de M. et Mme M... ; qu'au demeurant, Monsieur M... n'a jamais renoncé à cette servitude de passage, et au contraire l'a transmise expressément lors de la vente du 22 avril 2008 aux consorts S... K... par l'annexion des dispositions de l'acte du 20 juillet 2000 concernant cette servitude ; que la SA G... Immobilier ne rapporte donc pas la preuve que Messieurs M..., Q... et E... avaient renoncé à cette servitude ; que de plus, dans le courrier du 13 mars 2009 déjà cité, à l'en-tête de G... Immobilier, Mme B... T..., chargée d'affaires, a écrit à la société Foncia Sogica à propos de la [...] à [...], en rappelant les caractéristiques de ce bien immeuble en listant les servitudes existantes et notamment la constitution de servitude dans l'acte du 20 juillet 2000, et l'engagement de constitution de servitude au profit des parcelles cadastrées [...] et [...] appartenant à M. Q... et M. E... ; qu'il y est notamment indiqué : « A notre connaissance, ni M. Q... ni M. E... ne se sont manifestés pour régulariser l'acte de servitude. Mais il serait prudent de se rapprocher du notaire car l'engagement de constitution de servitude existe sans qu'il y ait mis une limite pour l'exercer. » ; que donc en 2009, pour les services de la SA G... Immobilier, ladite constitution de servitude s'applique toujours, et ni M. Q..., ni M. E... n'ont renoncé à cette servitude ; que ni les indivisaires successifs, Monsieur H... S... , Monsieur F... S... , Madame C... K..., Madame I... X... , ni ensuite le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] n'ont renoncé non plus à la mise en oeuvre de cette servitude ; que dès lors, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [...] , actuel propriétaire du fonds dominant, est en droit d'exiger du propriétaire du fonds servant le respect de son droit réel ; que la SA G... Immobilier invoque qu'en tout état de cause, ladite servitude n'aurait pas pu être mise en oeuvre du fait de la différence d'altimétrie entre les fonds dominants et le fonds servant ; que cependant, au regard du plan produit par les appelants, qui est le plan qui était joint au permis de construire de l'immeuble [...], il n'apparaît pas que la différence de niveau qui serait au plus de 1 m, ait été un obstacle à la mise en oeuvre de cette servitude ; qu'il existe donc un doute sur ce point, comme il existe un doute sur la nature des travaux à effectuer pour mettre en oeuvre cette servitude, tout comme sa faisabilité ; que certes en l'absence de précisions dans l'acte constitutif de la servitude, les travaux de mise en oeuvre sont à la charge du fonds dominant ; que cependant, lorsque les travaux nécessaires à la mise en oeuvre d'une servitude par suite d'une faute du propriétaire du fonds servant ont été aggravés, les travaux supplémentaires doivent être mis à la charge du propriétaire du fonds servant ; qu'outre l'incertitude existant sur le coût des travaux, il existe donc une inconnue sur l'éventuelle répartition qu'il y aurait peut-être lieu de faire entre le propriétaire du fonds dominant et celui du fonds servant ; que c'est pourquoi avant dire droit, il sera ordonné une expertise confiée à M. F... U..., expert, afin de connaître la faisabilité de la mise en oeuvre de la servitude et le coût des travaux qu'aurait dû supporter M. M... avant les modifications apportées au terrain lors de la construction de l'immeuble [...], la faisabilité de la mise en oeuvre de cette servitude et son coût à l'heure actuelle ; qu'afin de prévenir une solution du litige par indemnisation, l'expert aura aussi pour mission d'évaluer la valeur donnée à cette servitude par M. M... et la SARL Sopraf puisqu'elle n'est pas précisé dans l'acte du 20 juillet 2000, en fonction du prix des terrains à [...] en 2000, ainsi que sa valeur à l'heure actuelle » ;

ALORS QUE la renonciation à une servitude discontinue, comme une servitude de passage, peut être déduite des circonstances et ne doit pas nécessairement être établie par un titre ; qu'en l'espèce, pour dire que l'on ne pouvait déduire du comportement des propriétaires des fonds dominants, qu'elle s'est abstenue d'examiner, une renonciation à la servitude de passage, la cour d'appel a considéré qu' « une servitude de passage étant une servitude discontinue, elle ne peut être établie que par un titre. Dès lors, le renoncement à mettre en oeuvre cette servitude ne peut résulter que d'un acte, ou de la prescription » (arrêt, p. 10, alinéas 10 et 11) ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable en la cause.

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