16 juillet 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-16.042

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:C200674

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 juillet 2020




Cassation partielle


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 674 F-D

Pourvoi n° E 19-16.042








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUILLET 2020

Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° E 19-16.042 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-6), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. K... Y..., domicilié [...] ,

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Touati, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, de Me Bertrand, avocat de M. Y..., et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 juin 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Touati, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Cos, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 avril 2019), M. Y..., salarié de la société Réalisation industrielle de Provence, a été victime le 24 août 2001 d'un accident du travail, une explosion s'étant produite alors qu'il effectuait des travaux de soudure sur un site de l'établissement public industriel et commercial Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (le CEA).

2. Il a assigné le CEA en indemnisation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute-Provence (la caisse).

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Le CEA fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. Y... la somme de 124 160,14 euros, en réparation de son préjudice corporel, alors « que si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par le livre IV du code de la sécurité sociale ; que les indemnités journalières de maladie et les prestations d'invalidité versées à la victime d'un dommage résultant des atteintes à sa personne par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et par les sociétés d'assurances régies par le code des assurances doivent être imputés sur l'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime et notamment sur le préjudice de perte de gains professionnels ; que doivent également être imputées les salaires et les accessoires du salaire maintenus par l'employeur pendant la période d'inactivité consécutive à l'événement qui a occasionné le dommage ; qu'en l'espèce, le CEA faisait notamment valoir, avec offre de preuve, que sur le préjudice afférent à la perte de salaire consécutive à cet accident, M. Y... ne déduisait pas des sommes qu'il avait perçues celles au titre de la rente invalidité, du maintien du salaire employeur et du régime de prévoyance ; que pour le démontrer, le CEA versait aux débats une étude actuarielle qui indiquait que « M. Y... prend en compte uniquement les indemnités journalières versées par la sécurité sociale au titre de l'accident de travail d'août 2001 à août 2002, les indemnités journalières versées par la sécurité sociale au titre de la maladie d'août 2002 à février 2004, la pension d'invalidité 2e catégorie, versée par la sécurité sociale de mars 2004 à avril 2008, la pension de retraite qu'il perçoit depuis mai 2008. M. Y... ne mentionne aucune somme perçue : au titre de la rente d'invalidité permanente dont il bénéficie depuis le 12 août 2002 (rente de 2 563,58 euros par an) selon la notification de sécurité sociale présente dans le dossier, au titre du maintien de salaire employeur, au titre du régime de prévoyance dont il bénéficie. Or, en application des dispositions légales et conventionnelles, M. Y... a nécessairement dû percevoir un complément de salaire versées par son employeur au titre du maintien de salaire d'une part, ainsi que des indemnités complémentaires de prévoyance (IJ et rente d'invalidité) versées par le régime de prévoyance dont il bénéficiait en complément des prestations du régime obligatoire » ; que l'étude actuarielle indiquait encore que les bulletins de paie du salarié de juillet 2001 et août 2001 mentionnaient un salaire identique, ce qui confirmait que M. Y... bénéficiait bien d'un maintien de son salaire suite à son accident du travail et que les bulletins de paie montraient également qu'il bénéficiait d'un régime de prévoyance permettant une couverture décès et arrêts de travail de très bon niveau ; que la cour d'appel, pour calculer le préjudice de la perte de gains professionnels actuels, n'a tenu compte que des indemnités journalières versées par la caisse ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si le salarié avait bénéficié d'un maintien de sa rémunération employeur, ce qui était démontré par les bulletins de paie, et d'un régime de prévoyance compensant sa perte effective de revenu durant son arrêt de travail grâce à la prévoyance apparaissant sur son bulletin de salaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 29 et 30 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, L. 454-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, 1382 du code civil, devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

5. Pour condamner le CEA à payer à M. Y... la somme de 124 160,14 euros, en réparation de son préjudice corporel, l'arrêt, après avoir évalué sur la base du salaire de juillet 2001 la perte de gains professionnels actuels de l'intéressé jusqu'à la date de consolidation à la somme de 55 936 euros, retient que des indemnités journalières ont été versées sur cette même période par la caisse, qui s'imputent sur ce poste de dommage qu'elles ont vocation à réparer.

6. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du CEA qui soutenait, en se fondant sur une étude actuarielle et sur les bulletins de salaire produits par M. Y..., que ce dernier avait bénéficié d'un maintien de sa rémunération par l'employeur et d'un régime de prévoyance compensant sa perte effective de revenus durant son arrêt de travail, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

7. Le CEA fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par le livre IV du code de la sécurité sociale ; qu'en application du principe de réparation intégrale du préjudice, ce dernier doit être réparé sans perte ni profit pour la victime ; que le capital ou la rente au titre de l'incapacité permanente partielle versé à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité ; qu'en l'espèce, ainsi que le faisait valoir l'employeur, il est constant que M. Y... percevait, depuis le 12 août 2002, une rente d'incapacité permanente accident du travail d'un montant annuel de 2 563,58 euros, en complément de sa pension d'invalidité 2e catégorie ; qu'en s'abstenant pourtant de déduire des pertes de gains professionnels la rente d'incapacité permanente accident du travail, la cour d'appel a violé les articles 29 et 30 de la loi du 5 juillet 1985, L. 434-1, L. 434-2 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, 1382 du code civil, devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale ;

2°/ que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; qu'en présence de pertes de gains professionnels ou d'incidence professionnelle de l'incapacité, le reliquat éventuel de la rente, laquelle indemnise prioritairement ces deux postes de préjudice patrimoniaux, ne peut s'imputer que sur le poste de préjudice personnel extra-patrimonial du déficit fonctionnel temporaire ou permanent, s'il existe ; qu'en l'espèce, le CEA faisait valoir que le déficit fonctionnel permanent était pris en compte tout à la fois par les indemnités journalières et par la rente versée par la sécurité sociale, de sorte que ce préjudice avait déjà été indemnisé par le versement de la rente accident du travail à M. Y... ; que sur le déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que « ce poste de dommage visa à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales). Il est caractérisé par un état de stress post-traumatique et des acouphènes, ce qui conduit à un taux de 6 % justifiant une indemnité de 9 000 euros pour un homme âgé de 55 ans à la consolidation » ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si le versement de la rente accident du travail par la caisse n'indemnisait pas déjà le préjudice du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 29 et 30 de la loi du 5 juillet 1985, L. 434-1, L. 434-2, L. 454-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, 1382 du code civil, devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, dans leur rédaction issue de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, L. 434-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

8. Il résulte du dernier de ces textes que la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent.

9. En l'absence de perte de gains professionnels ou d'incidence professionnelle ou si le montant de la rente versée excède celui accordé en réparation de ces postes de préjudice, cette rente indemnise nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent.

10. Pour condamner le CEA à payer à M. Y... la somme de 124 160,14 euros, en réparation de son préjudice corporel, l'arrêt impute sur la perte de gains professionnels actuels les indemnités journalières versées par la caisse avant la date de consolidation et sur la perte de gains professionnels futurs, les indemnités journalières versées après consolidation, la pension d'invalidité versée par la caisse à compter du 1er mars 2004 et les "retraites anticipées" perçues du 1er mai 2008 au 31 décembre 2009.

11. Après avoir relevé que M. Y... ne justifie pas d'un préjudice de retraite, l'arrêt retient que le déficit fonctionnel permanent est caractérisé par un état de stress post-traumatique et des acouphènes justifiant une indemnité de 9 000 euros pour un homme âgé de 55 ans à la consolidation.

12. En statuant ainsi, sans imputer sur les postes de préjudice, mentionnés au paragraphe 8, qu'elle indemnisait, la rente d'accident du travail dont M. Y... admettait le versement dans ses conclusions d'appel en produisant la notification de la décision d'attribution à compter du 12 août 2002, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné l'établissement public industriel et commercial Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives à payer à M. Y... la somme de 124 160,14 euros, provision de 2 500 euros déduite, en réparation de son préjudice corporel, l'arrêt rendu le 4 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du seize juillet deux mille vingt et signé par lui et Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour l'EPIC Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) à payer à M. K... Y... la somme de 124.160,14 €, en réparation de son préjudice corporel ;

AUX MOTIFS QUE sur le préjudice corporel, l'expert le docteur M... indique dans son rapport du 19 décembre 2019, après avis sapiteur du docteur S..., psychiatre, que M. Y... a présenté des brûlures du premier degré aux doigts de la main droite et à l'avant-bras gauche, du deuxième degré au cuir chevelu et au visage en limite du cuir chevelu, au pavillon des deux oreilles et à la base du cou et une plaie à la base pouce et index gauches et une plaie à la racine du nez et qu'il conserve comme séquelles des traces inesthétiques à la queue des sourcils et une plaie du nez et des acouphènes séquellaires de barotraumatisme avec sans doute une minime diminution de l'audition dans les aigus ; qu'il conclut à : - une perte de gains professionnels actuels : du 24 août 2001 au 24 février 2002, - un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 25 % du 24 août 2001 au 24 novembre 2001 puis de 10 % jusqu'à la consolidation, - une consolidation au 24 août 2003, - des souffrances endurées de 3/7, - un déficit fonctionnel permanent de 6 %, - un préjudice esthétique permanent de 1/7, un préjudice d'agrément : non allégué ; que son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [...] , de son activité de chaudronnier soudeur, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage, étant précisé que les règles concernant les modalités d'imputation du recours des tiers payeurs sont d'ordre public et doivent être appliquées même en l'absence de prétention de celui-ci relative à l'assiette du recours ; que par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue ; qu'il ressort du jugement et des écritures de M. Y... que sous le vocable de perte de gains professionnels actuels il sollicite en réalité tant une perte de gains professionnels actuels que futurs car il réclame l'indemnisation de sa perte de gains jusqu'à l'âge de 61 ans, atteint postérieurement à la consolidation ; que sur la perte de gains professionnels, sur la perte de gains professionnels actuels, ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus ; qu'au vu de son bulletin de salaire du mois de juillet 2001 versé aux débats M. Y... percevait lors de l'accident un salaire mensuel net de 14 913,46 francs ; que le CEA ne conteste pas que M. Y... n'a jamais repris son travail de sorte qu'il doit être indemnisé de sa perte de gains professionnels actuels jusqu'à la consolidation du 24 août 2003 ; que la perte doit être calculée sur la base du salaire actualisé en fonction de la dépréciation monétaire ce qui représente un salaire de : 2001 : 14 913,46 francs soit 2 277 € ; 2002 : 2 321 € ; 2003 : 2 372 € ; que sa perte de gains s'établit ainsi à la somme de : 2001 : 2 277 x 4 mois = 9 108 € ; 2002 : 2 321 x 12 mois = 27 852 € ; 2003 : 2 372 x 8 mois = 18 976 € ; que total 55 936 € ; que des indemnités journalières ont été versées sur cette même période du 25 août 2001 au 24 août 2003 par la CPAM pour un montant, après déduction des CGS et RDS, de 37 989,25 € [1.521,24 € + 7 140,70 + 5 032,48 € + 1 488,48 € + 4 926,15 € + 2 114 € (6 852,60 € x 58 jours /188 jours)] qui s'imputent sur ce poste de dommage qu'elles ont vocation de réparer de sorte que la somme revenant personnellement à la victime s'établit à 17 946,75 € (55 936 € - 37 989,25 €) ; que sur la perte de gains professionnels futurs, ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable ;que les parties s'accordent sur un départ à la retraite à 61 ans ; que le salaire actualisé en fonction de la dépréciation monétaire aurait été de : 2004 : 2 427 €, 2005 : 2 478 €, 2006 : 2 525 €, 2007 : 2 567 €, 2008 : 2 629 €, 2009 : 2 666 € ; que la perte théorique est ainsi de 192 992 € [(2 372 € x 4 mois) + (2 427 € x 12 mois) + (2 478 € x 12 mois) + (2 525 € x 12 mois) + (2 567 € x 12 mois) + (2 629 € x 12 mois) + (2 666 € x 12 mois)] ; que sur cette indemnité s'imputent les indemnités journalières versées postérieurement à la consolidation, du 25 août 2003 au 29 février 2004, soit, après déduction des CSG et RDS 6 925,50 € [4 738,50 (6 852,60 € - 2 114,10 €)], la pension d'invalidité réglée par la CPAM à compter du 1er mars 2004 soit 60 332,28 € (selon les avis de versement communiqués par M. Y... et le décompte contenu dans ses conclusions) qu'elles ont vocation à réparer et les retraites anticipées perçues du 1er mai 2008 au 31 décembre 2009, soit 38 977,33 € (18 973,33 € + 20 004 €) ; qu'une indemnité de 86 756,89 € [192 992 € - 106 235,11 € (6 925,50 € + 60 332,38 € + 38 977,33 €)] revient au titre de la perte de gains professionnels futurs à M. Y... ; total : qu'il revient au total à M. Y... la somme de 104 703,64 € (17 946,75 € + 86 756,89 €) ; (
) que sur le déficit fonctionnel permanent, ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales) ; qu'il est caractérisé par un état de stress post-traumatique et des acouphènes, ce qui conduit à un taux de 6 % justifiant une indemnité de 9 000 € pour un homme âgé de 55 ans à la consolidation ;

1°) ALORS QUE si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par le livre IV du code de la sécurité sociale ; que les indemnités journalières de maladie et les prestations d'invalidité versées à la victime d'un dommage résultant des atteintes à sa personne par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et par les sociétés d'assurances régies par le code des assurances doivent être imputés sur l'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime et notamment sur le préjudice de perte de gains professionnels ; que doivent également être imputées les salaires et les accessoires du salaire maintenus par l'employeur pendant la période d'inactivité consécutive à l'événement qui a occasionné le dommage ; qu'en l'espèce, le CEA faisait notamment valoir, avec offre de preuve, que sur le préjudice afférent à la perte de salaire consécutive à cet accident, M. Y... ne déduisait pas des sommes qu'il avait perçues celles au titre de la rente invalidité, du maintien du salaire employeur et du régime de prévoyance (concl., p. 12) ; que pour le démontrer le CEA versait aux débats une étude actuarielle qui indiquait que « M. Y... prend en compte uniquement les indemnités journalières versées par la sécurité sociale au titre de l'accident de travail d'août 2001 à août 2002, les indemnités journalières versées par la sécurité sociale au titre de la maladie d'août 2002 à février 2004, la pension d'invalidité 2ème catégorie versée par la sécurité sociale de mars 2004 à avril 2008, la pension de retraite qu'il perçoit depuis mai 2008. M. Y... ne mentionne aucune somme perçue : au titre de la rente d'invalidité permanente dont il bénéficie depuis le 12 août 2002 (rente de 2 563,58 € par an) selon la notification de sécurité sociale présente dans le dossier pièce 6), au titre du maintien de salaire employeur, au titre du régime de prévoyance dont il bénéficie. Or, en application des dispositions légales et conventionnelles, M. Y... a nécessairement dû percevoir un complément de salaire versées par son employeur au titre du maintien de salaire d'une part, ainsi que des indemnités complémentaires de prévoyance (IJ et rente d'invalidité) versées par le régime de prévoyance dont il bénéficiait en complément des prestations du régime obligatoire » (production, p. 9) ; que l'étude actuarielle indiquait encore que les bulletins de paie du salarié de juillet 2001 et août 2001 mentionnaient un salaire identique ce qui confirmait que M. Y... bénéficiait bien d'un maintien de son salaire suite à son accident du travail et que les bulletins de paie montraient également qu'il bénéficiait d'un régime de prévoyance permettant une couverture décès et arrêts de travail de très bon niveau (production, p. 9 et suivantes) ; que la cour d'appel, pour calculer le préjudice de la perte de gains professionnels actuels, n'a tenu compte que des indemnités journalières versées par la CPAM (arrêt, p. 6 § 6 à 11) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si le salarié avait bénéficié d'un maintien de sa rémunération employeur, ce qui était démontré par les bulletins de paie, et d'un régime de prévoyance compensant sa perte effective de revenu durant son arrêt de travail grâce à la prévoyance apparaissant sur son bulletin de salaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 29 et 30 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, L. 454-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, 1382 du code civil, devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale ;

2°) ALORS QUE si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par le livre IV du code de la sécurité sociale ; qu'en application du principe de réparation intégrale du préjudice, ce dernier doit être réparé sans perte ni profit pour la victime ; que le capital ou la rente au titre de l'incapacité permanente partielle versé à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité ; qu'en l'espèce, ainsi que le faisait valoir l'employeur, il est constant que M. Y... percevait, depuis le 12 août 2002, une rente d'incapacité permanente accident du travail d'un montant annuel de 2 563,58 €, en complément de sa pension d'invalidité 2ème catégorie (production) ; qu'en s'abstenant pourtant de déduire des pertes de gains professionnels la rente d'incapacité permanente accident du travail, la cour d'appel a violé les articles 29 et 30 de la loi du 5 juillet 1985, L. 434-1, L. 434-2, et L. 454-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, 1382 du code civil, devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale ;

3°) ALORS QUE la rente versée à la victime d'un accident du travail indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; qu'en présence de pertes de gains professionnels ou d'incidence professionnelle de l'incapacité, le reliquat éventuel de la rente, laquelle indemnise prioritairement ces deux postes de préjudice patrimoniaux, ne peut s'imputer que sur le poste de préjudice personnel extra-patrimonial du déficit fonctionnel temporaire ou permanent, s'il existe ; qu'en l'espèce, le CEA faisait valoir que le déficit fonctionnel permanent était pris en compte tout à la fois par les indemnités journalières et par la rente versée par la sécurité sociale, de sorte que ce préjudice avait déjà été indemnisé par le versement de la rente accident du travail à M. Y... (concl, p. 9 et 10) ; que sur le déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que « ce poste de dommage visa à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales). Il est caractérisé par un état de stress posttraumatique et des acouphènes, ce qui conduit à un taux de 6 % justifiant une indemnité de 9.000 € pour un homme âgé de 55 ans à la consolidation » (arrêt, p. 8 § 1 et 2) ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si le versement de la rente accident du travail par la CPAM n'indemnisait pas déjà le préjudice du déficit fonctionnel permanent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 29 et 30 de la loi du 5 juillet 1985, L. 434-1, L. 434-2, L. 454-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, 1382 du code civil, devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale sociale, ensemble le principe de la réparation intégrale.

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