23 novembre 2020
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/18601

Pôle 2 - Chambre 3

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3



ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2020



(n° 2020/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/18601 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6EYX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juillet 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/13915





APPELANTES



Madame [U] [P]

[Adresse 4]

[Adresse 4]



SA PACIFICA

[Adresse 6]

[Adresse 6]

N° SIRET : 352 35 8 8 65



Toutes deux représentées par Me Bérangère MONTAGNE de la SELARL GAUD MONTAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0430

et assistées de Me Alice GRANGER, AGMC, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS, toque P 430





INTIMÉES



Madame [I] [L]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

née le [Date naissance 3] 1993 à [Localité 9]



représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assistée de Me Marie-Claire GRAS, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS, toque P220



LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 8] [Localité 7]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Rachel LEFEBVRE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901











COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, Présidente de chambre, et de Mme Nina TOUATI, Présidente assesseur chargée du rapport.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, Présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, Présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, Conseillère





Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET





ARRÊT : Contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, Présidente de chambre et par Joëlle COULMANCE, greffière présente lors du prononcé.






******



FAITS ET PROCÉDURE



Suivant contrat du 5 juillet 2014, Mme [I] [L], a pris à bail un appartement appartenant à Mme [U] [P], situé [Adresse 1] au 2ème étage d'un immeuble en copropriété.



Le 3 octobre 2014, Mme [I] [L] qui avait organisé une soirée entre amis à son domicile, est tombée, après leur départ, par l'une des fenêtres de la chambre de l'appartement, démunie de garde corps et a fait une chute de plusieurs mètres.



Elle a été transportée vers le centre hospitalier universitaire de [Localité 8] où elle a été hospitalisée en service de réanimation pour un traumatisme crânien grave et un polytraumatisme.



L'enquête pénale réalisée à la suite de ces faits a révélé que Mme [L] présentait un taux d'alcoolémie de 1,81 g/l et s'est conclue par un classement sans suite.



Estimant que la responsabilité de sa bailleresse était engagée, Mme [L] l'a assignée en responsabilité et indemnisation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine.



La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] [Localité 7] auprès de laquelle Mme [L] était en réalité affiliée est intervenue volontairement à l'instance.



Par jugement du 12 juillet 2018, rectifié le 4 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :



- déclaré Mme [P] responsable de l'accident survenu le3 octobre 2014,

- condamné in solidum Mme [P] et la société Pacifica à indemniser Mme [L] des préjudices corporels résultant de cet accident,

- ordonné une mesure d'expertise médicale avec mission d'usage,

- condamné in solidum Mme [P] et la société Pacifica à payer à Mme [L] la somme provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son entier préjudice,

- condamné in solidum Mme [P] et la société Pacifica à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] [Localité 7] les sommes provisionnelles de :

*106 748,31 euros à valoir sur sa créance définitive au titre des dépenses de santé actuelles, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2017 sur la somme de 106 213,95 euros et à compter du 31 juillet 2017 sur la somme de 534,36 euros,

*1 055 euros à valoir sur sa créance d'indemnité forfaitaire de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,

- condamné in solidum Mme [P] et la société Pacifica à payer à Mme [L] et à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] [Localité 7] la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé les dépens,

- renvoyé les parties à la mise en état.



Par une première déclaration d'appel du 23 juillet 2018, enrôlée sous le n° RG 18/18601, Mme [P] et la société Pacifica ont relevé appel de ce jugement en désignant seulement comme intimés Mme [L] et la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine.



Après rectification du jugement qui avait omis de mentionner dans sa deuxième page la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] [Localité 7] comme partie intervenante, Mme [P] et la société Pacifica ont régularisé une seconde déclaration d'appel, le 23 octobre 2018, enrôlée sous le n° RG 18/22801, dirigée à l'encontre de toutes les parties au jugement de première instance.



Ces déclarations d'appel critiquent expressément tous les chefs de disposition du jugement du 12 juillet 2018.



La caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, destinataire de la déclaration d'appel qui lui a été signifiée le 20 décembre 2018 à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.



Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du 6 janvier 2020 sous le n° 18/18601 et la clôture prononcée le 14 septembre 2020.



PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES



Vu les dernières conclusions après jonction de Mme [P] et de la société Pacifica, notifiées le 16 avril 2020, aux termes desquelles, elles demandent à la cour d'appel de :

Vu l'ancien article 1315 su code civil, devenu l'article 1353 du code civil,

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu l'article R. 111-1-1 du code de la construction et de l'habitation,

Vu les articles 1719 et suivants du code civil,



- réformer le jugement de première instance en l'ensemble de ses dispositions, après avoir constaté qu'aucune faute ne peut être reprochée à Mme [P] au regard de la réglementation qui lui est applicable, que les circonstances de la chute sont indéterminées, qu'il n'est rapporté la preuve d'aucun lien de causalité certain, direct et exclusif entre sa chute et l'absence de garde-corps et que sa faute est à l'origine exclusive de sa chute,

- débouter Mme [L] ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] [Localité 7] et des Hauts-de-Seine ou toute autre partie de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Pacifica et de Mme [P],

A titre infiniment subsidiaire,

- juger que les fautes de Mme [L] sont de nature à réduire son droit à indemnisation de 90%,

- en conséquence, juger que la réduction du droit à indemnisation de Mme [L] sera opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] [Localité 7] et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine ou toute autre partie,

- en tout état de cause, condamner Mme [L] à verser à Mme [P] et à la société Pacifica, la somme de 6 000 euros chacune sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance qui pourront être recouvrés par Me Bérangère Montagne conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Vu les dernières conclusions après jonction de Mme [L], notifiées le 22 avril 2020, aux termes desquelles elle demande à la cour d'appel de :



- confirmer purement et simplement le jugement entrepris,

- y ajoutant, condamner solidairement Mme [P] et la société Pacifica à verser à Mme [L] une somme complémentaire de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

- condamner les défendeurs aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Jeanne Baechlin, avocat aux offres de droit, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile,

- les débouter de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- dire l'arrêt à intervenir commun à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] [Localité 7] et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine .



Vu les dernières conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] [Localité 7] , notifiées le 23 novembre 2018, aux termes desquelles elle demande à la cour d'appel de :



Vu l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale,



- recevoir la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] [Localité 7] en ses demandes et l'y déclarer bien fondée,

en conséquence,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- condamner in solidum Mme [P] et son assureur, la société Pacifica, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] [Localité 7] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner in solidum Mme [P] et son assureur la société Pacifica en tous les dépens, dont distraction au profit de la SELARL Kato & Lefèbvre associés, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.






MOTIFS DE L'ARRÊT



Mme [L] soutient en substance qu'alors qu'elle fumait à la fenêtre de sa chambre, elle a été victime d'une chute dont la cause directe est l'absence de garde-corps équipant cette fenêtre dont le rebord est situé, selon les constatations de l'huissier de justice qu'elle a mandaté, à environ 70 cm du sol.



Elle fait valoir que si Mme [P] n'avait pas d'obligation, compte tenu de la date de la construction de l'immeuble, d'installer un garde-corps pour une utilisation à des fins strictement personnelles, elle se rendait débitrice d'une obligation de sécurité du bien loué, dès lors qu'elle avait fait le choix de rénover l'appartement pour le louer.



Elle précise qu'il résulte des photographies produites que la fenêtre litigieuse est aujourd'hui équipée d'un garde-corps et soutient que ces éléments de preuve n'ont pas été obtenus par un procédé déloyal, comme l'affirment Mme [P] et la société Pacifica, mais en pénétrant avec l'assentiment d'un copropriétaire dans la cour de l'immeuble qui est une partie commune et non une partie privative.



Mme [L] estime que Mme [P] n'a pas satisfait à son obligation de délivrance qui inclut une obligation de sécurité, ainsi qu'il résulte de l'article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, applicable en l'espèce, qui dispose que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement ne faisant pas apparaître de risque manifeste pouvant porter atteinte à sa sécurité physique.



Elle soutient que, peu importe que l'appartement ait été conforme au moment de sa construction aux normes en vigueur, l'obligation de sécurité du bailleur s'appréciant à la date de l'accident.



Elle soutient, enfin, d'une part que si elle présentait une indéniable alcoolémie au moment de l'accident, la présence d'un garde-corps aurait rendu impossible sa chute, d'autre part, qu'aucune faute ne peut lui être reprochée, l'usage d'alcool chez soi n'étant pas prohibé.



Mme [P] et la société Pacifica objectent d'abord que le constat d'huissier dont se prévaut Mme [L] manquerait de précision.



Elles font valoir ensuite qu'eu égard à la date de construction de l'immeuble, avant 1955, les dispositions de l'article 15 du décret n° 55-1394 du 22 octobre 1955 qui ont pour la première fois imposé l'installation de gardes-corps aux fenêtres se trouvant à moins de 0,90 mètre du plancher, et qui ont été reprises à droit constant par le décret n° 69-596 du 19 juin 1969 et par l'article R. 111-15 du code de la construction et de l'habitation, ne sont pas applicables.



Elles soutiennent que selon une jurisprudence établie, l'obligation de sécurité du bailleur n'est pas une obligation autonome et que sa condamnation à réparer le préjudice corporel subi par le locataire à la suite d'un accident domestique, implique que soit caractérisée l'existence d'un vice ou d'un défaut empêchant l'usage pour le preneur de la chose louée ou de nature à faire obstacle à sa jouissance paisible.



Elles font valoir, à ce titre, que la seule absence de garde-corps aux fenêtres d'un immeuble construit avant 1955 ne saurait constituer un vice au sens de l'article 1721 du code civil ou un risque manifeste au sens de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989.



Mme [P] et la société Pacifica font également valoir que le bailleur ne doit sa garantie que si les prétendus défauts ne sont pas apparents, ce qui n'était manifestement pas le cas en l'espèce.



Elles contestent également l'existence d'un lien de causalité entre l'absence de garde-corps et la chute de Mme [L] qui présentait un taux d'alcoolémie de 1,81 g/l et qui, selon le témoignage de ses amis, titubait et était déjà tombée sur le sol au cours de la soirée.



Elles estiment, s'agissant des circonstances de l'accident, que la thèse de Mme [L] selon laquelle elle fumait une cigarette à la fenêtre lorsqu'elle a perdu l'équilibre serait contredite par les déclarations d'une amie devant les services de police, permettant de suspecter qu'étant enfermée à l'intérieur de l'appartement dont elle ne retrouvait plus les clés, elle ait intentionnellement tenter de sortir par la fenêtre.



Elles considèrent, qu'il ne peut être exclu que la chute de Mme [L] soit la conséquence d'un malaise lié à l'alcool.

Elles en déduisent que Mme [L] , qu'aucun dispositif de protection n'aurait pu empêcher de tomber dans l'état d'alcoolisation dans lequel elle se trouvait ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un lien de causalité direct, certain et exclusif, entre sa chute et l'absence de garde-corps.



Elles font valoir, enfin, à titre subsidiaire, que Mme [L] a en tout état de cause commis une faute en lien de causalité avec son dommage justifiant une réduction de son droit à indemnisation, d'au moins 90%.



A l'audience des débats, les parties ont été invitées à conclure par note en délibéré sur l'application du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent qui prévoient seulement que les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que les garde-corps des fenêtres sont dans un état conforme à leur usage.



Mme [L], d'une part, et Mme [P] et la société Pacifica, d'autre part, ont présenté leurs observations par notes en délibéré des 19 et 22 octobre 2020;



*****



Il résulte de l'enquête pénale que l'accident s'est produit alors que Mme [L] était seule dans son appartement dans lequel elle avait organisé plus tôt dans la soirée une fête avec des amis étudiants qu'elle s'apprêtait à rejoindre dans une discothèque voisine.



En l'absence de témoins de l'accident, les circonstances dans lesquelles Mme [L] a chuté de la fenêtre de son appartement ne peuvent être établies de manière certaine, hormis le fait qu'elle présentait un état d'imprégnation alcoolique caractérisé par la présence de 1,81 grammes d'alcool par litre de sang et que selon les déclarations d'un ami ayant participé à la soirée elle était ivre, titubait et était déjà tombée sur le sol (PV n° 2014/066059 audition de [Y] [Z]).



Il est constant que la fenêtre par laquelle Mme [L] est tombée était démunie de garde-corps.





Selon le constat d'huissier réalisé à sa demande le 27 octobre 2014, la distance entre le sol et le rebord de cette fenêtre est d'environ 70 cm.



L'obligation d'équiper dans certaines circonstances les fenêtres de garde-corps a été pour la première fois posée par l'article 15 du décret n° 55-1394 du 22 octobre 1955 qui dispose que 'les fenêtres autres que celles ouvrant sur les balcons, terrasses ou galeries et dont les parties basses se trouvent à moins de 0,90 mètre du plancher doivent, si elles sont au-dessus du rez-de-chaussée, être pourvues d'une barre d'appui et d'un élément de protection s'élevant au moins jusqu'à un mètre du plancher.'



Ces dispositions ont été reprises à l'identique par l'article 14 du décret n° 69-596 du 14 juin 1969 puis codifiées à l'article R. 111-15 du code de la construction et de l'habitation .



Le décret précité du 22 octobre 1955, précise dans son article 1er qu'il est applicable à la construction de nouveaux bâtiments d'habitation et à la transformation de bâtiments d'habitation existants lorsque cette transformation affecte le gros oeuvre ou l'économie générale des bâtiments et intéresse des parties susceptibles d'être aménagées conformément à ces dispositions.



Dans le même sens, le décret n° 69-596 du 14 juin 1969 mentionne dans son article 1er qu'il est applicable à la construction des bâtiments d'habitation nouveaux ainsi qu'aux surélévations de bâtiments d'habitation anciens et aux additions à de tels bâtiments.



L'article R. 111-1-1 du code de la construction et de l'habitation comporte des dispositions similaires.



Il en résulte que les propriétaires d'appartements dépendant d'immeubles construits avant le 22 octobre 1955 n'ont pas l'obligation d'équiper leurs fenêtres de garde-corps, sauf en cas de transformation affectant le gros oeuvre, de surélévations ou d'extensions, étant observé que la circulaire du 13 décembre 1982 dont Mme [L] se prévaut incidemment dans ses conclusions d'appel est dépourvue de tout effet normatif.



Mme [P] et la société Pacifica produisent un extrait du règlement de copropriété de l'immeuble litigieux dont il résulte qu'ayant fait l'objet d'un acte d'acquisition le 10 juillet 1942, il a nécessairement été édifié avant cette date.



Eu égard à la date de construction de l'immeuble, antérieure à 1955, et en l'absence de justification de travaux de transformation affectant le gros oeuvre, de surélévation ou d'extensions auxquels ne peuvent être assimilés de simples travaux de rénovation intérieure, Mme [P] n'était pas tenue d'installer des garde-corps aux fenêtres.



Pour conclure que Mme [P] a manqué à son obligation de délivrance, incluant une obligation de sécurité, Mme [L] invoque les dispositions de l'article 6, alinéa 1, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.



Aux termes de ce texte, dans sa rédaction application au litige, 'le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation'.





Il est précisé que les caractéristiques correspondantes sont définies par décret en conseil d'Etat.



Le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent dispose dans son article 2 que :



'Le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :



(...)

2. Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur

usage ;(...)'.



Si ce décret impose aux bailleurs d'entretenir les garde-corps existants dans un état conforme à leur usage, il n'oblige pas en revanche ces derniers à créer des dispositifs de retenue des personnes dans les immeubles anciens, construits avant 1955, qui en sont dépourvus, en l'absence de dispositions légales ou réglementaires imposant leur installation.



On relèvera, à cet effet, que le constat d'huissier établi à la demande de Mme [L] relève que 'ni la menuiserie, ni l'encadrement des fenêtres tant en intérieur qu'à l'extérieur ne présente la trace de la présence d'un garde-corps ( aucun ancrage, aucun point de fixation', ce qui confirme que cet immeuble ancien n'a jamais été pourvu de garde-corps.



Le fait de ne pas avoir équipé de garde-corps les fenêtres de l'appartement qu'elle louait à Mme [L] ne caractérise pas ainsi un manquement à son obligation de mettre à disposition du preneur un logent décent satisfaisant aux conditions prévues par le décret du 30 janvier 2002 en matière de sécurité et de santé.



Par ailleurs, comme le relèvent justement Mme [P] et la société Pacifica, la condamnation à réparer le préjudice corporel subi par le locataire à la suite d'un accident domestique, implique que soit caractérisée l'existence d'un vice ou d'un défaut empêchant l'usage pour le preneur de la chose louée ou de nature à faire obstacle à sa jouissance paisible.



Or l'absence de garde-corps dans un immeuble construit avant 1955 ne constitue ni un vice de construction ni une défectuosité dont le bailleur devrait répondre, mais une caractéristique apparente inhérente à sa date de construction dont le locataire peut se convaincre lors de la visite des lieux.



Au vu de ces éléments, il n'est justifié ni d'un manquement de Mme [P] à ses obligations contractuelles, ni d'un vice ou d'un défaut de la chose louée ouvrant droit à garantie, la chute de Mme [L] étant due à l'imprudence dont elle a fait preuve en se penchant à une fenêtre qu'elle savait dépourvue de garde-corps, alors qu'elle présentait un taux d'alcoolémie de 1,81 g/l, affectant son équilibre.



Le jugement déféré sera, en conséquence, infirmé en toutes ses dispositions et Mme [L], ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8]-[Localité 7], subrogée dans les droits de son assurée à hauteur des prestations servies, seront déboutées de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre de Mme [U] [P] et de son assureur de responsabilité, la société Pacifica.



Mme [L] qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



L' équité commande en revanche de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et par mise à disposition au greffe,



Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,



Statuant à nouveau, et y ajoutant,



Déboute Mme [I] [L], ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8]-[Localité 7] de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre de Mme [U] [P] et de la société Pacifica,



Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne Mme [I] [L] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.







LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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