2 septembre 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-13.295

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:CO00565

Texte de la décision

COMM.

COUR DE CASSATION



LG


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 2 septembre 2020




NON-LIEU A RENVOI


M.GUERIN, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 565 F-D

Pourvoi n° Q 20-13.295







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 SEPTEMBRE 2020

Par mémoire spécial présenté le 15 juin 2020, la société Temperalternativo Trabalho Temporario LDA, dont le siège est [...], a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° Q 20-13.295 formé contre l'ordonnance rendue le 28 janvier 2020 par le premier président de la cour d'appel de Bordeaux, dans une instance l'opposant au directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, domicilié [...] .

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Temperalternativo Trabalho Temporario LDA, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, représenté par l'administrateur des finances publiques chargé de la direction nationale d'enquêtes fiscales, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er septembre 2020 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

1. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 28 janvier 2020 par la cour d'appel de Bordeaux, la société Temperalternativo Trabalho Temporario LDA a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :
« L'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, tel qu'interprété par une jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle les motifs et le dispositif de l'ordonnance autorisant une visite domiciliaire sont réputés avoir été établis par le juge des libertés et de la détention qui l'a rendue, même lorsqu'il est avéré que l'ordonnance a été entièrement pré-rédigée par l'administration, porte-t-elle atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au droit à un recours juridictionnel effectif, au principe d'indépendance et d'impartialité du juge et au principe d'égalité entre les parties reconnus par l'article 16 de la Déclaration de 1789 ainsi que par les articles 64 et 66 de la Constitution de 1958 ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

2. Le II de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales énonce : « Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. Lorsque ces lieux sont situés dans le ressort de plusieurs juridictions et qu'une visite simultanée doit être menée dans chacun d'eux, une ordonnance unique peut être délivrée par l'un des juges des libertés et de la détention territorialement compétents.
Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite.
L'ordonnance comporte :
a) L'adresse des lieux à visiter ;
b) Le nom et la qualité du fonctionnaire habilité qui a sollicité et obtenu l'autorisation de procéder aux opérations de visite ;
c) L'autorisation donnée au fonctionnaire qui procède aux opérations de visite de recueillir sur place, dans les conditions prévues au III bis, des renseignements et justifications auprès de l'occupant des lieux ou de son représentant et, s'il est présent, du contribuable mentionné au I, ainsi que l'autorisation de demander à ceux-ci de justifier pendant la visite de leur identité et de leur adresse, dans les mêmes conditions.
d) La mention de la faculté pour le contribuable de faire appel à un conseil de son choix.
L'exercice de cette faculté n'entraîne pas la suspension des opérations de visite et de saisie.
Le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée... ».

3. Le Conseil constitutionnel a, par trois décisions, déclaré l'article L. 16 B conforme à la Constitution.

4. Par sa décision 84-184 DC du 29 décembre 1984, il a jugé que l'article 94 de la loi de finances pour 1984 créant ces dispositions ne méconnaissait aucune des exigences constitutionnelles assurant la conciliation du principe de la liberté individuelle et des nécessités de lutte contre la fraude fiscale, qu'il assurait « le contrôle effectif par le juge de la nécessité de procéder à chaque visite » et qu'ainsi, il ne méconnaissait pas l'article 66 de la Constitution.

5. Le 29 décembre 1989, saisi de modifications apportées par le législateur à l'article L. 16 B, le Conseil constitutionnel a relevé que les aménagements apportés aux articles L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales et à l'article 64 du code des douanes avaient « essentiellement pour objet de préciser la motivation de l'ordonnance par laquelle le président du tribunal ou son délégué autorisent une perquisition ».
Il a considéré que les nouvelles dispositions législatives, tout en maintenant en vigueur les dispositions qui font obligation au juge de vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée, énoncent que « le juge motive sa décision par l'indication de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée ».
Il en a déduit que ces précisions ne méconnaissaient aucune des exigences constitutionnelles assurant la conciliation du principe de la liberté individuelle et des nécessités de lutte contre la fraude fiscale (Décision 89-268 DC du 29 décembre 1989).

6. Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité fondée sur les dispositions de l'article L. 16 B applicables après les modifications apportées par la loi du 4 août 2008, le Conseil constitutionnel a jugé que les griefs tirés de l'atteinte à l'article 66 de la Constitution visaient des dispositions déjà déclarées conformes à la Constitution (2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010).

7. La jurisprudence critiquée par la présente question prioritaire de constitutionnalité, qui est pour partie antérieure à la dernière décision du Conseil constitutionnel, ne peut être retenue comme constituant un changement de circonstance au sens des articles 23-2 et 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée.

8. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux septembre deux mille vingt.

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